mardi 20 décembre 2016

Bilinguisme. Un mot à bannir?

image de TFO

Peut-on bannir le mot bilinguisme de notre vocabulaire pour quelques jours, ou quelques mois, le temps d'y réfléchir et de bien comprendre de quoi on parle quand on évoque ce terme, certainement l'un des plus galvaudés du pays?

En octobre 2016, le Commissariat fédéral aux langues officielles annonçait les résultats d'un sondage selon lequel 84% de la population canadienne était «en faveur» du bilinguisme…

Si c'était vrai, les politiciens et politiciennes - du moins ceux et celles qui savent flairer le vent dominant - régleraient sans trop de heurts nombre de dossiers à caractère linguistique qui stagnent.

Mais entre l'idée que se font du «bilinguisme» quelques milliers de répondants à un sondage et la vraie vraie vraie réalité linguistique dans laquelle ce concept s'insère, la distance se mesure en galaxies…

Philippe Couillard voudrait que tous les Québécois francophones soient bilingues… Mais ce dont il parle, essentiellement, c'est de l'apprentissage de l'anglais, principalement à l'école.

Quand les élus de municipalités québécoises à forte concentration anglophone veulent conserver le statut permis à la langue anglaise par la Loi 101, ils évoquent un bilinguisme à caractère institutionnel.

Quand des fonctionnaires fédéraux réclament leur droit de travailler en français, droit que leur confère la Loi sur les langues officielles, on soulève les problèmes du bilinguisme administratif.

Puis il y a le bilinguisme législatif (constitutionnel ou pas), un combat de tous les instants depuis 1867, visant essentiellement à renforcer les droits juridiques absents ou déficients de la langue française.

Plus communément, pour le grand public, il y a tout ce pan du bilinguisme qui entoure le droit (ou pas) de se faire servir dans la langue officielle de son choix…

Pour d'autres comme moi, qui étudient le bilinguisme «sociologique», surtout en milieu québécois ou canadien où le français est le plus soumis aux pressions de l'anglais, l'augmentation dramatique du nombre de bilingues chez les francophones est un indice sûr d'assimilation…

Récemment, le Commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, affirmait que le bilinguisme canadien reposait sur la coexistence de deux collectivités largement unilingues au pays, l'une de langue anglaise, l'autre (au Québec) de langue française...

Enfin… Tout ça pour dire que cette fameuse proportion de 84% favorables au «bilinguisme» fond presque toujours comme neige au soleil quand des types comme le Franco-Ontarien Michel Thibodeau osent demander un 7up en français à bord d'un avion d'Air Canada…

Chez nombre d'anglophones, cette bienveillante attitude se transforme alors en colère haineuse…

Pourquoi? Parce qu'à l'extérieur du Québec, tant les anglophones que les francophones comprennent que le bilinguisme, c'est presque invariablement une revendication de francophones qui luttent pour obtenir soit un statut renforcé pour leur langue, soit des services en français.

On emploie le mot «bilinguisme» parce que proposer de «lutter pour les droits du français» ferait perdre trop d'appuis, tant chez la majorité anglophone qu'au sein des minorités de langue française. Remplacez le mouvement «Ottawa ville bilingue» par «Égalité pour le français à Ottawa» et vous verrez quelle réaction cela suscitera…

Pendant que le maire d'Ottawa, Jim Watson, défend son «bilinguisme fonctionnel» contre les revendications de «bilinguisme officiel», et que le premier ministre Trudeau, dans ses vapeurs multiculturelles, étale son ignorance de la région et de la dynamique linguistique en invitant Gatineau (ou presque) à devenir bilingue, tous savent mais ne disent pas ouvertement que ce débat ne concerne que le statut de la langue française…

Qui dit bilinguisme dit «deux» langues, mais hors Québec ce n'est jamais le cas… Seul le français est en cause… On l'habille en «bilingue» pour augmenter les appuis mais on dilue le message au point d'en perdre le coeur… Défendre le bilinguisme c'est défendre l'anglais et le français, alors que la seule langue menacée, malmenée, c'est le français (même au Québec).

Si on rangeait le mot bilinguisme sur une tablette pour quelque temps et qu'on se décidait à appeler les choses par leur vrai nom, le brouillard linguistique se dissiperait. On verrait plus facilement la différence entre les cumulus de beau temps et les cumulonimbus d'orage…










2 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. Mario Beaulieu :
    L’attitude du maire de Windsor rappelle que le multiculturalisme canadien a souvent été utilisé pour marginalisée la langue française, pour ne pas la reconnaître comme constituante d’un peuple fondateur. Lors du dévoilement de l'exposition « Racines françaises de Windsor » le maire affirmé « qu'il était difficile d'offrir des services en français dans une communauté aussi multiculturelle sans faire de favoritisme. Il a poursuivi en disant que d'autres communautés culturelles à Windsor ont aussi des besoins.» Comme le dit Gilles Levasseur, professeur de droit à l'Université d'Ottawa, «Traiter les francophones de cette façon-là, c'est de leur manquer de respect. D'arriver et de balkaniser cette notion de langue française comme étant n'importe quelle autre langue, c'est porter atteinte à toute l'histoire et au combat des Franco-Ontariens. »

    Des propos du maire de Windsor sur les francophones dérangent
    3 décembre 2015

    Le maire a affirmé qu'il était difficile d'offrir des services en français dans une communauté aussi multiculturelle sans faire de favoritisme. Il a poursuivi en disant que d'autres communautés culturelles à Windsor ont aussi des besoins.

    http://ici.radio-canada.ca/regions/ontario/2015/12/03/005-francophones-declaration-drew-dilkens-maire-windsor.shtml


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