jeudi 15 décembre 2016

CROP-La Presse. Parlons de journalisme.


Je m'en fiche que la maison de sondages CROP ait ou non raison dans ses prévisions. Ce qui m'intéresse, comme journaliste, comme ancien chef des nouvelles d'un quotidien, c'est la qualité et la crédibilité des textes des reporters, chroniqueurs et éditorialistes. Cela suppose que ces scribes fassent toujours leur possible pour cueillir toute l'information pertinente et la présenter de façon à permettre au lecteur de bien la comprendre.

Mettons-nous en situation. Les 23 et 24 novembre dernier, La Presse propose à ses lecteurs un texte d'un de ses courriéristes parlementaires sur le plus récent sondage de la maison CROP (bit.ly/2gGznfI). C'est un texte percutant. Majeur. On y annonce entre autres que les souverainistes quittent le PQ en nombres appréciables. Que le PQ recule dans les intentions de vote et est désormais devancé par la CAQ. Que les libéraux dominent sur l'île de Montréal et jouissent d'une «avance confortable» dans la couronne…


Or, une semaine et demie plus tard, le 5 décembre, lors des quatre élections partielles, dans quatre régions différentes, Arthabaska, St-Jérôme, Marie-Victorin (Longueuil) et Verdun, le Parti québécois fait le plus de gains en vote populaire, pendant que les appuis libéraux s'effondrent. C'est tellement le contraire des prédictions de CROP que Jean-Marc Léger ne manque pas sa chance de lancer une taloche sur Twitter, vantant ses propres sondages…

Et nous voilà le 14 décembre. Le même journaliste de La Presse, ayant en main un nouveau sondage de CROP qui semble confirmer des tendances apparemment erronées du précédent, propose un texte où l'on titre: «La baisse du PQ se confirme» (bit.ly/2hzycRA)… Le fait que des partielles aient eu lieu un peu plus d'une semaine avant et que les résultats aient contredit les indications du 23 novembre de CROP n'est même pas mentionné dans le texte…

Il y a là une grave faute journalistique, attribuable soit au reporter, soit au membre de la direction qui a passé la commande ou donné son aval au texte. Un courriériste parlementaire d'expérience aurait dû spontanément dire à M. ou Mme CROP: hé, nous avons publié tes données, et on a eu l'air fous le jour des partielles. CROP a eu l'air fou aussi. Et on se l'est fait dire sur tous les réseaux. Et là tu nous dit qu'un deuxième sondage confirme le premier, quand les quatre partielles entre les deux ont donné un verdict contraire?

Alors, aurait dû poursuivre le journaliste, M. ou Mme CROP, vous allez expliquer pourquoi les partielles, s'il y a lieu, auraient pu offrir les résultats que l'on a connus sans contredire vos sondages. Nous devons cette explication au public lecteur. Dites-nous si les électeurs et électrices de ces quatre circonscriptions sont tellement uniques qu'ils sont immunisés contre les grands courants que vous avez constatés et que nous avons publiés en gros titres… On veut pas avoir l'air «ta-ta» une autre fois…

Comme journaliste (et comme journal), cette question sur les partielles et l'écart majeur qu'ils révèlent par rapport aux sondages CROP aurait dû être la première posée. Et la réponse, quelle qu'elle fut, aurait dû être présentée dès le début, dans les premiers paragraphes du texte. Ne pas le faire, ne pas soulever cet enjeu, c'est manquer à son devoir journalistique. Et de toute évidence, si le reporter a fait ce qu'il devait et que cela a été retiré du texte publié, alors il y a matière à plainte contre la direction de La Presse. Si le journaliste et la direction ont convenu d'éviter le sujet, il me semble qu'il y a là un sujet d'intérêt pour la FPJQ…

Ne pas exercer notre sens critique en interrogeant nos sources d'information, c'est limiter notre rôle à celui de porte-parole… et c'est miner notre crédibilité…







1 commentaire:

  1. La mauvaise information prend beaucoup de place sur les médias sociaux. Mais lorsque nous la retrouvons dans les médias traditionnels et même dans les maisons de sondage, on se dit que nos institutions se dégradent au lieu de s'améliorer.
    Encore une fois, le courant qui consiste à tout voir au même rang (tous les journalistes sont pareils, tous les sondeurs sont pareils), prend de l'ampleur.
    Triste constat.

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