mardi 28 mars 2017

Reconnaître «les signes des temps»...


En réfléchissant au pauvre Andrew Potter et à son malheureux texte dans la revue Maclean's, j'ai repensé à un célèbre passage des évangiles. Un passage qui m'a toujours fasciné, d'ailleurs. On le retrouve dans les évangiles de Matthieu et Luc. Voici la version Matthieu (16,2):

Jésus s'adressait aux pharisiens: «Le soir venu, vous dites: il va faire beau temps, car le ciel est rouge feu. Et le matin: Aujourd'hui, mauvais temps, car le ciel est rouge sombre... Ainsi vous savez interpréter l'aspect du ciel... Pourquoi donc ne savez-vous pas reconnaître les signes des temps?»

Le professeur de l'Université McGill aurait été un excellent pharisien. Il a vu la tempête, les autos embourbées, l'incompétence des autorités. Ça, il a bien compris. Mais quand il a voulu établir un lien avec les signes des temps, à savoir que 60 cm de neige avaient suffi pour «révéler le malaise essentiel qui gruge les fondements de la société québécoise»... société «presque pathologiquement aliénée», il a plongé sans parachute dans un précipice sans fond...

Interpréter «les signes des temps» n'est jamais facile, ni pour les universitaires, ni pour les journalistes, ni pour le citoyen dans son patelin... Certains observateurs ont le don de lever le voile sur quelques pièces du casse-tête... d'autres de les obscurcir. Chacun, chacune enregistre - chez soi, au travail, dans son milieu, dans le pays tout entier et autour du monde - des impressions à partir du vécu quotidien. On en tire des conclusions. On formule des jugements.

Permettez-moi un exemple en apparence banal... Tous les jours, je peste contre des automobilistes qui grillent des feux rouges, qui se conduisent au volant comme des malotrus, qui persistent à utiliser leur cellulaire en voiture, qui lancent les mégots de cigarettes ou des déchets par la vitre, qui répondent de façon fort impolie quand on leur en fait la remarque... Et je me demande si c'est «un signe des temps», le symptôme d'une société où certaines valeurs de civisme s'érodent... Peut-être, peut-être pas...

Revenons à M. Potter. De toute évidence, sa conviction d'un «malaise qui gruge les fondements de la société québécoise» ne date pas de l'embouteillage sur l'autoroute 13. Il a mijoté ses opinions depuis des décennies, comme étudiant, prof, journaliste et rédacteur en chef de l'Ottawa Citizen (journal parfois francophobe). Ses expériences, ses lectures, tout s'y mêle. Il ressent un «malaise» profond au Québec - un malaise que nous ressentons tous, toutes - mais ses antécédents ont également forgé des parti pris. À cet égard, d'ailleurs, nous sommes tous dans le même bateau.

Tout à coup, la tempête frappe et 300 automobilistes restent coincés toute une nuit sur l'autoroute 13, pas dans le bois, en plein Montréal... Et voilà, dans un moment d'illumination, tous les morceaux du casse-tête (réels, perçus tout croche ou inventés) tombent en place... policiers habillés en clowns... travail au noir (même les restos et médecins)... faible participation à des organisations bénévoles... méfiance généralisée... Enfin, il empile, et empile... et nous voilà devenus une espèce de société primitive, quasiment une tribu, dans un Canada par ailleurs civilisé...

Andrew Potter est peut-être un érudit et un bien bon garçon, mais cette fois-ci, il n'a pas su reconnaître les signes des temps. Évidemment, il avait parfaitement le droit d'élucubrer dans le magazine Maclean's, qui carbure volontiers au Québec-bashing... Là où sa liberté d'expression se termine, c'est quand il engage par ses écrits l'Institut d'études canadiennes qu'il dirige et l'Université McGill qui l'emploie. Si des écrits irresponsables ternissent leur réputation, M. Potter s'expose aux conséquences.

Quand Le Droit - Gesca m'a congédié en mai 2014 à cause d'un texte de blogue, ce fut justement en raison du même principe. Les faits allégués dans mon texte sur la possible fermeture de six quotidiens par les frères Desmarais n'ont jamais été mis en doute. Ce qu'on m'a dit, c'est que j'avais violé mon devoir de réserve comme éditorialiste, que j'avais écrit un texte qui attaquait l'entreprise (Gesca, pas Le Droit que je défendais). À mon avis c'était de la bouillie pour les chats, mais on m'a mis à la porte.

Alors Andrew Potter méritait-il une seconde chance après s'être excusé et avoir démissionné? Je ne sais pas. Il a été très maladroit et exposé une ignorance certaine de l'histoire et de la culture québécoise. Il n'a pas bien fait ses devoirs. Maclean's non plus, mais cela ne semble pas les déranger, et les scribes anglo-canadiens qui se sont portés à sa défense ont des allures classiques de pharisiens...

Et pourtant, il existe bel et bien un «malaise qui gruge les fondements de la société québécoise»... Tous le ressentent, sans pouvoir le définir avec précision. Mais ce malaise n'a rien - ou peu - à voir avec la neige ou les propos de M. Potter sur le ministère des Transports ou des statistiques de l'Enquête générale sociale de Statistique Canada en 2013... ou les divagations de Maclean's...

Mathieu Bock-Côté écrivait, en 2013 justement: «Faut-il se surprendre que la politique n'exprime plus les aspirations collectives et que de plus en plus de Québécois se désintéressent du Québec? Faut-il se surprendre alors que le bon peuple ne croit plus en rien? Que les hommes comme les femmes désertent la cité pour se vouer à leur vie intime, à leur famille, à leur vie professionnelle. (...) Tout cela témoigne d'une société en décomposition, qui se disloque.»

Qu'aurait-on dit si Andrew Potter avait signé un tel paragraphe? On n'a qu'à lire des livres d'histoire du Québec pour se rendre compte que les valeurs traditionnelles ayant soutenu la société franco-québécoise sont en déclin depuis les années 1960... Nous avons évacué la religion sans considérer les valeurs qu'on aurait pu conserver... Nous avons aussi arrêté de faire une quantité suffisante d'enfants et notre collectivité vieillit vite... Depuis des décennies, le français régresse et nous avons un gouvernement qui ne fait rien pour protéger les acquis de la Loi 101, et qui veut même angliciser la nouvelle génération directement à l'école primaire... L'enseignement de l'histoire est devenu presque suspect... Et les belles solidarités s'érodent à vue d'oeil...

Sont-ce là des signes des temps et les ai-je bien compris? Peut-être... peut-être pas...

Je laisse le mot de la fin à Fred Pellerin, un triste extrait de La mère-chanson où il évoque le Québec d'aujourd'hui: «Pis les chacun de son bord, jusqu'à tomber dans les trous de mémoire»...

Si nous allons «chacun de son bord», avec des «trous de mémoire», où aboutirons-nous?








mardi 21 mars 2017

Défendre et promouvoir le français... un combat noble en Ontario... un combat suspect au Québec...



Ces jours-ci, de nombreux Franco-Ontariens soulignent avec fierté le 20e anniversaire du début du combat pour sauver le seul centre hospitalier de langue française d'Ottawa, l'hôpital Montfort. La lutte de quatre ans a mobilisé toutes les forces vives de l'Ontario français, et valu aux défenseurs de Montfort des appuis de partout au pays, y compris d'une panoplie de personnalités politiques, même souverainistes.

Pourquoi cette quasi-unanimité au sein de la francophonie canadienne et québécoise? Parce que tous, toutes convenaient que défendre et promouvoir la langue et la culture française en Ontario, surtout en situation de menace directe contre l'une de ses grandes institutions, fut-elle hospitalière, constituait une cause juste et importante. Et aujourd'hui, les bannières, les manifestations, des spectacles à grand déploiement viennent rappeler l'intervention salutaire des milliers de «sauveurs» de Montfort.

Depuis quatre ans, des organisations étudiantes ontaroises, le RÉFO (Regroupement étudiant franco-ontarien) et la FESFO (Fédération de la jeunesse franco-ontarienne), flanquées de l'association parapluie de l'Ontario français (L'Assemblée de la francophonie de l'Ontario), revendiquent la création d'une véritable université de langue française à vocation pan-ontarienne. Ils ont, comme d'autres, constaté que les francophones s'assimilent dans des établissements anglais ou bilingues... et réclament une université «par» et «pour» les francophones.

Quoique leur combat risque d'être autrement plus long que celui de Montfort, il est vu - du moins au regard du principe défendu - comme une cause juste et importante. Ils ont rallié à leur projet une foule d'appuis dans la collectivité, et même une sympathie ouverte du gouvernement ontarien. S'ils jouent bien leurs cartes, peut-être célébrera-t-on l'anniversaire de leur lutte avec défilés et spectacles dans une vingtaine ou une trentaine d'années...

Pardonnez cette longue introduction franco-ontarienne, mais c'est du Québec que je veux parler. J'ai passé les 30 premières années de ma vie en Ontario et c'est là que j'ai appris à militer pour les droits de ma langue et de ma culture, le plus souvent contre des majorités anglophones indifférentes ou hostiles. Quand j'ai traversé la rivière des Outaouais en 1975, je me suis dit que je n'aurais plus à combattre pour ma langue... que j'utiliserais ma langue pour combattre... pour promouvoir les enjeux sociaux et nationaux qui me tenaient à coeur.

Or, voilà que 40 ans plus tard, dans une situation où, pour toutes sortes de raisons, l'élan de la Loi 101 a été freiné, voire arrêté, et où les recensements montrent un recul inquiétant du français partout au pays, même dans certaines régions du Québec comme la région montréalaise et l'Outaouais, les vieux combats linguistiques de ma jeunesse réapparaissent, mais cette fois sur la rive nord de la rivière des Outaouais et dans la métropole du Québec.

On aurait pu espérer qu'ici, au Québec, le combat soit plus facile, fort que nous sommes d'une majorité d'environ 80% et d'un gouvernement qui, en principe, nous appartient et nous ressemble. Mais ce n'est pas le cas. Loin de là. Alors que, cette semaine, tout le gratin franco-ontarien est réuni pour honorer et applaudir les vainqueurs de la bataille de Montfort, les défenseurs de la langue et de la culture française en Outaouais et ailleurs au Québec sont trop souvent vus avec suspicion, et taxés d'intolérance, de xénophobie, ou pire... même au sein de «notre» gouvernement.

Ici, au Québec, le gouvernement Couillard, «notre» gouvernement, veut que tous les jeunes Québécois francophones apprennent l'anglais... Des pans entiers de la Loi 101 restent empoussiérés sur les tablettes ou tombent devant des juges nommés par le premier ministre fédéral... Quant aux institutions universitaires, les partisans franco-ontariens du «par» et «pour» seraient scandalisés d'apprendre que Québec veut imposer à l'Outaouais francophone une faculté de médecine où tous les cours magistraux sont donnés en anglais, dans une université de langue anglaise, McGill.

Ce qui paraîtrait impensable aux jeunes Franco-Ontariens doit être avalé ici avec gratitude, dit un premier ministre qui ajoute qu'on doit se considérer chanceux... c'est McGill. Oui bwâna... Je veux qu'on m'explique pourquoi une demande légitime de cours en français, offerts dans une institution de langue française pour des francophones, constitue ici une demande déraisonnable alors que cela va de soi dans l'univers franco-ontarien...

Le malheur, c'est qu'on a un gouvernement tellement inféodé à l'électorat non-francophone qui assure sa réélection qu'il n'hésite plus à trahir son propre peuple, sa propre culture, sa propre langue. De l'anglais intensif au français langue de travail, des bannières commerciales à la langue d'enseignement universitaire, nous avons été largués en haut lieu.

Le noble combat pour assurer en Amérique du Nord un coin de pays où la langue et la culture françaises peuvent s'épanouir, un combat qui dure depuis des siècles, porte maintenant dans les milieux officiels des teintes d'intolérance. de xénophobie, parfois de racisme, quand ce n'est pas le mot pour faire peur, «séparatisme»... Il n'y a pas pire crime que corrompre ce qui était et ce qui reste noble...

J'ai toujours cru que la défense et la promotion de la langue et de la culture françaises étaient une cause qui pouvait unir tous les parlant français, qu'ils soient Québécois, Acadiens, Canadiens français, qu'ils soient indépendantistes, fédéralistes, nationalistes, sans distinction. À voir ce qui se passe présentement au Québec, il semble que je me sois trompé. Défendre notre langue chez nous est devenu suspect en haut lieu, et même dans plusieurs de nos médias... Misère...



jeudi 16 mars 2017

Les Artisanes de St-François

Tous les mardis, dans cette magnifique église jadis animée, aujourd'hui trop souvent sombre et vide, une petite salle au demi sous-sol s'éclaire pour accueillir seize artisanes dont le savoir-faire, transmis de génération en génération, est enraciné dans une époque - pas si lointaine - où le secteur St-François d'Assise-Mechanicsville d'Ottawa se donnait des airs de village francophone.


Depuis le 19e siècle et jusqu'aux années 1960, des milliers de paroissiens canadiens-français ont peuplé les rues et ruelles entre l'église St-François d'Assise et la rivière des Outaouais. J'ai encore des souvenirs de mon enfance, revenant à pied après la messe dominicale... On savourait les arômes devant chaque maison, alors que mamans et grand-mamans préparaient le festin du midi pour ceux et celles qui avaient dû jeûner depuis minuit pour pouvoir communier...

Les «Artisanes de St-François», c'est ainsi que s'appellent nos tricoteuses et couturières du mardi, septuagénaires, octogénaires et même une nonagénaire, ont vu ces beaux jours de l'ancienne paroisse des Capucins. Les processions de la Fête-Dieu dans des rues pavoisées, le régiment de zouaves avec leurs képis, la panoplie d'organisations de jeunesse catholiques (JEC, JOC, louveteaux, guides, scouts, AJFO, croisillons), le cercle des femmes canadiennes-françaises, les activités de loisirs et j'en passe... Tout, absolument tout, semblait graviter autour de cette belle église grouillante de fidèles.

Y pensent-elles parfois en tricotant et cousant de leurs doigts agiles des centaines de mitaines, chaussons, couvertures, tuques, châles, foulards et courtepointes? Se remémorent-elles la vie d'antan où famille et communauté se vivaient au quotidien, où les générations se côtoyaient sous le même toit, où les vieux passaient aux plus jeunes expérience et valeurs acquises au fil des siècles? Nées à la fin d'une ère de fécondité sans pareil, où nos mères avaient créé une nation à coups de familles de 10 enfants et plus, ces artisanes sont un peu devenues les sentinelles de nos traditions, et de cette grande église de pierre dont le coeur bât toujours au cliquetis de leurs aiguilles.

Nous étions des milliers autour des deux grands clochers, à l'époque de ma première communion (1952) à St-François d'Assise. J'ai eu l'impression, en les visitant au début de mars 2017, qu'il n'y avait guère plus que ces seize femmes pour poursuivre collectivement l'expédition plus que centenaire de l'ancien quartier canadien-français. À la fondation du groupe, dans les années 1980, elles étaient plus d'une trentaine. Elles ne sont plus que 16... et constatent qu'il n'y aura pas de relève. Leur nombre diminue tout doucement, d'année en année.


Tant qu'elles le pourront (elles sont tout de même en excellente forme!), les Artisanes poursuivront leur bénévolat. Leurs créations attrayantes trouveraient vite preneur en magasin, mais elles n'ont plus de débouchés payants depuis l'abandon du bazar paroissial, il y a quatre ou cinq ans. Alors... elles donnent tout à la St-Vincent de Paul et à des résidences pour personnes âgées. Elles utilisent la laine dont on leur fait don, sauf rares achats avec les fonds du groupe, qui rétrécissent à tous les ans, le seul revenu étant la cotisation annuelle de 10$ des membres...


Pour le moment, les Artisanes restent solides. Le local est bien organisé, avec un excellent éclairage, de larges tables pour travailler, une bibliothèque de patrons de tous genres, classés sur un mur entier d'étagères, et bien sûr une immense réserve d'aiguilles à tricoter. Quelques couturières travaillent au fil et à l'aiguille. Un de leurs objets tricotés les plus originaux, des chatons en laine, est fort apprécié des personnes qui souffrent de la maladie d'Alzheimer.


La vice-présidente des Artisanes, Cécile Cadieux, tient par ailleurs un registre détaillé de la production mensuelle. La machine est bien huilée... et trois ou quatre gros bacs sont toujours remplis de créations de toutes formes et couleurs... prêts à donner...


Chez les Artisanes de St-François (anciennement cercle Jeanne LeBer), l'entraide, la générosité, et la solidarité sont un mode de vie hérité des pionniers franco-ontariens de l'ouest de la ville d'Ottawa, eux-mêmes puisant leurs racines au 19e siècle dans les vallées québécoises autour du Saint-Laurent. L'ancienne communauté s'est disloquée... les commerces de jadis ont disparu... les jeunes générations, sauf exception, ont émigré ailleurs à Ottawa ou en banlieue, ainsi qu'au Québec. Mais l'esprit hérité d'un temps passé brille toujours dans ce local d'une autre époque, à l'église St-François d'Assise.


Le vieux quartier est toujours visible par ses maisons et ses rues. Mais l'univers humain que j'ai connu, enfant, s'est effrité au fil des décennies. Les seize artisanes de St-François restent la preuve irréfutable de son existence, de sa persistance, de son enracinement. Je les salue et leur dis: merci!



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Extrait de la chanson «Rue des souvenirs» (bit.ly/2nrWPVS) des Cowboys fringants:

«Les commerces et les gens ne sont que de passage
Le quartier, lui, traverse les âges
Conservant dans ses cours, ses maisons et ses rues
L'âme de tous ceux qui y ont vécu...»

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Les Artisanes de St-François, membres 2017

Gertrude Couvrette,
Jacqueline Beauchamp,
Laureine Boileau,
Gertrude Cyr,
Monique Couvrette,
Nicole Blondeau,
Aline MacFarlane,
Thérèse Joannette,
Monique Couvrette,
Viviane Potvin,
Françoise Malboeuf,
Diane Tierney,
Céline Cadieux,
Emma Marshall,
Diane Couvrette,
Nicole Racine.



mercredi 8 mars 2017

La chorégraphie routière en Outaouais...


C'est ce qu'on pourrait appeler une chorégraphie quasi-parfaite...

Acte 1. Les cinq députés libéraux de l'Outaouais (y compris la ministre Stéphanie Vallée) et le député libéral d'Argenteuil remettent au ministre des Transports (Laurent Lessard) une lettre pour que l'élargissement de notre demi-autoroute 50 soit inscrit au Plan québécois des infrastructures le plus vite possible (Le Droit, 6 février 2017)

Acte 2. Le député libéral Alexandre Iracà (circonscription de Papineau) «espère» que son collègue ministre Laurent Lessard donnera suite «rapidement» à la demande d'élargissement de l'autoroute 50... (Le Droit, 7 février 2017)

Acte 3. Les quatre députés libéraux fédéraux de l'Outaouais vont eux aussi transmettre une lettre au ministre des Transports du Québec pour appuyer l'élargissement de l'«autoroute» 50... (Le Droit, 14 février 2017). Cela fait neuf députés libéraux qui montent sans préavis au front en une semaine... on a sorti l'artillerie lourde...

Acte 4. Le Parti québécois, flairant sans doute les pirouettes libérales et voulant obtenir sa part d'applaudissements, présente une motion pour l'élargissement de la 50 à l'Assemblée nationale, motion qui est adoptée à l'unanimité (Le Droit, 16 février 2017). Tous les partis sont entrés dans la danse autoroutière...

Acte 5. Les cinq députés libéraux sont tous là, en personne, à une conférence de presse pour annoncer que dans le budget de 151 millions $ de 2017 à 2019 pour le réseau routier de l'Outaouais, on a réservé un tout petit 2,3 millions $ pour une étude en vue de l'élargissement d'un tronçon de 7 km de l'autoroute 50... (Le Droit, 8 mars 2017)

Et voilà... Tout est en place pour une chorégraphie massive, de très, très longue durée, qu'on pourra présenter avec quelques millions de dollars en période électorale (c'était sûrement prévu...) et qui nécessitera probablement des injections de centaines de millions de dollars (un milliard? plus?) au cours de la prochaine ou des prochaines décennies... Des bouts de route pour deux ou trois campagnes électorales... Minimum...

Non mais se trouvera-t-il quelqu'un pour croire que nos députés rouges ont finalement vu ce que nous avons tous vu depuis des années, et qu'ils se sont levés un bon matin, glacés par le nombre d'accidents et de morts sur la 50 à deux voies, pour décider spontanément de se rebeller et de protester auprès de leur propre gouvernement? Et qu'une semaine après, les quatre fédéraux libéraux entrent dans la ronde, «spontanément» emportés par l'argumentaire de leurs collègues «provinciaux»? Et que par miracle, quelques semaines plus tard, le ministre québécois des Transports, convaincu et contrit, met quelques millions dans la cagnotte?

J'ai couvert comme reporter, en avril 1970, la première conférence de presse concernant le projet d'une autoroute 50. C'était à l'époque du gouvernement de l'Union nationale! Il a fallu plus de 40 ans pour obtenir ce qu'on a obtenu, le genre de «mieux que rien» qu'on réserve aux régions acquises (et susceptibles aux tactiques de peur) comme l'Outaouais. Et là on va nous faire croire, avec deux ou trois coups d'éclat ministériels, que tout ce qu'on incomplété en quatre décennies sera rafistolé dans un pas de deux fédéral-provincial? Awignahan!

Peut-être faut-il trouver un indice dans le communiqué émis ce 7 mars par le ministre des Transports, Laurent Lessard, et dans lequel il distribue généreusement les citations médiatiques (prononcées ou pas?) à la députation libérale outaouaise... Dans la liste de faits saillants et de travaux, seul élément concret du communiqué, il n'y a aucune référence à l'autoroute 50 ou à son éventuel, très éventuel élargissement à quatre voies... On en parle seulement dans la «citation» du député Alexandre Iracà, qui semble être une réaction à une quelconque déclaration d'un supérieur gouvernemental dont on ne connaît pas la teneur en lisant le communiqué de presse...

En passant, M. Lessard, laissant cette fois la parole au ministre responsable de l'Abitibi-témiscamingue et au député local Guy Bourgeois, a aussi annoncé le budget des travaux routiers pour le nord-ouest québécois, qui reçoit près de 200 millions $ pour une population de 146 000, contre seulement 151 millions $ en Outaouais avec une population totale de 374 000... Juste comme ça, en passant... Le député abitibien peut se péter les bretelles...

De toute façon, comme d'habitude, Québec n'a aucune vision de développement des routes outaouaises et de celles de l'Abitibi-Témiscamingue... On continue de réparer des bouts de chemin (on appelle ça des investissements...) pendant qu'on laisse les routes de ces deux régions finir en accès à l'Ontario au bout de la 50, à l'extinction de la 148 dans le Pontiac (sur l'Île-aux-Allumettes) et à l'extrémité sud de la 101 à Témiscaming... Quand verra-t-on un gouvernement proposer - enfin - un lien routier entre l'Outaouais et le Témiscamingue?

Les possibilités économiques offertes par un tel projet seraient multiples, et ce lien proposé depuis près d'un siècle permettrait enfin au Pontiac de se sentir accroché au Québec, au lieu d'être un appendice quasi-ontarien où les francophones se font royalement assimiler depuis plus de 100 ans... Mais c'est trop espérer...











lundi 6 mars 2017

Il y a 70 ans... Des problèmes qu'on n'a jamais réglés...


Quand j'ai eu 50 ans (en 1996...), j'ai reçu en cadeau la page une, laminée et encadrée, de l'édition du quotidien Le Droit du 30 juillet 1946 - le jour où je suis né à l'hôpital de l'Armée du Salut, dans le quartier Saint-François d'Assise à Ottawa. Cette «une» décore le mur de mon bureau à la maison depuis 21 ans et même si je l'ai souvent scrutée, je n'ai jamais vraiment lu les textes...

Je l'ai fait ce matin... Croyez-le ou non, il y avait pas moins de 25 nouvelles et une photo dans cette «une» de journal, chose absolument impensable dans notre ère de quotidiens formats réduits, et en particulier dans les tabloïds... À l'époque, Le Droit publiait un journal grand format (8 colonnes à la une) et était livré à domicile l'après-midi, avant le souper... Sa dernière édition de fin de journée devait rouler sur les presses 40 ans plus tard, le 15 mai 1987...

Quoiqu'il en soit, le contenu de cette page frontispice complexe du «seul quotidien français de l'Ontario et de l'Ouest du Québec» m'a frappé par la similitude de nombreux enjeux qui ponctuent toujours les unes des médias de 2017, et quelques différences de langage employées par les journalistes.

Des problèmes d'immigration aux budgets d'infrastructures, des relations entre Juifs et Arabes en Palestine aux affrontements entre Moscou et Washington, de la corruption à la police de Montréal à l'omniprésence de symboles catholiques au Québec, on a parfois l'impression de se retrouver en terrain (presque) connu.

Par contre, quand quatre fusiliers marins américains sont tués par les rebelles communistes de Mao en Chine, Le Droit titre: «Quatre Yankis tués par des Rouges chinois»... Des Yankis? Des Rouges? Et quand neuf bûcherons se noient dans l'État du Mississippi, aux États-Unis, on note dans le journal: «Huit sont des nègres, et le neuvième est un blanc.» On sait quel mot on ne reverrait pas aujourd'hui...

Voici ce qu'on découvre, entre autres, dans mon journal du 30 juillet 1946:

Moscou-Washington

1. C'est le début de la Guerre froide, et une année après la fin des hostilités en Europe, la conférence de paix voit déjà les premiers affrontements entre les Soviétiques et les Américains. Sous le titre Moscou se plaint de la place donnée aux États-Unis, la délégation soviétique peste contre le fait que les Américains ont reçu les meilleurs places dans les premières rangées... Le rideau de fer allait couper l'Europe en deux au cours des deux ou trois années suivantes... L'animosité demeure, même en 2017...

Juifs - Palestiniens

2. Des attaques terroristes à Jérusalem en 1946... mais elles ne sont pas l'oeuvre des Palestiniens. Ce sont des groupes terroristes juifs qui font sauter l'hôtel du Roi-David à Jérusalem, alors que le pays est toujours sous mandat britannique. La seule ville juive, Tel-Aviv, est mise sous couvre-feu et plus de 16 000 soldats britanniques, dont le corps de parachutistes Les diables rouges, pourchassent les auteurs de l'attentat qui avait fait 91 morts. Israël devait naître deux ans plus tard. Et le conflit est loin d'être fini...

Chine - Taïwan - États-Unis

3. Des troupes américaines interviennent aux côtés de Tchang Kaï-Chek, contre les troupes rebelles de Mao. Les hostilités, interrompues durant le second conflit mondial, avaient repris en 1946. Quand Mao sera enfin victorieux en 1949, Tchang se retirera à Taïwan, toujours soutenu par les États-Unis. Le statut de Taïwan restera une pomme de discorde entre Pékin et Washington jusqu'en 2017...

CCF (NPD) talonne les libéraux...

4. L'ancêtre du NPD, le CCF (Cooperative Commonwealth Federation), réclame du gouvernement libéral de l'époque de vastes programmes d'infrastructure pour tenter de régler la crise du logement. Il en ressortira une nouvelle organisation fédérale, la Société centrale d'hypothèques et de logement (SCHL) fondée en 1946. Les rôles sont les mêmes qu'aujourd'hui. Seule différence. Dans le texte, au sujet du CCF, on parle des «députés socialistes»...

Démission forcée à la police de Montréal

5. Le directeur de la police des moeurs de Montréal, le capitaine Arthur Taché, démissionne après avoir reçu l'ordre de le faire du chef de police, Fernand Davidson. Le capitane Taché avait été nommé en novembre 1945 pour «balayer de Montréal le jeu et le vice organisé»... On s'attendait à ce que plusieurs chefs d'accusation suivent... Décidément...

Immigration...

6. L'Europe fait pression pour que le Canada accepte un certain nombre d'immigrants juifs persécutés durant la Seconde Guerre mondiale. Le Canada n'avait pas un dossier reluisant en la matière avant 1939, quand des centaines de milliers de Juifs auraient pu être sauvés des griffes d'Hitler. Leur seul crime, dit-on, c'était d'avoir été juifs dans des pays sous domination nazie... Parle-t-on toujours d'immigration en 2017?

La morale de tout ça? En lisant les journaux de cette époque, on peut suivre l'histoire locale, régionale, nationale et mondiale au jour le jour. Même les processions du Saint-Sacrement à Ste-Anne de Beaupré. Quand je compare aux journaux d'aujourd'hui, les quotidiens des années 1940 (du moins Le Droit) sont une mine d'information détaillée... La presse écrite de 2017, du moins celle du Québec (exception faite du Devoir), laissera aux chercheurs du futur d'immenses chapitres vides ou dégarnis...

vendredi 3 mars 2017

Université franco-ontarienne: le train est-il de nouveau sur les rails? Espérons.


Il y a quelques jours, on aurait pu croire que le projet d'université de langue française en Ontario agonisait sur une paillasse torontoise, en attente de l'extrême-onction... Le noble projet de gouvernance universitaire franco-ontarienne lancé par le RÉFO (Regroupement étudiant franco-ontarien) en 2012, enfourché par deux alliés de taille, la FESFO (Fédération de la jeunesse franco-ontarienne) et l'AFO (Assemblée de la francophonie de l'Ontario), titubait à bout de souffle, loin de la ligne d'arrivée...

Ayant démarré à plein gaz avec un objectif clair, armé de solides consultations et d'un plan d'attaque bien adapté à la réalité ontarienne du 21e siècle, le train de l'université franco-ontarienne a déraillé, ou plutôt a été déraillé par des adversaires sournois, un gouvernement plus qu'hésitant, des médias trop souvent superficiels, une pénurie d'alliés (tant en Ontario qu'ailleurs dans la francophonie canadienne et québécoise) et une opinion publique largement indifférente.

De l'exigence initiale d'une gouvernance francophone sur l'ensemble de l'offre universitaire, partout en Ontario, on avait abouti à un projet de campus dans la région de Toronto, qui par surcroit en est au stade des comités et de la planification. On sait ce que cela veut dire en Ontario (et partout ailleurs)... Le gouvernement Wynne, sans doute bien «conseillé» par les universités bilingues anglo-dominantes, en était rendu à présenter ce campus comme l'ensemble de l'université franco-ontarienne. Pire, les médias n'ont rien (ou si peu) fait pour corriger cette impression fautive.

Remettre le train de l'université franco-ontarienne sur les rails sera une tâche monumentale, qui exigera un effort concerté de toutes les forces qui tiennent à compléter le trajet essentiel entrepris il y a quatre ans et demie. Or, cette semaine, rebondissant avec une énergie peu commune, les maîtres-d'oeuvre du projet d'université de langue français ont convoqué les médias à Ottawa pour clarifier les enjeux et dire poliment à Queen's Park que le gouvernement libéral, s'il a compris (ce qui n'est pas sûr) le message du RÉFO, de la FESFO et de l'AFO, ne l'a certainement pas écouté...


À lire les comptes rendus de la presse écrite et électronique du lendemain, rien n'indique qu'on y ait saisi toute l'importance du virage amorcé cette semaine. Le communiqué était clairement intitulé «#UniversitéFO: pour une gouvernance universitaire partout en Ontario». Les deux mots clés ici sont «gouvernance», qui va au coeur du projet d'université de langue française, et «partout», question de rappeler qu'un campus universitaire à Toronto est bienvenu mais qu'on ne peut oublier les autres régions, notamment le Nord et l'Est, ainsi que les monstres bilingues (Ottawa et Laurentienne).

Je laisse la parole à Geneviève Borris, coprésidente du RÉFO, qui a exprimé avec éloquence la portée d'un projet universitaire dont la justice et l'urgence devraient paraître évidentes à tous et toutes:

«Une université de langue française en milieu minoritaire gérée par et pour les francophones offre la possibilité d'assurer non seulement la survie de notre communauté mais son plein épanouissement et son rayonnement sur la scène provinciale, nationale et internationale.»

Ayant précisé que le «mandat d'enseignement» doit s'étendre à «l'ensemble de la province», elle ajoute que l'université «doit à la fois répondre au besoin criant d'accès dans le centre-sud-ouest tout en permettant de rassembler les forces vives du système universitaire actuel sous une nouvelle gouvernance, par et pour les francophones». C'est clair, non?

Abordant le comité de Dyane Adam et son conseil de planification, Mme Borris affirme: «Le gouvernement s'est arrêté au centre-sud-ouest et a écarté (notre) autre recommandation légitime, celle de mener des réformes au sein des universités actuelles pour assurer que les francophones contrôlent l'ensemble de leur système universitaire». Ce train roule donc vers Ottawa et Sudbury...

Au cas où tout cela n'aurait pas été compris, elle termine en demandant «d'imaginer un réel pouvoir de décision aux francophones», un pouvoir qui se construirait «à partir des 16 000 étudiants et centaines de programmes et professeurs qui oeuvrent déjà au sein de notre système».

Il m'apparaît que le train est de nouveau sur les rails. Il faudra maintenant le mettre en marche et le faire rouler «à fond de train» vers toutes ces institutions qui bloquent son passage...