jeudi 24 janvier 2019

Relancer à Ford le vrai projet d'université franco-ontarienne...


À travers toutes les ignominies proférées par Doug Ford dans le dossier des coupes en matière de services en français, un coup - un seul - semble avoir ébranlé l'argumentaire franco-ontarien.

Le 14 janvier 2019, commentant la décision du gouvernement fédéral d'investir 1,9 millions $ pour assurer la survie à très court terme de la soi-disant «Université de l'Ontario français», le premier ministre ontarien a fait la déclaration suivante, rapportée sur le site Web de Radio-Canada:

«Je ne ferme la porte à rien, mais en Ontario, 11 collèges et universités offrent présentement des cours en français, 300 cours sont offerts, et ces classes sont vides. Aucun cours n'est plein. Remplissons ces salles de classes.»

Si c'est vrai, ça fait mal. Un crochet qui vous coupe un peu le souffle. D'abord, est-ce vrai? J'avais demandé dans un gazouillis, le lendemain: «Qui répondra?» Je dois vous avouer que si quelqu'un a répondu, je n'ai rien vu, rien entendu, rien lu... Peut-être ai-je regardé avec mes yeux d'homme... Corrigez-moi au besoin...

Cependant, le fait qu'on ne soit pas immédiatement monté aux barricades contre cette déclaration pernicieuse est révélateur. L'obus de Ford a touché le maillon faible de la résistance franco-ontarienne, qui risque de payer aujourd'hui une sérieuse erreur de parcours commise il y a quatre ou cinq ans.

Lancé par le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) autour de 2012, le projet original d'université franco-ontarienne avait deux objectifs, inséparables, l'un aussi primordial que l'autre. Le premier visait à augmenter l'accès, et donc à augmenter l'offre de programmes universitaires en français. Le second, peut-être le plus vital, insistait sur la gouvernance de l'ensemble de l'offre universitaire en français par les Franco-Ontariens eux-mêmes.

Les jeunes du RÉFO, comme des militants de générations précédentes, avaient compris que les universités bilingues (Ottawa, Laurentienne), où les francophones sont largement minoritaires, étaient devenus des instruments d'anglicisation. Et que le moment était venu, depuis fort longtemps, de mettre en place un réseau universitaire de langue française administré «par» les francophones, «pour» les francophones.

Cela impliquait de regrouper dans ce réseau la totalité des programmes universitaires de langue française existants, ceux de l'Université d'Ottawa, de l'Université Laurentienne (Sudbury), du collège Glendon (Toronto), de Hearst, et de colmater ailleurs les brèches les plus urgentes, y compris dans la région torontoise. Voilà le projet original, le vrai projet, celui défendu jusqu'à 2014 ou 2015 sans compromis.

Puis, sans trop que l'on s'en aperçoive, le gouvernement Wynne, avec la ministre Madeleine Meilleur et une complicité silencieuse de certaines élites franco-ontariennes, a décapité l'un des objectifs de base: la gouvernance de l'ensemble du réseau. Plus question de toucher aux universités bilingues. Au mieux, on mettrait sur pied un petit campus universitaire dans la région de Toronto, qu'on devait par la suite baptiser «Université de l'Ontario français»...

On abandonnait ainsi la quasi-totalité des étudiants francophones universitaires à des institutions administrées en fonction d'une population étudiante en majorité anglophone, des universités où les francophones n'avaient aucun espoir de gouvernance en fonction des intérêts des Franco-Ontariens, comme cela se fait déjà au primaire, au secondaire et au collégial. Au lieu de lutter pour un projet global et cohérent, on engagerait le combat pour un mini-campus torontois en espérant qu'avec le pied dans la porte, il puisse prendre de l'expansion au fil des décennies.

En dépit de faibles rappels par le RÉFO et ses alliés du projet de grande université couvrant l'ensemble de l'universitaire de langue française, le gouvernement Wynne avait définitivement sapé le projet. En 2015, les libéraux disaient ce que Ford affirmait en novembre 2018: vous aurez votre université quand les finances de la province le permettront. Et quand, finalement, le gouvernement libéral a mis le campus de Toronto en marche, il était trop tard. Les chances de réélection des rouges étaient faibles, et l'ombre du sinistre Ford assombrissait déjà l'horizon.

Et voilà que cet abruti, n'y comprenant rien, lance cette tuile de classes vides et d'une offre abondante... De quoi vous plaignez-vous, dit-il? Alors qu'attend-on pour lui répondre que la situation serait vastement différente si les francophones dirigeaient leurs propres institutions au lieu de subir des décisions sur lesquelles ils exercent trop peu de contrôle? Qu'attend-on pour lui dire que des dizaines de milliers d'étudiants franco-ontariens suivent des cours en anglais parce qu'ils ne sont tout simplement pas disponibles en français? Que l'université n'est pas seulement un assemblage de salles de classe, mais un milieu de vie qui doit - pour une minorité de langue française - refléter et promouvoir sa culture? Que si Québec tentait d'imposer aux Anglo-Québécois la situation actuelle des Franco-Ontariens, on nous traiterait de racistes et de xénophobes?

Mais pour résister efficacement aux attaques francophobes de la FordNation, Il faut absolument s'éloigner de cette fixation sur la région torontoise pour revenir à un projet qui engage l'ensemble de la collectivité ontarienne de langue française, étudiants, professeurs, associations. Tout le monde. Il existe maintenant une base. Ils étaient 14 000 à manifester le 1er décembre. Ils sont des dizaines de milliers à fréquenter des réseaux sociaux où ils se s'affirment et disent leur fierté d'être Franco-Ontariens. Il y a là un tremplin qui n'existait pas il y a quatre ou cinq ans. Il faut cependant mettre sur la table un projet mobilisateur qui touche l'ensemble de la collectivité et toutes les régions de cette province grande comme un pays. La gouvernance!

Il y a des classes vides, M. Ford? Serait-ce trop de vous demander de le prouver d'abord, puis d'essayer de nous dire pourquoi? De lire vos livres d'histoire, si vous en avez? De comprendre les injustices du dernier siècle, et l'assimilation qu'elles ont entraînée? De constater les progrès accomplis depuis que les Franco-Ontariens contrôlent leurs réseaux primaire, secondaire et collégial? Vos classes soi-disant vides, pourraient-elles être le symptôme d'un mal plus profond, d'un réseau d'institutions qui n'ont pas comme première mission de répondre aux besoins des francophones? Enfin, dites-le lui, quelqu'un! Criez-le!

Les Franco-Ontariens ne peuvent se permettre de perdre la bataille de la gestion de l'universitaire. C'est le sommet de la pyramide. Parlez-en aux Acadiens, qui vous diront l'importance de l'Université de Moncton. Et la question est urgente en Ontario, où l'assimilation continue de faire des ravages. Le moment est propice pour un affrontement. Une certaine base est mobilisée. Des alliés se sont pointés d'un océan à l'autre, y compris au Québec. Les jeunes du RÉFO avaient bien identifié «les vrais problèmes». Il faut maintenant les régler. Pas à moitié, et vite. Dans une dizaine d'années, il sera peut-être trop tard...



  














jeudi 17 janvier 2019

Le «peuple de la nuit»... le regard d'un immigrant français sur le Québec de 1965...


Les accusations de racisme régulièrement portées contre les Québécois francophones constituent l'un des plus grossiers mensonges de l'histoire «canadienne». N'importe quelle étude sérieuse du vécu canadien et québécois depuis la conquête de 1760 arriverait vite à la conclusion que c'est nous qui avons été - et sommes toujours - victimes d'un racisme parfois ouvert, parfois larvé, ayant d'abord émané de l'occupant britannique, puis de la majorité anglo-canadienne après la Confédération de 1867.

Les thuriféraires de l'unité canadienne, soucieux d'enterrer pour de bon ce qu'ils voient comme «de vieilles chicanes», sont parvenus à brouiller notre regard sur le passé. Ce qui était noir et blanc s'est transformé peu à peu en multiples nuances de gris. Et ces gardiens de la surréalité anglo-dominante du Canada se méfient au plus haut point de l'enseignement de l'histoire car on y trouve facilement, si on s'en donne la peine, toutes les preuves de leurs méfaits... Pour le moment, ils n'ont pas trop à s'inquiéter...

Voilà pourquoi le regard d'un étranger peut devenir éclairant. J'ai finalement réussi à trouver, grâce à un prêt entre bibliothèques, un exemplaire du livre Le peuple de la nuit, Histoire des Québécois, rédigé en 1964-65 par un immigrant français, Joseph Costisella, et publié à Montréal aux Éditions Chénier. Journaliste, auteur, enseignant, Costisella avait traversé l'Atlantique fin années 50 et avait d'abord vécu à Ottawa, où il avait été frappé par «le racisme qui frappe aveuglément les Canadiens français». Dans son premier livre (1962)*, il avait renommé «Harlem d'Ottawa» la Basse-Ville de la capitale, le plus important quartier franco-ontarien de la ville.

Joseph Costisella avait d'abord grandi en France occupée, pendant la Deuxième Guerre mondiale, et avait appuyé les mouvements populaires de décolonisation contre le vieil empire de France. Il se présentait ainsi dans la préface de son livre sur le scandale des écoles franco-ontariennes: «Né en France de parents austro-hongrois, j'ai été témoin du racisme, surtout dans mon enfance, puis au 
collège. J'ai vu le racisme des Allemands contre les Juifs: mon premier ami, Richard Loewenstein, est mort au camp de concentration de Dachau, en 1944. Puis, celui des Français contre les peuples de couleur: tout le problème colonial de 1945 à 1959. Le racisme contre les Arabes d'Algérie m'a touché de très près.»

Arrivé dans la vingtaine en Ontario, puis au Québec, le jeune Français voyait notre situation avec son propre bagage d'expériences, sans les filtres qui assouplissent les attitudes de ceux et celles qui ont «appris» à s'accommoder d'un régime où nous avions longtemps été des «porteurs d'eau et scieurs de bois». Tout apparaissait clair à Joseph Costisella au début des années 1960. Il voyait ici l'occupant anglo-saxon raciste, colonialiste, et en face, la résistance d'un peuple opprimé, colonisé, de langue française. La différence entre lui et d'autres, c'est qu'il savait manier la plume, et qu'il a décidé de s'exprimer dans un langage qui ferait frémir d'horreur les ténors de la rectitude politique du 21e siècle.

Pourquoi un tel titre à une histoire du Québec? «Le peuple de la nuit, écrit-il, c'est tous les Québécois qui depuis plus de 200 ans ont choisi la mort pour que le peuple ressuscite.» Des premiers résistants aux «atrocités commises par les hordes de Wolfe en 1759», en passant par la «résistance anticolonialiste» des patriotes de 1837-38, la lutte de Louis Riel et des Métis «contre l'oppression colonialiste», la rébellion contre le «répugnant génocide» des Franco-Ontariens durant la Première guerre mondiale, jusqu'aux premières actions du FLQ où, dit-il, «le peuple de la nuit reprend les armes», Joseph Costisella passe en revue dans son livre de 120 pages les épisodes les plus violents de notre asservissement de plus de deux siècles.

L'histoire qu'il raconte est peuplée d'un côté de résistants, de patriotes, et de l'autre d'occupants, de traitres, de collaborateurs, de colonialistes, de racistes, d'oppresseurs. Dans les années 1820, écrit-il, le chef du Parti patriote, Louis-Joseph Papineau, avait dénoncé les agissements du «gauleiter» Dalhousie au Bas-Canada. Ce choix du mot gauleiter (gouverneur d'une région sous la dictature nazie, en Allemagne) pour désigner le gouverneur britannique Dalhousie est révélateur. Il prend le même ton en abordant le rapport Durham, «véritable plan d'extermination lente des Canadiens français», après la rébellion de 1837-38: «le raciste Durham conclut, comme Hitler 100 ans plus tard, à la supériorité d'une race, la race anglo-saxonne».

Costisella ne fait pas dans la dentelle pour décrire la répression contre les «chefs de la résistance» et les insurgés. «Les barbares colonialistes répandirent le feu, le pillage, la terreur, le viol et le vol dans toutes les zones de l'insurrection. Et le pouvoir resta entre les mains du gauleiter Colborne, sinistre brute sanguinaire», écrit l'auteur. «La sauvagerie de la répression fut à la mesure de la haine des brutes de Colborne pour tout ce qui état québécois.» Il dénonce «les calomnies des traîtres et les mensonges des collaborateurs», ainsi que «l'assassinat» des 12 patriotes pendus à Montréal. Il y a là, très certainement, des relents d'une enfance en France occupée.

Quant à la révolte des Métis, en 1869 au Manitoba puis en Saskatchewan en 1885, Costisella la situe dans le cadre de «la lutte contre l'oppression colonialiste» mais y voit aussi une manifestation de la haine contre les francophones du pays tout entier. «L'assassinat odieux de Louis Riel, croit-il, n'est que le signe d'un crime mille fois plus monstrueux : le génocide systématique des Canadiens français hors du Québec.» Et il ne manque pas de revenir sur la crise de la conscription du premier conflit mondial, en 1917-18, où le fondateur du Devoir, Henri Bourassa, s'était demandé pourquoi il fallait aller se battre contre les Prussiens d'Europe quand les Canadiens français étaient eux-mêmes victimes des «Prussiens» de l'Ontario (Règlement 17). «Le peuple avait compris que la bataille pour la civilisation, ce n'était pas en Europe, mais en Ontario», écrivait Costisella.

Pour lui, l'apparition du Front de libération du Québec en 1963 se situe en droite ligne avec les résistances des deux siècles précédents. «Le FLQ, dit-il, annonçait la lutte armée contre le colonialisme oppresseur et ses valets.» Il qualifie les felquistes de «patriotes», et termine son bouquin par les paroles du célèbre Chant des partisans, l'hymne de la Résistance française durant l'occupation allemande, qu'il renomme Chant des résistants. Évidemment, il ne faut jamais oublier que ce texte acéré a été rédigé en 1964-65, en pleine crise du FLQ, en pleine Révolution tranquille, à un moment où toutes les minorités canadiennes-françaises hors Québec luttaient toujours pour leurs droits scolaires contre des régimes oppressifs. Cinquante et quelque années d'histoire se sont ajoutées... la visite du général De Gaulle, la crise d'octobre, la victoire du PQ en 1976, la nuit des longs couteaux, les deux référendums et bien plus.

Être arrivé en terre québécoise ces jours-ci, Joseph Costisella aurait sans doute décrit l'histoire des Québécois autrement. Si, malgré tout, il avait voulu soumettre aujourd'hui le texte rédigé en 1964-65, il n'aurait trouvé ni éditeur ni public. La violence comme moyen d'action a été, fort heureusement, répudiée et sa mise en parallèle du colonialisme britannique au Québec et de l'occupation allemande en France ne serait comprise que par les vieux de plus de 70 ans, et rejetée par à peu près tout le monde y compris ces mêmes vieux de plus de 70 ans. Mais je peux concevoir qu'en 1965, à une époque où les enjeux historiques paraissaient plus clairs, où le noir et le blanc n'étaient pas encore disparus dans la grisaille, que ce long pamphlet ait eu quelque retentissement. Il conserve toujours son intérêt, sans doute parce qu'il est unique en son genre, que l'auteur, durant les années 1960, était estimé et que l'Histoire lui donne en bonne partie raison.

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* Voir mon blogue du 2 juillet 2013 à bit.ly/2V62KNW.

mardi 15 janvier 2019

La médecine McGill... Allez, M. Lacombe. Exigez des résultats!


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Ça n’a guère pris plus d’une centaine de jours au pouvoir pour que déjà, le gouvernement de la CAQ vacille en matière d’enseignement en français pour les futurs étudiants en médecine de l’Outaouais, que la bureaucratie québécoise a placés sous la tutelle de McGill University.

Après avoir réitéré que «ça n’a aucun bons sens» d’être obligé de compléter une année préparatoire en sciences en anglais (obligatoire pour l’entrée à la faculté de médecine), le ministre de l’Outaouais, Mathieu Lacombe, semble avoir beaucoup de difficulté à démêler les morceaux du casse-tête que les libéraux lui ont laissé…

Le plus récent texte de Justice Mercier dans le quotidien Le Droit, publié ce 14 janvier, se termine ainsi : Il (Mathieu Lacombe) ne s’engage toutefois pas à ce que l’année préparatoire soit offerte en français d’ici la fin du présent mandat, en rappelant qu’il ne s’agissait pas d’un engagement électoral et que le gouvernement actuel «est pris avec ça».

Bien sûr qu’il ne s’agissait pas d’un «engagement» électoral. Le scrutin avait lieu le 1er octobre et le public n’a rien su avant le début de novembre, quand le quotidien Le Droit a fait état d’une vidéo de McGill, diffusée sur YouTube, où l’université anglo-montréalaise précisait que l’année préparatoire se déroulerait en anglais…



Reste que les candidats de la CAQ avaient pris des positions très fermes dans ce dossier et s’étaient opposés à tout compromis sur la langue d’enseignement. Le parcours des étudiants de l’Outaouais se ferait uniquement en français, disaient-ils. Et voilà que d’ici la fin du mandat du gouvernement Legault, c’est-à-dire d’ici la fin de 2022, des cégépiens francophones du Québec devront étudier les sciences en anglais pendant une année complète pour pouvoir accéder à une faculté de médecine dont on n’est toujours pas certain qu’elle pourra offrir en français l’ensemble de sa formation théorique…

Tout cela paraît tellement compliqué pour nos politiciens, mais ce ne l’est pas. Le principe est simple : les étudiants francophones du Québec ont le droit le plus absolu de faire leurs études primaires, secondaires, collégiales et universitaires en français. Tout ce qui pourrait faire obstacle au respect de ce principe doit être sommairement écarté.

Sur le plan de l’enseignement de la médecine, la bureaucratie québécoise a octroyé à McGill la gestion des programmes universitaires sur une partie de l’île de Montréal, la Montérégie, l’Outaouais et le Nord-Ouest québécois. Or McGill est une université anglaise. Elle n’a pas à se franciser pour quelque raison que ce soit. Et à ce titre, ce n’est pas dans son mandat de créer des programmes en français pour des étudiants francophones.

Alors voilà. Quand des étudiants de langue française de l’Outaouais (ou de quelque autre région sous le giron de McGill) veulent étudier en médecine, ils ont droit de le faire dans leur langue, la langue nationale du Québec, et dans une institution universitaire de langue française comme l’Université de Montréal, Laval, Sherbrooke, ou, encore mieux, l’Université du Québec en Outaouais. Pas de discussion. Pas d’exception. Les normes bureaucratiques s’y opposent ? On déchire ces normes et on en édicte de nouvelles.

Si, pour fignoler d’autres normes, il faut quelques mois ou quelques années, on s’organise pour que les étudiants en médecine soient immédiatement pris en charge par une institution de langue française. Si l’enseignement se fait par visioconférence, comme cela était prévu, que le signal télévisé provienne de la faculté de médecine de l’Université de Montréal à la place de McGill ne me semble pas un obstacle insurmontable. Cela réglerait du même coup le problème de l’année préparatoire en sciences, sans doute offerte par cette même université.

Quand on songe que nos étudiants de l’Outaouais pourraient étudier en sciences et en médecine en français à l’Université d’Ottawa, sur la rive ontarienne, et qu’on les en empêche – même temporairement - au pays de la Loi 101, il y a de quoi avoir honte !

Allez, M. Lacombe. Vous êtes nouveau dans ce métier. Vous n’avez pas à porter le fardeau des erreurs et fautes du passé. Faites table rase de certaines pratiques. Dites à vos sous-ministres et cadres : «faites-les étudier la médecine en français dans une université de langue française et arrangez-vous avec les problèmes: n’êtes-vous pas des experts en gestion de crise? Je ne vous demande pas de régler la faim dans le monde, de négocier le libre-échange ou de freiner les changements climatiques. Juste de permettre à une vingtaine d'étudiants québécois de pouvoir étudier en français au Québec...»

Et n’oubliez pas d’exiger des résultats, parce que le public est en droit d’en attendre de vous et de votre gouvernement !




mercredi 9 janvier 2019

Jamaïque 101 en six jours...


Passer le Jour de l'An sous le soleil des tropiques. Je n'avais jamais fait ça... Mais voilà, l'occasion, imprévue, s'est présentée et par un glacial dimanche matin, ce 30 décembre 2018, j'ai pris l'avion vers Montego Bay, en Jamaïque, accompagné de mon épouse, d'une de mes filles et de ses deux enfants.

Je dois avouer que je ne connaissais rien à la Jamaïque et que ce pays des Antilles ne m'intéressait guère. Après une semaine dans un centre de villégiature pour familles à Runaway Bay, sur la côte nord de l'île, cependant, je suis revenu enchanté de mon séjour, de l'accueil chaleureux des Jamaïcains, des journées de 30 degrés à répétition, de la cuisine locale savoureuse et souvent plus épicée que la nôtre, du patois (incompréhensible pour nous) qui remplace l'anglais dès que les touristes s'éloignent, de la verdure et surtout des palmiers... mon arbre préféré il va sans dire.

Que peut-on vraiment apprendre en six jours d'un pays que l'on n'a jamais visité, sans quitter d'une semelle une station touristique d'à peine 75 chambres (Franklyn D. Resorts)? Plus que l'on pense, je crois, en se donnant la peine de tendre l'oreille et de jaser avec les Jamaïcains que l'on croise quotidiennement. Dès notre arrivée, dans la navette nous transportant de l'aéroport vers Runaway Bay, le conducteur à barbe frisée grisonnante nous a livré un mini-cours passionnant de géographie et d'histoire de la Jamaïque, depuis les époques coloniales - espagnole puis britannique - jusqu'à l'indépendance, acquise depuis 1962.

Mais sommes-nous vraiment indépendants, pestait-il, quand nos lois doivent recevoir l'approbation de la Reine Elizabeth II d'Angleterre et que cette dernière nomme toujours notre chef d'État (un gouverneur-général), même si ces actes sont symboliques... J'aurais pu lui répondre que leur situation est semblable à celle du Canada et du Québec et qu'ici aussi, au nord du 45e parallèle, dans le bassin du Saint-Laurent, nous restons - sans l'avoir voulu - des «sujets» de Sa très britannique Majesté...

Quelques heures en sol jamaïcain suffisent pour comprendre qu'il n'y a là-bas qu'une langue seule officielle - l'anglais. L'affichage, les bannières commerciales, les lois et règlements, les médias, tout se passe dans la langue de Shakespeare... Et pourtant, il existe une seconde langue, tout aussi répandue, celle que les Jamaïcains utilisent quand ils communiquent entre eux. Ils appellent cette langue «patois» (prononcé patwa) et à moins d'être imprégné de culture jamaïcaine, vous n'y comprendrez rien. Ce n'est pas de l'anglais. On m'a expliqué qu'il s'agit d'une langue parlée. Elle ne s'écrit pas, on ne l'enseigne pas dans les écoles. C'est la langue d'usage, dans la rue, à la maison. Voilà sans doute la preuve que, dans certaines situations, une langue n'a pas besoin de statut officiel pour rester dominante dans une société.

En route vers la station touristique, nous n'avions vu qu'un seul animal le long de la routes. Des chèvres, en petit troupeau, et en liberté, ça et là. Notre chauffeur en a profité pour nous parler de cuisine jamaïcaine, et d'insister fortement que l'on goûte, pendant notre séjour, au cari de chèvre (curried goat), une des grandes spécialités de l'île antillaise. Ce mets ne figurait pas au menu du restaurant jamaïcain du centre de villégiature, du moins pas les jours où nous y étions, mais le chef cuisinier a accepté d'en mijoter un plat juste pour nous, la veille de notre départ. Nous y avons fait honneur et je dois dire que si les restos d'ici proposaient des repas de chèvre (la viande la plus consommée sur la planète!), je m'en régalerais le plus souvent possible!

J'entendais souvent, aussi, le mot «jerk» associé à des aliments, notamment les ailes et poitrines de poulet. J'ai vite appris qu'il s'agissait d'un mélange d'assaisonnements épicés utilisé dans la cuisson, selon une tradition authentiquement jamaïcaine. Peut-être a-t-on eu pitié des étrangers en préparant ces mets pour nous, touristes du nord, mais il m'a semblé qu'on aurait pu les épicer davantage. Enfin, si jamais j'aperçois «jerk wings» ou son équivalent en français au menu d'un resto ici, je serai preneur.

Inutile, sans doute, d'ajouter que la Jamaïque est un paradis pour amateurs de musique, et en particulier du reggae. Nous sommes, après tout, au pays de Bob Marley. J'en ai entendu toute la semaine, bien sûr, mais le soir du Jour de l'An,  nous avons eu droit à quelques heures de vrai reggae live, avec le groupe «Fab 5» (ils étaient 6 ou 7 sur scène, cependant). J'y serais resté cloué toute la nuit! Mon petit-fils de sept ans, Cédric, a persévéré sur le plancher de danse jusqu'à l'épuisement total... Je pense qu'il a aimé le reggae presque autant qu'un concert des Petites Tounes...

Avec un climat «hivernal» comme celui de la Jamaïque (24 la nuit, 30 le jour pendant toute la semaine...), il va sans dire que les restaurants sont en plein air... Un délice pour les oiseaux noirs qui volent de table en table... Et pourtant, pas d'insecte en vue autre que l'occasionnelle mouche ou guêpe... Un matin où je suis sorti très tôt, au lever du soleil, j'ai compris pourquoi en m'étouffant dans un nuage de fumigation... Il faut par ailleurs être prudent à la plage le soir. Se mettre les pieds à l'eau devient risqué avec la présence de nombreuses méduses dont la piqure est fort douloureuse, comme l'ont appris ma petite-fille Sophie et son amie Allyson. Mieux vaut aussi regarder en l'air quand on marche sous les palmiers géants, surtout quand l'un d'eux perd une feuille (géante) qui s'écrase à quelques centimètres de nous. Et à nous qui sommes habitués au murmure estival des criquets et cigales, le bruit assourdissant et les notes aiguës des grillons jamaïcains après le coucher du soleil et pendant la nuit constituent une expérience plutôt unique... Je pense que nous étions à quelques pas de leur quartier-général...

Enfin, comme à toute destination tropicale, il y a le charme de rencontrer des gens sympathiques d'un peu partout, des étrangers qui se côtoient pendant une semaine ou deux et qui, selon toutes probabilités, ne se reverront jamais. Une famille d'Albany, New York, qui souffre à la seule mention du nom de Donald Trump... Un couple de l'ouest d'Ottawa dont la fille adolescente a appris le français et cherche toujours des occasions de le parler (elle a trouvé Sophie)... Et que dire de nos hôtes jamaïcains, toujours souriants, polis et prêts à engager la conversation. Ceux et celles que j'ai rencontrés n'ont jamais vécu la neige et le froid, et notre climat pique un peu leur curiosité. Si j'étais eux, je n'irais pas visiter le Québec au mois de janvier...

Une semaine sous le soleil antillais... j'ai bien mangé, bien lu (près de trois livres), fait des mots croisés, joué aux cartes, écouté de la musique et même vu à la télé les émissions de la veille du Jour de l'An à Radio-Canada (d'En direct de l'univers au Bye Bye) grâce à aux compétences technologiques de ma fille Véronique. J'ai engraissé d'au moins un kilo, j'ai un peu bronzé, et je crois être prêt à affronter le coeur de l'hiver sur les rives de l'Outaouais... 

Awignahan!