vendredi 29 avril 2022

Si Québec s'était tenu debout depuis 1982...

Le rapprochement récent entre le Québec et les minorités de langue française ailleurs au Canada risque de couler comme le Titanic alors que la Cour suprême s'apprête à jauger l'impact d'une cause controversée soumise par les francophones des Territoires du Nord-Ouest.

Pour comprendre la portée de l'affaire, il faut connaître l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, imposée en 1982 sans l'assentiment du Québec mais à laquelle tous les gouvernements québécois ont accepté d'être soumis au cours des 40 dernières années.

L'article 23 accorde aux minorités de langue officielle - y compris aux Anglo-Québécois - le droit de fréquenter des écoles primaires et secondaires dans leur langue, et d'en assumer la gestion. Mais cette disposition constitutionnelle détermine aussi qui a le «droit» d'être admis à ces écoles.

Pour les francophones, les droits scolaires conférés par la Charte fédérale s'appliquent seulement aux citoyens canadiens (adultes ou enfants ayant reçu une partie ou la totalité de leur instruction primaire en français au Canada, et qui résident dans la province où se situe l'école que fréquentera l'enfant). On appelle ces gens des «ayants droit».

Les immigrants sont exclus de l'application de l'article 23, ainsi que l'ensemble du préscolaire, du collégial et de l'universitaire. En pratique, cependant, dans certaines provinces dont l'Ontario, certains «non-ayants droit» (parfois même des anglophones) sont admis dans les écoles françaises, brouillant ainsi la ligne de démarcation entre écoles de langue française et écoles d'immersion.

Ce n'est pas le cas aux Territoires du Nord-Ouest, où le gouvernement a opposé une fin de non-recevoir à la commission scolaire franco-ténoise, qui voulait admettre des «non-ayants droit» dans ses écoles. On pourrait croire qu'il s'agit d'enfants d'immigrants francophones, ou d'élèves d'immersion française. En vertu de l'article 23, une province ou un territoire peut obliger les immigrants francophones à fréquenter l'école anglaise. Au Québec, les immigrants anglophones doivent s'inscrire à l'école française en vertu de la Loi 101. 

Les Franco-Ténois ont contesté la décision de Yellowknife et l'affaire est maintenant rendue à la Cour suprême, qui a accepté d'entendre l'appel. «On refuse que le gouvernement décide pour nous qui devrait être admis dans nos écoles», déclare sans ambages Yvonne Careen, directrice générale de la Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest (CSFTNO). «On connaît très bien notre communauté mais notre ministère interfère depuis 30 ans dans notre gestion.» (voir bit.ly/3M8RYQG)

Si les Canadiens français des T.-N.-O. espèrent un appui quelconque du Québec dans le sillage du rapprochement récent entre le gouvernement québécois et la francophonie hors Québec, ils devront vite déchanter. Si l'État québécois intervient dans cette cause en Cour suprême, ce sera pour s'opposer aux demandes des francophones. Exactement comme Philippe Couillard l'avait fait en 2015 dans une cause d'interprétation élargie de l'article 23, alors que son gouvernement très fédéraliste avait pris position contre les demandes des Franco-Yukonnais. Le motif? Pourtant très clair: éviter que les Anglo-Québécois utilisent une brèche dans l'article 23 pour élargir les brèches déjà géantes dans la Loi 101, dans le but d'admettre aux aussi des «non-ayants droit» dans les écoles anglaises.

Si Québec avait su se tenir debout depuis le coup d'État qui lui imposa la Loi constitutionnelle de 1982 (Charte des droits et libertés) contre son gré, la situation serait tout à fait différente. Le gouvernement québécois n'a jamais signé la nouvelle Constitution canadienne, mais il l'a reconnue en pratique, en acceptant qu'on s'en serve pour juger des lois québécoises et notamment des lois linguistiques et identitaires. Québec aurait dû dès 1982 invoquer le droit de véto qu'il possédait depuis 1867, dont on l'a dépouillé illégalement, refuser de se soumettre à l'ensemble de la Loi constitutionnelle de 1982, et surtout refuser de reconnaître les pouvoirs accrus d'une cour constitutionnelle (la Cour suprême du Canada) dont les membres sont nommés par le seul premier ministre du Canada, celui-là même qui avait piétiné les droits historiques du Québec.

S'il avait agi ainsi, le Québec aurait rendu l'article 23 sur les droits scolaires inopérant sur son territoire, protégeant la Loi 101 dans son entièreté - tant dans les écoles que dans l'affichage. Le gouvernement québécois aurait alors pu intervenir ailleurs au pays pour appuyer les minorités canadiennes-françaises et acadiennes dans leurs luttes de protection et de promotion de la langue et de la culture françaises, sans craindre que la symétrie de la Loi constitutionnelle de 1982 ou de la Loi sur les langues officielles - qui créent une égalité fictive entre francophones hors Québec et Anglo-Québécois - lui rebondisse en pleine face.

Pour le Québec, il n'est pas trop tard. La Constitution de 1982 n'a jamais reçu l'approbation du Québec. Il est encore temps pour le gouvernement québécois, même après 40 ans, d'affirmer que la nation québécoise n'a pas à obéir à une loi constitutionnelle adoptée sans elle et même contre elle. Que désormais, le Québec ne se sent pas lié par cette constitution qu'il juge illégitime, voire illégale. Même un gouvernement fédéraliste pourrait agir ainsi puisqu'un tel geste ne remet pas, en soi, l'existence du lien fédéral, antérieur à la la Charte de 1982.

Libéré des menottes constitutionnelles qu'il traîne depuis quatre décennies, le gouvernement québécois pourrait définir une politique cohérente de promotion et de protection du français, fondée sur un territoire à l'image de sa majorité francophone dont le dynamisme rayonnerait à travers le pays et l'Amérique. Un tel Québec aurait les coudées franches pour se rendre devant la Cour suprême et dénoncer les injustices dont les francophones minoritaires sont victimes depuis plus de 150 ans. Les Franco-Ténois auraient un allié québécois, et non un adversaire...


lundi 25 avril 2022

Guy! Guy! Guy!

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Guy, quand tu marquais un but, c'est chacun de nous qui marquait un but. Quand tu gagnais le championnat des compteurs ou la Coupe Stanley, c'est comme si chacun de nous avait accompli les mêmes exploits... Quand le Canadien t'a mis à la porte (façon de parler...) en 1984, c'est chacun de nous qu'on a mis à la porte (façon de parler)... Et nous avons, chacun de nous, vécu avec toi les émotions que tu as ressenties en revenant au jeu en 1988 avec les Rangers, puis deux autres années avec les Nordiques de Québec... Et quand la foule t'a ovationné pendant six minutes à ton dernier match au Forum de Montréal, le samedi 30 mars 1991, l'acclamation était portée par des millions de «Guy! Guy! Guy!» criés avec une boule dans la gorge, partout au Québec et ailleurs en Amérique du Nord... À ta façon, Guy Lafleur, tu étais chacun de nous...

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J'avais huit ans quand mes parents ont acheté un premier téléviseur en 1954. Un appareil de marque Admiral, qui diffusait des images en noir et blanc que l'on peinait parfois à distinguer sur l'écran enneigé... Mon frère et moi devions nous coucher tôt, sauf le samedi... C'était La soirée du hockey, un événement aussi impératif que la messe du lendemain matin. Mon père nous laissait parfois regarder la télé jusqu'à la fin de la deuxième période... pour voir Maurice Richard en action.

Nous applaudissions bien sûr les victoires du Canadien de Montréal, mais seul Maurice Richard comptait vraiment sur la patinoire. Quand il sautait sur la glace, la tension montait d'un cran. Je m'avançais au bout de ma chaise, figé, espérant à chacune de ses présences qu'il fonce vers le filet adverse et déjoue le gardien sous un tonnerre de cris dans les gradins remplis du vieux Forum. À l'âge de 9 ans, je n'avais qu'un héros et il portait le chandail numéro 9... Quand le Rocket a pris sa retraite en 1960, j'étais un peu orphelin...

Jusqu'à neuf ans plus tard, à l'automne 1969... Ayant fraîchement entamé une carrière en journalisme, je me revois dans le vacarme de la salle des téléscripteurs du quotidien Le Droit, en train d'éplucher les sommaires des matches de hockey, période par période, pour suivre religieusement les exploits de la nouvelle vedette des Remparts de Québec... Guy Lafleur. Ne me demandez pas pourquoi. Je ne le connaissais pas même s'il avait grandi en Outaouais. Je ne l'avais jamais vu jouer, ni en personne, ni à la télé. Et, pourtant, je me souviens de l'anticipation de voir les sommaires de chaque période des matches des Remparts, dans le seul espoir d'y voir apparaître le nom de Lafleur. Je n'ai pas été déçu!

Le hockey est bel et bien une religion, et j'avais retrouvé la foi. Pas une foi à la St-Thomas. Je n'avais pas besoin de voir, d'entendre, de toucher. Je savais dans mes tripes que Maurice Richard avait un successeur. Du moins pour moi. J'anticipais de suivre les exploits de Guy Lafleur peu importe l'équipe de la LNH qui le repêcherait. Son atterrissage dans le vestiaire du Canadien en 1971 fut la cerise sur le gâteau... et le début d'un long purgatoire de trois ans où je ne compte plus mes chicanes avec le chef de l'équipe des sports du Droit qui trouvait surfaite la réputation du jeune Thursolais. Ciel que j'ai pesté contre ceux qui le dénigraient, contre Scotty Bowman surtout que je vouais aux feux de l'enfer parce que Guy était trop souvent cloué au banc des joueurs.

Mais même durant ces trois années, de 1971 à 1974, en dépit des difficultés, il arrivait que Guy Lafleur compte des buts spectaculaires. Je repasse encore dans ma tête une de ses montées à l'emporte-pièce, partant de la zone du Canadien, accélérant et déjouant chaque joueur de l'équipe adverse avec des feintes magiques pour ensuite loger la rondelle au fond du filet. Je n'ai pas dû être le seul, même si j'avais la conviction d'être le plus grand inconditionnel de Lafleur, à m'avancer sur ma chaise quand il captait une passe et filait à l'attaque, à lui lancer des cris d'encouragement comme s'il pouvait les entendre, dans l'espoir que cela fasse une différence. Chacun de ses élans était porté par les attentes et l'espoir de milliers, voire de centaines de milliers de partisans.

La seconde moitié des années 1970 en fut une de pur bonheur... de vengeance aussi  contre tous ceux qui avaient douté de son immense talent. Au sommet de son art, Guy Lafleur était désormais le démon blond, accumulant hommages et trophées. Le meilleur joueur de hockey au monde! Le 30 mars 1975, le quotidien Montréal-Matin avait publié un cahier de 12 pages intitulé «L'album d'un nouveau héros» (que j'ai conservé) pour souligner le 50e but de Guy Lafleur, compté la veille au Forum. Ce devait être sa première de six saisons consécutives de 50 buts ou plus. Le journaliste Bernard Brisset des Nos y résumait fort bien le sentiment populaire de l'époque:

«Nous reconnaissons comme tous les Québécois que Guy Lafleur est devenu la grande vedette que l'on attendait. Il est devenu cette saison le catalyseur des sentiments populaires qu'il fallait depuis le départ de Jean Béliveau. Guy Lafleur est sur le point d'entrer dans la légende du Club Canadien avec son 51e but. Il entrera du même coup dans la légende du Québec.» Le cahier du Montréal-Matin se terminait par une entrevue avec Maurice Richard, tout aussi enthousiaste, qui disait s'attendre que le jeune Lafleur «brise mon record d'ici peu».

Jusqu'à la fin des années 1970, la saga de Guy Lafleur ressemblait à un conte de fées, où le héros auréolé vainc tous ses adversaires et file un parfait bonheur jusqu'à la fin de ses jours. Puis, en 1980, après que Lafleur eut raté six matches, Wayne Gretzky et Marcel Dionne l'ont relégué au troisième rang des compteurs. Chez le Canadien, du même coup, les entraîneurs jouaient à la chaise musicale et un déclin de Lafleur s'amorçait. L'arrivée de Jacques Lemaire et de son «système» défensif en 1984 sonna le coup de grâce et Guy fut évincé de l'équipe. On ne fait pas ça au plus grand partisan de Guy Lafleur (...à moi). J'ai renié sur-le-champ l'équipe que je suivais depuis mon enfance et près de 40 ans plus tard, je n'ai toujours rien pardonné aux deux Judas du Canadien, Jacques Lemaire et Serge Savard. Et je ne suis pas le seul à penser ainsi...

Le retour au jeu inattendu, presqu'inespéré, du démon blond en 1988 fut le coup du siècle. Je suis instantanément devenu partisan des Rangers de New York, une équipe qui ne suscitait auparavant que de l'indifférence. Les deux années suivantes, j'ai revêtu les couleurs des Nordiques. De toute évidence, pour des tas de gens y compris moi, l'admiration pour la vedette qu'était toujours Lafleur transcendait l'allégeance envers une équipe. Pendant trois saisons, partout en Amérique du Nord, les amateurs de Lafleur - et ils sont légion - ont de nouveau enfilé les couleurs du numéro 10, et les cris de «Guy! Guy! Guy!» ont retenti dans tous les stades de la LNH, y compris au vieux Forum de Montréal. Sans doute à la grande joie des fantômes...

J'ai enregistré les deux derniers matches de Guy Lafleur contre le Canadien, à Montréal et à Québec, les 30 et 31 mars 1991, et conservé les cahiers spéciaux des quotidiens (à l'époque il y avait de vrais journaux). J'ai toujours en mémoire l'ovation de six minutes quand on l'a présenté à la foule ravie du Forum de Montréal. Le journaliste de La Presse Michel Marois avait fort bien résumé ce moment émouvant: «Six minutes bien comptées, au cours desquels les spectateurs ont mélangé les applaudissements et les cris pour honorer Lafleur. Pendant cette éternité, Guy est resté seul au centre de la patinoire, seul avec son public.

«L'instant était magique et qui sait s'il ne durerait pas encore si l'annonceur du Forum n'avait pas jugé bon de rompre la magie. Pressé d'en finir avec cette fête un peu embarrassante pour le Canadien, Claude Mouton a demandé aux dignitaires de s'avancer. Une fois, deux fois, trois fois, les cris du public ont enterré sa voix. De guerre lasse, Mouton s'est contenté de lire son invitation, quitte à ce que personne ne l'entende...».

La Presse avait demandé à ses lecteurs de lui poster (de vraies lettres en papier avec des timbres sur l'enveloppe) des messages pour Guy Lafleur, devant être remis à la fin de la saison. On en a reçu pas moins de 3500! Le chroniqueur Michel Blanchard écrivait à cet égard: «Nous avons été surpris et pris de court par l'ampleur du courrier-souvenir, ramassis de messages d'amour tout à fait bouleversants». Et Maurice Richard d'ajouter dans sa chronique: «Je n'ai jamais reçu des lettres d'amour comme ça. J'ai reçu des lettres bien sûr, mais c'était un petit mot bien simple ou une demande d'autographe ou de photo-souvenir.»

J'aimerais pouvoir raconter une rencontre avec mon idole, mais pendant mon association de plus de 45 ans avec le monde médiatique, je n'ai jamais rencontré Guy Lafleur! Quand sa biographie (Guy Lafleur, l'ombre et la lumière) a été publiée en 1990, une amie journaliste l'a informé que j'étais son plus grand admirateur et j'ai eu droit à un exemplaire avec des messages signés par Guy, son épouse et l'auteur. Si, un jour, il ne me reste qu'un seul livre dans mes bibliothèques, il y a de fortes chances que ce soit celui-là. 

Depuis son décès, j'ai lu et entendu des dizaines, voire des centaines de témoignages d'admiration et d'amour pour Guy Lafleur. J'ai vu l'hommage au Centre Bell avant le match contre les Bruins et fort apprécié l'ovation de plus de dix minutes qu'on a encore une fois, comme en 1991, tenté d'interrompre... Comment Guy Lafleur voulait-il qu'on se souvienne de lui? Le chroniqueur Réjean Tremblay le lui avait demandé récemment et Lafleur avait répondu: «Que j'ai tout donné. Tout ce que je pouvais donner.» Tout donner! Voilà pourquoi ici et ailleurs, le public l'aime sans réserve.

Et moi itou!!!

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Stéphane Richer avait l'habitude de dire qu'il avait «le CH tatoué sur le coeur»... En fin de semaine, j'ai entendu un commentateur affirmer que le Québec avait Guy Lafleur tatoué sur le coeur. J'en suis sûr!


 

mercredi 20 avril 2022

Mon cousin Claude

Notre dernière rencontre en août 2021. Claude Longpré, devant à droite dans la photo. Entouré de son frère aîné, Michel (à sa gauche) et de Guy Pouliotte, Gilles et Daniel Longpré, et moi. 

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Mon cousin Claude Longpré est décédé le lundi 18 avril à Ottawa des suites d'un cancer du poumon qu'il combattait depuis quelques années. Nos rencontres s'étaient faites rares depuis des dizaines d'années, mais le lien spécial qui nous unissait depuis l'enfance a, je crois, tenu bon jusqu'à la fin.

Nous sommes nés en 1946 à quelques mois l'un de l'autre, lui en avril, moi en juillet. Sa mère était la soeur de mon père. Et son papa était le frère de ma grand-mère maternelle, Eva Longpré. Nos dix premières années, nous les avons passées dans la même grande maison. De fait quatre familles vivaient sous ce toit pendant les années 1950. Tous étaient oncles, tantes, cousins, cousines...

Je revois notre marmaille dans la rue devant la maison familiale (au 153-155 Hinchey) ou dans l'immense cour arrière en terre battue, ou ailleurs dans le quartier, en train de s'amuser à toutes sortes de jeux. Parfois (souvent, de fait), nous nous aventurions au bord des eaux turbulentes de la rivière des Outaouais ou explorions les broussailles du vaste pré que nous appelions alors le «porc» et que les Anglais nommaient Tunney's Pasture. 

Nous étions tous, toutes proches, mais Claude l'était davantage. Pour moi, c'était presque un frère. Seuls du même âge, nous sommes entrés à la maternelle ensemble, en 1951. Quelques jours avant la rentrée scolaire, Claude s'était fracturé un bras et avait dû attendre quelques semaines avant de pouvoir intégrer l'école St-Conrad. Je ne voulais pas y aller sans lui. Chaque matin, ma mère marchait avec moi le kilomètre et demi jusqu'à la maternelle, et chaque matin, je m'échappais de la classe et revenais à la maison... 

Claude et moi avons fréquenté les mêmes écoles primaires, dans la même classe, jusqu'en 8e année. C'est en 1959 que nos sentiers se sont éloignés quand nos parents ont quitté l'ancienne maison familiale pour habiter des coins différents de la capitale. La tribu ne se revoyait qu'aux fêtes et aux grandes occasions, et encore moins souvent après la mort de mes grands-parents Allard au milieu des années 1960. Puis la vie adulte nous a happés. Claude et moi avons joué aux quilles ensemble à la fin des années 1980 mais pour l'essentiel, chacun, chacune des membres de la famille élargie avait désormais son propre conjoint, ses enfants, ses intérêts. La plupart des cousins et cousines étaient devenus des souvenirs d'enfance.

Un bon jour, sans trop qu'on s'en aperçoive, on atteint l'âge où les funérailles deviennent la principale occasion de rencontres familiales. Ceux de la génération de nos parents d'abord, puis, petit à petit, de la nôtre... Avec l'arrivée du nouveau millénaire et la disparition du premier cousin, Jacques Pouliotte, à peine âgé de 50 ans, le besoin de revoir ceux et celles que nous avons tant côtoyés dans notre jeunesse se fait sentir. Assez curieusement, c'est l'irruption de Facebook qui m'a permis de retrouver une partie de la famille élargie, perdue de vue depuis longtemps. En prime, Guy Pouliotte, un de la bande originale du 153 Hinchey, avait élu domicile à quelques portes de chez moi et de mon frère Robert (mon frère et moi sommes voisins depuis 1980), à Gatineau.

Entre les pages Facebook et se revoir en personne, il n'y a qu'un pas. Et parmi ceux que nous avons retrouvés en personne durant la dernière décennie, il y avait Claude Longpré et ses cinq frères dont l'un, Serge, est décédé en 2016 à 63 ans. La reprise s'est faite sans heurts, comme si nos voies ne s'étaient jamais écartées. La connexion était refaite. Juste à temps, parce que Claude a reçu en 2019 son diagnostic de chancer du poumon inopérable. Je l'ai revu pour la dernière fois en août, l'an dernier, avec trois de ses frères (Michel, Gilles et Daniel). Affaibli, mais comme toujours, de bonne humeur. Souriant. Riant.

Atteint de la COVID en février, il a réussi à franchir son 76e anniversaire de naissance, le 10 avril 2022. Il a été hospitalisé d'urgence le samedi 16, et est décédé le lundi suivant, en soirée. Dans quelques jours, le décès de Claude rassemblera sans doute une nouvelle fois la progéniture des enfants de Joseph et Alexina Allard - des Longpré, Pouliotte, Allard, Desrochers et Champagne - et les rares survivants de la génération précédente (dont ma mère de 97 ans). Mon cousin Michel Longpré et moi sommes désormais les plus vieux de notre génération. Cela donne à réfléchir...

Salut Claude, Jamais je n'oublierai qu'enfants, nous avons été - pour un temps trop court - plus que cousins. Presque frères.

Mes plus sincères condoléances à ceux et celles dont Claude a été le plus proche durant sa vie - ses enfants et petits-enfants et leur famille, ainsi que ses frères et leurs proches. Il vous manquera, j'en suis sûr.

Il me manquera aussi.


vendredi 15 avril 2022

Vendredi Saint, 15 avril 2022

image de mon missel d'enfance

Vendredi Saint, 15 avril 2022... Journée largement comme les autres à Gatineau... Magasins ouverts, comme à l'habitude... Bizarre, de l'autre côté de la rivière des Outaouais, dans cet Ontario anglais et protestant, c'est férié... Chez nous sur la rive québécoise, les églises catholiques tombent comme des dominos... La mienne, St-René Goupil, a été vendue à un quelconque groupe biblique... Mon ancienne paroisse, qui porte le même nom, n'existe plus... Cet après-midi, les fidèles qui restent se rassembleront sans doute dans les églises qui restent...

Je n'ai jamais vraiment été croyant, même si j'ai grandi à une époque où la religion catholique était omniprésente dans nos vies. J'ai toujours été un «douteux». Une des raisons, sans doute, pour laquelle je suis devenu journaliste. Mais j'ai toujours été attiré, fasciné, par le grand cérémonial de la mort et la résurrection de Jésus Christ. J'imagine que je voulais y croire sans y parvenir. Disons que j'espérais que toute cette histoire soit vraie. Oui, j'étais et je demeure un «espérant».

Pendant trois ans, de 1955 à 1958, à la paroisse Notre-Dame des Anges, à Ottawa, j'ai servi la messe comme enfant de chœur. J'ai conservé le petit «Missel des dimanches» en latin et en français que mes parents m'avaient offert à l'âge de 9 ans. En le feuilletant, je me suis souvenu de l'ambiance très spéciale de l'Office du Vendredi Saint, seul jour de l'année où il n'y avait pas de messe et l'un des rares moments où le prêtre célébrant sortait des grands tiroirs de la sacristie les vêtements sacerdotaux noirs. Ou étaient-ce les rouges?

La cérémonie du Vendredi Saint avait lieu vers 3 heures de l'après-midi, l'heure où, dans notre esprit, le Christ crucifié avait rendu l'âme. Tous les enfants de choeur étaient mobilisés, et l'église était pleine à craquer pour environ une heure et demie de lectures y compris la passion de Jésus au grand complet. Assis, debout, à genoux, assis, debout, à genoux... De plus, nos estomacs grondaient un peu parce que c'était «maigre et jeûne»... LA journée où on ne mangeait ni viande ni gâteries. Mais ça restait grandiose, solennel, mystérieux. Important.

Le plus spectaculaire, c'était l'adoration de la Croix, un immense crucifix - en tout cas il nous semblait immense - qui était resté voilé depuis le dimanche de la Passion. Le célébrant la découvrait en trois étapes - le haut d'abord, puis un des bras, puis La Croix entière. Après, on la déposait sur un coussin devant les fidèles qui, un à un, allaient embrasser les pieds du Christ dans un geste d'adoration. Pas sûr qu'on ferait ça aujourd'hui avec la COVID...

À l'âge de 10 ou 11 ans, nous étions vaguement conscients, sans vraiment comprendre, que la fin de semaine pascale était le moment clé de la religion chrétienne, bien plus que Noël. Sans la mort et la résurrection de Jésus Christ, les évangiles n'étaient guère plus que le rappel des faits et gestes d'un humain comme les autres. Une belle histoire, certes, inspirante, mais pas celle de Dieu s'incarnant dans un humain. Et même enfant, nous étions tous un peu comme Saint Thomas. Nous n'étions pas là à Jérusalem, un peu après l'an zéro de l'ère chrétienne. Nous n'avions pas vu. Moi, et d'autres, n'avions pas de certitude.

Aujourd'hui, à 75 ans, j'ai les mêmes doutes. J'aimerais avoir la foi mais elle reste hors d'atteinte. J'adhère cependant au coeur du message des évangiles - l'amour de Dieu (de la perfection) et surtout, l'amour du prochain. Personne, depuis Jésus, n'a proposé de meilleur itinéraire de vie pour l'humanité. L'amour du prochain mettrait fin aux inégalités, assurerait la justice, la fraternité, la liberté et la paix dans le monde. Je doute qu'on puisse un jour y arriver, mais je l'espère.

Je me disais, enfant, qu'un jour, pendant une grande cérémonie pascale, il se produirait quelque chose qui me donnerait la certitude qui m'échappait, la foi. Ce n'est pas arrivé, et comme je ne pratique plus, il y a peu de chance que la foudre divine me frappe avant mon arrivée au terminus. Mais on ne sait jamais. Douter, c'est l'absence de certitude. Je ne suis pas sûr que Dieu existe mais par le même raisonnement, je n'ai pas la certitude qu'il n'existe pas. Je continue d'espérer.



mercredi 13 avril 2022

Quand on dit «diversité», de qui parle-t-on?

capture d'écran de Radio-Canada

Dans les médias et les milieux politiques, le mot «diversité» est galvaudé au point d'avoir perdu toute utilité! L'autre jour, au bulletin télévisé de Radio-Canada, un reporter parlait de «personnes issues de la diversité» et je me suis demandé de qui on parlait, au juste. Dans le contexte de cette nouvelle, c'était probablement de gens de race noire. Mais le sens du mot «diversité» est beaucoup plus vaste.

La définition suivante, employée par l'Université Laval, servira d'ancrage à cette discussion que j'amorce. Diversité, écrit-on, «se rapporte aux conditions, aux modes d'expression et aux expériences de différents groupes définis par l'âge, l'orientation sexuelle, le statut Autochtone (sic), la religion, la situation de handicap, la langue, la "race" (sic), le lieu d'origine, l'origine ethnique, la culture, la situation socioéconomique et d'autres attributs (sic)». Alouette...

Or, ce matin, dans mon quotidien régional, Le Droit, je lis ce reportage (voir bit.ly/3KIapeR), sensiblement le même que j'ai entendu la veille à Radio-Canada. Le journaliste y écrit: «La Ville de Gatineau a encore bien du chemin à faire avant d'accueillir naturellement la diversité en son sein et la conseillère Olive Kamanyana l'a vivement rappelé à ses collègues, mardi, en caucus préparatoire au conseil municipal».

Et le reporter de poursuivre: «C'est la nomination de membres citoyens à deux commissions municipales qui a remis en lumière la faible représentation de communautés culturelles dans les instances municipales». À la conclusion du paragraphe on lit: «Plusieurs élus ont par la suite abondé dans le même sens». Alors si je comprends bien, pour ces gens, «diversité» et «communautés culturelles» (ça veut dire quoi?) seraient plus ou moins synonymes...

Aurait-on parlé de «diversité» si les candidatures rejetées de ces deux citoyens (oui, il s'agit bien de deux...) avaient été celles de personnes handicapées ou provenant de milieux défavorisés, ou encore appartenant à l'une ou l'autre des catégories LBGTQ2? Je ne crois pas, du moins pas cette fois, et pourtant la définition de «diversité» les englobe...

Faudrait-il donc se rabattre sur l'expression tout aussi ambiguë de «communautés culturelles»,  à laquelle on a clairement donné ici des dimensions raciales qui ne correspondent pas du tout à la définition du gouvernement québécois de communauté culturelle: «groupes sociaux étendus, issus de diverses nationalités (italienne, vietnamienne, etc.) d'immigration et des nations autochtones, et constituant des volets de la diversité culturelle irriguant les circuits de diffusion et d'échange dans la société québécoise».

L'impression laissée par l'article, et par le reportage télé, c'est que les candidatures écartées provenaient de personnes de race noire, comme la conseillère Kamanyana. Elle disait d'ailleurs les connaître. Mais les médias que j'ai vus n'ont rien précisé à cet égard. Les nouvelles là-dessus sont d'ailleurs pleines d'imprécisions. Si c'est bien un enjeu racial, on parle effectivement d'un des nombreux éléments de la «diversité». Mais certainement pas de communauté culturelle...

La culture, par définition, n'est pas raciale. On parle de langue, de coutumes, de religion, d'histoire, etc. mais pas de la couleur de la peau. Dany Laferrière ne siège pas à l'Académie française parce qu'il est Noir mais à cause de ses talents littéraires. Et Mme Kamanyana n'est pas une «représentante» d'une quelconque communauté culturelle ou des Noirs quand elle siège au conseil municipal de Gatineau: elle représente tous les citoyens, peu importe leur appartenance culturelle ou raciale. Et ce qui me concerne, Normand Brathwaite et Boucar Diouf font partie de ma communauté culturelle, si telle chose existe.

Sur le plan mondial, la culture québécoise de langue française fait partie de la diversité culturelle planétaire. Au Canada anglais, la langue française et ses locuteurs sont un élément de diversité. On les appelle «communautés» linguistiques minoritaires, mais pas «communautés» culturelles. Allez comprendre... Et c'est sans compter l'emploi de l'anglicisme «communauté», calque de «community» qui devrait se traduire en français par collectivité. Une bouillie indigeste...

Le journalisme de 2022 a peur des mots devenus tabous, craint de déroger à ses perceptions de la rectitude politique. Si ce sont deux Noirs dont la ville de Gatineau a rejeté les candidatures, dites-le donc au lieu de parler du brouillard de la diversité, ou du labyrinthe des soi-disant communautés culturelles. S'il s'agit de musulmans, dites musulmans. S'il s'agit d'Asiatiques, dites Asiatiques. S'il s'agit de gais, de lesbiennes ou de transgenres, dites-le.

Parce que ce que font les médias présentement, en privilégiant le fourre-tout diversité, c'est présenter tout l'amalgame non-québécois de souche comme des victimes, exclues de la vie sociale et politique par une majorité blanche et francophone intolérante, xénophobe et à la limite, raciste. Et cela ne correspond pas au vécu québécois, qui est celui d'une minorité nationale ayant subi et subissant toujours les séquelles de préjugés racistes charriés par la majorité anglophone historique ainsi que par les autres minorités (ethniques, religieuses, linguistiques) qui se sont assimilées ou s'assimilent aux anglophones dominants. Voilà un terrain sur lequel nos médias timides n'osent pas s'aventurer...


mardi 5 avril 2022

L'immigration et la francophonie hors-Québec: stériles illusions...


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Ou bien la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) ne voit plus la réalité de la francophonie hors Québec ou, ne la voyant que trop bien, la dissimule sciemment. D'un côté comme de l'autre, elle brouille les cartes politiques, entretient de stériles illusions et ne rend service à personne!

La plus récente envolée, voulant que la sauvegarde des collectivités francophones en situation minoritaire passe par l'immigration, atteint des sommets rocambolesques. Cette semaine, la FCFA a demandé «qu'à l'horizon de 2036, une personne immigrante sur cinq qui s'établissent ailleurs qu'au Québec soit d'expression française». C'est présentement 2%...

On laisse ainsi entendre qu'avec un apport massif d'immigrants de langue française, la situation des francophones pourrait s'améliorer de façon appréciable dans les provinces à majorité anglaise. Quelque part on le croit, sans doute. D'autres se disent peut-être que plus la fable est grandiose, mieux elle passe. Mais cette revendication relève strictement du pays des merveilles...

Sur le strict plan politique d'abord, elle n'a aucune chance de se réaliser. On demande ici à la majorité anglo-canadienne (car c'est elle qui décide) de décupler le nombre d'arrivants francophones hors Québec d'ici une quinzaine d'années. Or,  le gouvernement fédéral a été historiquement hostile à l'immigration de langue française, et encore récemment, retardait des demandes provenant de pays francophones.

Les représentants des collectivités canadiennes-françaises et acadiennes s'adressent plus souvent qu'autrement à des ministres ou députés fédéraux de langue française lors de leurs pèlerinages à Ottawa, mais ces derniers sont eux-mêmes minoritaires au sein du gouvernement, peu importe sa couleur politique. Allez demander aux députés anglos de l'Ontario, du Manitoba ou de l'Alberta s'ils voudront dix fois plus d'immigrants francophones chez eux...

Secundo, sur le plan sociétal, la démarche suppose que l'arrivée de francophones de l'étranger changera quelque chose à la donne. C'est mal connaître l'état actuel des populations de langue française à l'extérieur du Québec, qui se détériorent à vue d'oeil depuis le milieu du 20e siècle. Les taux d'assimilation sont mirobolants dans toutes les régions, villes et quartiers où les parlant français ne forment pas une majorité. Les immigrants francophones qu'on expédiera à Toronto, Ottawa, Winnipeg, Calgary ou Vancouver (peu importe leur nombre) s'assimileront à l'anglais aussi rapidement que les francophones qui y résident déjà.

Les villes et régions hors Québec où Canadiens français et Acadiens sont toujours majoritaires pourraient, à la limite, se voir renforcées par l'ajout de centaines ou de milliers d'immigrants de langue française, mais les nouveaux arrivants n'iront pas là. J'ai vérifié quatre de ces localités - Hawkesbury et Kapuskasing en Ontario, Edmundston et Tracadie au Nouveau-Brunswick - et la proportion de gens d'origine étrangère y est tout à fait négligeable. Pire, la population y est stagnante ou en baisse selon le recensement de 2021.

À Ottawa, ville canadienne hors Québec où l'on trouve le plus grand nombre de francophones, il y a avait jusqu'aux années 1970 trois ou quatre quartiers à majorité française. Il n'en existe plus. Le taux d'assimilation y est passé de 17% en 1971 à 33% en 2016. Même situation dans d'autres régions urbaines où survivaient de fortes concentrations francophones - Sudbury, Cornwall, St-Boniface, Windsor. Les taux d'anglicisation dépassent les 50% à peu près partout.

Voilà d'ailleurs le noeud du problème, insoluble. L'éparpillement urbain de la francophonie canadienne hors Québec. La langue de la rue, partout, devient l'anglais, même pour les francophones. Les jeunes apprennent le français à l'école mais le parlent avec un accent anglais, et s'en servent peu. Les unions sont majoritairement exogames, et les enfants issus de ces couples anglais-français parlent en grande majorité l'anglais. Le plupart regarderont la télé en anglais, écouteront la musique en anglais, se serviront de l'Internet en anglais et ainsi de suite. Une ou deux générations plus tard, ils seront des Michael Rousseau...

Cette réalité - la vraie - est celle qui attend ces vagues d'immigrants francophones qu'on veut expédier d'un bout à l'autre du pays pour empêcher que la proportion des parlant français ne poursuive pas sa chute catastrophique. Ces êtres humains venus d'ailleurs feront exactement ce que font les êtres humains d'ici... ils s'intégreront, lentement puis rapidement, à la majorité anglo-canadienne partout où les forces d'anglicisation deviennent irrésistibles. À moins d'aller s'installer dans la Madawaska, la péninsule acadienne, ou dans certains coins plus francophones de l'Est et du Nord ontariens. Ce qui, à regarder les recensements, est plus qu'improbable...

La FCFA, si elle veut faire oeuvre utile, devrait s'atteler d'abord à un examen réaliste de la situation actuelle et de l'évolution des collectivités francophones toujours existantes, et mettre en place des stratégies qui vont au moins sauver les meubles. En commençant par bien compter le nombre de parlant français hors Québec. Cesser d'avancer le chiffre fantaisiste de 2 700 000 alors que selon Statistique Canada, c'est autour d'un million. En utilisant comme repère l'indice plus fiable encore de la langue d'usage, c'est à peine un peu plus de 600 000... Protéger ces 600 000 véritables usagers du français constitue un objectif bien plus atteignable, et louable, que de tout perdre ou doublant, triplant ou décuplant la mise avec l'immigration.

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Les organisations franco-canadiennes hors-Québec ont l'oreille du fédéral depuis plus d'un demi-siècle parce que l'existence d'une francophonie canadienne constitue un argument clé pour garder le Québec au sein de la fédération. Mais le jour (pas trop éloigné) où même le Québec, faute d'avoir choisi la souveraineté, glissera vers le bilinguisme puis l'anglicisation, et que la proportion de francophones au Canada chutera sous la barre des 20%, la répression contre le français commencera ouvertement et s'accentuera au fil des ans. La hargne accumulée se déchaînera dans les franges francophobes du pays contre ce qui restera de résistance, en attendant une folklorisation définitive de notre langue et de notre culture. 

Vous me croyez pessimiste? Je parle de ce que je connais. J'ai vécu l'assimilation à Ottawa. Je vis aujourd'hui à sa périphérie à Gatineau. Je la vois avancer, traverser la rivière, pendant que des porte-parole clés de la francophonie hors-Québec, financés par les dollars fédéraux, vendent des illusions sur la place publique sous l'oeil indifférent de médias d'information décimés. 

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capture d'écran du quotidien Le Droit, 15 juin 1969
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«Quand le soir est venu, vous dites: Il fera beau temps, car le ciel est rouge; et le matin: Il y aura aujourd'hui de l'orage, car le ciel est rouge et sombre. Vous savez discerner l'apparence du ciel; et ne pouvez-vous pas discerner les signes des temps?» Jésus aux pharisiens, Mathieu, 16