vendredi 29 septembre 2023

Nos médias se déshonorent...

Quelqu'un pourrait-il expliquer aux médias d'ici et aux journalistes qui en émanent que la ridicule expression «mot en "n"», en plus d'être un barbarisme et un anglicisme, n'a aucun sens... Et pourquoi ne pas ajouter du même coup qu'en l'utilisant, les organisations médiatiques pratiquent une censure qu'elles sont censées combattre...

Je l'ai entendu sur les ondes de Radio-Canada encore, récemment, au téléjournal, dans un reportage sur une entente survenue entre l'Université d'Ottawa et la professeure Lieutenant-Duval (voir https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2013849/affaire-lieutenant-duval-controverse-uottawa). En 2020, cette dernière, qui donnait alors un cours en anglais, avait prononcé le mot raciste-injurieux nigger pour en expliquer le contexte historique.

Ce rappel du racisme américain avait choqué des auditeurs sensibles, chez qui la simple évocation de ce mot, même dans un but purement pédagogique, provoque des démangeaisons. Les médias de langue anglaise, aussi pudiques que la direction de l'Université d'Ottawa, ont trouvé un substitut louche - «n-word» - pour en parler. Cela ressemble un peu à «celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom» pour éviter de dire tout haut «Voldemort» dans les aventures de Harry Potter.

L'emploi de «mot en "n"» par les francophones n'est qu'un calque de «n-word». Et comme son pendant anglais, il sera toujours ambigu. Fait-il référence à nigger ou negro? C'est pire en français, où le «mot en "n"» peut évoquer nègre ou les deux mots anglais. Et nos bons journalistes, pétrifiés par les lynchages médiatiques de ceux et celles qui osent utiliser le mot juste en pareilles circonstances, sont dans l'obligation de lancer «mot en "n"» à tort et à travers, sans même pouvoir expliquer à l'auditoire le fond de l'histoire qu'ils racontent... En passant, cela s'appelle censure.

Mais au-delà de l'ambiguïté de l'expression et d'une auto-censure qui déshonore nos médias, l'expression «mot en"n"» n'a vraiment pas de sens. Regardez ci-dessous les 15 emplois possibles du mot «en» et dites-moi si l'un seul d'entre eux justifie le recours à ce tout petit mot pour créer le désormais omniprésent «mot en "n"». Bonne chance... Vous n'en trouverez pas...

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Capture d'écran du dictionnaire Larousse

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Les trois mots dont il est question dans cette expression ont un «n»: c'est la toute première lettre. Ils ne sont pas faits de «n» comme une montre est faite d'or. On compte plus de «g» que de «n», et autant de «e» et de «r». La lettre «n» n'est pas un lieu, une manière d'être, une date ou un vêtement. Et on parle toujours «du» mot-en-«n», comme s'il n'y en avait qu'un, alors qu'il s'agit d'une trinité. Si au moins on disait «l'un des mots anglais commençant par "n"» ou «le mot français commençant par "n"», il y aurait toujours censure mais au moins la censure se ferait en français acceptable.

Devant cette détérioration de notre langue et les génuflexions face à la censure de la rectitude politique, nos médias de dérobent. Il faut pouvoir nommer librement le mal pour l'abattre. Tous les mots font partie de notre coffre d'outils pour combattre le racisme. Arracher ou torturer des pages du dictionnaire ne réglera rien.


mardi 26 septembre 2023

Un manuel d'histoire pour les députés...

Anthony Rota


Pendant près de deux jours après l'incident, survenu le vendredi 22 septembre, personne n'a dénoncé les hommages rendus (erronément) à un ancien soldat de la 14e division SS par le président de la Chambre des Communes, Anthony Rota. Personne ne s'en était rendu compte, apparemment, jusqu'à ce que des organisations juives «sonnent l'alarme» dimanche, 24 septembre.

M. Rota va perdre son poste. Il ne pourrait en être autrement. Mais le président de la Chambre ne saurait porter seul le bonnet d'âne. Le personnel politique qui a orchestré la présence de Yarodlav Hunka lors des hommages à M. Zelensky est tout aussi coupable, sinon plus. Mais au-delà de ceux et celles qui ont participé directement à l'hommage rendu à cet ancien Nazi, les membres du gouvernement Trudeau et l'ensemble des députés siégeant à la Chambre des communes ce jour-là doivent aussi faire leur mea culpa.

Voici le texte de l'allocution de M. Rota: 

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«Vos paroles (celles du président de l'Ukraine) aujourd'hui nous rappellent également celles d'un autre dirigeant étranger qui s'était adressé aux deux Chambres canadiennes en temps de guerre. En décembre 1941, pendant la Seconde Guerre mondiale, le premier ministre britannique, sir Winston Churchill, était venu à Ottawa et avait prononcé un discours passionné au nom de la population britannique pour demander que l’on continue de soutenir son pays en guerre. C'est un tournant de l'histoire, un moment qu'il ne faut jamais oublier.

«Nous comptons parmi nous un vétéran canado-ukrainien de la Seconde Guerre mondiale qui s'est battu pour l'indépendance de l'Ukraine face aux Russes et qui continue de soutenir les troupes, encore aujourd'hui, à 98 ans. Il s'appelle Yaroslav Hunka. Je suis très fier de dire qu'il vient de North Bay et de ma circonscription, Nipissing—Timiskaming. C'est un héros ukrainien et un héros canadien, et nous le remercions des services qu'il a rendus. Merci.»
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Avec une connaissance minimale de l'histoire, tous les auditeurs auraient dû se gratter la tête tellement c'était louche. M. Rota évoquait Churchill, la Seconde Guerre mondiale et, du même souffle, M. Hunka qui a nettement l'âge requis pour avoir combattu vers la fin du conflit, ayant atteint ses 18 ans en 1943 ou 1944. Le problème, bien sûr, c'est que les Ukrainiens de l'époque étaient soviétiques et combattaient avec les Russes, pas contre les Russes, aux côtés des Alliés (dont le Canada) pour abattre l'Allemagne hitlérienne.

La seule façon dont un Ukrainien de cette époque aurait pu lutter «pour l'indépendance de l'Ukraine» aurait été de joindre des unités allemandes ou celles des alliés d'Hitler. Et il est bien connu que les divisions des fanatiques SS recrutaient des apprentis nazis dans les pays occupés par l'Allemagne y compris la France, la Belgique, le Danemark... et l'Ukraine.

Personne, du côté des Alliés, n'a combattu pour l'indépendance de l'Ukraine dans le Second conflit mondial, et après la victoire de 1945, l'Ukraine est demeurée une république fédérée de l'Union soviétique jusqu'à la dissolution de l'URSS au début des années 1990. Quand l'Ukraine est devenue un pays indépendant, la génération de M. Hunka avait atteint l'âge de la retraite. De toute façon, les plus récents textes publiés laissent entendre que ce dernier avait émigré au Canada peu après la Deuxième Guerre mondiale... Le président des Communes, M. Rota, devait donc, nécessairement, évoquer les années où Yaroslav Hunka faisait partie de la 14e Division SS (Galicie).

Qu'aucun des députés de la Chambre des communes - ou un journaliste - n'ait immédiatement bondi pour mettre en doute cette hérésie historique majeure en dit long sur leur connaissance de la Seconde Guerre mondiale... et sur la faiblesse de l'enseignement de l'histoire dans nos écoles. Anthony Rota doit démissionner pour avoir fait de M. Hunka «un héros canadien» et pour l'avoir «remercié des services (sic) qu'il a rendus». Et il pourrait offrir à tous les députés de la Chambre, comme cadeau de départ, un bon manuel d'histoire de la Seconde Guerre mondiale...

lundi 25 septembre 2023

Il était une fois...

Les anciens quartiers canadiens-français d'Ottawa. De gauche à droite, en bleu, St-François d'Assise-Mechanicsville, la Basse-Ville (au centre) et Vanier (à droite). Les secteurs en jaune indiquent une forte présence francophone, pas nécessairement majoritaire.

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Ce 25 septembre, Jour des Franco-Ontariens, je songe à l'ancien quartier canadien-français d'Ottawa où j'ai grandi et qui habite toujours mes tripes, mais dont il ne reste guère plus que l'imposante église Saint-François d'Assise, trop souvent vide... La plupart des maisons de l'époque ont survécu. Quelques-unes des rues ont même conservé leur allure des années 1950. Mais nos gens n'y sont plus. Il n'y a plus d'âme.

Nos deux paroisses comptaient quatre écoles franco-ontariennes. J'en ai fréquenté trois - St-Conrad, St-François d'Assise et Notre-Dame-des-Anges. La plus grande a été intégrée à un projet de condos, une seconde démolie pour une tour d'appartements. Une seule reste ouverte en 2023. La communauté croate d'Ottawa occupe depuis les années 1980 la plus petite des deux églises, Notre-Dame-des-Anges. Et on n'entend plus de français dans les rues...

J'aurais pu jadis me consoler en arpentant l'un des autres territoires francophones d'Ottawa, mais eux aussi ont subi le sort des miens. Le bastion franco-ontarien de la capitale, la Basse-Ville, qui remonte aux origines de la ville, n'est plus qu'à 20% francophone, charcuté par une «rénovation urbaine» suspecte dans les années 1970. Le secteur Vanier et sa vitrine sur le chemin Montréal ont aussi succombé. Nos écoles et nos églises fermées, vendues, abandonnées.

Pire, au cours du dernier demi-siècle, TOUS les vieux quartiers urbains de l'Ontario français - Cornwall, Sudbury, Welland, Windsor - ont connu le même sort. Ces dernières décennies, la grappe de villages canadiens-français situés à l'est de la capitale a été engloutie par une marée citadine à forte majorité anglophone. À Ottawa, les résidences pour personnes âgées, comme celle où vivait ma mère jusqu'à sa mort récente, semblent être devenues les ultimes refuges d'une population franco-ontarienne vieillissante et éparpillée.

On peut aujourd'hui trouver en ligne d'anciens annuaires de la capitale où les noms sont publiés dans l'ordre alphabétique des rues. J'ai consulté celui de 1923 (100 ans exactement) et retrouvé le nom de mon grand-papa Joseph Allard, qui vivait sur la rue Forward avec sa jeune famille de trois enfants. Ma grand-mère Alexina était enceinte de son quatrième - mon père - qui naîtrait en 1924. J'en ai fait une capture d'écran (ci-dessous) puis parcouru les autres rues du quartier avec les mêmes résultats - des noms français à 80 ou 90%.


Quand je suis né en 1946, la composition du quartier n'avait pas beaucoup changé. En 1950, ayant jeté un regard sur la francophonie ottavienne, le patriarche franco-ontarien Séraphin Marion lui prédisait un brillant avenir. Puis en quelques décennies, tout s'écroulait. C'étaient des quartiers pauvres, proies faciles pour des gouvernements et des constructeurs désireux de «moderniser» la capitale. Plusieurs résidants ont traversé la rivière vers Hull et Gatineau. La plupart se sont éparpillés dans les quartiers anglais. L'assimilation et la chute brutale de la natalité ont fait le reste.

Avec une pyramide démographique en voie d'inversion et l'absence de territoires urbains, la majorité des jeunes Franco-Ontariens des villes sont au mieux bilingues, voire carrément anglicisés. Ce matin, le Conseil national des conseils scolaires francophones (hors Québec) faisait savoir aux parlementaires qu'en Ontario, «près d’un élève sur deux dans les écoles de langue française de l'Ontario, soit 44%, est issu de l’immigration.» Comme le nombre de francophones est stagnant depuis 50 ans en terre ontarienne, on assiste donc à l'effondrement démographique et identitaire de l'ancien Ontario français que j'avais connu dans ma jeunesse.

On comprend un peu mieux pourquoi les conseils scolaires et les organisations représentant les collectivités francophones hors Québec insistent tant pour une augmentation dramatique de l'immigration de langue française. L'existence d'écoles, de paroisses, d'institutions sont en jeu. Je ne m'en étais pas vraiment rendu compte avant le décès de ma maman, fin juillet, à l'âge de 99 ans, mais la majorité du personnel soignant au 4e étage du seul hôpital de langue française d'Ottawa, l'hôpital Montfort, avait des origines africaines ou haïtiennes. Comme le curé de la paroisse d'Orléans, comme le personnel que nous avons rencontré à la Caisse Desjardins d'Orléans. Que feraient ces institutions sans l'apport essentiel d'une immigration francophone? Que ferait l'Ontario français?

Mais le problème reste entier. Ces nouveaux arrivants ne vivront pas dans des quartiers francophones et seront assujettis aux mêmes forces d'anglicisation que mes anciens compatriotes de St-François, de la Basse-Ville et de Vanier. Sans territoire bien à elle, la francophonie urbaine de l'Ontario finira un jour par agoniser. Il reste bien 100 000 francophones à Ottawa, mais ils sont éparpillés dans des quartiers où partout, la langue de la rue est l'anglais. Le véritable territoire majoritairement franco-ontarien se rétrécit tous les ans et se limite aujourd'hui à la moitié est de l'Est ontarien, Hawkesbury en tête, et à quelques villes et villages du Nord ontarien dont le coeur bat désormais à Hearst.

Mommy, Daddy...*

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* Lien à la chanson de Dominique Michel et Marc Gélinas - https://www.youtube.com/watch?v=2cAFl50qhpg


dimanche 17 septembre 2023

Montréal (secteur Gatineau)...

Davidson à l'intersection Montée Paiement, à Gatineau. Le bordel... La majorité des voitures virent à droite...

Au Québec, les virages à droite sur feu rouge sont interdits uniquement sur l'île de Montréal. Pas ailleurs. Pourquoi? Les motifs m'apparaissent toujours nébuleux. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi ce que l'on considère dangereux pour la sécurité des habitants de la métropole ne l'est pas à Laval ou Longueuil. Y a-t-il plus de chauffards à Montréal? Les conducteurs, cyclistes et piétons y sont-ils moins respectueux des lois et règlements? Mystère.

 

Pourquoi évoquer cette question, qui semblait figée depuis plus de 20 ans? Parce que ces jours-ci, on peut avoir l'impression que des bureaucrates montréalais en cavale ont infiltré l'administration municipale de Gatineau. Des panneaux d'interdiction de virer à droite sur feu rouge apparaissent un peu partout, pour aucune raison évidente, avec des résultats prévisibles: mécontentement, ralentissements, embouteillages et risque accru d'accidents.

Le 23 août, j'ai publié le statut ci-dessous sur Facebook après avoir klaxonné l'automobiliste devant moi qui restait planté là sur le feu rouge malgré son clignotant de droite. Ce dernier avait pointé du doigt la nouvelle affiche, installée le matin même:

Je suis allé ce vendredi 15 septembre, en fin d'après-midi, faire quelques achats au marché IGA à cet endroit. Une file d'une vingtaine de voitures attendait le trop bref feu vert, qui laisse le plus souvent passer à peine quatre ou cinq autos. Des files s'étaient aussi formées à la sortie du McDo, à la station d'essence voisine, et dans la voie qui mène du centre commercial (de l'autre côté de la rue), toutes ces gens attendant de pouvoir se faufiler dans l'embouteillage. Tout cela parce que personne ne peut effectuer de virage à droite sur ce feu rouge. De quoi déclencher quelques bonnes rages au volant...

Au départ, je me suis dit que cette aberration était sans doute une erreur, qu'on aurait vite fait de corriger dès que quelques résidants auraient chauffé les oreilles du conseiller municipal. Mais non. D'autres panneaux interdisant les virages à droite sur feu rouge sont apparus un peu partout, avec les mêmes conséquences. Angle boulevard Labrosse et Davidson, à l'intersection Paquette-La Vérendrye, boul. St-René-boul de l'Hôpital, Bellehumeur-De la Gappe, et sans doute ailleurs. Pourquoi ces endroits? Aucun motif apparent. Les virages à droite s'y font sans danger, et même très facilement. 

Je m'attendais à quelque intervention médiatique mais comme il n'y a plus de journal quotidien de langue française à Gatineau et que ce genre de situation a peu de chances d'occuper quelques précieuses minutes entre les longues pubs au téléjournal, on se contente de pester en privé. Puis voilà que je découvre une nouvelle publiée le 28 août par la station 104,7 FM de Gatineau intitulée De plus en plus d'interdictions de tourner à droite au feu rouge... Notre conseil municipal avait adopté en juillet une résolution pour interdire les virages à droite sur feu rouge à 35 intersections... Ce n'est sans doute qu'un début...

Pourquoi? Je n'en reviens pas. Voici ce qu'affirme mon conseiller municipal, Daniel Champagne, dans le texte de 104,7:

Ce serait donc une question de cohabitation entre automobilistes et cyclistes et comme d'habitude, les conducteurs de voiture écopent. Pourquoi ne pas avoir posé des panneaux avertissant de la présence de pistes cyclables bidirectionnelles, de regarder à droite et à gauche avant d'avancer, au lieu d'interdire le virage à droite? Pourquoi ne pas avoir averti les cyclistes d'être prudents à ces intersections? J'ai vu des dizaines de fois (des centaines?) des cyclistes foncer à travers ces intersections sur feu rouge. Mais la plupart du temps, je ne vois aucun vélo à ces feux de circulation... Des autos? Oui, tout le temps...

Quant à l'intersection Paiement-Davidson, qui donne accès à l'autoroute 50 (est et ouest), je n'ai jamais, mais au grand jamais, vu de vélos s'y aventurer. C'est l'une des intersections les plus mal fignolées de la ville de Gatineau et avoir un vélo, je l'éviterais comme la peste. Remarquez que depuis l'interdiction de virer à droite sur feu rouge, certains automobilistes l'évitent aussi, entre autres parce que le feu vert (pour ceux qui arrivent de Davidson) ne dure qu'une quinzaine de secondes, le temps de passer au max quatre ou cinq véhicules. Avec le virage à droite permis sur la rouge, ça allait un peu mieux. Maintenant c'est parfois le bordel...

Les règlements de la circulation sont toujours un compromis entre la liberté et la contrainte. Feu vert? Avancez. Feu rouge? Arrêtez. Limites variables, de 30, 40, 50 km/h, ou 100 sur les autoroutes. Obligation de signaler, de respecter les panneaux d'arrêt. Enfin. On comprend que ces règles ont pour but d'assurer la sécurité des conducteurs, des cyclistes et des piétons. Et qu'il n'y a jamais de garantie que toutes les voitures les respecteront. Bien sûr un chauffard irresponsable ou éternel étourdi virera à droite sur feu rouge sans prudence. Mais il risque d'agir de même façon sur feu vert, en changeant de voie ou en roulant à 60 ou 70 dans une zone scolaire. Aucun règlement ne le mettra au pas.

Alors si on a jugé sécuritaire, partout en Amérique du Nord (sauf Montréal et la ville de New York), de pouvoir effectuer un virage à droite sur les feux rouges, pourquoi fait-on volte face à Gatineau? Je n'ai pas vu de manchettes sur de graves accidents ou une prolifération d'infractions liées à cette règle. Quant aux vélos avec qui les voitures partagent la route, ils augmentent toujours en nombre en belle saison (davantage avec les vélos électriques) et, faute d'accès à des sentiers réservés, ils sont soumis aux mêmes règles que les automobilistes.

Je suis partisan des voies réservées ou des sentiers, bidirectionnels si possible, pour les cyclistes. C'est bon pour la santé, c'est bon pour l'environnement. Mais Gatineau est et restera jusqu'à nouvel ordre une ville de «chars». La ville est un monstre géographique (il faudrait une demi-heure en autoroute bonne vitesse pour la traverser) où le réseau routier ressemble à un entonnoir qui se vide aux ponts vers Ottawa. Le transport en commun est pourri et seul fonctionne raisonnablement bien le Rapibus qui, vous l'aurez deviné, transporte les passagers rapidement en direction d'Ottawa. Pour se promener dans la ville, l'auto est essentielle. Un trajet en autobus du secteur est de Gatineau au secteur Aylmer peut prendre des heures (aller seulement!).  

Créer des obstacles additionnels pour les automobilistes sans motif évident dans une ville où rouler en voiture est incontournable, cela ne semble pas un très bonne idée. Interdire le virage à droite sur feu rouge à 35 intersections de plus peut paraître comme une goutte dans l'océan, sauf quand on voit devant soi une dizaine ou plus de voitures avec leur clignotant à droite attendant un trop bref feu vert devant une intersection déserte. Bienvenue à Montréal (secteur Gatineau)... 


jeudi 14 septembre 2023

Y'a pas d'argent à faire avec les pauvres...

Capture d'écran de la page Web du Droit
https://www.ledroit.com/actualites/actualites-locales/2023/09/13/sommet-sur-litinerance-belisle-promet-daller-serrer-la-main-du-ministre-carmant-MUW7HXEN2ZFGPGESCT4P7W6RZQ/

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À Gatineau, les tours d'habitation luxueuses aux abords de la rivière des Outaouais champignonnent au même rythme que les tentes et abris de fortune d'itinérants sur les rives du ruisseau de la Brasserie, en bordure de l'île de Hull. Un cliché parfait des effets d'une société capitaliste qui carbure aux signes de piastres, où l'on produit d'abord pour ceux qui peuvent payer et assurer les profits. Y'a pas d'argent à faire avec les pauvres qui couchent dehors trois saisons par an pour ensuite chercher un peu de chaleur intérieure en hiver.

Ce matin, on annonçait que le nombre de sans-abri avait quintuplé en moins de cinq ans à Gatineau. De moins de 150 à plus de 700. Les campements d'itinérants qu'on aperçoit du coin de l'oeil dans le secteur Hull en roulant sur l'autoroute 50, de l'autre côté du ruisseau de la Brasserie, sont devenus un véritable village. Heureusement, quand les grands froids sévissent, l'ancien aréna des Olympiques de Hull, situé à quelques centaines de mètres, peut servir de refuge chaleur.

Le maire de Gatineau, France Bélisle, avait brièvement suscité l'intérêt des médias en révélant qu'une femme avait dû accoucher seule dans un boisé près des campements. Les révélations d'aujourd'hui sur le nombre d'itinérants ont fait le tour des médias avec un certain fracas. On entend de nouveau jérémiades et dénonciations. Les gouvernements lancent, comme d'habitude, des millions de billets verts dans la soupe aux piastres. Québec veut ouvrir plus de refuges pour l'hiver. Ottawa coupe la TPS pour la construction d'appartements locatifs, espérant naïvement que les économies ainsi réalisées serviront à réduire les loyers...

Mais les détenteurs des leviers du pouvoir politique, favorisés par la désintégration des médias traditionnels, en particulier la presse écrite, se gardent bien de mettre le doigt sur le vrai bobo : les excès d'un système capitaliste totalement hors de contrôle. On peut comprendre. Ces vils pilleurs du peuple sont leurs copains. Nos élus les ont laissés hausser les prix abusivement, sans justification. Et cette bande de voleurs restera impunie. La Banque du Canada ne punit pas les coupables. Elle attaque les victimes en haussant les taux d'intérêt. L'épicerie coûte plus cher, le loyer et l'hypothèque coûtent plus cher, tout coûte plus cher. Qui empoche ces $$$? Et dans quelles poches les prend-on? Répondez à ces questions et tout devient clair.

Le système est érigé sur le profit. C'est le moteur, et il ne fonctionne pas à l'électricité. Il est polluant. Très polluant. En matière de logement, les constructeurs veulent mettre sur le marché des maisons, des appartements et des condos qui attireront une clientèle capable de payer les sommes qu'ils exigeront. Les propriétaires de blocs locatifs existants augmentent eux aussi les loyers et visent une clientèle similaire. Ils ne sont pas du tout intéressés à accueillir les gens qui peuvent difficilement arrondir les fins de mois. Et bien sûr personne, dans le secteur privé, ne se lance tête baissée dans les «logements abordables». Ce n'est pas payant.

Ce n'est pourtant pas compliqué. La facture d'essence grimpe de 100 $ par mois. La facture d'épicerie gonfle de 100 $ par mois. Dans tous les magasins, c'est la même chose. Même les prix des «spéciaux» sont plus élevés que les prix réguliers d'il y a deux ans. Par dessus le marché, pour ceux et celles de la classe moyenne qui renouvellent une hypothèque, la claque de fin de mois peut être haussée de 200$ ou 300$. Et les revenus ne suivent pas... Pas besoin de faire un dessin. De plus en plus de gens perdent leur logement, en sont expulsés et n'ont pas accès à un logement social parce que l'entreprise privée n'a aucun intérêt à construire pour les pauvres.

Les gouvernements, complices d'un système qui écrapoutit la population dont ils ont la garde, construisent des logements sociaux au compte-goutte. Même s'ils en construisaient des milliers de plus, cela serait, comme on disait jadis, un cataplasme sur une jambe de bois. C'est le système capitaliste lui-même qui doit être remis en question. On n'aboutira pas à grand chose en se contentant d'aider à renflouer les fins de mois des victimes d'un immense réseau de voleurs qui se croient (et qui sont) plus puissants que nos gouvernements. Le problème du logement abordable, de l'itinérance, des sans-abri subsistera tant qu'on aura pas mis ces voleurs à leur place, tant qu'on ne les empêchera pas de nous voler et qu'on ne les punira pas quand ils commettent des abus.

On pourrait peut-être commencer par obliger deux ou trois ministres, le président de la Banque du Canada, des actionnaires de grandes banques à charte, de pétrolières, de chaînes d'alimentation et quelques grands magnats de l'immobilier à passer une semaine sous la tente ou dans un abri de fortune le long du ruisseau de la Brasserie, à Gatineau. Les obliger à subir un peu les conditions qu'ils ont aidés à créer. Ce serait là un bon début. Après, on pourrait commencer à parler des mérites du capitalisme des années 2020...

lundi 11 septembre 2023

Dire sans faire, c'est de l'hypocrisie.

Capture d'écran du texte d'ONFR+, publié le 26 août 2023

Face aux Autochtones, l'hypocrisie règne en maître au Canada. On avoue des torts, des injustices historiques sans avoir la moindre intention de les réparer. De vraiment les réparer... Les mots «vérité et réconciliation» qu'on brandit partout sont plus souvent qu'autrement vides de sens. Des mots. Rien que des mots.

Au printemps, je suis allé applaudir deux de mes petites-filles au spectacle de fin d'année d'une école de danse, présenté dans un théâtre municipal, à Ottawa. Avant même le début, la première personne à monter sur scène a annoncé au public que le concert se déroulait en territoire non cédé de la nation algonquine anishinaabe...

C'est comme ça à je ne sais trop combien d'événements ou de réunions dans la région de Gatineau et Ottawa où sévit la lourde empreinte du gouvernement fédéral. Voyez ci-dessous en capture d'écran le texte de présentation du Conseil des arts du Canada, situé à jet de pierre du Parlement canadien, sur la rue Elgin. Mais ça veut dire quoi?

Si le chef de cette nation algonquine se présente demain au 2e étage du 150 Elgin et déclare solennellement : «Vous êtes sur un territoire que nous n'avons jamais cédé, nous en reprenons possession. Veuillez évacuer les lieux!», que feront les dirigeants du Conseil des arts du Canada et leur personnel? Iront-ils monter des tentes de fortune sur les rives du ruisseau de la Brasserie à Gatineau, avec les itinérants?

Bien sûr que non! Personne n'a l'intention de rendre aux Autochtones les centres-villes d'Ottawa ou de Montréal, peu importe la valeur de leurs revendications historiques. Alors on se gargarise de belles paroles assorties d'un accès plus «généreux» au trésor public. Des milliards de dollars, qui ne semblent avoir réglé absolument rien. On achète la paix, ou du moins des sursis, sans aller au fond des choses.

Les élus se font bonne conscience en donnant des noms autochtones à des rues ou à des édifices, en ajoutant des images ou des symboles autochtones aux timbres, à la monnaie, et ainsi de suite. Et voilà qu'on parle même de réécrire les paroles de l'hymne «national» du Canada pour (aux dires d'une chroniqueuse d'ONFR+) le «décoloniser». (Voir lien en bas de page). Non mais où cela s'arrêtera-t-il?

Mettez ça dans le broyeur des réseaux sociaux, laissez mijoter jusqu'à ébullition, et pouf! Nouvelle crise, blocages de route, d'autres manifs, l'éventuel rapport d'une nième commission d'enquête, suivi sans doute d'une conférence de haut niveau où les tam-tams seront bien en évidence, assortie d'analyses et de hauts cris dans les médias et... nous revoilà probablement (encore une fois) revenus au point de départ.

Notre fixation sur le passé, sur l'attribution de blâmes et l'écoute d'excuses publiques ne mènera à rien. D'autant plus que ces futiles exercices se déroulent sur fond de vieux antagonismes anglais-français, gauche-droite, Québec-Canada, sans oublier le «racisme systémique» importé des USA et calqué, souvent gratuitement, sur nos réalités. On ne s'en sortira pas.

Si j'affirmais qu'historiquement, en Amérique du Nord, la coexistence entre Canadiens français et Autochtones était différente (et meilleure) que celle des Autochtones face aux porte-étendards de l'impérialisme britannique, j'aurais raison. Mais essayez d'avoir une discussion plus ou moins objective là-dessus dans la jungle «internettienne» où des hordes de trolls font taire de façon disgracieuse les débats sensés.

Dans cette ère de censure «wokiste», le simple recours à un texte historique peut vous mettre dans l'eau bouillante s'il contient des mots «bannis» par les bien-pensants du 21e siècle. Exemple? Cette phrase d'Alexis de Tocqueville, écrite en 1831 et tirée du livre Tocqueville au Bas-Canada: «Les Blancs de France, disaient les Indiens du Canada, sont aussi bons chasseurs que nous. Comme nous, ils méprisent les commodités de la vie et bravent les terreurs de la mort. Dieu les avait créés pour habiter la cabane du sauvage dans le désert.»

Ouache!!! Indiens et sauvage dans le même paragraphe! Le fait que ces mots étaient couramment employés à l'époque, et que sauvage signifiait alors vivant à l'état sauvage (et non savage comme en anglais) aurait peu d'importance pour les oreilles délicates de 2023, qui ne comprendraient pas non plus le sens du mot désert, terme que Tocqueville employait pour désigner les territoires où l'influence des Européens était plus ou moins inexistante. Et ce n'était pas péjoratif.

Cette frilosité à l'endroit de textes d'autres époques, combinée au besoin obsessionnel de les réécrire en licorne, finit par mener à des autodafés (comme récemment en Ontario) ou à l'interdiction de la mention même du titre de certains livres, comme Nègres blancs d'Amérique de Pierre Vallières. Que dirait-on si se remettait à faire la promotion du livre Nigger de l'activiste noir antiraciste Dick Gregory?

Les hymnes nationaux tombent dans la même catégorie. Les paroles sont des clichés historiques, illustrant le monde dont ils sont issus à un moment précis de l'histoire. Allez lire les paroles de La Marseillaise, composée durant la Révolution française à la fin du 18e siècle, et vous frémirez d'horreur: «Entendez-vous dans les campagnes mugir ces féroces soldats? Ils viennent jusque dans vos bras égorger vos fils, vos compagnes.» Rien à voir avec la France d'aujourd'hui...

L'hymne des États-Unis a été composé durant le bombardement du fort M'Henry (près de Baltmore) par des vaisseaux de guerre britannique en 1814. «And the rocket's red glare, the bombs bursting in air»... Depuis longtemps maintenant, Américains et Britanniques sont de proches alliés. Faudrait-il donc effacer de la mémoire collective ce texte qui rappelle une guerre où les Britanniques ont incendié le Capitole et la maison du président des États-Unis en août 1814?

Mais revenons aux «territoires non cédés» du Canada. Faudra-t-il, dans l'air du temps, «décoloniser» les paroles du «Ô Canada» comme certains tentent de le faire avec la version anglaise? Le simple emploi du mot «décoloniser» démontre une méconnaissance de l'histoire de cet hymne et se sa portée. Comment peut-on même songer à décoloniser un hymne national qui était celui d'un peuple colonisé (les Canadiens français du Québec) affirmant son droit d'exister face à l'impérialisme anglo-britannique? L'hymne EST décolonisateur.

L'hymne a été composé par Calixa Lavallée et Adolphe-Basile Routhier en 1880 à la demande expresse du lieutenant-gouverneur du Québec. Il était perçu comme un hymne national canadien-français, et ces Canadiens français étaient ceux du Québec si on se donne la peine de lire le second couplet d'Ô Canada: «Sous l'oeil de Dieu, près du fleuve géant, le Canadien grandit en espérant.» Pas en Acadie (nation distincte), pas en Ontario ou dans l'Ouest, et pas en anglais. Le fait qu'on l'ait chanté pour la premier fois un 24 juin, à l'occasion des fêtes de la Saint-Jean-Baptiste, ne relève pas du hasard. Si le Québec était devenu un pays en 1880, son hymne national aurait été l'Ô Canada...

L'hymne devenu pan-canadien immortalise un moment dans l'histoire de la nation canadienne-française devenue québécoise. Comme le Star Spangled Banner aux États-Unis. Comme La Marseillaise en France. Cela s'appelle: «ne touche pas!»

Retour aux Autochtones. Après des centaines de plates excuses et de cérémonies au rythme des tam-tams, de milliers de reconnaissances verbales et écrites de «territoires non cédés», finira-t-on un jour par s'associer véritablement aux nations autochtones pour régler les problèmes de fond qu'ELLES jugeront plus criants? Protection de leurs territoires, amélioration des conditions de vie, des services d'éducation et de santé, développement économique, renaissance et promotion des langues et coutumes ancestrales, partenariats constitutionnels?

Dire sans faire, c'est de l'hypocrisie.

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Lien vers l'article d'ONFR+: https://onfr.tfo.org/this-is-indian-land-vers-une-decolonisation-de-lhymne-national-du-canada-in-english-et-en-francais/