vendredi 30 septembre 2022

Les chemins d'été (10e jour)

Mercredi 13 juillet 2022

En cherchant la région sur une carte, ceux et celles qui connaissent peu ou pas le Saguenay-Lac-Saint-Jean n'y verront qu'un grand lac plus ou moins rond débouchant sur la rivière Saguenay qui se déverse, à son tour, dans le fleuve Saint-Laurent. Mais la rivière Saguenay n'est pas un cours d'eau comme les autres. À partir de Chicoutimi, en descendant jusqu'à Tadoussac, c'est aussi un fjord. Et un fjord absolument unique!

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(1ère parenthèse)

C'est quoi un fjord? Que le mot soit norvégien ne me surprend guère. Depuis ma jeunesse, ma passion pour la géographie me fait dévorer les atlas comme des romans. Et à chaque fois que les textes, images et cartes me transportaient vers la Norvège, je voyais ces innombrables languettes de mer qui s'enfonçaient profondément dans les terres - des fjords. Pour moi, fjord et norvégien allaient de pair. Ce n'est que plus tard que j'ai découvert l'existence de fjords ailleurs, au Chili, à Terre-Neuve, en Écosse. Tous avaient en commun leur contact direct avec la mer. Je n'en connais qu'un qui soit différent. Celui du Saguenay.

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En ce 13 juillet magnifique, donc, Claude, Jacqueline, Ginette et moi allions à la découverte de ce fjord tout à fait spécial au moyen d'une croisière entre Sainte-Rose-du-Nord et l'Anse Saint-Jean, en aval. On commence à connaître le chemin: la 169 à Alma puis on bifurque vers l'est, le long de la rive nord du Saguenay, sur la 172 jusqu'à l'affiche indiquant un virage à droite vers un vallon qui mène en slalom à un petit village de carte postale: Sainte-Rose-du-Nord. 434 habitants, selon recensement de 2021.

Nous avons rencontré deux de ces habitants dès notre entrée au «Rose Café», un attrayant petit établissement qui porte très bien son nom: il est rose, et on y sert de l'excellent café préparé par les soeurs Linda et Josée Girard. Comme ambiance et accueil, c'est onze sur dix! Les deux soeurs au sourire permanent jasent dans un flot ininterrompu de tout et de rien. «Nous sommes les pies du matin», lance Linda en poursuivant, cette fois avec nous, des louanges envers sa nouvelle machine à café et des récits hilarants sur l'arrivée en masse des touristes par bateau, l'été. Une rencontre comme on en souhaite dans un voyage de découvertes, et qu'on a eu la chance d'avoir avant la retraite - sans doute prochaine - de cette génération du clan Girard.

Linda et Josée Girard, propriétaires du Rose Café

Tout près du café, sur un arbre, se dresse une affiche; «Requins du Saguenay au Musée de la nature». Nous n'avions pas le temps de visiter le musée (notre bateau arrivait) mais j'ai toujours été fasciné par les requins, et ce, bien avant la sortie du film Les dents de la mer (Jaws). Dans notre croisière aux baleines, le guide nous avait informé de la présence de requins du Groenland dans le fjord. Ce poisson des eaux polaires, un des plus gros requins carnivores, pouvant atteindre 7,3 mètres de longueur, s'aventure dans le fjord du Saguenay et reste en eau profonde. Il pourrait y demeurer fort longtemps, puisque ce requin peut vivre jusqu'à l'âge de 400 ans! Enfin, ce musée, on y reviendra un jour.


Enfin, à 10 heures, c'est l'embarquement à bord d'une des navettes maritimes du fjord, pilotée par le capitaine Roch Villeneuve, originaire de... Gatineau! Une navette où l'on peut choisir d'être confortable à l'intérieur, ou hardi sur le pont supérieur, alors que l'embarcation file à 35 km/h sur l'eau fraîche du matin vers l'est. À 76 ans, j'ai préféré le confort... sans manquer d'apprécier la beauté des eaux ensoleillées et des falaises qui s'élèvent de chaque côté du fjord à des centaines de mètres. Ici, pas de champs de bleuets et très, très rarement, un village ou quelque signe d'habitation humaine. Un paysage sublime qui n'a sans doute pas changé depuis des milliers d'années.

L'arrivée de notre «navette» au quai de Sainte-Rose-du-Nord

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(2e parenthèse)

Pourquoi le fjord du Saguenay est-il si spécial et précieux? D'abord parce qu'il n'a aucun contact avec la mer ou l'océan. Il est, dans le jargon, intra-continental. Mais il y a aussi sa longueur: 105 km. De Tadoussac aux abords de Chicoutimi. En Norvège, pays des fjords par excellence, seulement quelques-uns pénètrent si loin à l'intérieur des terres. Puis, enfin, il y a la profondeur, qui atteint parfois 270 mètres! On nous a expliqué que les eaux de surface du fjord sont douces (3 à 5 mètres?). Puis, après un intermède de «saumure» (mélange d'eau douce et d'eau salée), c'est l'eau de mer jusqu'au fond (90% de l'eau du fjord est salée), C'est ce qui permet et explique la présence de requins du Groenland et de baleines, notamment des bélugas et petits rorquals.

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Jacqueline, Ginette et Claude


Juste avant d'arriver au premier arrêt de la navette, à Rivière-Éternité, on peut apercevoir en haut d'une falaise une immense statue de la Vierge (9 mètres de hauteur), sculptée par Louis Jodoin en 1881 et érigée la même année à la demande de Charles-Napoléon Robitaille, un voyageur de commerce qui avait évité la noyade dans les eaux glacées du fjord en priant la Vierge. La statue de Notre-Dame du Saguenay a dû être coupée en 14 morceaux pour qu'on puisse la hisser au sommet de la falaise où elle a été réassemblée. Quand le bateau arrive à cet endroit, le capitaine coupe les moteurs et fait jouer l'Ave Maria. On se demande quelle est la part de légende et de vérité dans cette belle histoire, mais on ne peut rester insensible en regardant vers le ciel à Cap-Trinité. Si je tombais à l'eau devant cette statue, je prierais.


À l'heure du lunch, on s'approche de l'Anse Saint-Jean, le seul gros village (pop. 1200 environ) sur la rive sud du Saguenay entre Sainte-Rose-du-Nord et Tadoussac. La quantité de voiliers et yachts amarrés atteste la popularité de l'endroit. La qualité de la crêperie Café du quai aussi. Situé en face du quai de l'Anse, ce restaurant propose un menu de crêpes exceptionnelles et la mienne, un carré pommes-framboises, avait un goût de «revenez-y». Heureusement, nous avions fait une réservation l'avant-veille, parce que la file d'attente était par moments considérable. Entre la beauté des lieux et la qualité du menu au Café du Quai, j'y retournerais sans hésitation. Sauf en hiver...


Le retour vers Sainte-Rose-du-Nord s'effectue en deux heures, avec l'arrêt à Rivière-Éternité et une soi-disant panne de moteur, qui s'est réparée tout seul, presque miraculeusement, devant la statue de Notre-Dame-du-Saguenay. Le retour est toujours plus triste que l'aller rempli d'attentes. En voyant filer les falaises et en imaginant tout ce qui reluque dans les 250 mètres d'eau sous la navette, on se demande si, un jour, avant d'être trop vieux, l'occasion se représentera de naviguer sur cette merveille du monde qu'est le fjord du Saguenay.

De retour en ville, on mettra fin à cette journée de croisière en retrouvant un bon vieux Saint-Hubert dans le secteur Chicoutimi. Du savoureux poulet avec des frites et une salade de chou... Que peut-on espérer de plus, en bonne compagnie? 

Un ciel en feu pour finir la journée...

Demain: Saint-Jean-Vianney, La Baie et la Fabuleuse...


mercredi 28 septembre 2022

La pièce manquante du casse-tête...

capture d'écran d'ONFR+

J'aurais bien voulu assister au colloque «Stopper le déclin du français en Ontario? Les faits d'abord», ce 26 septembre, mais le site d'inscription m'avait informé, en anglais, que l'activité était sold out. J'ai vainement tenté d'appeler à l'Université d'Ottawa mais depuis la pandémie et le télétravail, les bureaux sont trop souvent vides et personne ne répond au téléphone... Parler à des humains au travail est devenu très difficile.

Présenté sous forme de table ronde, le colloque n'était pas enregistré. Il a fallu attendre les bulletins du soir ou les journaux du lendemain pour les comptes rendus médiatiques. Or ni Le Droit ni Radio-Canada n'en ont fait état! Du moins je n'ai rien vu ou entendu. Heureusement, le réseau ONFR+ (télé publique franco-ontarienne) avait délégué une journaliste et publié un long texte le lendemain, 27. Le Droit a repris cet article dans son édition du 28 septembre. Amendes honorables.

Je n'ai pas été surpris en prenant connaissance des explications proposées par les experts invités au colloque. Un portrait incomplet, mettant sur la table plusieurs pièces du casse-tête sans que l'on puisse pour autant saisir la totalité de l'image. Faible taux de natalité chez les Franco-Ontariens, diminution de la transmission du français d'une génération à l'autre, population vieillissante, faible immigration de langue française, sont tous des facteurs qui aident à comprendre le déclin de la francophonie ontarienne. Mais l'essentiel n'y est pas.

Oui, bien sûr, depuis les années 1960, les francophones font moins d'enfants et cela, à la longue, augmente la proportion de vieux dans la société. Mais ce phénomène est tout aussi présent au sein des vieilles collectivités anglophones. Leur taux de natalité avait commencé à baisser bien avant que les franco-catholiques se convertissent au contrôle des naissances. L'exogamie - mariage ou union entre un(e) francophone et un(e) anglophone - constitue désormais un facteur bien plus important que la sous-fécondité en matière d'assimilation. Et ça, à Statistique Canada, on le sait. Ses statisticiens l'ont documenté.

La faiblesse de l'immigration francophone en Ontario est invoquée de plus en plus pour expliquer le déclin du français en milieu minoritaire. Autant les Franco-Ontariens que l'ensemble de la francophonie hors-Québec semblent y voir leur planche de salut. Si les immigrants de langue française allaient s'installer à Hawkesbury, Kapuskasing ou Hearst, où la majorité est francophone, cela aiderait sûrement. Mais non, ils afflueront vers les centres urbains, tous à forte majorité anglophone, où ils s'angliciseront au même rythme que les Franco-Ontariens. La première génération parlera français, la seconde parlera bilingue, et la troisième sera anglaise...

Non, ce qui manquait à ces experts, politologues, sociologues, statisticiens, administrateurs,  c'est le vécu historique des Franco-Ontariens. Au colloque de l'Université d'Ottawa, il n'y avait pas d'historien. Il n'y avait pas non plus de vieux de 70 ans et plus parmi les conférenciers. Aucun d'entre eux n'aurait pu se souvenir du temps où, dans la Basse-Ville d'Ottawa, le Moulin à fleur de Sudbury, dans le Frenchtown de Welland ou le quartier franco-ontarien de Cornwall, la langue de la rue était le français. Dans ces villes à majorité anglophone, on retrouvait des territoires bien délimités où la langue commune, la langue d'intégration, la langue de la rue était le français. Et plus de 40% des Franco-Ontariens demeuraient dans ces quatre centres urbains.

L'histoire de la dislocation des quartiers urbains francophones de l'Ontario depuis les années 1960 reste à écrire. L'ethnocide des Canadiens français de la Basse-Ville d'Ottawa a été largement fouillé dans le livre Ottawa, lieu de vie français* mais la disparition de TOUS les autres milieux urbains francophones de l'Ontario fait rarement partie des discussions ou des conférences. Et pourtant, il s'agit peut-être de la pièce la plus importante du casse-tête. 

Aucun des experts invités au colloque par l'Université d'Ottawa ne dépassait la cinquantaine. Impossible pour eux d'avoir un souvenir ou un vécu d'un quartier franco-ontarien urbain. Trois des conférenciers étaient originaires du Québec ou avaient étudié au Québec. Leur expérience en terre ontarienne avait sans doute commencé dans les années 1990 ou 2000. Deux intervenants, Joël Beddows et Alain Dupuis, sont respectivement originaires de Sturgeon Falls et Sudbury, mais ils ont grandi alors que le déclin était amorcé. Tous connaissent bien l'Ontario français d'aujourd'hui. Ils voient l'assimilation en marche, mais ignorent à peu près tout d'un monde qui, tout en étant disparu, permet de mieux comprendre le monde actuel.

Quand j'étais enfant, sur ma rue, dans le quartier Saint-François d'Assise, à Ottawa, il y avait des familles exogames. Sans doute les enfants avec qui nous jouions et allions à l'école tous les jours parlaient-ils anglais à l'un de leurs parents, mais avec nous, dans la rue, à l'épicerie, à l'école, au parc, ils parlaient français, avec le même accent que nous. C'était la langue commune, la langue de la rue. Aujourd'hui, les francophones d'Ottawa vivent tous, sans exception, dans des quartiers majoritairement anglais où la langue de la rue, la langue d'intégration, est l'anglais. Rapidement, ils acquièrent un accent anglais et oublient un français qu'ils ont largement cessé d'utiliser hors du domicile ou de l'école. On connaît la suite. Demandez aux statisticiens.

En 1950, le patriarche franco-ontarien Séraphin Marion écrivait que «l'Ottawa français de 1950 est au diapason du Canada français de 1950 et du Canada français d'autrefois», et qu'une «armée» de Franco-Ontariens à Ottawa préparaient «pour leurs descendants un somptueux jardin qui rappellera, à certains égards, ceux de la France elle-même». Quinze ans plus tard, voyant le français s'effriter dans sa ville natale, M. Marion avait changé de ton et encourageait même les jeunes Ottaviens de langue française à traverser la rivière, pour vivre en français au Québec. Cette période clé, entre le début des années 1950 et le milieu des années 1970, fournira les pièces manquantes du casse-tête, et les chercheurs feraient bien de parler aux survivants des anciens quartiers urbains de langue française pour brosser un tableau complet du déclin qu'ils tentent aujourd'hui d'analyser et d'enrayer.

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* Ottawa, lieu de vie français, Les Presses de l'Université d'Ottawa, 2017


lundi 26 septembre 2022

Mon pays n'est pas à vendre!


En lisant Le Devoir ce matin*, j'ai appris que l'identité québécoise se marchande. Le prix actuel? 10 milliards $ par année en beaux billets du Dominion... Quand François Legault parle fédéralisme, il revêt ses habits d'homme d'affaires... Si Ottawa paie le prix, Québec restera soudé à la fédération canadienne. Ni amour ni divorce... Une froide transaction commerciale...

Le cynisme d'un tel calcul me renverse. Pour une dizaine de milliards, notre premier ministre met tout, absolument tout sur la table. Y compris notre identité nationale. Il l'avoue lui-même dans l'entrevue accordée au quotidien montréalais. «On peut choisir de se priver de ce montant-là parce que c’est important de défendre notre identité, je trouve que c’est un combat légitime». dit-il. Mais c'est un combat que François Legault ne mènera pas. Notre identité, l'âme de notre peuple, a de toute évidence moins d'importance pour lui que les paiements de péréquation.

Comme journaliste, je m'étonne que l'équipe éditoriale du Devoir n'ait pas poussé M. Legault dans les câbles. L'adhésion à la fédération est-elle simplement un calcul monétaire? A-t-il d'autres arguments pour inciter les Québécois à partager leur lit avec les Canadians? Si les milliards n'étaient pas au rendez-vous, ou pire, si Ottawa accaparait plus de milliards qu'il en donne, redeviendrait-il souverainiste? 

Comme indépendantiste, l'attitude du premier ministre et donc, de la CAQ, me désole. Non, me révolte. À la limite, me donne la nausée. Rien n'est plus précieux que l'âme d'un peuple. Comme d'un individu. J'ai beau avoir renoncé depuis longtemps à la pratique religieuse, j'ai immédiatement songé à ce passage de l'évangile de Mathieu: «Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s'il perdait son âme?» Troquer «l'être» pour «l'avoir» n'est jamais rentable.

Par ailleurs, si j'étais un Anglo-Canadien de Toronto, Winnipeg ou Moose Jaw, je serais un peu dégoûté. Pendant des décennies, on leur a opposé un combat axé sur les valeurs, sur l'identité, sur la langue, sur la culture. Et voilà que le premier ministre québécois leur annonce qu'en fin de compte, ce n'est qu'une question de sous. Nous sommes à vendre si vous êtes prêts à nous acheter. Notre prix: disons, 10 milliards $ par année. Pas de noble cause, pas de grands principes à défendre jusqu'au bout. Les poches pleines, on s'accommodera... Être un anglo, je nous botterais le derrière.

Alors M. Legault, ne venez plus nous parler de laïcité, de protection de la langue française, d'autonomie... Quand les tribunaux fédéraux auront dépecé vos lois au nom du multiculturalisme constitutionnel Canadian, il ne restera qu'une voie si vous êtes sincère. Refuser que des juges nommés par Ottawa, agissant au nom d'une Charte imposée par Ottawa, remettent constamment le Québec à sa place. Et vous savez ce qu'un tel refus entraînerait. Mais vous avez déjà exclu l'indépendance. Ça nous coûterait trop cher. Ottawa fermerait le robinet à dollars. Nous étions à vendre. Et Ottawa nous a achetés... Et on dirait une vente finale...

Aujourd'hui, j'ai voté fièrement pour le Parti québécois. Mon pays n'est pas à vendre!

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* texte du Devoir à https://www.ledevoir.com/politique/quebec/758781/legault-souligne-que-le-federalisme-rapport-10-milliards


dimanche 25 septembre 2022

Les chemins d'été (9e jour)

Mardi 12 juillet 2022

Comme dans toutes les régions du Québec, les noms des municipalités témoignent d'un passé où la religion catholique régnait en roi et maître sur nos vies. Plus souvent qu'autrement, il ne reste aujourd'hui que les appellations et les monuments qui attestent d'une existence passée. On n'a pas laïcisé tous les noms des villes et villages, ou transformé toutes les églises en bars laitiers, mais il est clair que le vernis religieux d'antan s'effrite. Vite.

Et en cette seconde journée pluvieuse d'affilée, alors qu'une tournée des Jardins Scullion aurait pu être au menu (on irait quelques jours plus tard), nous avons contourné le Lac Saint-Jean par le nord, passant par Saint-Coeur-de-Marie, L'Ascension-de-Notre-Seigneur (!!), Sainte-Monique et Sainte-Jeanne-d'Arc pour enfin atteindre la célèbre chocolaterie des Pères Trappistes à Dolbeau-Mistassini, exploitée par des moines de l'abbaye cistercienne depuis 1944.

Une visite de l'endroit est plus qu'instructive. Non seulement on apprend tout, ou presque tout, sur la fabrication du chocolat, mais on peut y goûter et, bien sûr, en acheter. Ce qu'on a fait. Ce qu'on ne voit plus, cependant, ce sont des moines trappistes. Alors que jadis, le monastère de l'endroit comptait une soixantaine de prêtres cisterciens, il n'en reste aujourd'hui qu'une dizaine et tous sauf un sont très âgés. D'ailleurs, trois jours après notre retour du Saguenay-La-Saint-Jean, les médias ont annoncé que les Trappistes avaient mis leur propriété de 1400 hectares à vendre (sauf la chocolaterie), signalant la fin officielle d'une époque.

En regardant la très belle abbaye de Notre-Dame-de-Mistassini, à quelques pas de la chocolaterie, et en songeant à son mode de vie en voie d'extinction, je n'ai pu m'empêcher de penser à mon ancienne paroisse d'Ottawa, Saint-François d'Assise, où, durant les années 1950, un monastère capucin adjacent à la grande église comptait plusieurs dizaines de prêtres et novices. Je garde encore en mémoire la vue d'une vingtaine ou d'une trentaine de Capucins en soutane brune, avec tonsure et corde autour de la taille, prenant ensemble leur repas dans le grand réfectoire... Aujourd'hui, il ne reste plus rien. Seulement l'église, le plus souvent vide...

Qu'arrivera-t-il à l'abbaye, à l'église, aux bâtiments? Fera-t-on comme chez nous, à Gatineau, où la cathédrale Saint-Jean-Marie-Vianney et l'ancienne cathédrale de Hull sont devenues des résidences pour personnes âgées? Que fera-t-on de la belle statue de Notre-Dame de Mistassini si le lieu est transformé en exploitation hôtelière? Loin de moi de vouloir revenir aux anciens intégrismes religieux que j'ai connus à l'enfance, mais dans notre hâte d'y mettre fin, nous avons tout largué sans discrimination. Et en ce 12 juillet, j'ai eu, avant qu'il ne soit trop tard, la chance de scruter les portes de cette église, les fenêtres du grand monastère, en essayant de m'imaginer tout ce qui s'y était vécu depuis l'arrivée des Trappistes en 1892. Ne restera que le chocolat.

Dans notre périple sous la pluie, nous sommes malheureusement passés en coup de vent dans la ville fusionnée de Dolbeau-Mistassini, reconnue comme la capitale mondiale du bleuet sauvage. Ce sera, je l'espère, pour une prochaine fois. Sur le chemin du retour, toutefois, la petite municipalité de Sainte-Jeanne-d'Arc avait retenu notre attention pour son pont couvert, remontant à 1936, et son vieux moulin à scie, construit en 1902. Le pont couvert de couleur rouge est certes attrayant mais petit, et après l'avoir vu (et pris une photo), on reprend son chemin jusqu'au centre de la municipalité où se dressent les installations de l'ancien moulin, beaucoup plus intéressantes et offrant une vue saisissante des chutes de la petite rivière Péribonka.

Le moulin était fermé aux visiteurs quand nous y sommes allés, mais il y a suffisamment de quoi à voir pour y passer du temps. Encore une fois, on constate l'importance que les Saguenéens et Jeannois accordent à la conservation du patrimoine. Une affiche rend hommage aux trois propriétaires du moulin, entre 1902 et 1973, date où l'exploitation a cessé ses activités. Des l'année suivante, en 1974, la municipalité a fait l'acquisition des lieux en vue d'en faire une attraction touristique. Le moulin conserve son apparence originale, avec son extérieur en bois et de vieux équipements toujours visibles, à l'extérieur comme en-dedans. Quant aux chutes qui avaient permis l'électrification du village dès le début du 20e siècle, elles sont toujours spectaculaires.

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(parenthèse tardive)

Située au nord de Saint-Coeur-de-Marie, L'Ascension de Notre-Seigneur compte parmi les plus originaux des noms religieux de municipalité au Québec. En ce qui me concerne du moins. Selon ce que j'ai pu trouver, la paroisse a été mise sous le patronage de Notre-Seigneur parce qu’elle a été fondée en l’octave de l’Ascension, le 8 juin 1916. Et le texte ajoute que «l'église est construite sur une élévation qui justifie bien le nom de la paroisse». Quant à Saint-Coeur-de-Marie, c'était le nom de la première église de l'endroit, qu'on a aussi appelé en autochtone Mistook. L'église a donné son nom à la paroisse, puis à la municipalité qui aujourd'hui est annexée à Alma.

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Parlant de Saint-Coeur-de-Marie, nous y sommes arrêtés en revenant vers Dam-en-Terre, attirés par un établissement appelé «La Boustifaille». Un autre de ces endroits où le mélange des genres (casse-croûte, pâtisserie, bar laitier, souvenirs, etc.) crée une identité originale qui met l'eau à la bouche des résidents et aussi, bien sûr, des touristes comme nous. C'est la tourtière qui nous mettait plus en appétit. Pas une tourtière de l'Outaouais (qu'on appellerait au Lac Saint-Jean «pâté à la viande») mais une authentique tourtière (qu'on appellerait en Outaouais tourtière du Lac Saint-Jean). Nous en avons acheté deux et les avons dégustées, jusqu'à la dernière croûte de pâte. Si ce n'était pas à 678 km de distance de chez moi, à Gatineau, j'y retournerais vite!

Enfin, pour une journée maussade, nous avons fait une excellente randonnée!

Demain: en croisière sur le fjord du Saguenay.


vendredi 23 septembre 2022

Quand «très fouillé» devient cafouiller...

Quand on annonce un segment d'émission sur le déclin du français au Québec, ou ailleurs au Canada, je dresse l'oreille. Ce thème m'est cher depuis une soixantaine d'années. D'abord comme étudiant en science politique dans la décennie des 1960, puis tout au long de ma carrière journalistique de plus de 40 ans, et encore davantage (si c'est possible) depuis que je suis vieux et à la retraite.

Le 13 septembre, à l'émission L'heure du monde, la radio Ici Première de Radio-Canada, proposait un reportage d'une dizaine de minutes sur le déclin du français comme enjeu dans la campagne électorale en cours, au Québec. L'animateur Étienne Parent déclarait même, au début de la diffusion, qu'on allait présenter un reportage «très fouillé», préparé par le journaliste Yanik Dumont Baron. Un regard «très fouillé» sur cette question complexe en dix minutes m'apparaît impossible, mais enfin... Disons qu'on mettait la barre très haute...

Ce que Radio-Canada a proposé ensuite, à l'heure annoncée, défie l'entendement. Si encore le reportage axé sur la langue et l'immigration n'avait été que superficiel, on aurait pu pardonner le «très fouillé» de l'introduction. Mais le segment de 9 minutes comportait des erreurs grossières, voire des faussetés, qui compromettaient la crédibilité de l'ensemble du reportage. Avoir été patron de L'heure du monde, même avec des connaissances limitées du thème abordé, j'aurais renvoyé l'équipe de recherche à sa table de travail avec remontrances... Mais non, l'offrande avariée a passé en ondes comme un couteau dans le beurre et là, ça devient la faute du patron.

Qu'y a-t-il de si répréhensible? Évidemment, on ne peut juger l'effort que sur ce qu'on a entendu à Ici Première. L'animateur n'improvise pas. Il a sans doute lu un texte, ou des notes, qu'on lui avait préparées. Quant aux personnes interrogées, on ne sait pas à quel point leurs témoignages sont cités en contexte ou pas. Quand on présente trois ou quatre extraits, agencés pour suivre la logique du reportage, on n'a aucune idée de la longueur de l'entrevue originale. Peut-être le journaliste a-t-il passé 20 minutes, ou une demi-heure, pour ne conserver qu'une minute ou deux d'interventions... Cela étant dit, on peut commenter le résultat final, tel que préparé par le journaliste. Le tout est ahurissant!

Allons-y. Après avoir annoncé un reportage «très fouillé» et ajouté que la situation du français est une question «plus complexe qu'on peut le penser a priori», l'animateur Étienne Leblanc demande aux auditeurs s'ils se souviennent que juste avant la campagne électorale, Statistique Canada a publié «des données» à ce sujet et que ces données inquiètent «de nombreux candidats sur le terrain». Voilà un bien mauvais début. Il ne s'agit pas de «données» quelconques, mais bien des chiffres officiels du recensement fédéral de 2021. Cela n'a rien à voir avec une étude ou un sondage ponctuel. C'est la bible quinquennale. Le reporter savait-il qu'il s'agissait des données du recensement? Apparemment non.

Secundo, notons la référence aux «nombreux candidats» aux élections qu'on dit «inquiets». Sur le plan journalistique, cette affirmation est beaucoup trop vague pour être admise dans le cadre d'un tel reportage. Je ne doute pas de sa véracité, mais il aurait fallu être plus précis. Parle-t-on ici d'une dizaine de candidats? D'une vingtaine? Plus? Je n'ai pas entendu beaucoup de débats «sur le terrain» au sujet du recensement de 2021. Malheureusement. En tout cas, le journaliste aurait au moins pu citer le nom de quelques candidats, ou d'un parti, qui avaient plus particulièrement ciblé cette question. Le «Ben voyons, c'est évident» ne suffit jamais en journalisme.

Puis survient la grosse faute qui compromet l'ensemble du reportage: «les plus récentes données qui ont été publiées par Statistique Canada, elles portent seulement sur la langue maternelle». Tout le reste du reportage est bâti sur cette affirmation. Sur une telle fondation, le reste du texte s'écroule. Ce serait une erreur grave, même pour un débutant. Car le recensement de 2021, comme celui qui l'a précédé, publie d'un coup (cette année c'était le 17 août) les données complètes sur (1) la connaissance des langues officielles, (2) la première langue officielle parlée (PLOP), (3) la langue maternelle et (4) la langue la plus souvent parlée à la maison (et plus). Combinées ou vues séparément, ces quatre catégories dressent un portrait chirurgical, sans doute incomplet, d'un déclin du français qui s'accélère.

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extrait des données linguistiques québécoises du recensement 2021 (17 août 2022)

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Comment un journaliste de Radio-Canada peut-il ignorer ces faits? A-t-il consulté les données du recensement? S'il l'avait fait, il aurait vu que trois de ces quatre catégories se suivent sur la même page (voir capture d'écran ci-haut). Si on voit «langue maternelle», on verra du même coup d'oeil «connaissance des langues officielles» et «première langue officielle parlée». Un bref déroulement vers le bas de l'écran nous transporte en quelques secondes à la «langue la plus souvent parlée à la maison». On est presque obligé de conclure que le rédacteur n'est pas allé à la source principale. Sur quoi s'est-il fondé? Ce qui apparaît certain, c'est que s'il a interviewé la romancière Caroline Dawson en utilisant la prémisse d'une définition de «francophone» fondée sur la seule langue maternelle, et qu'elle l'a cru, les conclusions seront nécessairement erronées.

Le journaliste affirme d'ailleurs, dans le cadre de cette entrevue: «Dans le recensement, un francophone, c'est quelqu'un dont la langue maternelle est le français», dit-il.  Et Caroline Dawson trouve cela ridicule. Elle a raison, parce que c'est faux! Jusqu'aux années 1960, on utilisait la langue maternelle comme principal repère, mais depuis 1971 Statistique Canada a ajouté les critères de langue la plus souvent parlée à la maison, puis la PLOP. Sans oublier la connaissance des langues officielles. Bien sûr, la langue maternelle de Caroline Dawson (la première apprise et encore comprise) sera toujours l'espagnol, étant née au Chili. Mais en vertu des trois autres critères, et notamment la PLOP que Statistique Canada a utilisée pour définir les minorités de langue officielle, Caroline Dawson est bel et bien une francophone.

Quant à l'entrevue de Yanik Dumont Baron avec Jean-Piere Corbeil, le journaliste affirme que ce dernier «a longtemps travaillé au programme de statistiques linguistique». «Le chercheur sait de quoi il parle», ajoute-t-il. Un commentaire dont on aurait pu se passer, qui accrédite son témoignage et qui est inutile, le public étant en droit d'attendre qu'on n'interviewera pas des personnes qui ne savent pas de quoi elles parlent. On aurait dû être plus précis. M. Corbeil était présenté en 2020 par Radio-Canada comme le «spécialiste en chef» des données linguistiques à Statistique Canada. Cela ne l'empêche pas, toutefois, d'avoir des opinions et de participer à des débats publics. Là, son expertise est tempérée par son engagement et d'autres experts, d'opinion contraire, sont tout aussi crédibles. Mais ces autres experts, Radio-Canada ne les a pas interrogés dans le cadre du reportage. Enfin notons que nulle part dans le reportage Jean-Pierre Corbeil accrédite-t-il la thèse voulant que la langue maternelle soit le seul ou le principal critère pour déterminer qui est francophone et qui ne l'est pas.

Depuis un an, au Parlement d'Ottawa, le comité des Communes sur les langues officielles tient des audiences, dont plusieurs sur le déclin du français au Québec. M. Corbeil y a participé. Mais d'autres témoins experts ont étayé des thèses contraires, et leurs témoignages sont consignés sur le Web. Ils auraient apporté un grain de poivre dans la suite des idées véhiculées par ce reportage qui se termine, de façon insidieuse, par des allusions à la thèse voulant que la société québécoise ne soit pas accueillante pour le immigrants, y compris une mention de la «couleur de (la) peau». Après être parti d'une prémisse erronée, le reportage nous laisse avec une arête dans la gorge.

Vraiment, il y a là matière à intervention par un conseil de presse ou par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Ce document ne doit pas rester dans les archives pour l'éternité sans correctif.

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jeudi 22 septembre 2022

Les chemins d'été (8e jour)

Lundi 11 juillet 2022

J'ai toujours associé le lundi au temps maussade. Quand j'étais petit et que nous habitions à Ottawa près d'une voie ferrée du Canadien Pacifique - quatre familles, chacune avec sa marmaille dans la même maison - le lundi était jour de lavage et les cordes à linge étaient pleines. Plus souvent qu'autrement il pleuvait, au grand déplaisir des quatre mamans. Et c'était pire quand un vent du sud transportait la fumée des trains à vapeur dans nos cours...

Enfin, en ce lundi 11 juillet 2022, le soleil ne serait pas au rendez-vous et d'une certaine façon, des averses, ça tombait bien. Nous allions visiter à Chicoutimi «la petite maison blanche» qui avait survécu, du 19 au 21 juillet 1996, à ce qu'on appelle désormais «le déluge du Saguenay». Un temps maussade pour remémorer une épisode sombre où plus de 250 millimètres de pluie avaient laissé dans leur sillage dix morts, 500 maisons détruites et 16 000 personnes évacuées.




Avant d'entreprendre ce retour vers les événements de 1996, nous étions cependant invités à nous rendre dans le secteur Jonquière de la ville de Saguenay, au domicile d'Yvan Lavoie (un des frères de Jacqueline) et de son épouse France, qui avaient déroulé le tapis rouge. Au-delà de l'agréable conversation autour d'un excellent lunch préparé par France et servi dans une attrayante salle à manger trois-saisons qu'Yvan a bâtie, je garde en mémoire les décorations murales réalisées par France avec de vrais champignons ligneux (étant mycologue amateur, j'ai beaucoup apprécié) et l'atelier exceptionnel d'Yvan, équipé comme pas un avec tous les outils requis pour bâtir un meuble, une chambre ou une maison entière.


Reprise en après-midi de nos explorations de Saguenay. Dès qu'on aperçoit «la petite maison blanche» (devenue musée) dans l'ancien quartier du Bassin, englouti par les eaux déchaînées de la rivière Chicoutimi en 1996, la vue est saisissante. S'impose d'abord à l'oeil l'ampleur de la dévastation - un quartier entier a été emporté - mais aussi, et peut-être surtout, le caractère quasi miraculeux de la résistance d'une si petite structure alors que tout s'écroulait autour d'elle. Difficile d'imaginer qu'elle avait des voisins, un jardin, une pelouse, une rue devant... Elle donne l'impression d'être érigée sur une presqu'île au milieu d'un cours d'eau (voir photo du haut).

Sa transformation en musée permet bien sûr de la visiter, mais aussi, à l'aide de maquettes, d'audio-guides et de vidéos, de tout savoir sur l'histoire de la maison, des familles Genest qui l'ont habitée et de l'ancien quartier du Bassin. Le récit est parfois émouvant. Toujours instructif. On apprend qu'après une première inondation en 1947, le solage avait été surélevé et ancré au fond rocheux avec de solides pieux. C'est ce qui l'a sauvée en 1996. À l'intérieur de la maison-musée, des personnages robotisés rehaussent le réalisme des montages.

 Maquette du quartier du Bassin avant le déluge de 1996

À une centaine de mètres de la petite maison blanche, en aval, se dresse un autre bâtiment que les flots du déluge ont épargné: le magasin général «La Commère», facilement repérable avec sa structure en brique et les chaises berceuses alignées sur le perron. Dans cette structure de 1910, on a voulu recréer l'ambiance d'un ancien magasin général du début du 20e siècle. Ce qui frappe à prime abord, surtout par une journée de grisaille, c'est la couleur. Des tablettes, du plafond au plancher, remplies de bonbons dans des emballages multicolores. De quoi carier toutes les dents du Québec. J'avais l'impression de me revoir, à l'âge de 6 ans, médusé devant le comptoir de bonbons et autres friandises de notre épicerie de quartier... Je n'ai pas trouvé de petites boules noires qui changeaient de couleurs en fondant dans la bouche mais j'aurais volontiers passé quelques heures à examiner ces gâteries une à une dans l'espoir que quelque souvenir jaillisse de mon enfance...

Vous en voulez des bonbons? Allez au magasin général «La Commère»...
Ginette, Claude et Jacqueline sur les berceuses de «La Commère»

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(parenthèse tardive)

L'appellation Chicoutimi dérive du mot autochtone chekotimiw qui signifierait, selon les sources les plus fréquentes, «jusqu'ici c'est profond». C'est à Chicoutimi, en effet, que se termine la navigation en eau profonde sur la rivière Saguenay. Le vieux père oblat Joseph Guinard, expert des langues autochtones du Québec, proposait en 1959 une opinion différente. Selon lui, «jusqu'ici c'est profond» se traduit par iskotimiw en langue crie. Or, de toute évidence, personne ne dit Iscoutimi... Le père Guinard affirme pour sa part que l'expression autochtone chekotimiw signifie: «c'est profond parce que ça engouffre». De plus, le nom Chicoutimi s'est épelé, au fil de l'histoire, de 13 façons différentes dans les ouvrages... Le débat n'est pas clos.

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Chez nous, en Outaouais, trop souvent, on laisse les bâtisses historiques à l'abandon, puis on les démolit. On aurait pu transformer une des vieilles usines de la E.B. Eddy en hommage aux vieilles industries papetières de Hull et à l'épopée des allumettières. Mais non. Les Saguenéens et Jeannois, quant à eux, ont le tour de préserver leur héritage. Ainsi en est-il de la vieille pulperie de Chicoutimi, fondée en 1895 et logée dans une bâtisse construite en 1903, agrandie jusqu'en 1921 alors que la Compagnie, première grande entreprise de pâtes et papiers du Saguenay à être contrôlée par des Canadiens français, employait 2000 des 8000 habitants de la municipalité! Victime d'une chute dramatique des marchés internationaux, les moulins cessent leur production en 1924 et ferment définitivement leurs portes en 1930. L'édifice a été sauvé du pic des démolisseurs à la fin des années 1970, restauré et ressuscité sous forme de musée.

Avec une locomotive à vapeur garée sur le parterre, la Pulperie se démarque des environs. Elle abrite trois expositions permanentes et une série d'expositions temporaires, et d'excellents guides (ce fut notre cas) accompagnent les visiteurs dans ce labyrinthe à travers un passé pas si lointain. Au-delà de l'incontournable présentation sur l'histoire de la compagnie de pulpe, la salle Arthur-Villeneuve, dédiée au célèbre peintre naïf du Saguenay mort en 1990, vaut le détour. On y a même transporté la maison de Villeneuve, qu'il avait décorée de ses oeuvres, peintes sur les murs à l'intérieur et à l'extérieur! Dans une vidéo, on entendait son épouse dire que son rêve était d'avoir un jour une maison avec des murs blancs... Je n'ai pris aucune photo. C'était interdit...

En revenant de Chicoutimi, recherche désespérante d'un resto ouvert le lundi soir à Jonquière. Finalement, avec l'aide du Web et de Georgette GPS, on trouve la perle rare. Notez-la bien, au cas où vous chercheriez un lundi soir une adresse et un menu accueillants: RODI Pizza, 3497 boulevard Saint-François, Jonquière.

Avant de retourner à Dam-en-Terre, nouvel arrêt à Jonquière pour visiter la maison d'enfance de Jacqueline, en bordure de la rivière Saguenay, où habite toujours son frère Gaétan. Pour Jacqueline, des tas de souvenirs à ressasser. Pour moi la découverte que son frère est amateur de disques vinyle et qu'il possède une collection époustouflante de 33 tours et 45 tours sans égratignures, tous classés en ordre alphabétique dans des classeurs et armoires. Je l'ai vue... Entre ça et le paradis... 

Demain: direction Dolbeau-Mistassini.


mercredi 21 septembre 2022

Notre existence est en jeu


L'avenir, l'existence même de la nation québécoise se jouent le 3 octobre.

Voilà le message que le Parti québécois et son chef, Paul St-Pierre Plamondon, doivent véhiculer, marteler, crier jusqu'à s'époumoner.

Oui, nous en sommes là.

Quand j'étais enfant, je vivais dans un petit quartier francophone d'Ottawa. Oui, en Ontario.

Au fil des ans, j'ai vu l'ancienne communauté s'effriter, puis disparaître. Anglicisée. Les maisons sont toujours là, mais l'âme est morte.

Aujourd'hui je vis à Gatineau et j'ai un sentiment de déjà-vu. La vague d'assimilation a traversé la rivière et nous grignote, rue par rue.

Si j'étais résident de Montréal ou Laval, j'aurais sans les mêmes noeuds dans l'estomac.

Dans quelques générations, si la tendance se maintient, nous serons étrangers chez nous.

Nos enfants parleront le bilingue. Leurs enfants, l'anglais.

Je suis alarmiste? Pas du tout!

Ouvrez les yeux. Non, les oreilles... Écoutez les gens parler autour de vous. À la télévision. Entre les mots anglais et les anglicismes, ce qui reste de français est trop souvent tout croche.

Vous voulez de preuves irréfutables de notre déclin rapide?

Consultez les données des plus récentes des recensements fédéraux. Pas de risque d'y trouver de la propagande séparatiste. C'est fait à Ottawa.

La chute du français est catastrophique. Hors Québec, on s'y attend. C'est amorcé depuis plus de 100 ans. Mais au Québec?

La population de langue maternelle française est désormais en minorité sur l'île de Montréal. Laval suivra bientôt.

Dans la rue, au travail, dans les commerces, les francophones parlent de plus en plus anglais. Les anglophones itou.

Michael Rousseau nous l'avait dit. Et le président d'Air Canada avait raison...

À l'école, les cégeps anglais débordent de francophones et d'allophones qui travailleront par la suite, majoritairement, en anglais.

Dans la région de Montréal, à peine 43% des internautes naviguent surtout en français sur le Web... En baisse de 18% en deux ans...

Un jour, quand Montréal sera devenue Mawn-tree-all, quand le Québec français sera réduit à quelques îlots folkloriques, quand Félix Leclerc, Gilles Vigneault, Beau Dommage et les Cowboys fringants peupleront les musées, on se demandera: comment est-ce arrivé?

On passera en revue les choix historiques des Québécois. Si l'élection de 2022 confirme l'agonie du Parti québécois et de l'option indépendantiste,  on y verra un moment crucial de notre histoire. L'ultime chance, ratée.

Le temps presse. Notre existence est en jeu. Voilà le message que doivent marteler le Parti québécois et son chef jusqu'au 3 octobre.

Avons-nous, depuis 400 ans, fait tout ce chemin pour rien?



lundi 12 septembre 2022

Les chemins d'été (7e jour)

Dimanche 10 juillet 2022

La journée du Seigneur, septième de notre périple au Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous a amenés dans une localité - Saint-Prime - dont le nom commémore un ancien martyr de la foi chrétienne. J'y reviendrai. Son histoire est intéressante. Mais notre destination, c'était Saint-Prime et la vieille fromagerie Perron, avec son cheddar de renommée mondiale.


Ceux et celles qui me connaissent bien savent que j'ai toujours tenu les produits laitiers à distance. Le fromage en particulier, dont je n'aime ni le goût ni l'odeur, en général. Je me suis adouci avec l'âge cependant et depuis quelques années, j'ai même pris goût aux pizzas et lasagnes. Alors j'ai volontiers suivi Claude, Jacqueline et Ginette dans une découverte fascinante de l'unique survivante des fromageries québécoises traditionnelles d'époques révolues.

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(première parenthèse) 

Bon, avant de plonger dans la fabrication du fromage, parlons un peu de Saint Prime. Pas de la municipalité, fondée dans la seconde moitié du 19e siècle, mais du saint appelé Prime, frère de Félicien (celui qui a légué son nom à la ville voisine, Saint-Félicien). Emprisonnés pour avoir refusé de vénérer les idoles romains, Prime, âgé de 90 ans, et Félicien ont été jetés ensemble dans la fosse aux lions, qui ne leur ont fait aucun mal. Selon la légende, les spectateurs ébahis se sont convertis au christianisme. Pour en finir, l'empereur romain Maximien a ordonné qu'ils soient décapités. Le nom de la municipalité honore aussi le premier curé de la paroisse, Prime Girard, vers 1884.

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Fondée en 1890 par Adélard Perron, la fromagerie qui porte son nom et celui de ses descendants faisait partie d'un vaste réseau de fromageries artisanales au Québec. En 1897, il y en avait 1266! Aujourd'hui, seule celle de Saint-Prime a survécu. Son caractère unique lui a valu d'être classée monument historique exceptionnel en 1989 par le gouvernement québécois. Les locaux de la vieille fromagerie ont été transformés en musée en 1992 et mettent en valeur les outils, instruments, processus et accessoires d'époque. On y découvre l'importance de l'industrie laitière et fromagère, tant pour la région du Lac Saint-Jean que pour le Québec tout entier, et bien sûr le prestige des cheddars Perron, primés ici et ailleurs. En 1972, la Grande-Bretagne avait cessé d'importer des cheddars canadiens, épargnant toutefois la fromagerie Perron à cause de la qualité exceptionnelle de ses produits!

Dans une fromagerie, apprendre à faire du beurre...

L'expérience du musée Perron se veut «participative». Je me méfie toujours de cette appellation, surtout si, à une fromagerie, cela implique de goûter à des fromages... Mais j'ai vite été rassuré. Une fois la visite fort instructive terminée, on voulait simplement nous enseigner à fabriquer du beurre avec de la crème 35% et un peu de sel dans un bocal. Il suffit de brasser le flacon contenant la crème et le sel jusqu'à ce que le contenu se transforme de liquide en solide. Ça prend environ 10 minutes et les poignets (les miens en tout cas) deviennent vite fatigués. C'aurait été plus facile, peut-être, en écoutant une chanson disco de la fin des années 1970... Pour le rythme du brassage...

Mais finalement, la crème se transforme... Soit en crème fouettée si le brassage n'est pas optimal, préférablement en beurre... Nous avons constaté avec soulagement que trois de nos quatre pots, à la fin, contenaient du beurre. L'autre, de la crème fouettée salée. Il ne nous restait alors qu'à passer le contenu des bocaux au tamis pour éliminer le liquide restant, et repartir avec un souvenir comestible de la fromagerie Perron. Petite fringale en sortant? Le restaurant Chez Perron attend, à une centaine de mètres, au bout de la rue Albert-Perron sur la 169. Non, je n'ai pas mangé de poutine. Plutôt un imposant (et excellent) hot dog avec 3000 calories de frites... 

Le restaurant de la fromagerie... personnes au régime s'abstenir!

Notre seconde destination, le Moulin des pionniers à La Doré, nous a permis encore une fois de voir du beau pays, mais vu l'heure tardive - fin d'après-midi - et les transformations qui limitaient l'accès au vieux moulin, nous avons dû rebrousser chemin. Le site a été transformé en parc d'attraction familial avec des jeux d'eau, des structures pour enfants et des sentiers en forêt. Quant au chalet d'accueil, disons qu'il nous a laissés tiède. On nous a informés qu'il y avait des toilettes à l'intérieur et à l'extérieur, mais qu'on préférait réserver au personnel la salle de bain intérieure... Bon, compris... Dehors tout le monde...


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(deuxième parenthèse)

Une chose m'intriguait cependant. Le nom de la municipalité: La Doré. Pas La Dorée. Pourtant Doré, c'est masculin, et l'article «la» indique le féminin. C'aurait dû être Le Doré, non? Hop sur l'Internet, où j'apprends que le nom trouve son origine dans la Rivière-au-Doré, qui frôle la localité avant de se diriger vers le zoo sauvage de Saint-Félicien. Et là j'ai compris. En Outaouais, quand on parle de la rivière du Lièvre, on dit «la Lièvre». Cela doit paraître étrange parfois aux gens d'ailleurs. On a dû, de même façon, dire «la Doré» au lieu de la Rivière-au-Doré. Entre le «La» et «Doré» dans La Doré, il y a un mot invisible: rivière...

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Sur le chemin du retour, un arrêt fortement recommandé à la charcuterie-chocolaterie de Métabetchouan-Lac-à-la-Croix, le genre d'établissement qu'on ne voit jamais, il me semble, dans la région de Gatineau... Enfin, en début de soirée, une épicerie au IGA d'Alma (une coopérative, bravo!) et retour aux conforts de Dam-en-Terre.

Demain: direction Jonquière et Chicoutimi...


samedi 10 septembre 2022

Elizabeth Windsor et nous...



Depuis mon adolescence, je suis anti-monarchiste. Au début, je l'étais principalement à cause des injustices perpétrées contre les Canadiens français par la Couronne britannique, ou en son nom, depuis la conquête de 1760... et même avant avec la déportation génocidaire des Acadiens en 1755.

C'est un motif qui se défend bien, mais ce n'est pas le meilleur. Après plus de sept décennies sur cette terre nord-américaine, mes convictions ne se sont pas ramollies. De fait, elles se sont raffermies.

Le socle sur lequel je bâtis toutes mes opinions, toutes mes causes, c'est l'égalité de tous les humains. Hommes et femmes. Blancs, Noirs et toutes les teintes entre les uns et les autres. Jeunes, adultes, vieux. Or, cette égalité est impossible quand on nous fait «sujets» d'un monarque. Je ne suis sujet de personne. Mes relations avec les autres humains sont fondées sur l'égalité absolue. Intraitable.

L'idée même d'un monarque qui règne sur des sujets doit être rejetée au nom de l'égalité entre humains. Les seuls régimes acceptables dans une humanité qui respecte le droit à l'égalité sont ceux où les dirigeants émanent du peuple souverain, de citoyens égaux en droit et en réalité qui choisissent démocratiquement leur gouvernement.

J'ai toujours appelé la reine de Grande-Bretagne Mme Elizabeth Windsor, et son époux Monsieur Phillip Mountbatten. Pas de «votre altesse», de courbettes, de génuflexions et autres paroles et gestes de reconnaissance de l'infériorité des sujets et de la supériorité des monarques. Si je rencontrais Charles III, je saluerais Monsieur Charles Mountbatten-Windsor.

Mais il n'y a pas que l'égalité qui soit piétinée par le concept de monarchie. Il y a aussi la laïcité, la neutralité de l'État. Depuis que j'étudie l'histoire d'ici, des vieux pays et d'ailleurs au monde, l'intrusion des religions dans les affaires des États a toujours été source de violence, d'injustice... parfois même des pires horreurs. Or les monarques, le plus souvent, disent régner de droit divin...

On voudrait nous faire croire que Dieu (s'il existe) n'a pas créé les humains égaux. Qu'il (elle?) a personnellement ou à travers ses Églises accordé à des humains le droit de régner sur d'autres, d'en faire des sujets. Si un Dieu tout-puissant existe, je m'inclinerai volontiers devant lui (elle). Mais pas devant un humain. Jamais.

Or, non seulement les souverains britanniques transmettent-ils la Couronne à leurs descendants, de droit divin, mais ils sont également chefs suprêmes de l'Église anglicane. La Constitution canadienne reconnaît la supériorité de Dieu, ainsi que notre sujétion à la Couronne qui se réclame de Dieu. J'ai beau trouver bien triste la mort de Mme Windsor, elle était au sommet de cette pyramide d'injustice.

Paul Saint-Pierre Plamondon a été critiqué pour avoir affirmé qu'on n'aurait pas dû mettre les drapeaux québécois en berne. Je ne suis pas sûr de partager son point de vue, mais ne comptez pas sur moi pour le critiquer ou le blâmer. Les distinctions entre l'humain et l'institution qu'il (elle) incarne deviennent floues en période de deuil, et l'émotion l'emporte souvent sur les froids raisonnements.

Mais le chef du PQ a tout à fait raison de rappeler la tentative de génocide contre les Acadiens et les violences injustifiables contre les Patriotes, entre autres, pour condamner la monarchie. Et je crois que son point de vue est partagé par bien des gens au Québec. La majorité? On n'a pas vu beaucoup de francophones d'ici, ces derniers jours, pleurer la mort de «leur» reine.

La télé de Radio-Canada a beau habiller ses chefs d'antenne et journalistes en noir ou en sombre et faire semblant que le territoire français de ce pays est en deuil, ça ne passe pas. Les Québécois peuvent ressentir de l'affection, et certainement du respect pour Mme Windsor, ils n'ont pas et n'auront jamais l'attachement des Anglo-Canadiens d'origine britannique aux institutions monarchiques.

Pour ma part, je dois avouer que j'aimais bien Elizabeth Windsor, comme personne, et sa mort m'attriste. Elle occupera une place de choix dans l'histoire du Royaume-Uni. Mais la Couronne qu'elle a portée et que son fils porte maintenant est fondée sur l'inégalité des humains, met la religion au-dessus de l'État et rappelle encore toutes les injustices et persécutions contre les francophones d'ici.

Selon les données les plus récentes que j'ai vues (sondage Léger du 10 septembre 2022 - voir bit.ly/3RDunuW), à peine 15% des Québécois demeurent favorables à la monarchie. Moins que ça chez les seuls francophones. Avez-vous vu ça dans les reportages à la télé et dans les journaux? Pas vraiment...


mercredi 7 septembre 2022

Les chemins d'été (6e jour)

Samedi 9 juillet 2022

La seule fois dans ma vie où j’avais vu une baleine, c’était à Puerto Vallarta, à l'hiver 2013 je crois, alors que je déambulais sur la promenade riveraine en plein centre-ville. Une baleine à bosse, assez loin dans la baie de Banderas. Depuis, j’ai arpenté deux fois toute la côte ouest de Terre-Neuve, longé les rives gaspésiennes, scruté le Saint-Laurent à la hauteur des Escoumins ainsi qu’à un poste d’observation des baleines aux Grandes Bergeronnes, sans jamais apercevoir un seul des milliers de cétacés qui sillonnent les eaux du fleuve et du golfe…

Le grand jour était-il enfin arrivé? Pleins d'espoir en cette matinée du 9 juillet, nous avons mis le cap sur Tadoussac pour une croisière aux baleines en bateau, empruntant pour la première fois la route 172 qui longe la rive nord de la rivière et du fjord du Saguenay, jusqu'au fleuve Saint-Laurent. En chemin on traverse peu de localités entre Saguenay et Sacré-Coeur (non loin de Tadoussac), mais le paysage est magnifique, en particulier quand la 172 s'accouple au trajet sinueux de la rivière Sainte-Marguerite, un repaire de fosses à saumon fort fréquentées par les amateurs de pêche.

Le paysage aux abords de Sacré-Coeur, en 1971

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(première - et petite - parenthèse)

Le nom complet de Sacré-Coeur, la plus grosse bourgade de la moitié est de la 172, est, tenez-vous-bien, «Sacré-Coeur-sur-le-Fjord-du-Saguenay». 30 lettres et 6 traits d'union. Un peu long... Imaginez faire ça à Gatineau. Ça donnerait «Gatineau-sur-la-rivière-des-Outaouais-ainsi-que-sur-la-rivière-Gatineau-et-sur-la-rivière-du-Lièvre»...

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Une fois arrivés sur la 138 (qui longe la rive nord du fleuve), le temps d'un copieux déjeuner-dîner au restaurant Chant Martin, Tadoussac la fébrile nous attend. Après une centaine de kilomètres silencieux en forêt, la municipalité quadri-centenaire semble une véritable ruche d'activité, bondée de touristes venus voir le berceau de la Nouvelle-France et la faune marine abondante.

L'hôtel Tadoussac, vu du quai d'embarquement

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(seconde parenthèse)

Contrairement à la vallée du Saguenay et la plaine du Lac Saint-Jean, colonisées à partir du 19e siècle, la baie de Tadoussac a accueilli Jacques Cartier en personne dès 1535 et abrité un port de traite permanent à partir de l'an 1600. Le nom Tadoussac prend son origine dans le mot autochtone totochak, qui signifie mamelles. Apparemment les cimes au-dessus de la forêt à cet endroit ressemblent à des mamelles.  Ouais, à regarder nos photos, peut-être un peu... Selon les témoignages des premiers Français à s'y rendre, Tadoussac a toujours été un rendez-vous commercial des Autochtones. Vers 1560, on pouvait y voir en même temps jusqu'à 20 navires normands, bretons et basques...

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Descente vers le quai de Tadoussac
La plage de Tadoussac

Avant midi, les stationnements de Croisières AML ne débordent pas, mais les espaces se font de plus en plus rares. Dans la longue marche vers le quai d'embarquement, sous un soleil de quasi-solstice, se démarquent évidemment la silhouette emblématique de l'hôtel Tadoussac (photo ci-haut), où j'aimerais bien passer une nuitée, puis le cimetière, la chapelle de carte postale et enfin, devant l'achalandée rue Bord-de-l'eau, la grande plage où quelques estivaliers captent les rayons du soleil et osent peut-être patauger dans les eaux frisquettes du fjord (moins froides quand même que celles du Saint-Laurent).

Au bout du quai, la file prend doucement forme en vue de l'embarquement. Suffisamment de temps pour un coup d'oeil 360 degrés. On ne peut manquer d'admirer les voiliers et yachts amarrés à Tadoussac. Je n'ose même pas m'imaginer le coût de ces embarcations. 50 000 $? 100 000$? 200 000? Plus? On voit aussi ce type de bateau de luxe aux quais de Dam-en-Terre, au Lac Saint-Jean. Depuis mon enfance, je n'ai jamais connu de gens suffisamment riches pour pouvoir se payer des yachts ou voiliers pareils. Et pourtant, ils semblent nombreux...



Finalement, vers 13 heures, on descend la passerelle vers le pont inférieur du Grand fleuve, une embarcation à trois ponts où le hasard détermine, selon que les baleines apparaissent à babord ou à tribord, si vous aurez ou non la chance de les voir. À moins de courir de bord en bord avec votre appareil photo en fonction des cris des passagers... Une chose est sûre: il fait froid sur le fleuve, où les eaux salées à 4 ou 5 degrés combinées aux vents du nord-ouest vous obligent à porter des vêtements d'automne/hiver en plein mois de juillet. Cela contraste avec les eaux de surface du fjord du Saguenay, qui atteignent 18 degrés...

Claude, Jacqueline et Ginette au large de Tadoussac

Après un détour à Baie Sainte-Catherine pour cueillir d'autres passagers au sud de l'embouchure du Saguenay, nous voici enfin en mer vers 14 h 30, direction Grandes Bergeronnes. La voix du capitaine, ou de son porte-parole, dirige nos regards vers les endroits opportuns en utilisant les heures d'une horloge («phoques à 11 heures!), (bélugas à 4 heures!), haussant le ton un peu comme l'animateur d'un match sportif. Tout à coup, un rorqual à bosse est aperçu, du mauvais bord évidemment, et je le vois disparaître sous les vagues en traversant. Nous aurons eu plus de chances avec les petits rorquals et les bélugas (nous en verrons des dizaines), qui semblent affectionner notre champ de vision. 

Un petit rorqual, tout près du bateau

Après trois heures de navigation sans avoir ressenti le mal de mer, nous pourrons dire que nous avons effectivement vu des baleines - des dizaines même, surtout des bélugas mais aussi des petits rorquals (des frères ou des cousins de ceux qui sont allés saluer Montréal au péril de leur vie?) Le pilote nous a informés que deux baleines bleues avant été aperçues en aval la journée précédente, mais elles ne sont pas aventurées près de Tadoussac. Dommage... parce que la baleine bleue est l'animal le plus gros de la planète, atteignant 30 mètres de longueur et pesant jusqu'a 100 tonnes...

Avant de quitter Tadoussac, nous avons visité le Centre d'interprétation des mammifères marins (CIMM), une mine d'information sur les baleines et autres mammifères (phoques) du Saint-Laurent. On y loge une collection de squelettes de baleines unique en Amérique du Nord, ainsi qu'une boutique dont les profits servent entièrement à financer la recherche sur les baleines. Je n'avais aucune idée de la diversité et de la quantité des espèces de baleines qui s'aventurent dans les eaux du fleuve, y compris dans le fjord du Saguenay. Ginette s'est fait photographier avec une corne de Narval, plus grande qu'elle (voir photo ci-dessous). Le narval, une baleine des eaux arctiques, est aussi appelée licorne des mers.


Sur le chemin du retour, un bref arrêt au pittoresque village de Sainte-Rose-du-Nord, sur le fjord du Saguenay, qui sera le point de départ de notre seconde croisière, le 13 juillet, consacrée entièrement au fjord. Après un autre souper substantiel, cette fois à un restaurant St-Hubert de Chicoutimi, hop sur la 70 et la 170 vers Alma et Dam-en-Terre.

nos derniers kilomètres de la soirée, arrivés sur la plaine du Lac

Demain: Retour au Lac Saint-Jean et cap sur Saint-Prime...