Mercredi 13 juillet 2022
En cherchant la région sur une carte, ceux et celles qui connaissent peu ou pas le Saguenay-Lac-Saint-Jean n'y verront qu'un grand lac plus ou moins rond débouchant sur la rivière Saguenay qui se déverse, à son tour, dans le fleuve Saint-Laurent. Mais la rivière Saguenay n'est pas un cours d'eau comme les autres. À partir de Chicoutimi, en descendant jusqu'à Tadoussac, c'est aussi un fjord. Et un fjord absolument unique!
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(1ère parenthèse)
C'est quoi un fjord? Que le mot soit norvégien ne me surprend guère. Depuis ma jeunesse, ma passion pour la géographie me fait dévorer les atlas comme des romans. Et à chaque fois que les textes, images et cartes me transportaient vers la Norvège, je voyais ces innombrables languettes de mer qui s'enfonçaient profondément dans les terres - des fjords. Pour moi, fjord et norvégien allaient de pair. Ce n'est que plus tard que j'ai découvert l'existence de fjords ailleurs, au Chili, à Terre-Neuve, en Écosse. Tous avaient en commun leur contact direct avec la mer. Je n'en connais qu'un qui soit différent. Celui du Saguenay.
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En ce 13 juillet magnifique, donc, Claude, Jacqueline, Ginette et moi allions à la découverte de ce fjord tout à fait spécial au moyen d'une croisière entre Sainte-Rose-du-Nord et l'Anse Saint-Jean, en aval. On commence à connaître le chemin: la 169 à Alma puis on bifurque vers l'est, le long de la rive nord du Saguenay, sur la 172 jusqu'à l'affiche indiquant un virage à droite vers un vallon qui mène en slalom à un petit village de carte postale: Sainte-Rose-du-Nord. 434 habitants, selon recensement de 2021.
Nous avons rencontré deux de ces habitants dès notre entrée au «Rose Café», un attrayant petit établissement qui porte très bien son nom: il est rose, et on y sert de l'excellent café préparé par les soeurs Linda et Josée Girard. Comme ambiance et accueil, c'est onze sur dix! Les deux soeurs au sourire permanent jasent dans un flot ininterrompu de tout et de rien. «Nous sommes les pies du matin», lance Linda en poursuivant, cette fois avec nous, des louanges envers sa nouvelle machine à café et des récits hilarants sur l'arrivée en masse des touristes par bateau, l'été. Une rencontre comme on en souhaite dans un voyage de découvertes, et qu'on a eu la chance d'avoir avant la retraite - sans doute prochaine - de cette génération du clan Girard.
Tout près du café, sur un arbre, se dresse une affiche; «Requins du Saguenay au Musée de la nature». Nous n'avions pas le temps de visiter le musée (notre bateau arrivait) mais j'ai toujours été fasciné par les requins, et ce, bien avant la sortie du film Les dents de la mer (Jaws). Dans notre croisière aux baleines, le guide nous avait informé de la présence de requins du Groenland dans le fjord. Ce poisson des eaux polaires, un des plus gros requins carnivores, pouvant atteindre 7,3 mètres de longueur, s'aventure dans le fjord du Saguenay et reste en eau profonde. Il pourrait y demeurer fort longtemps, puisque ce requin peut vivre jusqu'à l'âge de 400 ans! Enfin, ce musée, on y reviendra un jour.Enfin, à 10 heures, c'est l'embarquement à bord d'une des navettes maritimes du fjord, pilotée par le capitaine Roch Villeneuve, originaire de... Gatineau! Une navette où l'on peut choisir d'être confortable à l'intérieur, ou hardi sur le pont supérieur, alors que l'embarcation file à 35 km/h sur l'eau fraîche du matin vers l'est. À 76 ans, j'ai préféré le confort... sans manquer d'apprécier la beauté des eaux ensoleillées et des falaises qui s'élèvent de chaque côté du fjord à des centaines de mètres. Ici, pas de champs de bleuets et très, très rarement, un village ou quelque signe d'habitation humaine. Un paysage sublime qui n'a sans doute pas changé depuis des milliers d'années.
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(2e parenthèse)
Pourquoi le fjord du Saguenay est-il si spécial et précieux? D'abord parce qu'il n'a aucun contact avec la mer ou l'océan. Il est, dans le jargon, intra-continental. Mais il y a aussi sa longueur: 105 km. De Tadoussac aux abords de Chicoutimi. En Norvège, pays des fjords par excellence, seulement quelques-uns pénètrent si loin à l'intérieur des terres. Puis, enfin, il y a la profondeur, qui atteint parfois 270 mètres! On nous a expliqué que les eaux de surface du fjord sont douces (3 à 5 mètres?). Puis, après un intermède de «saumure» (mélange d'eau douce et d'eau salée), c'est l'eau de mer jusqu'au fond (90% de l'eau du fjord est salée), C'est ce qui permet et explique la présence de requins du Groenland et de baleines, notamment des bélugas et petits rorquals.
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Juste avant d'arriver au premier arrêt de la navette, à Rivière-Éternité, on peut apercevoir en haut d'une falaise une immense statue de la Vierge (9 mètres de hauteur), sculptée par Louis Jodoin en 1881 et érigée la même année à la demande de Charles-Napoléon Robitaille, un voyageur de commerce qui avait évité la noyade dans les eaux glacées du fjord en priant la Vierge. La statue de Notre-Dame du Saguenay a dû être coupée en 14 morceaux pour qu'on puisse la hisser au sommet de la falaise où elle a été réassemblée. Quand le bateau arrive à cet endroit, le capitaine coupe les moteurs et fait jouer l'Ave Maria. On se demande quelle est la part de légende et de vérité dans cette belle histoire, mais on ne peut rester insensible en regardant vers le ciel à Cap-Trinité. Si je tombais à l'eau devant cette statue, je prierais.
À l'heure du lunch, on s'approche de l'Anse Saint-Jean, le seul gros village (pop. 1200 environ) sur la rive sud du Saguenay entre Sainte-Rose-du-Nord et Tadoussac. La quantité de voiliers et yachts amarrés atteste la popularité de l'endroit. La qualité de la crêperie Café du quai aussi. Situé en face du quai de l'Anse, ce restaurant propose un menu de crêpes exceptionnelles et la mienne, un carré pommes-framboises, avait un goût de «revenez-y». Heureusement, nous avions fait une réservation l'avant-veille, parce que la file d'attente était par moments considérable. Entre la beauté des lieux et la qualité du menu au Café du Quai, j'y retournerais sans hésitation. Sauf en hiver...
Le retour vers Sainte-Rose-du-Nord s'effectue en deux heures, avec l'arrêt à Rivière-Éternité et une soi-disant panne de moteur, qui s'est réparée tout seul, presque miraculeusement, devant la statue de Notre-Dame-du-Saguenay. Le retour est toujours plus triste que l'aller rempli d'attentes. En voyant filer les falaises et en imaginant tout ce qui reluque dans les 250 mètres d'eau sous la navette, on se demande si, un jour, avant d'être trop vieux, l'occasion se représentera de naviguer sur cette merveille du monde qu'est le fjord du Saguenay.
De retour en ville, on mettra fin à cette journée de croisière en retrouvant un bon vieux Saint-Hubert dans le secteur Chicoutimi. Du savoureux poulet avec des frites et une salade de chou... Que peut-on espérer de plus, en bonne compagnie?
Demain: Saint-Jean-Vianney, La Baie et la Fabuleuse...
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