jeudi 22 septembre 2022

Les chemins d'été (8e jour)

Lundi 11 juillet 2022

J'ai toujours associé le lundi au temps maussade. Quand j'étais petit et que nous habitions à Ottawa près d'une voie ferrée du Canadien Pacifique - quatre familles, chacune avec sa marmaille dans la même maison - le lundi était jour de lavage et les cordes à linge étaient pleines. Plus souvent qu'autrement il pleuvait, au grand déplaisir des quatre mamans. Et c'était pire quand un vent du sud transportait la fumée des trains à vapeur dans nos cours...

Enfin, en ce lundi 11 juillet 2022, le soleil ne serait pas au rendez-vous et d'une certaine façon, des averses, ça tombait bien. Nous allions visiter à Chicoutimi «la petite maison blanche» qui avait survécu, du 19 au 21 juillet 1996, à ce qu'on appelle désormais «le déluge du Saguenay». Un temps maussade pour remémorer une épisode sombre où plus de 250 millimètres de pluie avaient laissé dans leur sillage dix morts, 500 maisons détruites et 16 000 personnes évacuées.




Avant d'entreprendre ce retour vers les événements de 1996, nous étions cependant invités à nous rendre dans le secteur Jonquière de la ville de Saguenay, au domicile d'Yvan Lavoie (un des frères de Jacqueline) et de son épouse France, qui avaient déroulé le tapis rouge. Au-delà de l'agréable conversation autour d'un excellent lunch préparé par France et servi dans une attrayante salle à manger trois-saisons qu'Yvan a bâtie, je garde en mémoire les décorations murales réalisées par France avec de vrais champignons ligneux (étant mycologue amateur, j'ai beaucoup apprécié) et l'atelier exceptionnel d'Yvan, équipé comme pas un avec tous les outils requis pour bâtir un meuble, une chambre ou une maison entière.


Reprise en après-midi de nos explorations de Saguenay. Dès qu'on aperçoit «la petite maison blanche» (devenue musée) dans l'ancien quartier du Bassin, englouti par les eaux déchaînées de la rivière Chicoutimi en 1996, la vue est saisissante. S'impose d'abord à l'oeil l'ampleur de la dévastation - un quartier entier a été emporté - mais aussi, et peut-être surtout, le caractère quasi miraculeux de la résistance d'une si petite structure alors que tout s'écroulait autour d'elle. Difficile d'imaginer qu'elle avait des voisins, un jardin, une pelouse, une rue devant... Elle donne l'impression d'être érigée sur une presqu'île au milieu d'un cours d'eau (voir photo du haut).

Sa transformation en musée permet bien sûr de la visiter, mais aussi, à l'aide de maquettes, d'audio-guides et de vidéos, de tout savoir sur l'histoire de la maison, des familles Genest qui l'ont habitée et de l'ancien quartier du Bassin. Le récit est parfois émouvant. Toujours instructif. On apprend qu'après une première inondation en 1947, le solage avait été surélevé et ancré au fond rocheux avec de solides pieux. C'est ce qui l'a sauvée en 1996. À l'intérieur de la maison-musée, des personnages robotisés rehaussent le réalisme des montages.

 Maquette du quartier du Bassin avant le déluge de 1996

À une centaine de mètres de la petite maison blanche, en aval, se dresse un autre bâtiment que les flots du déluge ont épargné: le magasin général «La Commère», facilement repérable avec sa structure en brique et les chaises berceuses alignées sur le perron. Dans cette structure de 1910, on a voulu recréer l'ambiance d'un ancien magasin général du début du 20e siècle. Ce qui frappe à prime abord, surtout par une journée de grisaille, c'est la couleur. Des tablettes, du plafond au plancher, remplies de bonbons dans des emballages multicolores. De quoi carier toutes les dents du Québec. J'avais l'impression de me revoir, à l'âge de 6 ans, médusé devant le comptoir de bonbons et autres friandises de notre épicerie de quartier... Je n'ai pas trouvé de petites boules noires qui changeaient de couleurs en fondant dans la bouche mais j'aurais volontiers passé quelques heures à examiner ces gâteries une à une dans l'espoir que quelque souvenir jaillisse de mon enfance...

Vous en voulez des bonbons? Allez au magasin général «La Commère»...
Ginette, Claude et Jacqueline sur les berceuses de «La Commère»

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(parenthèse tardive)

L'appellation Chicoutimi dérive du mot autochtone chekotimiw qui signifierait, selon les sources les plus fréquentes, «jusqu'ici c'est profond». C'est à Chicoutimi, en effet, que se termine la navigation en eau profonde sur la rivière Saguenay. Le vieux père oblat Joseph Guinard, expert des langues autochtones du Québec, proposait en 1959 une opinion différente. Selon lui, «jusqu'ici c'est profond» se traduit par iskotimiw en langue crie. Or, de toute évidence, personne ne dit Iscoutimi... Le père Guinard affirme pour sa part que l'expression autochtone chekotimiw signifie: «c'est profond parce que ça engouffre». De plus, le nom Chicoutimi s'est épelé, au fil de l'histoire, de 13 façons différentes dans les ouvrages... Le débat n'est pas clos.

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Chez nous, en Outaouais, trop souvent, on laisse les bâtisses historiques à l'abandon, puis on les démolit. On aurait pu transformer une des vieilles usines de la E.B. Eddy en hommage aux vieilles industries papetières de Hull et à l'épopée des allumettières. Mais non. Les Saguenéens et Jeannois, quant à eux, ont le tour de préserver leur héritage. Ainsi en est-il de la vieille pulperie de Chicoutimi, fondée en 1895 et logée dans une bâtisse construite en 1903, agrandie jusqu'en 1921 alors que la Compagnie, première grande entreprise de pâtes et papiers du Saguenay à être contrôlée par des Canadiens français, employait 2000 des 8000 habitants de la municipalité! Victime d'une chute dramatique des marchés internationaux, les moulins cessent leur production en 1924 et ferment définitivement leurs portes en 1930. L'édifice a été sauvé du pic des démolisseurs à la fin des années 1970, restauré et ressuscité sous forme de musée.

Avec une locomotive à vapeur garée sur le parterre, la Pulperie se démarque des environs. Elle abrite trois expositions permanentes et une série d'expositions temporaires, et d'excellents guides (ce fut notre cas) accompagnent les visiteurs dans ce labyrinthe à travers un passé pas si lointain. Au-delà de l'incontournable présentation sur l'histoire de la compagnie de pulpe, la salle Arthur-Villeneuve, dédiée au célèbre peintre naïf du Saguenay mort en 1990, vaut le détour. On y a même transporté la maison de Villeneuve, qu'il avait décorée de ses oeuvres, peintes sur les murs à l'intérieur et à l'extérieur! Dans une vidéo, on entendait son épouse dire que son rêve était d'avoir un jour une maison avec des murs blancs... Je n'ai pris aucune photo. C'était interdit...

En revenant de Chicoutimi, recherche désespérante d'un resto ouvert le lundi soir à Jonquière. Finalement, avec l'aide du Web et de Georgette GPS, on trouve la perle rare. Notez-la bien, au cas où vous chercheriez un lundi soir une adresse et un menu accueillants: RODI Pizza, 3497 boulevard Saint-François, Jonquière.

Avant de retourner à Dam-en-Terre, nouvel arrêt à Jonquière pour visiter la maison d'enfance de Jacqueline, en bordure de la rivière Saguenay, où habite toujours son frère Gaétan. Pour Jacqueline, des tas de souvenirs à ressasser. Pour moi la découverte que son frère est amateur de disques vinyle et qu'il possède une collection époustouflante de 33 tours et 45 tours sans égratignures, tous classés en ordre alphabétique dans des classeurs et armoires. Je l'ai vue... Entre ça et le paradis... 

Demain: direction Dolbeau-Mistassini.


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