lundi 14 octobre 2024

10, 20, 50 Saint-Léonard...

La bataille de Saint-Léonard de Félix Rose tombe pile! En plus d'étaler avec doigté sur grand écran un moment clé de l'histoire - oublié des plus vieux, inconnu des plus jeunes - ce film rappelle le coeur d'un affrontement, scolaire en apparence mais touchant la fibre sociale entière du Québec. Et qui se poursuit en 2024...

De 1967 à 1969, Italiens et Canadiens français de Saint-Léonard-de-Port-Maurice (devenu l'arrondissement Saint-Léonard à Montréal) se sont fait la guerre: italophones exigeant d'envoyer leurs enfants à des écoles anglaises ou bilingues, francophones voulant imposer l'école française. C'est plus complexe que ça mais enfin...

Réunions publiques houleuses, occupation étudiante de l'école Aimé-Renaud, manifestations parfois violentes, interventions policières musclées, accusations de sédition! Boum! Le gouvernement de l'Union nationale fait adopter en 1969 la Loi 63 permettant le libre choix de la langue d'enseignement pour tous les parents. Victoire des Italiens. Le ressac chez les Québécois de langue française devait mener à l'élection du PQ en 1976 et l'adoption rapide de la Loi 101.

Le grand mérite du cinéaste est d'avoir tendu le micro à une famille de chaque camp: les Barone et les Lemieux. L'Italo-Québécois Mario Barone était constructeur et conseiller municipal. L'architecte Raymond Lemieux, fondateur du Mouvement pour l'intégration scolaire, pilotait la coalition francophone. On les voit, ainsi que leurs enfants, dans des clips d'époque et des enregistrements plus récents. Et si on se donne la peine d'écouter, tout est là!

Les immigrants italiens se considèrent autant, sinon plus, Canadiens que Québécois. Ils veulent voir leurs enfants sur les bancs des écoles anglaises (ou bilingues), ayant perçu avec justesse la dominance de l'anglais et des anglos à Montréal, au Canada et en Amérique du Nord. Pourquoi miser sur la langue des quartiers pauvres et de la misère? Qui peut les en blâmer?

De leur côté les francophones, propulsés par une révolution pas toujours tranquille, ont pris conscience de leur infériorité économique et entendent mettre leur majorité linguistique au service d'un projet national de société à leur image. Le Québec ne sera pas bilingue ou anglais: il sera français. Dans le film, Raymond Lemieux, président du Mouvement d'intégration scolaire de Saint-Léonard, est très clair: on ne devrait même pas avoir à apprendre l'anglais au Québec!

Cette affirmation, qui passe en clin d'oeil dans le documentaire, reste pourtant la plus importante recueillie par Félix Rose dans les archives de la fin des années 1960. Faut-il, faudra-t-il connaître l'anglais pour bien vivre au Québec? Clairement, après un demi-siècle, on n'a qu'à écouter Michael Rousseau, PDG d'Air Canada, et la gouvenore-djènerale du Canada, Mary Simon, pour savoir qu'on peut encore aujourd'hui, au Québec, viser le sommet sans apprendre un mot de français...

Et comme si cela ne suffisait pas, les deux plus récents premiers ministres libéraux, Jean Charest et Philippe Couillard, ont exprimé clairement leur désir de voir tous les jeunes Franco-Québécois devenir bilingues. L'anglais intensif dans les écoles françaises! Le Parti libéral du Québec, plutôt silencieux lors de la bataille de Saint-Léonard, serait monté sur les barricades avec les Italiens dans les années 2010...

Le documentaire de Félix Rose reste plutôt discret sur le rôle des autres partis d'opposition. C'est l'une des rares faiblesses du film. Les chefs de l'Union nationale sont à l'avant-plan mais c'est logique. L'UN, sous Daniel Johnson puis Jean-Jacques Bertrand, était au pouvoir. Pourtant, en mars 1968, à un congrès spécial du RIN (Rassemblement pour l'indépendance nationale), Pierre Bourgault - qu'on aperçoit sans plus à l'écran à quelques reprises - avait appelé les membres à se mobiliser pour les parents francophones de Saint-Léonard et organisé une assemblée de 600 personnes au mois de mai 1968.

René Lévesque, chef du Mouvement Souveraineté-Association devenu Parti québécois à l'automne 1968, oscillait entre sa volonté d'intégrer les immigrants au Québec français et sa répugnance d'ordonner leur francisation. Il s'était rendu en pleine nuit (pour éviter les médias) à l'école Aimé-Renaud en guise d'appui aux parents francophones mais quand Raymond Lemieux s'est avancé pour le saluer, le chef du PQ l'avait mis en garde contre toute association avec des «fanatiques», visant notamment Reggie Chartrand des Chevaliers de l'indépendance, qu'il venait de croiser sur les lieux.

La crise scolaire et linguistique vécue à Saint-Léonard laissait présager d'autres conflits dans la grande région montréalaise et ailleurs, là où, dans un contexte de libre choix entre l'école française et anglaise, l'immigration croissante combinée à une proportion appréciable d'anglophones créerait des situations similaires. Raymond Lemieux le pressentait quand il a exhorté les milliers de militants du MIS à créer «10, 20, 50 Saint-Léonard» à travers le Québec. Des comités avaient été formés à Anjou, Jacques-Cartier, Outremont, Hull, Rouyn, Matagami et même à Trois-Rivières. Il n'y a finalement pas eu d'autres Saint-Léonard avec la crise d'octobre de 1970, l'élection du PQ en 1976 et la Loi 101 en 1977, mais la question de M. Lemieux demeure: faut-il vraiment apprendre l'anglais à Montréal, à Gatineau, au Québec?

La réponse doit absolument être NON! Si l'immense majorité des Québécois ne peut espérer vivre et travailler uniquement en français, la bataille de Saint-Léonard et la Loi 101 n'auront rien donné. Si les partisans du bilinguisme collectif au Québec l'emportent, nous n'avons pas d'avenir comme peuple. Un Torontois trouve-t-il normal de vivre et travailler en anglais seulement dans la Ville-Reine? Bien sûr! Et un Danois d'évoluer dans sa langue à Copenhague? Et un Brésilien de s'attendre à être servi en portugais dans les commerces? Et à un Suisse de Zurich de passer sa vie en allemand? Bien sûr! Les immigrants apprennent partout la langue du pays. C'est normal. Ce doit l'être aussi dans un Québec résolument français! Voilà le message de Saint-Léonard.

Félix Rose se plaignait avec raison que la bataille de Saint-Léonard avait été oubliée. Son documentaire fait oeuvre utile en initiant les générations actuelles à quelques pièces clés du casse-tête linguistique québécois. Rien n'a été réglé depuis 1967. Les écoles françaises feront de nos prochaines générations des «bilingues» baragouinant un français appauvri farci d'anglicismes et de mots anglais. Des milliers d'étudiants francophones s'inscrivent aux cégeps et universités anglaises... au Québec. Et s'anglicisent. Et à Saint-Léonard, la moitié ou plus des Italo-Québécois et autres collectivités issues de l'immigration continuent de choisir de vivre en anglais, parce qu'ils le peuvent, parce qu'ils l'estiment plus nécessaire que le français.

Depuis la fin des années 1960, à Montréal, la proportion d'unilingues français a chuté de façon dramatique! Les Montréalais francophones sont massivement bilingues, désormais. Cette anglicisation en marche deviendra irréversible à moins de créer «10, 20, 50 Saint-Léonard»... Quand les «Bonjour-Hi» se diront sans «Bonjour», il sera trop tard. Notre contribution de plus de 400 ans à la diversité culturelle mondiale ne sera guère plus qu'une page dans les manuels d'histoire. Ou encore quelques films documentaires comme «La bataille de Saint-Léonard» accumulant la poussière sur les tablettes numériques de nos grandes bibliothèques...


lundi 7 octobre 2024

Si les Québécois se mettaient dans la peau d'un Franco-Ontarien de Greenstone...

En septembre, plus d'une centaine de particuliers et d'organisations ont offert des drapeaux franco-ontariens aux résidents de la petite ville de Greenstone, dans le nord de la province, pour que ces derniers puissent pavoiser leurs maisons en guise de protestation contre la décision du conseil municipal de retirer du mat de l'hôtel de ville l'étendard blanc et vert de l'Ontario français qui y flottait depuis une dizaine d'années.

À mon grand désespoir, cette nouvelle n'a pas percé l'éternel mur d'indifférence des médias québécois. Mais, dira-t-on, pourquoi s'intéresser au combat d'une poignée de francophones hors Québec contre le mépris habituel d'une majorité anglaise dans un bled isolé de la forêt boréale sur l'interminable route 11, direction lac Supérieur? Parce qu'un jour, au train où vont les choses, nous, Québécois, serons peut-être aussi réduits à mobiliser une base citoyenne si des anglos devenus majoritaires décident de retirer le fleurdelisé d'un mat et hisser leur unifolié rouge à sa place...

Une telle situation est difficile à envisager au Québec dans le contexte où une majorité francophone - solide mais déclinante - nous permet d'occuper le haut du pavé. À condition de vouloir occuper le haut du pavé bien sûr, ce qui ne semble pas du tout clair. Chaque recensement brosse un portrait chirurgical de l'affaiblissement du français, au Québec comme ailleurs, et du renforcement de l'anglais, même chez les francophones. Dans les régions à forte présence anglophone et allophone, un racisme anti-français se manifeste ouvertement, dans la société, les écoles, les boîtes de scrutin. Ne leur manque que la majorité pour nous faire suer comme les Franco-Ontariens...

Alors faites un moment l'effort de vous imaginer à Greenstone, petite ville de 4000 habitants où habitent près de 900 francophones (la proportion baisse tous les ans). Vous n'avez aucun pouvoir décisionnel avec moins de 25% de la population et ne pouvez espérer d'appui du gouvernement provincial à Toronto, ni du fédéral où la majorité anglo-canadienne exerce 100% du pouvoir. La municipalité décide de retirer votre drapeau vert et blanc avec fleur de lys et trille du mat à l'hôtel de ville et de lui accorder cinq jours par année, dont le 25 septembre, Jour des Franco-Ontariens. 

Vous n'avez aucune force politique suffisante. Vous amassez donc des drapeaux de l'Ontario français et pavoisez les maisons pour protester. Vous boycottez la cérémonie du 25 septembre à l'hôtel de ville. Et puis? Rien! Sans le bon vouloir des anglos, vous êtes cuits. Reste l'influence des médias de langue française, qui ne rejoignent qu'une faible proportion des Franco-Ontariens, ainsi que la force plus imposante des médias québécois, capables de propulser la misère d'une petite collectivité francophone ontarienne sur la scène nationale, québécoise et canadienne. Mais la presse québécoise est en plein désarroi. Six des dix quotidiens de langue française sont disparus et ce qui reste de la presse écrite et des médias électroniques au Québec ne vous connaissent même pas! La population restera dans l'ignorance!

Pouvez-vous imaginer la frustration devant une situation où vous subissez une injustice sans avoir la capacité de la redresser, d'être à la merci d'une majorité hostile (celle-là même qui commet l'injustice), de n'avoir aucun recours à une instance où les vôtres sont en position de prendre une décision, et de ne pouvoir mobiliser l'opinion publique à cause d'une indifférence médiatique généralisée? Voilà le quotidien des Franco-Ontariens.

Maintenant tentez de transposer une telle impuissance dans le Québec de vos petits-enfants ou arrière-petits-enfants. Vous aurez vite fait de comprendre pourquoi il faut léguer aux générations à venir un pays français exerçant tous les pouvoirs de la souveraineté. Un pays où nous aurons le droit de décider, où nous ne serons plus obligés de quêter, de quémander, de supplier pour obtenir les miettes qu'une majorité étrangère consentira...

Alors, je lance un appel, probablement futile, à mes collègues de la presse québécoise. Faites une place à la une pour des conflits comme celui de Greenstone. Et suivez-les. Jusqu'au dénouement. Une meilleure compréhension de la façon dont les francophones sont traités ailleurs informera les décisions que nous sommes appelés à prendre comme collectivité, comme nation.

Si les élus de Greenstone recevaient en grands nombres des commentaires de citoyens ou de groupes de citoyens québécois, ou des résolutions de conseils municipaux ça et là, ou la visite de journalistes de La Presse ou du Journal de Montréal, peut-être ne changeraient-ils pas leur décision de se défaire du drapeau franco-ontarien, mais ils auraient au moins conscience qu'ils font partie d'une problématique qui a des répercussions ailleurs que sur la route 11, peut-être même des conséquences pour l'avenir de leur pays...

-------------------

Lien au texte de Radio-Canada, «Plus de 100 drapeaux franco-ontariens flottent à Greenstone en solidarité» https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2107317/dons-drapeaux-solidarite-francophones

Lien au texte du journal Le Voyageur, «La riposte en vert et blanc de la communauté francophone à Greenstone!» https://levoyageur.ca/actualites/francophonie/2024/10/02/la-riposte-en-vert-et-blanc-de-la-communaute-francophone-a-greenstone/


samedi 5 octobre 2024

Que reste-t-il de l'esprit des allumettières?

Ç'a l'air gros mais il faut presque une loupe pour le trouver... Les allumettières méritaient mieux...

Les commémorations du centenaire du célèbre grève-lock-out des allumettières à l"usine E.B. Eddy, à Hull, à l'automne 1924, laissent un goût doux-amer. Non pas que la lutte de ces femmes courageuses ne mérite pas d'être célébrée. Au contraire! Elles constituent de fait une pièce essentielle de notre casse-tête identitaire.

Non, l'arête dans la gorge, c'est que ces braves syndicalistes aient ultimement échoué, qu'elles aient perdu leur emploi quand Eddy a déménagé son entreprise à Ottawa, et qu'au cours du siècle suivant, la solidarité sociale suscitée par ce conflit ait aussi disparu, comme une grande partie des maisons allumettes qu'elles habitaient, démolies sous l'oeil indifférent de nos élus par des entrepreneurs plus soucieux de leurs profits que d'un précieux patrimoine bâti et de l'histoire du coeur de l'ancienne ville de Hull.

Cela fait penser un peu à ces monuments de la francophonie érigés par les Franco-Ontariens dans des villes comme Ottawa, Sudbury, servant davantage à rappeler un passé révolu que l'espoir du présent dans des quartiers urbains jadis francophones. La Ville de Gatineau a dévoilé le 23 septembre 2024 un modeste (j'aurais été tenté de dire minuscule) monument commémoratif aux allumettières, tout près du pont des Chaudières, dans un quartier qui deviendra vite - comme l'ensemble de la rive québécoise au centre-ville - une espèce d'Ottawa-Nord.

Les allumettières ont déjà leur boulevard au coeur de l'Île de Hull, alors qu'E.B. Eddy a dû se contenter d'une rue. Une succursale de la bibliothèque municipale porte aussi le nom de la plus célèbre des allumettières syndicalistes, Donalda Charron. Mais que reste-il de l'esprit de ces femmes canadiennes-françaises catholiques (oui, c'était un syndicat catholique) et de la solidarité de la collectivité hulloise (des députés au conseil municipal à l'ensemble de la population) qui les a soutenues contre le capitalisme sauvage (et anglo) d' E.B. Eddy?À peu près rien!

Dans l'édition du 2 octobre 1924 de l'ex-quotidien Le Droit, sous le titre «Toute la population sympathise sincèrement avec les ouvrières», le journaliste Henri Lessard raconte avec émotion la forme que prend cette sympathie: des propriétaires de garage prêtent des voitures aux allumettières, des commerçants leur fournissent des vivres sur la ligne de piquetage, des propriétaires leur permettent de pensionner sans frais tout près de l'usine et des citoyens mènent une souscription publique pour amasser des fonds destinés à soutenir les allumettières. En 2024, cela ne se produirait pas.

Au cours du dernier demi-siècle, le quartier ouvrier du Vieux Hull a été défiguré par les gouvernements fédéral, québécois et municipal, victime de multiples expropriations et démolitions, notamment de maisons allumettes qui étaient l'âme du patrimoine bâti, remplacées par des gratte-ciels fédéraux où l'anglais est la langue de travail et par des tours d'habitation riveraines qui anglicisent le vieux Hull à vitesse grand-V, transformant un quartier autrefois à 90% francophone en un Ottawa-Nord bilingue... 

À Gatineau, la population a subi depuis trop longtemps le règne de la peur des libéraux (peur des séparatistes, peur d'offusquer l'employeur fédéral, peur des conséquences de s'exprimer publiquement, etc.). Vivre à genoux est aujourd'hui la règle sur un territoire qui, au lieu d'être la fière porte d'entrée au Québec, est devenu un entonnoir où tout est aspiré vers la capitale fédérale ontarienne.

E.B. Eddy avait bien compris les enjeux en 1924. C'est le Québec français (et catholique à l'époque) qui se dressait contre lui, pauvre mais fier et combatif. Sachant qu'il ne gagnerait pas contre les allumettières, l'entreprise a plié bagages et emménagé ses ateliers de misère à quelques centaines de mètres, sur la rive ontarienne.

Les allumettières de Hull ont été des pionnières du syndicalisme chez les femmes, des combattantes qui auront marqué l'histoire de la région et du Québec, des défenseurs de la dignité humaine contre le mépris du grand capital. Un exemple dont il faudrait tâcher de s'inspirer dans notre société en perdition. 

-------------------------------------

Le texte sur le monument...


Lien au texte «La mémoire des allumettières commémorée à deux pas de leur ancienne usine» par Mathieu Bélanger dans Le Droit - https://www.ledroit.com/actualites/actualites-locales/2024/09/23/la-memoire-des-allumettieres-commemoree-a-deux-pas-de-leur-ancienne-usine-U7CNVHG7VFH2XGKRCNVF2S2LJU/

Lien à la série du Droit sur le conflit des allumettières - https://www.ledroit.com/actualites/actualites-locales/2024/09/21/un-feuilleton-historique-du-emdroitem-pour-souligner-le-centenaire-de-la-greve-des-allumettieres-NOS43ARPRVGPVDYENPHZXEWSQE/

Lien au journal Le Droit du 2 octobre 1924 à BAnQ - https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4148067

mercredi 2 octobre 2024

Recruter des Franco-Ontariens pour la médaille de Charles III?

-------------------------------------------------------------------------

L'Assemblée de la francophonie de l'Ontario (AFO) est-elle tombée sur la tête? Après tous les crimes commis au nom de la monarchie britannique contre les francophones du Québec, de l'Acadie et de l'ensemble du Canada (de la déportation de 1755 à la pendaison de Louis Riel au Règlement 17 en Ontario, et bien plus), voilà que l'organisme parapluie des Franco-Ontariens collabore au recrutement de candidats et candidates dans le cadre de la remise de la «Médaille du Couronnement du Roi Charles III». Non mais...

Près de deux ans après que l'Assemblée nationale du Québec ait mis fin au serment d'allégeance obligatoire au monarque, quelques mois à peine après que des députés franco-ontariens aient appuyé un projet de loi acadien au Parlement fédéral pour être dispensés d'un serment de loyauté à Charles III, et au moment même où les employés de TFO (télé franco-ontarienne) sont sommés de prêter serment au roi, sous peine de perdre leur emploi, l'AFO a le culot de s'associer à ce programme de médailles déjà dénoncé pour honorer le couronnement de celui qu'elle appelle «Sa Majesté le roi Charles III».

J'espère au moins que les rédacteurs du communiqué de l'AFO (voir ci-haut) ont avalé quelques Gravol avant de le publier sur Internet ce mercredi 2 octobre 2024, car ils oeuvrent désormais aux côtés d'une foule d'organisations surtout anglophones, y compris la Ligue monarchiste du Canada, dans cet effort a mari jusque ad mare pour rendre hommage à la Couronne britannique. Et s'ils se sont donné la peine de lire les critères d'admissibilité, ils verront que ce n'est pas destiné aux défenseurs les plus militants de la francophonie, acculés au fil des ans à lutter contre des injustices créées ou tolérées par les gouvernements de l'Ontario et du Canada. On les offrira aux collabos.

En avril 2024, quand la Chambre des communes a rejeté le projet de loi (du député acadien René Arseneault) permettant aux députés de ne pas jurer sa loyauté au roi Charles III pour avoir le droit de siéger au Parlement, et que de nombreux députés conservateurs anglophones s'étaient mis à chanter le God Save the King en signe de mépris, le député franco-ontarien Marc Serré, outré, s'était publiquement demandé «quel francophone» pourrait bien vouloir conserver l'obligation de prêter un tel serment... L'AFO pourrait se montrer solidaire, tout au moins en n'encourageant pas les Franco-Ontariens à vouloir une «médaille» du couronnement de Charles...

À bien y penser, peut-être ne devrait-on pas se surprendre de cette génuflexion collective devant la monarchie. Quand le député Francis Drouin, de l'Est ontarien, avait traité un témoin de «plein de marde» pour avoir établi un lien entre les études en anglais et l'anglicisation, l'AFO, par la voix de son président, s'était couverte de honte en se portant à sa défense... contredisant 110 ans d'une lutte fondée sur les constats d'un lien direct entre l'éducation en anglais et l'assimilation. 

Au prochain incident, car il y en aura d'autres, le président de l'AFO pourra se présenter devant la presse en portant sa petite médaille du couronnement de Charles III. Il l'aura bien méritée.

--------------------------

Lien au communiqué de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario - https://mailchi.mp/aa462a983151/sondage-pour-les-priorits-budgtaires-provinciales-5436821?e=523eaa6be6

Lien au texte du J de Mtl - «Des millions en médailles pour honorer Charles III» - https://www.journaldemontreal.com/2024/06/13/des-millions-en-medailles-pour-honorer-charles-iii

Critères d'admissibilité à la Médaille du couronnement - https://api.monassemblee.ca/wp-content/uploads/2024/10/LGO-Guide-de-nomination-la-médaille-du-couronnement-du-roi-Charles-III.pdf


mardi 1 octobre 2024

Du temps perdu à la recherche…

La mémoire, c'est bien connu, est cette faculté qui trop souvent oublie... ayant la fâcheuse habitude d'effacer ce dont on voudrait se souvenir, mais conservant pour l'éternité une foule de petits riens qu'on aurait autrement relégués aux oubliettes... Pour le journaliste que je suis, la mémoire peut être à la fois alliée précieuse et ennemi mortel...

Ce problème avait une solution à l'âge d'or des quotidiens papier. Avec ciseaux et stylo, on pouvait éplucher et annoter le journal, accumulant au fil des ans les coupures de presse, conservées par thème dans des chemises et rangées en classeur. Aujourd'hui, avec la disparition rapide de l'imprimé et l'accélération du passage au tout-numérique, il faut se débrouiller avec le fouillis de l'Internet en espérant que l'immense toile ait attrapé dans ses filets les repères essentiels qu'on cherche, et qu'elle les régurgite sur un plateau convivial...

J'offre un exemple, valable autant que d'autres. L'Université McGill avait annoncé en 2014 la création à Gatineau d'une faculté satellite de médecine où la totalité de l'enseignement magistral serait dispensé en anglais! Je vous fais grâce des idioties qui se sont dites dans le sillage de cette nouvelle mais pendant six ans, le débat sur cet enjeu s'est poursuivi jusqu'à son aboutissement en 2020. J'ai dans une chemise environ 70 coupures de presse (principalement du Droit) et divers documents qui permettent, en une heure ou deux, de reconstituer le déroulement de l'affaire, du début à la fin.

Sans un dossier semblable, il est devenu quasi impossible de retrouver toutes les pièces du casse-tête avec une recherche Web. Les journaux imprimés et leurs archives papier n'existent plus dans la plupart des régions du Québec y compris l'Outaouais. De plus, certains de ces textes ont disparu de l'Internet ou ont été modifiés. Par ailleurs, le choix et la séquence des mots clés choisis pour orienter la recherche sur Google ou quelque autre plate-forme donneront des résultats variables et fort incomplets. Du temps perdu à la recherche d'un temps perdu. À moins d'être prêt à utiliser de multiples combinaisons de mots clés et d'ouvrir des milliers de fichiers, ce que la plupart des rédacteurs actuels n'ont pas le temps de faire, les trous de mémoire proliféreront. 

Dans son édition du 10 février 2020 (un mois et demi avant qu'on mette fin au quotidien papier), Le Droit titrait à la une en majuscules REMÈDE POUR LE FRANÇAIS, annonçant la fin du litige et la décision d'enseigner la médecine en français à Gatineau, de l'année préparatoire au diplôme. Le dernier texte conservé dans ma chemise sur McGill à Gatineau remonte au 16 mai 2022, un article de Radio-Canada sur l'inauguration officielle du campus satellite de McGill en Outaouais. Le texte, sans doute rédigé par des reporters qui n'avaient pas suivi les six années de débats sur la langue d'enseignement, n'y font aucune allusion! Comme si la chose n'avait jamais eu lieu!

En quelques années seulement, le souvenir de six ans de débats linguistiques était disparu de plusieurs radars régionaux et à moins d'imprimer tous les jours des textes de nouvelles sur Internet, il en sera de même à l'avenir pour l'ensemble des dossiers d'actualité, faute de preuves papier conservées en bon ordre dans des classeurs. Seuls les écrits imprimés restent. L'Internet est essentiel mais on ne peut s'y fier. La mémoire collective se troue et se corrompt. Cela augure très mal pour l'avenir du journalisme et pour notre petite nation privée de sources d'information fiables. Cette glissade vers l'ignorance n'aura pas de fond.


vendredi 27 septembre 2024

Le mot «francophone», un trou noir...

Macaron franco-ontarien de 1966 ou 1967...

En vidant une boîte de macarons laissée par ma mère (décédée à l'été 2023), j'en ai découvert certains que j'avais moi-même cueillis et conservés durant ma jeunesse à Ottawa, et que maman avait ajoutés à sa collection, y compris celui que nous voyez-ci-dessus : «ÉCOLE SECONDAIRE FRANÇAISE? OUI!»  

Pourquoi me suis-je particulièrement intéressé à ce macaron? D'abord parce qu'il me rappelle l'époque, pas si lointaine que ça, où les Franco-Ontariens devaient se contenter d'écoles «bilingues», tant au primaire qu'au secondaire, mais aussi à cause de l'emploi très correct du mot «française», aujourd'hui en voie de disparition, remplacé par l'utilisation erronée et omniprésente du terme «francophone» (voir image ci-dessous et le lien en bas de page).


Au milieu des années 1960, nous connaissions le mot «francophone» et son vrai sens, toujours associé à une ou plusieurs personnes dont la langue parlée ou écrite est le français. C'était un mot plutôt objectif, inoffensif, aseptisé, ayant une charge identitaire ou culturelle négligeable. Un Québécois, un Suisse, un Marocain et un Libanais pouvaient avoir des identités et des cultures fort différentes, et n'être liés que par l'usage commun de la langue française. Sans plus.

Il ne nous serait jamais venu à l'idée de définir comme «francophone» un objet ou une bâtisse (p. ex. un livre, un journal, une école) comme cela se fait couramment en 2024. J'ai fréquenté des écoles bilingues en Ontario de la maternelle à l'université, de 1951 à 1970. Je comprenais bien le concept de l'école dite bilingue. Vers la fin du primaire, comme pour tout mon secondaire, la moitié de l'enseignement était dispensé en anglais aux élèves franco-ontariens.

À l'approche du centenaire de la Confédération, sur fond de turbulence québécoise, un mouvement se dessinait dans la collectivité franco-ontarienne pour réclamer le remplacement des écoles dites bilingues par des écoles françaises, pas des écoles francophones. Cette revendication visait de façon plus aiguë le secondaire, où seuls quelques établissements privés dispensaient un enseignement bilingue ou français aux Franco-Ontariens de la région de la capitale. C'est à cette époque que le macaron en haut de page est apparu.

Dans son édition du 6 septembre 1968, à la une, le quotidien Le Droit annonçait la disparition officielle des écoles «bilingues», à Ottawa, désormais appelés «écoles françaises» et réservées «aux écoliers francophones». Et l'article se donne la peine de définir francophone: «les jeunes qui parlent couramment le français». Cela ne pouvait être plus clair: les établissements sont français, les étudiants francophones.

Avec l'avènement du gouvernement de Pierre Elliott Trudeau et du multiculturalisme d'État,  les appellations traditionnelles ont été écartées du langage officiel. Les Canadiens français sont devenus des Canadiens francophones. Dans un discours à une association de jeunes Franco-Ontariens, le 8 mars 1969, le Secrétaire d'État fédéral Gérard Pelletier utilisait le mot «francophone» une vingtaine de fois, affirmant que la force de la langue française, ici et ailleurs, serait de la «"dénationaliser" pour (la) transformer en culture mondiale».

Une francophonie éviscérée, vidée de ses tripes culturelles et nationales, était désormais le mot d'ordre des multiculturels fédéraux. La notion de biculturalisme, un des principes fondateurs de la Commission B-B dans les années 1960, fut reléguée aux livres d'histoire. Ne resta dans la nouvelle constitution de 1982 qu'une masse à peine différenciée de Canadiens, anglophones et francophones, vus comme individus et non comme membres de collectivités nationales.

Et c'est ainsi qu'au fil des ans, le mot «francophone» est devenu un trou noir, avalant tout ce qui était français dans son entourage. Mon ex-quotidien de langue française, Le Droit, était devenu un journal «francophone». La nouvelle Université de l'Ontario français, micro-campus torontois, et l'Université de Hearst (Nord ontarien) se présentent comme universités «francophones». Les auteurs franco-ontariens tiennent désormais un salon annuel du livre «francophone». La ministre fédérale Mélanie Joly est allée plus loin, comme si cela était possible, en évoquant «la langue francophone»... Quelle barbarie!

Au rythme imposé par des multiculturels fédéraux fanatisés, même le mot «francophone» risque de devenir une cible, éventuellement. Déjà, au Commissariat fédéral des langues officielles, on ne parle plus des minorités francophones hors-Québec, mais de «communautés de langue officielle en situation minoritaire», les CLOSM. On applique même cet acronyme plus que douteux aux Anglo-Québécois, extension de la majorité anglo-canadienne qui n'ont rien d'une minorité...

Que la plupart de nos politiciens s'empêtrent en matière de langage n'a rien de surprenant. Nous y sommes habitués. Les bulletins de nouvelles nous livrent à tous les jours des déclarations en «français» truffées d'erreurs, d'anglicismes, voire d'anglais tout court...  Mais que des journalistes, professeurs et administrateurs d'établissements scolaires de langue française tombent dans le panneau, voilà une tout autre affaire. Quand des professionnels de la rédaction écrivent des fautes à répétition sans s'en apercevoir et que personne ne les corrige avant de les publier, il y a lieu de s'inquiéter. 

Le dépérissement de la langue entraînera dans son sillage une gangrène culturelle fatale. Mais allez convaincre les gens de ça...

...«le quotidien francophone d'Ottawa-Gatineau»...
----------------------------

Voir mon texte de blogue «Francophone... Un adjectif galvaudé...» à https://lettresdufront1.blogspot.com/2021/02/francophone-un-mot-galvaude.html


vendredi 6 septembre 2024

Pourquoi pas un Conseil linguistique?


Cette année, en 2024, la Ville de Gatineau a créé un Conseil scientifique, formé de six chercheurs de l'Université du Québec en Outaouais (UQO), qui aura pour mandat d'analyser des sujets relevant de leurs compétences et de proposer aux élus municipaux une liste de priorités d'action. Parmi les thèmes prioritaires assignés au nouveau Conseil scientifique on compte l'intelligence artificielle, les changements climatiques et l'itinérance. (voir liens ci-dessous) Cette initiative, dit-on, constitue une première au Québec. Elle projette l'image d'un conseil municipal prévoyant et proactif.

Mais il existe un domaine primordial où la classe politique de Gatineau n'est ni prévoyante ni proactive: la situation périlleuse de la langue française sur le territoire de la quatrième ville du Québec. D'ici une dizaine d'années, le centre-ville de Gatineau (l'île de Hull), jadis francophone à 90%, pourrait bien avoir une majorité anglaise. La Loi 101 est bafouée quotidiennement dans cette ville devenue banlieue d'Ottawa. Selon une étude de l'OQLF, rendue publique en 2024, 12% des francophones de Gatineau (c'est au moins 25 à 30 000 personnes) affirment qu'il leur arrive souvent ou très souvent de ne pas pouvoir se faire servir en français dans un commerce.

Le conseil municipal, connu pour son indifférence linguistique et sa peur d'être étiqueté nationaliste ou pire, séparatiste, s'est fait condamner récemment pour la tournure anglaise de son slogan «On passe au bold»... Et on se tait quand quelqu'un ose soulever sur la place publique l'anglicisation rapide de la «porte du Québec» en Outaouais. Pourtant, la population est sensible au danger et serait réceptive à un engagement accru des élus pour protéger et promouvoir la langue française. Selon la même étude récente de l'OQLF, pas moins de 92% des francophones de Gatineau jugent «importante» ou «très importante» la protection du français dans l'espace public.

Sans nier la pertinence de créer un Conseil scientifique, il y a lieu de s'interroger sur l'utilité, voire l'urgence de créer un Conseil pour décortiquer les enjeux relatifs à notre langue commune et officielle sur les rives urbaines de l'Outaouais, avant qu'il ne soit trop tard. Entre l'UQO et l'Université d'Ottawa, il existe une quantité largement suffisante d'expertise pour dresser un portrait précis du déclin actuel de la langue française ici et proposer au moins quelques priorités d'intervention aux élus de Gatineau. Le gourou québécois de la démo-linguistique, le professeur Charles Castonguay, demeure à Gatineau et ses compétences seraient un précieux atout pour un comité de spécialistes.

Ces dernières années, un groupe d'une vingtaine de professeurs, principalement de l'Université d'Ottawa mais aussi d'ailleurs, a analysé l'évolution du fait français à Ottawa, où c'est la catastrophe. Dans certaines recherches, on a même évoqué l'existence d'un «ethnocide» dans la capitale fédérale, plus précisément dans la Basse-Ville, ultime bastion franco-ontarien d'Ottawa. La proportion de francophones y est passée de près de 80% à un peu plus de 20% en moins de 40 ans... Les recherches nous en apprennent beaucoup, mais ce n'est plus le temps. Le dommage est fait. Ces interventions universitaires auraient dû avoir lieu dans les années 1960, quand il restait un territoire francophone à protéger.

À Gatineau il n'est pas trop tard, mais il est minuit moins une. Le point de bascule approche et nos élus à bouche cousue ont les deux pieds dans la même bottine...

Quand, dans une cinquantaine d'années, des scientifiques et des universitaires - démographes, sociologues, statisticiens, historiens - se pencheront sur le début du 20e siècle pour analyser l'inertie des décideurs et du public au moment où le déclin du français n'était pas irréversible à Gatineau, ils s'interrogeront: ne voyaient-ils pas la réalité, ne s'informaient-ils pas auprès d'experts, n'en discutaient-ils pas aux instances municipales, n'étais-ce pas un enjeu prioritaire? Et ayant constaté l'évidence d'une indifférence collective devant l'agonie identitaire, ils se gratteront la tête... Avec raison!

----------------------------------

Liens aux textes du Droit et de Radio-Canada sur les priorités du nouveau Conseil scientifique de Gatineau - https://www.ledroit.com/actualites/actualites-locales/gatineau/2024/09/03/la-science-occupera-une-plus-grande-place-dans-les-decisions-des-elus-de-gatineau-VVBLF6HJ3RD6DNJOMSTIBV63HI/ et https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2101733/conseil-scientifique-gatineau-ia-changements-climatiques

 

lundi 26 août 2024

Les sottises qu'on écrit à notre sujet...

--------------------------------------------------------

Les journaux quotidiens québécois qui ont liquidé leurs éditions papier pour miser sur le tout-numérique ont fait preuve d'irresponsabilité. En plus de remettre leur sort entre les mains de médias sociaux qui ont, depuis quelques années, entrepris d'ériger les censures en systèmes, et de larguer un public, souvent plus âgé, acquis à la valeur ajoutée de l'imprimé, ces médias parfois plus que centenaires ont laissé tout l'espace kiosque de leur région à des concurrents d'ailleurs ou pire, comme à Gatineau, à une feuille de chou bilingue-bilingual bimensuelle de piètre qualité, offensante même!

-------------------------------------------------------



À mon supermarché IGA de l'est de Gatineau, il n'y a plus de quotidien régional de langue française dans les kiosques à journaux depuis que Le Droit a supprimé son édition papier en semaine, le 24 mars 2020. Une édition magazine hebdomadaire du Droit a survécu jusqu'au 30 décembre 2023. Ne reste aujourd'hui que le Bulletin de Gatineau, excroissance de la famille du Journal du Pontiac, qui n'a de français que le titre.

D'une page à l'autre, on alterne entre textes français et anglais. L'esprit éditorial évoque parfois celui des Anglo-Rhodésiens francophobes du Pontiac qui ont longtemps opprimé leurs voisins francophones et peinent encore aujourd'hui à accepter que la majorité québécoise veuille prendre les mesures qui s'imposent pour protéger la langue française, menacée de toutes parts. 

Vous voulez un exemple? Dans son numéro de mi-juillet, l'éditrice Lily Ryan consacre une page entière à un éditorial rédigé sous forme de lettre à sa «chère fille» (original en anglais, traduction française) alors que cette dernière se trouve en visite en Bosnie. Après avoir évoqué les «nettoyages ethniques» à cet endroit et les «horreurs» infligées aux Palestiniens, elle se demande quelle sera la prochaine «guerre ethnique» suscitée par la «haine des voisins»... et passe immédiatement à la situation des pauvres Anglo-Québécois.... Bien sûr, Bosnie, Palestine, Québec, le même mal sévit partout...

«Ici (en Outaouais, je suppose, ou au Québec en général), écrit l'éditrice, «dans notre quartier, dans ton école, dans ton milieu de travail et au sein du gouvernement, il existe une haine dont je ne t'ai pas protégée.» Rien de moins! Attendez, le pire reste à venir: «Alors que je suis Québécoise depuis un demi-siècle, je comprends pleinement comment la haine du voisin peut se transformer en intolérance systémique - et glisser trop facilement dans le "nettoyage ethnique" que nous voyons dans le monde entier.» !!!

Ohé, ce n'est pas fini. Loin de là. «Certains de tes enseignants ont dit qu'il y avait trop d'anglophones à Aylmer (secteur de Gatineau) et qu'ils ne vivraient jamais ici. Nous avons tous été maltraités par des gens à cause de la langue que nous parlons à la maison.» Un véritable délire! Vous en voulez plus? «Pendant 50 ans, on m'a imposé une honte que j'ai traînée tout en sachant qu'elle ne devrait pas être. J'ai entendu des discours enflammés répandant de véritables mensonges sur les Anglos, prononcés devant des foules ivres (drunken crowds dans le texte anglais).»

Mme Ryan connaît-elle l'histoire de ce coin de l'Outaouais, et du Pontiac en particulier, où les francophones sont ceux qui ont été persécutés jusqu'à la Révolution tranquille, ces mêmes francophones qui s'anglicisent aujourd'hui en grands nombres et où la moitié des anglophones restent à toutes fins utiles unilingues? Son ignorance de l'histoire du Québec éclate encore davantage quand elle aborde la Fête nationale des Patriotes: «Une image associée à la fête locale (sic) du mois de mai représente un vieil homme armé d'un long fusil pour célébrer le patriotisme anti-anglais»... Non mais...

Quelqu'un va-t-il dire à Mme Ryan que la rébellion des Patriotes était un vaste mouvement en faveur de la démocratie, que de nombreux anglophones y ont participé aux côté des Canadiens et qu'un mouvement similaire s'est produit en Ontario (Haut-Canada) au même moment? Et que le vrai drapeau des Patriotes est tout simplement un tricolore vert-blanc-rouge? Enfin, arrivant à sa conclusion, je vous propose la cerise sur le sundae: «Je pensais innocemment que notre propre tolérance à l'égard d'autrui pourrait nous aider à dissiper cette intolérance»... Moi aussi, Mme Ryan, ça fait 50 ans que je suis Québécois, mais avant, j'étais Franco-Ontarien et j'ai vu de très près la soi-disant tolérance des anglophones... 

Dans l'édition de mi-juillet du Journal du Pontiac Journal, le père de Mme Ryan, Fred (éditeur émérite) y va d'un jugement tellement (je n'ose pas de qualificatif) qu'il dépasse l'entendement: «It's the sound of English, I suppose, that drives franco-fanatics berserk, just its sound.» Faut-il vraiment répliquer à des énormités pareilles?

Reste que cette famille de journaux, Journal du Pontiac Journal, Bulletin d'Aylmer et Bulletin de Gatineau, se retrouve dans des kiosques laissés déserts par la disparition du quotidien Le Droit. Et qu'il va se trouver de nombreux francophones, de plus en plus mal informés et n'ayant jamais réussi à se défaire de leur complexe de colonisé, à lire ces sottises et se dire que nous sommes sans doute coupables des péchés dont Mme Ryan et son papa nous accablent...

J'espère que les partisans de la disparition de l'imprimé sont fiers du gâchis qu'ils ont laissé. 



samedi 24 août 2024

Un timbre commémorant Pierre Bourgault?

Pas sûr que Félix aurait aimé ça... Un visage sans nom au-dessus du mot Canada...

Après avoir permis l'embauche de facteurs unilingues anglais au Québec (permission retirée récemment après un tollé...), voilà que Postes Canada-Canada Postcide d'offrir davantage de services en anglais en sol québécois, et ce, particulièrement dans la région montréalaise. Ainsi, 24 bureaux de poste unilingues français de la métropole auront désormais un statut bilingue (1)...

Si le Québec avait son propre service postal, notre majorité francophone aurait sans doute pris des décisions différentes. Mais voilà... La Constitution de 1867 a décrété que seul Ottawa pouvait imprimer des timbres et assurer la livraison du courrier. Bien avant qu'il n'envahisse les champs de compétence provinciaux avec son pouvoir illimité de dépenser, bien avant qu'il piétine nos droits avec ses mesures de guerre, bien avant qu'il fomente le coup d'État constitutionnel en 1982 et nomme les juges chargés de nous l'imposer, le fédéral régnait en maître sur Canada Post.

L'Acte de l'Amérique du Nord britannique (AANB) de 1867 avait fait du français l'une des langues officielles du nouveau dominion, mais l'administration fédérale était essentiellement le reflet de la majorité anglaise du nouveau pays-colonie. Cela nous a valu, entre autres, des timbres unilingues anglais pendant les 60 premières années de la Confédération, le mot «Postes» s'ajoutant à Postage en 1927 lors de l'émission d'une série de timbres spéciaux à l'occasion du soixantenaire du Canada fédéré. Inutile d'ajouter que les visages prédominants sur les timbres-poste du Canada ont été, au fil des siècles, les reines et rois de la Grande-Bretagne... Les patrons de Canada Post n'auraient jamais songé à émettre un timbre commémoratif honorant le général De Gaulle après sa visite au Québec en 1967...

À travers le monde, des dizaines, voire des centaines de millions de personnes sur tous les continents collectionnent ou ont collectionné des timbres. Dans une de ses expositions virtuelles, le musée américain Smithsonian (2) explique que «les timbres fournissent une trace écrite de l'ascension et de la chute des empires, des pays, des dirigeants, des devises et des industries. Ils décrivent l'architecture, les coutumes, les croyances, les symboles, l'environnement et les traditions artistiques d'innombrables peuples.» L'album de timbres en ligne propose plus de 900 timbres-poste provenant de tous les pays du monde qui en ont émis, y compris de très nombreux pays qui n'existent plus.

Le Canada, tel que présenté par sa majorité anglaise, y est. Pas le Québec. Des personnages, des paysages et même des événements historiques québécois s'y trouvent à l'occasion, mais toujours avec la permission de la direction anglophone de Canada Post et comme des émanations du Canada. (3) Un peu comme nos athlètes de calibre mondial qui s'anglicisent dans des équipes pan-canadiennes pour ensuite se voir obligés de porter les couleurs de l'unifolié. On trouvera cependant dans les catalogues mondiaux des timbres de la Colombie-Britannique, de l'Île-du-Prince Édouard, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, émis avant leur entrée dans la fédération. Et surtout une multitude de timbres de Terre-Neuve, qui était un pays jusqu'à 1949. Mais pas du Québec...

Timbre produit entre 1931 et 1937 à Terre-Neuve

Un Québec souverain pourrait ouvrir de nouvelles pages dans toutes les collections philatéliques de la planète, y compris au Smithsonian. Un tout premier timbre portant l'image du fleurdelisé ferait sensation. D'autres émissions, choisies cette fois par une majorité francophone, mettraient en valeur notre histoire, nos paysages, notre patrimoine, nos artistes et leurs oeuvres, et bien plus. Toutes ces choses qui façonnent notre identité nationale et que la majorité anglo-canadienne a eu trop souvent tendance à ignorer, rejeter ou mépriser. On me dira sans doute que le Canada a émis un timbre honorant Félix Leclerc (entre autres), mais il est humiliant d'avoir dû le demander et de s'être vus obligés d'obtenir la permission de dirigeants anglophones pour mettre le visage de notre barde national sur un timbre, au-dessus du mot Canada...

L'effet pédagogique de timbres émis par un Québec souverain serait immense. Imaginez des collectionneurs de l'Inde, de l'Australie, de l'Amérique latin ou de l'Europe recevant un nouveau timbre portant l'image de Pierre Bourgault, de René Lévesque, de Jacques Parizeau ou même Chevalier de Lorimier... Plusieurs effectueront sans délai quelque recherche pour en savoir davantage sur ces personnages et seront initiés à des chapitres de l'histoire du Québec que les dirigeants de Canada Post n'ont aucun intérêt à diffuser, étant trop occupés à autoriser l"embauche de facteurs et livreurs unilingues anglais au Québec ou à angliciser des dizaines de bureaux de poste jusque là unilingues français, le tout sous l'oeil bienveillant d'un Commissaire aux langues officielles plus soucieux du bien-être des Anglo-Québécois que de la protection du français.

À ceux et celles qui trouvent frivole mon incursion dans le fief postal de la fédération, clairement attribué à Ottawa par la Constitution de 1867, je dirais qu'il s'agit d'un exemple parfait de la situation dans laquelle la nation québécoise de langue française se retrouve à chaque fois qu'Ottawa exerce un de ses pouvoirs légitimes ou accapare un nouveau pouvoir de façon beaucoup moins légitime. Nous pouvons proposer, demander, quémander, supplier, argumenter, protester, nous mettre en colère... tout sauf DÉCIDER. La minorité ne décide JAMAIS.

Quoiqu'il en soit, j'aimerais bien un jour (pas trop lointain vu mes 78 ans) pouvoir coller un timbre québécois à l'effigie de Pierre Bourgault sur une lettre adressée au président ou à la présidente de Canada Post... J'en ferais un ego-portrait à publier sur ma page Facebook...

-----------------------------------------

(1) - https://www.journaldequebec.com/2024/08/19/postes-canada-offrira-davantage-de-services-en-anglais-au-quebec

(2) - https://postalmuseum.si.edu/exhibition/philat%C3%A9lie-internationale

(3) - https://www.journaldemontreal.com/2022/06/03/quelle-place-le-quebec-occupe-t-il-dans-le-choix-des-timbres-de-postes-canada


dimanche 11 août 2024

«Emmenez-moi au bout de la terre...»

L'aéroport des Îles, en arrière-plan l'avion bleu et blanc Saab du transporteur Pascan

---------------------------------------------------------------------------

Le souvenir me fait frissonner... Des gens de l'Outaouais, de l'Estrie, des Laurentides, de Portneuf, de la Côte-Nord et d'ailleurs, à table pour le souper dans la salle à manger de l'auberge La Salicorne, aux Îles de la Madeleine, entonnant en choeur avec le chansonnier Philippe Poirier les paroles d'Aznavour: «Emmenez-moi au bout de la terre, emmenez-moi au pays des merveilles»... 

Un regard à l'extérieur sur les milliers d'épilobes en fleur, sur les sapins et épinettes dressés devant le golfe Saint-Laurent aurait suffi pour me convaincre que nous étions arrivés au pays des merveilles et, cinq kilomètres plus loin où la route 199 s'arrête brusquement au port de Grande-Entrée, la mer devant, à gauche et à droite, que nous avions aussi atteint «le bout de la terre»...

Depuis mon premier (et seul) voyage aux Îles de la Madeleine en 2002, cet archipel isolé et ses habitants exercent sur moi une attraction quasi mythique. Je craignais de ne jamais revenir. C'est à la fois la plus acadienne et la plus québécoise des régions de notre merveilleux demi-pays. Venus comme touristes en quête d'inconnu, envoûtés par l'accueil et le paysage, on s'y retrouve entre nous, on redécouvre les nôtres sur ces îles et les dunes qui les ficellent.

En cet après-midi du 25 juillet 2024, à bord du petit avion Saab à hélices du transporteur Pascan, les Îles de la Madeleine se profilent à l'horizon, languette de terre perdue dans ce golfe immense, bien plus exiguë que ma ville, Gatineau, avec 25 fois moins d'habitants.  La piste d'atterrissage, qui débute à quelques mètres de la mer, s'étend sur plus de la moitié de la largeur de l'île de Havre-aux-Maisons (prononcer Hâve-aux Maisons, on expliquera plus tard). Du haut des airs, on pourrait se demander pourquoi un si petit territoire attire tant de visiteurs, la plupart à la découverte, d'autres en pèlerinage.

Une fois au sol, bien sûr, la perspective change. Entassés à cinq avec nos bagages dans un Honda CRV de location, le GPS du cellulaire annonce un parcours de 40 minutes avant d'arriver à notre destination, l'auberge La Salicorne, au village de Grande-Entrée. Après avoir quitté le chemin de l'Aéroport, c'est la 199 à perte de vue roulant sur l'étroite Dune du Nord entre Havre-aux-Maisons et Grosse-Île en passant par Pointe-aux-Loups, dune grugée sans répit par une mer envahissante. Une vingtaine de km de verdure et de sable, où les adeptes du kite surf vont garer leurs véhicules avant de profiter du vent sur la lagune...

La route 199, traversant le village de Pointe-aux-Loups

Aux environs de la mine de sel Windsor toujours active, la route 199, arrivée à sa pointe nord, prend un virage vers l'est près du village anglophone de Grosse-Île (environ 500 habitants) puis plonge au sud sur l'île de la Grande-Entrée vers le village qui porte le même nom, désigné en 1994 capitale québécoise du homard. Après ce périple émaillé de maisons jaunes, rouges, mauves, bleues, une petite église blanche (elles sont toutes blanches) au bord de la mer marque notre arrivée aux bâtiments verts de La Salicorne, presque en face, sur une colline de l'autre côté de la 199.

Clairement nous ne sommes pas ici dans l'achalandage touristique du chef-lieu, Cap-aux-Meules, ou de la Grave à Havre-Aubert. Mais la crainte de se retrouver pour une semaine à un endroit hors des circuits les plus fréquentés, ne connaissant de la qualité de l'établissement que ce que nous avons pu glaner sur Internet,  ne durera qu'un moment. Les premières impressions sont les plus souvent justes et les nôtres nous font croire au gros lot. Avec l'accueil du personnel, le confort des chambres, la vue panoramique, le charmant bistro, la qualité du menu et un attrayant programme d'activités, les sourires seront de mise.

Notez la photo et bio de Frank Boudreau entre les deux lits

Notre chambre, la 28 à l'étage, confirme nos espoirs. Fenêtres au nord et à l'est pour une splendide vue. Deux lits en bois fabriqués par un ébéniste madelinot. Un bain sur pied, salle de bain avec douche, espace de rangement, table et chaises, tout y est! J'oubliais: la chambre 28 s'appelle aussi «Frank à Jean» en l'honneur de Frank Boudreau, un pionnier du coopératisme aux Îles, mort en 1994 à l'âge vénérable de 101 ans. Sa photo trône sur le mur, entre les deux lits, avec une courte biographie rédigée par son petit-fils Marcel Boudreau. Chaque chambre est ainsi baptisée. Celle de ma fille et de mon gendre, de l'autre côté du couloir, s'appelle «Augustin à Samuel»...

Le Resto Madelinot de l'auberge sera notre seconde découverte. Notre forfait inclut le petit déjeuner et le repas table d'hôte quatre services du soir. Après une excellente salade aux épinards et petits fruits suivie de la crème du jour (je ne me souviens pas laquelle), on nous offre le choix entre un sauté de boeuf et brocolis sur vermicelles, un poke bowl avec homard, ou avec tofu. Nous étions cinq à table et les trois plats ont été goûtés. Sans oublier une bonne carte des vins, une variété de bières madeliniennes et des desserts sucrés à souhait. Les avis sont unanimes. Nous ne raterons pas un seul souper ici!

La vue devant l'auberge La Salicorne. On voit l'école et l'église de l'autre côté de la 199.

Un peu d'air frais après le repas sous un jour déclinant (il fait chaud ces temps-ci aux Îles) pour faire le plein de la mer, apercevoir la petite église Sacré-Coeur et son cimetière, des maisons de pêcheurs et le long ruban de la 199, et nous sommes prêts pour la première nuitée d'un séjour qui, de toute évidence, sera bien trop court... 

------------------------------------------------

Salut Frank Boudreau, notre «Frank à Jean»

dimanche 4 août 2024

Jean-Paul Perreault. Vivement l'Ordre de Gatineau et l'Ordre national du Québec!

Jean-Paul Perreault


Attablé à un restaurant de Gatineau le jeudi 10 novembre 2022, le président d'Impératif français*, Jean-Paul Perreault, a demandé poliment d'être servi en français. L'employée unilingue anglaise est allée chercher le propriétaire qui, devant une trentaine de clients silencieux, a promptement mis M. Perreault à la porte!

J'ai repensé à cet incident, et à l'absence de réaction des clients, tellement typique en Outaouais urbain, quand M. Perreault a annoncé récemment son départ de la présidence d'Impératif français après avoir passé près de 40 ans à défendre la langue française au Québec et à organiser les fêtes de la Saint-Jean dans la région de Gatineau.

La nouvelle a été annoncée à Radio-Canada, sur le site Web de l'ex-quotidien Le Droit, sur les ondes de la radio et dans les médias sociaux. Le silence qui a suivi cette communication était assourdissant. Au-delà de quelques dizaines de commentaires élogieux sur Facebook, les médias régionaux et nationaux n'ont sollicité aucune réaction en Outaouais ou ailleurs au Québec. Et aucune n'a surgi du milieu...

Jean-Paul Perreault a été de tous les combats, est monté sur toutes les barricades quand le français était malmené. Il a trop souvent crié dans le désert, subissant les railleries de chroniqueurs, d'éditorialistes et de politiciens - municipaux, québécois et fédéraux. Comme ces clients qui ont assisté tête baissée à son expulsion du resto en 2022 (et qui ont accepté de commander en anglais!), la faune politique et médiatique de Gatineau a choisi encore une fois de s'aplaventrir...

Au cours des quatre décennies de combats, M. Perreault a reçu la médaille du Richelieu international. Le Conseil supérieur de la langue française lui a décerné l'Ordre des francophones d'Amérique. La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal l'a nommé Patriote de l'année. L'Assemblée parlementaire de la francophonie lui a remis le grade de chevalier de l'Ordre de la pléiade. Mais il est curieusement absent des listes de récipiendaires de l'Ordre de Gatineau et de l'Ordre national du Québec...

Son absence à l'Ordre de Gatineau est particulièrement odieuse quand on considère que la Ville a inscrit comme membre honoraire de l'Ordre William Johnson, un adversaire acharné du Québec français et ex-président du lobby anglophone Alliance Québec. On retrouve aussi dans la liste de membres le Dr Gilles Brousseau, celui-là même qui avait affirmé, en 2014 et en 2016, que la francisation de la faculté satellite de médecine de McGill à Gatineau n'était pas une priorité et que les diplômés de l'Outaouais avaient avantage à connaître l'anglais.

De la part d'un conseil municipal qui hésite toujours à lever même le plus petit doigt pour la défense du français sur son territoire, ce n'est guère surprenant. Mais ça demeure scandaleux et s'il leur reste un gramme de dignité, la nomination de Jean-Paul Perreault comme «grand citoyen» de Gatineau doit être inscrite pour la remise de 2025.

Quant à l'Ordre national du Québec, un examen des 1128 récipiendaires québécois nous oblige à s'interroger sur la perception de l'Outaouais par l'État québécois. Avec 4,7% de la population du Québec, l'Outaouais devrait compter au moins une quarantaine de membres (chevaliers, officiers ou grands officiers). Or, on n'en dénombre que quatre!!! Avec quatre fois moins d'habitants, des régions comme la Côte-Nord et la Gaspésie en comptent 7 et 8, respectivement. La Mauricie et le Saguenay-Lac-Saint-Jean, avec 130 000 habitants de moins, en comptent 17 et 15...

Je veux bien croire que notre proximité de l'Ontario et de la capitale fédérale a un effet pervers sur le sentiment d'appartenance au Québec mais tout de même... Quoiqu'il en soit, à ces messieurs dames de l'Ordre québécois je dis que si Jean-Paul Perreault n'est pas invité sous très peu à joindre les rangs de l'Ordre national du Québec (au moins comme officier, sinon grand officier), il y a quelque chose de pourri dans notre royaume. Peu de gens méritent plus que lui d'être reconnus pour «leurs réalisations, leurs valeurs et leurs idéaux».

Ceux et celles en haut lieu qui désirent connaître davantage la carrière exemplaire de Jean-Paul Perreault devraient se donner la peine de lire la biographie publiée en 2019 par Impératif français sous la plume de Paul Morrissette**. Un livre préfacé par Claude Dubois, Raoul Duguay et l'ancien ministre Benoît Pelletier (lui-même officier de l'Ordre national du Québec).

Bravo Jean-Paul! Tu as tout donné. Il est temps de recevoir un peu.

----------------------------------------

Lien au site Internet d'Impératif français - https://imperatif-francais.org/?fbclid=IwY2xjawEcbPhleHRuA2FlbQIxMAABHURU4yiy_NpG9RYXA9REbdkNrFfXxyDTDZZ_A2fwRTiGX7pQOFRGS_dmnQ_aem_wSL9VfLCReE2_TWQWaNlrA

Lien au livre de Paul Morrissette - https://imperatif-francais.org/articles-imperatif-francais/articles-2019/vient-de-paraitre-jean-paul-perreault-contre-la-colonisation-des-cerveaux/

samedi 3 août 2024

Revoir la mythique 199 aux Îles...

Cette photo n'est pas de Grande-Entrée mais je l'aime bien. Prise plutôt à l'île d'Entrée...


------------------------------------------------------------------------------------------


Grande-Entrée, Îles-de-La-Madeleine

 

Le 26 juillet 2024... Mon premier matin aux Îles depuis juillet 2002...


Écouter «Le plus beau voyage» de Claude Gauthier, assis au bistro de l’auberge La Salicorne en regardant la mer sans fin devant Grande-Entrée, aux Îles-de-La-Madeleine, ça n’a pas de prix…


Jaser une quinzaine de minutes avec un pêcheur acadien d’une excellente saison de homard qui aurait été encore meilleure si on n’avait pas réduit de 77 cents la livre le prix payé pour leur récolte, ça change du quotidien gatinois…


Avoir pris la veille le petit avion Saab de la compagnie Pascan à l'aérogare de taille humaine à Saint-Hubert, ça change de la cohue, des foules et des files à l’aéroport si mal nommé de Dorval…


Avoir passé quelques heures dans un avion à hélice où l’agente de bord jase et blague avec tous le monde en français et où les rares annonces en anglais sont à peu près incompréhensibles, ça fait un petit velours…


Voir l’avion descendre vers les Îles, minuscules à l’œil, et s’approcher de la mer, la frôler presque, jusqu’à ce que la terre ferme surgisse à la toute dernière seconde, ça donne quelques palpitations…


Rouler sur la mythique 199 à partir de Havre-aux-Maisons, à travers les dunes en direction de Grande-Entrée au bout de l’hameçon nord-est des Îles, la mer à gauche, la mer à droite, ça recharge l’âme…


Découvrir, au-delà des chambres acadiennes, des menus madelinots, du personnel souriant et d'un programme complet d’activités, que l'auberge La Salicorne est un organisme à but non lucratif dévoué à la promotion de son coin des Îles, ça réchauffe le cœur…


Amorcer une semaine à redécouvrir l'archipel que je n’ai pas revu depuis 2002 avec mon épouse Ginette, ma fille Véronique, mon gendre Nicolas et mon petit-fils Cédric, ça recrinque un vieux cœur amoché…


L'expédition commence... Allons-y… Droit devant...


À suivre...


-----------------------------


La chanson qu'il faut entendre en revenant aux Iles de la Madeleine... «J'reviens d'en ville» par le groupe Akadie 2000...

https://youtu.be/1LD2aO6OBW8?si=E6eriAm2GGE884Y_