Cette année, en 2024, la Ville de Gatineau a créé un Conseil scientifique, formé de six chercheurs de l'Université du Québec en Outaouais (UQO), qui aura pour mandat d'analyser des sujets relevant de leurs compétences et de proposer aux élus municipaux une liste de priorités d'action. Parmi les thèmes prioritaires assignés au nouveau Conseil scientifique on compte l'intelligence artificielle, les changements climatiques et l'itinérance. (voir liens ci-dessous) Cette initiative, dit-on, constitue une première au Québec. Elle projette l'image d'un conseil municipal prévoyant et proactif.
Mais il existe un domaine primordial où la classe politique de Gatineau n'est ni prévoyante ni proactive: la situation périlleuse de la langue française sur le territoire de la quatrième ville du Québec. D'ici une dizaine d'années, le centre-ville de Gatineau (l'île de Hull), jadis francophone à 90%, pourrait bien avoir une majorité anglaise. La Loi 101 est bafouée quotidiennement dans cette ville devenue banlieue d'Ottawa. Selon une étude de l'OQLF, rendue publique en 2024, 12% des francophones de Gatineau (c'est au moins 25 à 30 000 personnes) affirment qu'il leur arrive souvent ou très souvent de ne pas pouvoir se faire servir en français dans un commerce.
Le conseil municipal, connu pour son indifférence linguistique et sa peur d'être étiqueté nationaliste ou pire, séparatiste, s'est fait condamner récemment pour la tournure anglaise de son slogan «On passe au bold»... Et on se tait quand quelqu'un ose soulever sur la place publique l'anglicisation rapide de la «porte du Québec» en Outaouais. Pourtant, la population est sensible au danger et serait réceptive à un engagement accru des élus pour protéger et promouvoir la langue française. Selon la même étude récente de l'OQLF, pas moins de 92% des francophones de Gatineau jugent «importante» ou «très importante» la protection du français dans l'espace public.
Sans nier la pertinence de créer un Conseil scientifique, il y a lieu de s'interroger sur l'utilité, voire l'urgence de créer un Conseil pour décortiquer les enjeux relatifs à notre langue commune et officielle sur les rives urbaines de l'Outaouais, avant qu'il ne soit trop tard. Entre l'UQO et l'Université d'Ottawa, il existe une quantité largement suffisante d'expertise pour dresser un portrait précis du déclin actuel de la langue française ici et proposer au moins quelques priorités d'intervention aux élus de Gatineau. Le gourou québécois de la démo-linguistique, le professeur Charles Castonguay, demeure à Gatineau et ses compétences seraient un précieux atout pour un comité de spécialistes.
Ces dernières années, un groupe d'une vingtaine de professeurs, principalement de l'Université d'Ottawa mais aussi d'ailleurs, a analysé l'évolution du fait français à Ottawa, où c'est la catastrophe. Dans certaines recherches, on a même évoqué l'existence d'un «ethnocide» dans la capitale fédérale, plus précisément dans la Basse-Ville, ultime bastion franco-ontarien d'Ottawa. La proportion de francophones y est passée de près de 80% à un peu plus de 20% en moins de 40 ans... Les recherches nous en apprennent beaucoup, mais ce n'est plus le temps. Le dommage est fait. Ces interventions universitaires auraient dû avoir lieu dans les années 1960, quand il restait un territoire francophone à protéger.
À Gatineau il n'est pas trop tard, mais il est minuit moins une. Le point de bascule approche et nos élus à bouche cousue ont les deux pieds dans la même bottine...
Quand, dans une cinquantaine d'années, des scientifiques et des universitaires - démographes, sociologues, statisticiens, historiens - se pencheront sur le début du 20e siècle pour analyser l'inertie des décideurs et du public au moment où le déclin du français n'était pas irréversible à Gatineau, ils s'interrogeront: ne voyaient-ils pas la réalité, ne s'informaient-ils pas auprès d'experts, n'en discutaient-ils pas aux instances municipales, n'étais-ce pas un enjeu prioritaire? Et ayant constaté l'évidence d'une indifférence collective devant l'agonie identitaire, ils se gratteront la tête... Avec raison!
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Liens aux textes du Droit et de Radio-Canada sur les priorités du nouveau Conseil scientifique de Gatineau - https://www.ledroit.com/actualites/actualites-locales/gatineau/2024/09/03/la-science-occupera-une-plus-grande-place-dans-les-decisions-des-elus-de-gatineau-VVBLF6HJ3RD6DNJOMSTIBV63HI/ et https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2101733/conseil-scientifique-gatineau-ia-changements-climatiques
Vous avez sans doute parfois l'impression d'être un prophète criant dans le désert. Pourtant, n'abandonnez pas, M. Allard, n'abandonnez jamais. Vous n'êtes pas seul dans cette lutte...
RépondreEffacerMoi aussi je vous encourage à continuer votre lutte !!!
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