dimanche 17 septembre 2023

Montréal (secteur Gatineau)...

Davidson à l'intersection Montée Paiement, à Gatineau. Le bordel... La majorité des voitures virent à droite...

Au Québec, les virages à droite sur feu rouge sont interdits uniquement sur l'île de Montréal. Pas ailleurs. Pourquoi? Les motifs m'apparaissent toujours nébuleux. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi ce que l'on considère dangereux pour la sécurité des habitants de la métropole ne l'est pas à Laval ou Longueuil. Y a-t-il plus de chauffards à Montréal? Les conducteurs, cyclistes et piétons y sont-ils moins respectueux des lois et règlements? Mystère.

 

Pourquoi évoquer cette question, qui semblait figée depuis plus de 20 ans? Parce que ces jours-ci, on peut avoir l'impression que des bureaucrates montréalais en cavale ont infiltré l'administration municipale de Gatineau. Des panneaux d'interdiction de virer à droite sur feu rouge apparaissent un peu partout, pour aucune raison évidente, avec des résultats prévisibles: mécontentement, ralentissements, embouteillages et risque accru d'accidents.

Le 23 août, j'ai publié le statut ci-dessous sur Facebook après avoir klaxonné l'automobiliste devant moi qui restait planté là sur le feu rouge malgré son clignotant de droite. Ce dernier avait pointé du doigt la nouvelle affiche, installée le matin même:

Je suis allé ce vendredi 15 septembre, en fin d'après-midi, faire quelques achats au marché IGA à cet endroit. Une file d'une vingtaine de voitures attendait le trop bref feu vert, qui laisse le plus souvent passer à peine quatre ou cinq autos. Des files s'étaient aussi formées à la sortie du McDo, à la station d'essence voisine, et dans la voie qui mène du centre commercial (de l'autre côté de la rue), toutes ces gens attendant de pouvoir se faufiler dans l'embouteillage. Tout cela parce que personne ne peut effectuer de virage à droite sur ce feu rouge. De quoi déclencher quelques bonnes rages au volant...

Au départ, je me suis dit que cette aberration était sans doute une erreur, qu'on aurait vite fait de corriger dès que quelques résidants auraient chauffé les oreilles du conseiller municipal. Mais non. D'autres panneaux interdisant les virages à droite sur feu rouge sont apparus un peu partout, avec les mêmes conséquences. Angle boulevard Labrosse et Davidson, à l'intersection Paquette-La Vérendrye, boul. St-René-boul de l'Hôpital, Bellehumeur-De la Gappe, et sans doute ailleurs. Pourquoi ces endroits? Aucun motif apparent. Les virages à droite s'y font sans danger, et même très facilement. 

Je m'attendais à quelque intervention médiatique mais comme il n'y a plus de journal quotidien de langue française à Gatineau et que ce genre de situation a peu de chances d'occuper quelques précieuses minutes entre les longues pubs au téléjournal, on se contente de pester en privé. Puis voilà que je découvre une nouvelle publiée le 28 août par la station 104,7 FM de Gatineau intitulée De plus en plus d'interdictions de tourner à droite au feu rouge... Notre conseil municipal avait adopté en juillet une résolution pour interdire les virages à droite sur feu rouge à 35 intersections... Ce n'est sans doute qu'un début...

Pourquoi? Je n'en reviens pas. Voici ce qu'affirme mon conseiller municipal, Daniel Champagne, dans le texte de 104,7:

Ce serait donc une question de cohabitation entre automobilistes et cyclistes et comme d'habitude, les conducteurs de voiture écopent. Pourquoi ne pas avoir posé des panneaux avertissant de la présence de pistes cyclables bidirectionnelles, de regarder à droite et à gauche avant d'avancer, au lieu d'interdire le virage à droite? Pourquoi ne pas avoir averti les cyclistes d'être prudents à ces intersections? J'ai vu des dizaines de fois (des centaines?) des cyclistes foncer à travers ces intersections sur feu rouge. Mais la plupart du temps, je ne vois aucun vélo à ces feux de circulation... Des autos? Oui, tout le temps...

Quant à l'intersection Paiement-Davidson, qui donne accès à l'autoroute 50 (est et ouest), je n'ai jamais, mais au grand jamais, vu de vélos s'y aventurer. C'est l'une des intersections les plus mal fignolées de la ville de Gatineau et avoir un vélo, je l'éviterais comme la peste. Remarquez que depuis l'interdiction de virer à droite sur feu rouge, certains automobilistes l'évitent aussi, entre autres parce que le feu vert (pour ceux qui arrivent de Davidson) ne dure qu'une quinzaine de secondes, le temps de passer au max quatre ou cinq véhicules. Avec le virage à droite permis sur la rouge, ça allait un peu mieux. Maintenant c'est parfois le bordel...

Les règlements de la circulation sont toujours un compromis entre la liberté et la contrainte. Feu vert? Avancez. Feu rouge? Arrêtez. Limites variables, de 30, 40, 50 km/h, ou 100 sur les autoroutes. Obligation de signaler, de respecter les panneaux d'arrêt. Enfin. On comprend que ces règles ont pour but d'assurer la sécurité des conducteurs, des cyclistes et des piétons. Et qu'il n'y a jamais de garantie que toutes les voitures les respecteront. Bien sûr un chauffard irresponsable ou éternel étourdi virera à droite sur feu rouge sans prudence. Mais il risque d'agir de même façon sur feu vert, en changeant de voie ou en roulant à 60 ou 70 dans une zone scolaire. Aucun règlement ne le mettra au pas.

Alors si on a jugé sécuritaire, partout en Amérique du Nord (sauf Montréal et la ville de New York), de pouvoir effectuer un virage à droite sur les feux rouges, pourquoi fait-on volte face à Gatineau? Je n'ai pas vu de manchettes sur de graves accidents ou une prolifération d'infractions liées à cette règle. Quant aux vélos avec qui les voitures partagent la route, ils augmentent toujours en nombre en belle saison (davantage avec les vélos électriques) et, faute d'accès à des sentiers réservés, ils sont soumis aux mêmes règles que les automobilistes.

Je suis partisan des voies réservées ou des sentiers, bidirectionnels si possible, pour les cyclistes. C'est bon pour la santé, c'est bon pour l'environnement. Mais Gatineau est et restera jusqu'à nouvel ordre une ville de «chars». La ville est un monstre géographique (il faudrait une demi-heure en autoroute bonne vitesse pour la traverser) où le réseau routier ressemble à un entonnoir qui se vide aux ponts vers Ottawa. Le transport en commun est pourri et seul fonctionne raisonnablement bien le Rapibus qui, vous l'aurez deviné, transporte les passagers rapidement en direction d'Ottawa. Pour se promener dans la ville, l'auto est essentielle. Un trajet en autobus du secteur est de Gatineau au secteur Aylmer peut prendre des heures (aller seulement!).  

Créer des obstacles additionnels pour les automobilistes sans motif évident dans une ville où rouler en voiture est incontournable, cela ne semble pas un très bonne idée. Interdire le virage à droite sur feu rouge à 35 intersections de plus peut paraître comme une goutte dans l'océan, sauf quand on voit devant soi une dizaine ou plus de voitures avec leur clignotant à droite attendant un trop bref feu vert devant une intersection déserte. Bienvenue à Montréal (secteur Gatineau)... 


jeudi 14 septembre 2023

Y'a pas d'argent à faire avec les pauvres...

Capture d'écran de la page Web du Droit
https://www.ledroit.com/actualites/actualites-locales/2023/09/13/sommet-sur-litinerance-belisle-promet-daller-serrer-la-main-du-ministre-carmant-MUW7HXEN2ZFGPGESCT4P7W6RZQ/

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À Gatineau, les tours d'habitation luxueuses aux abords de la rivière des Outaouais champignonnent au même rythme que les tentes et abris de fortune d'itinérants sur les rives du ruisseau de la Brasserie, en bordure de l'île de Hull. Un cliché parfait des effets d'une société capitaliste qui carbure aux signes de piastres, où l'on produit d'abord pour ceux qui peuvent payer et assurer les profits. Y'a pas d'argent à faire avec les pauvres qui couchent dehors trois saisons par an pour ensuite chercher un peu de chaleur intérieure en hiver.

Ce matin, on annonçait que le nombre de sans-abri avait quintuplé en moins de cinq ans à Gatineau. De moins de 150 à plus de 700. Les campements d'itinérants qu'on aperçoit du coin de l'oeil dans le secteur Hull en roulant sur l'autoroute 50, de l'autre côté du ruisseau de la Brasserie, sont devenus un véritable village. Heureusement, quand les grands froids sévissent, l'ancien aréna des Olympiques de Hull, situé à quelques centaines de mètres, peut servir de refuge chaleur.

Le maire de Gatineau, France Bélisle, avait brièvement suscité l'intérêt des médias en révélant qu'une femme avait dû accoucher seule dans un boisé près des campements. Les révélations d'aujourd'hui sur le nombre d'itinérants ont fait le tour des médias avec un certain fracas. On entend de nouveau jérémiades et dénonciations. Les gouvernements lancent, comme d'habitude, des millions de billets verts dans la soupe aux piastres. Québec veut ouvrir plus de refuges pour l'hiver. Ottawa coupe la TPS pour la construction d'appartements locatifs, espérant naïvement que les économies ainsi réalisées serviront à réduire les loyers...

Mais les détenteurs des leviers du pouvoir politique, favorisés par la désintégration des médias traditionnels, en particulier la presse écrite, se gardent bien de mettre le doigt sur le vrai bobo : les excès d'un système capitaliste totalement hors de contrôle. On peut comprendre. Ces vils pilleurs du peuple sont leurs copains. Nos élus les ont laissés hausser les prix abusivement, sans justification. Et cette bande de voleurs restera impunie. La Banque du Canada ne punit pas les coupables. Elle attaque les victimes en haussant les taux d'intérêt. L'épicerie coûte plus cher, le loyer et l'hypothèque coûtent plus cher, tout coûte plus cher. Qui empoche ces $$$? Et dans quelles poches les prend-on? Répondez à ces questions et tout devient clair.

Le système est érigé sur le profit. C'est le moteur, et il ne fonctionne pas à l'électricité. Il est polluant. Très polluant. En matière de logement, les constructeurs veulent mettre sur le marché des maisons, des appartements et des condos qui attireront une clientèle capable de payer les sommes qu'ils exigeront. Les propriétaires de blocs locatifs existants augmentent eux aussi les loyers et visent une clientèle similaire. Ils ne sont pas du tout intéressés à accueillir les gens qui peuvent difficilement arrondir les fins de mois. Et bien sûr personne, dans le secteur privé, ne se lance tête baissée dans les «logements abordables». Ce n'est pas payant.

Ce n'est pourtant pas compliqué. La facture d'essence grimpe de 100 $ par mois. La facture d'épicerie gonfle de 100 $ par mois. Dans tous les magasins, c'est la même chose. Même les prix des «spéciaux» sont plus élevés que les prix réguliers d'il y a deux ans. Par dessus le marché, pour ceux et celles de la classe moyenne qui renouvellent une hypothèque, la claque de fin de mois peut être haussée de 200$ ou 300$. Et les revenus ne suivent pas... Pas besoin de faire un dessin. De plus en plus de gens perdent leur logement, en sont expulsés et n'ont pas accès à un logement social parce que l'entreprise privée n'a aucun intérêt à construire pour les pauvres.

Les gouvernements, complices d'un système qui écrapoutit la population dont ils ont la garde, construisent des logements sociaux au compte-goutte. Même s'ils en construisaient des milliers de plus, cela serait, comme on disait jadis, un cataplasme sur une jambe de bois. C'est le système capitaliste lui-même qui doit être remis en question. On n'aboutira pas à grand chose en se contentant d'aider à renflouer les fins de mois des victimes d'un immense réseau de voleurs qui se croient (et qui sont) plus puissants que nos gouvernements. Le problème du logement abordable, de l'itinérance, des sans-abri subsistera tant qu'on aura pas mis ces voleurs à leur place, tant qu'on ne les empêchera pas de nous voler et qu'on ne les punira pas quand ils commettent des abus.

On pourrait peut-être commencer par obliger deux ou trois ministres, le président de la Banque du Canada, des actionnaires de grandes banques à charte, de pétrolières, de chaînes d'alimentation et quelques grands magnats de l'immobilier à passer une semaine sous la tente ou dans un abri de fortune le long du ruisseau de la Brasserie, à Gatineau. Les obliger à subir un peu les conditions qu'ils ont aidés à créer. Ce serait là un bon début. Après, on pourrait commencer à parler des mérites du capitalisme des années 2020...

lundi 11 septembre 2023

Dire sans faire, c'est de l'hypocrisie.

Capture d'écran du texte d'ONFR+, publié le 26 août 2023

Face aux Autochtones, l'hypocrisie règne en maître au Canada. On avoue des torts, des injustices historiques sans avoir la moindre intention de les réparer. De vraiment les réparer... Les mots «vérité et réconciliation» qu'on brandit partout sont plus souvent qu'autrement vides de sens. Des mots. Rien que des mots.

Au printemps, je suis allé applaudir deux de mes petites-filles au spectacle de fin d'année d'une école de danse, présenté dans un théâtre municipal, à Ottawa. Avant même le début, la première personne à monter sur scène a annoncé au public que le concert se déroulait en territoire non cédé de la nation algonquine anishinaabe...

C'est comme ça à je ne sais trop combien d'événements ou de réunions dans la région de Gatineau et Ottawa où sévit la lourde empreinte du gouvernement fédéral. Voyez ci-dessous en capture d'écran le texte de présentation du Conseil des arts du Canada, situé à jet de pierre du Parlement canadien, sur la rue Elgin. Mais ça veut dire quoi?

Si le chef de cette nation algonquine se présente demain au 2e étage du 150 Elgin et déclare solennellement : «Vous êtes sur un territoire que nous n'avons jamais cédé, nous en reprenons possession. Veuillez évacuer les lieux!», que feront les dirigeants du Conseil des arts du Canada et leur personnel? Iront-ils monter des tentes de fortune sur les rives du ruisseau de la Brasserie à Gatineau, avec les itinérants?

Bien sûr que non! Personne n'a l'intention de rendre aux Autochtones les centres-villes d'Ottawa ou de Montréal, peu importe la valeur de leurs revendications historiques. Alors on se gargarise de belles paroles assorties d'un accès plus «généreux» au trésor public. Des milliards de dollars, qui ne semblent avoir réglé absolument rien. On achète la paix, ou du moins des sursis, sans aller au fond des choses.

Les élus se font bonne conscience en donnant des noms autochtones à des rues ou à des édifices, en ajoutant des images ou des symboles autochtones aux timbres, à la monnaie, et ainsi de suite. Et voilà qu'on parle même de réécrire les paroles de l'hymne «national» du Canada pour (aux dires d'une chroniqueuse d'ONFR+) le «décoloniser». (Voir lien en bas de page). Non mais où cela s'arrêtera-t-il?

Mettez ça dans le broyeur des réseaux sociaux, laissez mijoter jusqu'à ébullition, et pouf! Nouvelle crise, blocages de route, d'autres manifs, l'éventuel rapport d'une nième commission d'enquête, suivi sans doute d'une conférence de haut niveau où les tam-tams seront bien en évidence, assortie d'analyses et de hauts cris dans les médias et... nous revoilà probablement (encore une fois) revenus au point de départ.

Notre fixation sur le passé, sur l'attribution de blâmes et l'écoute d'excuses publiques ne mènera à rien. D'autant plus que ces futiles exercices se déroulent sur fond de vieux antagonismes anglais-français, gauche-droite, Québec-Canada, sans oublier le «racisme systémique» importé des USA et calqué, souvent gratuitement, sur nos réalités. On ne s'en sortira pas.

Si j'affirmais qu'historiquement, en Amérique du Nord, la coexistence entre Canadiens français et Autochtones était différente (et meilleure) que celle des Autochtones face aux porte-étendards de l'impérialisme britannique, j'aurais raison. Mais essayez d'avoir une discussion plus ou moins objective là-dessus dans la jungle «internettienne» où des hordes de trolls font taire de façon disgracieuse les débats sensés.

Dans cette ère de censure «wokiste», le simple recours à un texte historique peut vous mettre dans l'eau bouillante s'il contient des mots «bannis» par les bien-pensants du 21e siècle. Exemple? Cette phrase d'Alexis de Tocqueville, écrite en 1831 et tirée du livre Tocqueville au Bas-Canada: «Les Blancs de France, disaient les Indiens du Canada, sont aussi bons chasseurs que nous. Comme nous, ils méprisent les commodités de la vie et bravent les terreurs de la mort. Dieu les avait créés pour habiter la cabane du sauvage dans le désert.»

Ouache!!! Indiens et sauvage dans le même paragraphe! Le fait que ces mots étaient couramment employés à l'époque, et que sauvage signifiait alors vivant à l'état sauvage (et non savage comme en anglais) aurait peu d'importance pour les oreilles délicates de 2023, qui ne comprendraient pas non plus le sens du mot désert, terme que Tocqueville employait pour désigner les territoires où l'influence des Européens était plus ou moins inexistante. Et ce n'était pas péjoratif.

Cette frilosité à l'endroit de textes d'autres époques, combinée au besoin obsessionnel de les réécrire en licorne, finit par mener à des autodafés (comme récemment en Ontario) ou à l'interdiction de la mention même du titre de certains livres, comme Nègres blancs d'Amérique de Pierre Vallières. Que dirait-on si se remettait à faire la promotion du livre Nigger de l'activiste noir antiraciste Dick Gregory?

Les hymnes nationaux tombent dans la même catégorie. Les paroles sont des clichés historiques, illustrant le monde dont ils sont issus à un moment précis de l'histoire. Allez lire les paroles de La Marseillaise, composée durant la Révolution française à la fin du 18e siècle, et vous frémirez d'horreur: «Entendez-vous dans les campagnes mugir ces féroces soldats? Ils viennent jusque dans vos bras égorger vos fils, vos compagnes.» Rien à voir avec la France d'aujourd'hui...

L'hymne des États-Unis a été composé durant le bombardement du fort M'Henry (près de Baltmore) par des vaisseaux de guerre britannique en 1814. «And the rocket's red glare, the bombs bursting in air»... Depuis longtemps maintenant, Américains et Britanniques sont de proches alliés. Faudrait-il donc effacer de la mémoire collective ce texte qui rappelle une guerre où les Britanniques ont incendié le Capitole et la maison du président des États-Unis en août 1814?

Mais revenons aux «territoires non cédés» du Canada. Faudra-t-il, dans l'air du temps, «décoloniser» les paroles du «Ô Canada» comme certains tentent de le faire avec la version anglaise? Le simple emploi du mot «décoloniser» démontre une méconnaissance de l'histoire de cet hymne et se sa portée. Comment peut-on même songer à décoloniser un hymne national qui était celui d'un peuple colonisé (les Canadiens français du Québec) affirmant son droit d'exister face à l'impérialisme anglo-britannique? L'hymne EST décolonisateur.

L'hymne a été composé par Calixa Lavallée et Adolphe-Basile Routhier en 1880 à la demande expresse du lieutenant-gouverneur du Québec. Il était perçu comme un hymne national canadien-français, et ces Canadiens français étaient ceux du Québec si on se donne la peine de lire le second couplet d'Ô Canada: «Sous l'oeil de Dieu, près du fleuve géant, le Canadien grandit en espérant.» Pas en Acadie (nation distincte), pas en Ontario ou dans l'Ouest, et pas en anglais. Le fait qu'on l'ait chanté pour la premier fois un 24 juin, à l'occasion des fêtes de la Saint-Jean-Baptiste, ne relève pas du hasard. Si le Québec était devenu un pays en 1880, son hymne national aurait été l'Ô Canada...

L'hymne devenu pan-canadien immortalise un moment dans l'histoire de la nation canadienne-française devenue québécoise. Comme le Star Spangled Banner aux États-Unis. Comme La Marseillaise en France. Cela s'appelle: «ne touche pas!»

Retour aux Autochtones. Après des centaines de plates excuses et de cérémonies au rythme des tam-tams, de milliers de reconnaissances verbales et écrites de «territoires non cédés», finira-t-on un jour par s'associer véritablement aux nations autochtones pour régler les problèmes de fond qu'ELLES jugeront plus criants? Protection de leurs territoires, amélioration des conditions de vie, des services d'éducation et de santé, développement économique, renaissance et promotion des langues et coutumes ancestrales, partenariats constitutionnels?

Dire sans faire, c'est de l'hypocrisie.

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Lien vers l'article d'ONFR+: https://onfr.tfo.org/this-is-indian-land-vers-une-decolonisation-de-lhymne-national-du-canada-in-english-et-en-francais/


mercredi 30 août 2023

Radio-Canada en français... Pour de vrai !

Est-ce normal qu'une émission en français soit «spéciale»? Pourquoi pas normale?

Si nos artistes francophones choisissent de composer et chanter des chansons en anglais, libre à eux! C'est leur droit le plus strict. Mais s'ils comptent utiliser les ondes de Radio-Canada pour promouvoir leur musique anglaise auprès des publics francophones, ça c'est une toute autre histoire! Ça ce n'est pas normal.

Même raisonnement pour les entreprises et organisations qui proposent à la télé de Radio-Canada des publicités partiellement ou totalement en anglais, notamment par leur contenu musical. Ils ont tout à fait le droit de les produire, mais ne doivent d'aucune façon pouvoir exiger qu'elles soient diffusées à la télé publique de langue française.

Le principe est fort simple. Radio-Canada a pour mission de diffuser en français, de protéger et de promouvoir la langue française dans un contexte où elle peine à se défendre contre la marée anglo-américaine. Que nos artistes puissent utiliser le réseau public de langue française pour «vendre» des chansons anglaises à un public déjà culturellement fragilisé n'a aucun sens.

Il existe plein de médias télé, radio et Web anglais, ici au Québec, au Canada et en Amérique du Nord. Font-ils la promotion quotidienne des chansons françaises québécoises, acadiennes et franco-canadiennes? Non. Pourquoi le ferait-on? Ils diffusent en anglais. C'est normal. Voilà où doivent aller les artistes qui choisissent d'endisquer et monter sur scène en anglais.

Le réseau français de Radio-Canada doit fonctionner en français. Cela ne me semble pas extrême comme demande. De fait, cela me paraît tout à fait normal. Que ce soit à En direct de l'univers, Bonsoir bonsoir ou quelqu'autre émission, on informera les invités et les artistes qu'ils devront choisir et chanter des chansons en français. Il ne s'agit pas de censurer l'anglais, mais de ne pas trahir la mission de protéger et promouvoir le français. Est-ce trop demander que la télé de Radio-Canada ne serve pas à assimiler davantage les francophones à l'écoute?

Si Charlotte Cardin ou toute autre personne réalise un album en anglais, fut-il excellent, il faudra qu'elles se servent des ondes anglaises pour en faire la promotion. Il y en a partout. Le seul réseau complet de langue française qui nous appartienne, qui soit du domaine public, c'est Radio-Canada. Alors même si Céline Dion frappe à la porte avec un album en anglais, qu'on la redirige vers CBC. Si elle veut inciter le public québécois à écouter sa musique en anglais, Mme Dion ne doit pas espérer pouvoir compter sur la complicité des ondes françaises.

Une télé de langue française qui fonctionne en français... Si on n'ose même pas envisager quelque chose d'aussi normal, on sait comment tout cela va finir. Yes sir...


mardi 29 août 2023

Le pneu...

Huit jours en mer - Destination Basse-Côte-Nord - 1er jour


L'auberge-gîte et petit déjeuner La belle époque, à Saint-Jean-Port-Joli

En 2020, la pandémie de COVID-19 avait coulé notre projet initial de croisière sur le bateau ravitailleur Bella Desgagnés. L’initiation à la Basse-Côte-Nord, un coin du Québec inaccessible par voie routière, devrait attendre. Une fois sevrés de deux années de masques et de vaccins, nous avons mis le cap sur 2023!

Jusqu’à l’avant-veille de l'embarquement, prévu le lundi 19 juin au quai de Rimouski, tout allait bien. Billets, bagages, appareil photo, cartes de crédit aiguisées, Gravol en quantité, tout était fin prêt. Plus rien ne pouvait entraver le départ... Mais en cette fin de samedi après-midi, roulant sur la 417 à Ottawa, le voyant lumineux «vérifier pression des pneus» s'est allumé dans la voiture qui devait nous transporter de Gatineau jusqu'à Saint-Jean-Port-Joli le lendemain...

Légère pointe d'inquiétude, parce que cela s'était déjà produit maintes fois auparavant, sans conséquence. Par contre, l'expérience nous a appris au fil des ans que les véritables problèmes de voiture surgissent le plus souvent du vendredi soir au dimanche, quand les garages sont fermés. Arrivé à destination, à 50 km de chez moi, un simple coup d'oeil me dit que le pneu avant gauche s'essouffle. Inquiétude en hausse.

Nos enfants technologiques à la rescousse! Mon gendre puise dans son coffre un manomètre-compresseur d'air-gonfleur de pneus numérique. Vraiment je devrai m'acheter un appareil semblable. Lecture rapide et le verdict tombe dru: 22 livres d'air alors que les trois autres pneus sont à 35. La question évidente: pourquoi? Fuite d'air? Clou dans le pneu? On regonfle, et en revenant à la maison, on appelle CAA-Québec à la rescousse...

Vingt-deux heures 30, dans mon entrée, à Gatineau, trois paires d'yeux (dont ceux du technicien de la CAA) sont rivées sur le pneu qui semble avoir maintenu une pression normale depuis la frousse du début de soirée... Ayant conservé pour notre voyage le précieux manomètre-compresseur-gonfleur, je dors quand même d'un sommeil haché en espérant que le lendemain matin, «LE» pneu n'ait pas l'allure d'une crêpe...

À 8 heures, dimanche, quatre pneus toujours à 35 livres... Ouf! En route vers la banlieue est d'Ottawa où Ginette et moi devons cueillir sa soeur Louise et une amie, Denise. Avec le coffre rempli à craquer de valises et quatre personnes dans le char, «LE» pneu (il est neuf, soit dit en passant) sera mis à dure épreuve sur la vieille 17, la 417 et la 40 jusqu'à la montée Lavigne, à Hudson, ou le manomètre déterminera si mon MacPoulet/frites au McDo finira ou pas en indigestion.

Quatre paires d'yeux sur «Le» pneu, cette fois. Tout paraît tiguidou et le petit écran du manomètre confirme: 35! Le ventre et le réservoir pleins, cap sur Saint-Jean-Port-Joli dans notre vieille Mazda 6 en prenant bien soin d'emprunter l'autoroute 30 et de régler le péage de 3,50 $ pour éviter les voies toujours encombrées de l'île de Montréal. Puis ce sera l'interminable 20 et ses innombrables sorties vers des villages et des villes comme Drummondville et Victoriaville dont je ne doute pas qu'elles existent, mais que je n'ai jamais vues en filant à 110 sur l'autoroute Jean-Lesage.

Passé Lévis et le bref coup d'oeil sur le pont de Québec, nous changeons de pays. Littéralement. Le panneau annonçant Berthier-sur-Mer le confirme. Aux terres, ruisseaux et rivières du Sud québécois succèdent les eaux salées et les marées. La mer commence ici alors que les rives du fleuve s'éloignent et que «les cris maritimes» évoqués par Vigneault remplacent peu à peu les bruits discordants de nos villes.  La lassitude fait place à l'anticipation à 24 heures de découvrir si on a ou pas le pied marin. Du moins ceux d'entre nous (c.-à-d. moi) qui n'ont jamais navigué ailleurs que sur des lacs et rivières...

Assez roulé sur «LE» pneu pour ce dimanche. Une nuit paisible nous attend au gîte et petit déjeuner La belle époque de Saint-Jean-Port-Joli, municipalité issue de l'ancienne Seigneurie de Port-Joly dont les origines remontent à 1677, et dont le dernier seigneur fut Philippe Aubert de Gaspé, auteur du roman Les anciens Canadiens publié en 1863. Une belle église construite autour de 1780 domine l'avenue principale de cette jolie petite ville où nous ont rejoints ce soir une cousine de Ginette et son conjoint, Danielle et René, de Laval, eux aussi en route pour la croisière du Bella Desgagnés. Nous sommes désormais six. Demain nous serons dix.

En ce 18 juin 2023, le dépaysement s'accentue. Les lilas, fanés depuis trois semaines à Gatineau, sont toujours en fleur ici, aux abords du fleuve et du resto Porto Bellissimo (ça signifie sûrement port joli) où l'odeur de la cuisson des mets italiens et pâtisseries (excellents par ailleurs) imprégnera nos vêtements jusqu'à ce qu'on les vaporise au Febreeze le lendemain...

Finalement, tout va bien. Mais il s'en est fallu de «pneu»...

(à suivre)

Un glaçon dans l'eau bouillante


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En 1999,  quand Lucie Couvrette, inspectrice de l'Office québécois de la langue française, avait tenté de faire respecter la Loi 101 à Shawville (Pontiac), des commerçants et des citoyens, le maire en tête, l'avaient littéralement pourchassée et expulsée du village! (voir lien en bas de page) L'incident a fait le tour du pays avec les dénonciations habituelles de la très xénophobe «police linguistique» québécoise dans la presse de langue anglaise...

La réaction de ces anglophones, que j'estime exemplaire malgré mon désaccord profond, contraste singulièrement avec celle de l'immense majorité des francophones du Pontiac et de la région de Gatineau qui n'ont jamais, mais au grand jamais, pourchassé et expulsé ceux et celles qui continuent de mépriser presque quotidiennement la langue française. Dans la métropole de l'Outaouais, l'anglais fait la pluie et le beau temps. Vous voulez un exemple?

J'en propose un, survenu récemment, et il illustre parfaitement ce qui se passe depuis toujours ici. Le propriétaire anglophone d'un resto dans le secteur Aylmer de Gatineau a expulsé le président d'Impératif français, Jean-Paul Perreault, parce qu'il avait demandé qu'on le serve dans sa langue. Cela s'est produit devant des clients francophones attablés autour de lui, demeurés silencieux en baissant sans doute les yeux... de honte. Y a-t-il eu un ressac populaire contre ce restaurateur? Un élan populaire pour défendre M. Perreault? Bien sûr que non...

Les francophones de Gatineau, contrairement aux anglos du Pontiac, vivent à genoux depuis plus d'un siècle... 

Alors quand le gouvernement québécois annonce une subvention de quelques centaines de milliers de dollars pour aider à convaincre des petites entreprise de l'Outaouais à franciser leur milieu de travail, on peut se demander quel effet aura ce petit glaçon dans notre marmite d'eau bouillante. La seul côté positif de cette faire, c'est qu'enfin, quelque part dans les officines de Québec et Montréal, on semble s'être aperçu - peut-être - de la gravité du problème.

On mentionne dans le texte de Radio-Canada (voir lien en bas de page) que l'Office québécois de la langue française a noté un recul du français comme langue de travail en étudiant les données du recensement de 2021. S'ils vivaient ici, les bureaucrates verraient que c'est bien pire que ça. À mon IGA situé dans un quartier très francophone de Gatineau, les panneaux de recrutement invitent les anglophones à postuler, laissant ainsi entendre qu'ils pourront travailler dans leur langue. On y entend même, à l'occasion, des employés francophones (des jeunes surtout) se parler en anglais. Quand on leur demande pourquoi, la réponse est toujours la même: ben voyons, le Québec est bilingue!

Il est grand temps que l'OQLF brosse un tableau exhaustif de la situation dramatique du français à Gatineau où des milliers de résidents travaillent en anglais dans la fonction publique fédérale, où le conseil municipal se fait complice d'entrepreneurs qui attirent dans leurs projets d'habitation riverains des milliers d'Ontariens, pour la plupart anglophones, où le nombre d'unilingues anglais a doublé en 15 ans et la proportion d'unilingues français a chuté de 40 à 25%, où deux tiers des immigrants ont appris l'anglais... Et ne comptez pas sur les élus municipaux pour s'intéresser à la dynamique linguistique: le sujet est tabou. Il ne faut surtout pas faire de vagues, on pourrait nuire à cette «bonne entente» qui nous a toujours anglicisés.

Dans l'article du Droit, le ministre de l'Outaouais, Mathieu Lacombe, a noté que la place plus importante accordée ici à l'anglais l'avait frappé à son arrivée dans la région en 2010 (voir lien en bas de page). Il ne semble pas avoir poursuivi sa réflexion, ou s'il l'a fait, n'en dit rien quand il affirme par la suite qu'il n'a pas vu depuis ce temps, dans la vie de tous les jours un recul du français en Outaouais. Notre ministre devrait plus souvent passer quelques jours au centre-ville de Gatineau. Son discours changerait. Les anglos s'affirment comme toujours - une attitude que j'admire. Pendant ce temps la majorité des francophones se comportent en colonisés, presque toujours prêts à passer à l'anglais au lieu d'affirmer leur langue, la langue majoritaire, commune, officielle du Québec.

Au rythme où vont les choses, tout sera réglé d'ici une génération ou deux. Les francophones ne seront plus majoritaires, Gatineau sera bilingue en attendant de devenir anglaise. Et les ultimes résistants jetteront un regard vers les années 2020 et se demanderont: comment en étions-nous arrivés là?

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Liens

Texte de Radio-Canada: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2006408/francisation-gatineau-recul-outaouais

Texte du Droit: https://www.ledroit.com/affaires/affaires-locales/2023/08/28/pres-de-900-000-pour-contrer-le-declin-du-francais-dans-les-affaires-en-outaouais-en-estrie-et-en-monteregie-RLVVSGEP5ZH4XEVQ2RV7TSZMSM/

Texte sur l'incident de Shawville en 1999: https://imperatif-francais.org/articles-imperatif-francais/articles-2000-et-moins/lolf-shawville-quec/

Lien à l'incident du resto en 2022: https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/11/commander-en-francais-sortez.html

dimanche 27 août 2023

Contact... Une mine d'or !

L'église St-François d'Assise, à Ottawa

Ma mère, Germaine Jubinville-Allard, est décédée le 28 juillet, le jour de ses 99 ans. Rebelle à ses heures mais surtout traditionnelle, elle avait souvent insisté pour que je conserve après sa mort les bulletins Contact publiés par son ancienne paroisse (la mienne itou), qu'elle avait accumulés entre janvier 1941 et l'été 1953.

Pourquoi y tenait-elle tant? Parce que son nom apparaissait au tableau d'honneur de la 11e année de l'école St-Conrad dans le tout premier numéro et que le mien, ainsi que celui de mon frère Robert, figuraient à ceux des écoles St-François d'Assise et St-Conrad douze années plus tard? Peut-être un peu, mais je crois plutôt qu'elle voulait ici faire oeuvre d'historienne.

Il fallait plus que tout préserver des documents témoignant de la vie communautaire intense qui animait la communauté canadienne-française (aujourd'hui disparue) de près de 6000 âmes - c'est ainsi qu'on les appelait à l'époque - regroupée autour des deux clochers de l'imposante église Saint-François d'Assise, rue Wellington, dans l'ouest de la capitale fédérale.

Ce quartier d'Ottawa où le français était jadis la langue de la rue s'est effrité depuis les années 1960 et ne vit guère ces jours-ci que dans la mémoire de quelques vieux, ou encore dans des groupes Facebook où à peu près tout se passe en anglais. Ma mère avait dans les tiroirs de son appartement la preuve imprimée de l'existence de cet ancien village urbain francophone, aujourd'hui oublié et à peu près inconnu des chercheurs universitaires qui s'intéressent au passé des Canadiens français de la capitale.

Elle avait grandi sur la rue Hinchey, entre la voix ferrée du Canadien Pacifique et la rivière des Outaouais, avait fréquenté les écoles du quartier, y avait complété ses études secondaires, courtisé mon père durant la Deuxième Guerre mondiale, s'y était mariée et y avait élevé sa marmaille jusqu'à ce que la famille déménage, dans les années 60, dans des maisons neuves en banlieue.

Les bulletins Contact des Pères Capucins avaient consigné sur papier l'esprit de l'époque, la vie du quartier, et des centaines de noms d'élèves et de paroissiens. Les résultats des concours scolaires, les mariages, naissances, décès, les listes d'associations paroissiales, les efforts de défense du français, la fondation de la caisse populaire, sans oublier les horaires des messes et les conseils spirituels qui feraient sourire aujourd'hui mais que l'on prenait alors très au sérieux.

Dans le premier bulletin, celui de janvier 1941, on propose des statistiques paroissiales: 1145 familles, 5295 âmes, 4378 communiants, 917 non-communiants (des enfants?); quatre écoles catholiques franco-ontariennes (St-François, St-Conrad, Sacré-Coeur et St-Antoine) regroupant près de 1200 élèves, 38 enseignants dont 15 laïcs, 9 Frères du Sacré-Coeur et 14 Soeurs grises de La Croix; 133 baptêmes, 56 mariages et 41 sépultures.

On y mentionne le «collège séraphique» situé à côté de l'église, où l'on formait une centaine (!!!) de candidats à la vie franciscaine. Imaginez, 100 nouvelles vocations religieuses, dont une dizaine issues de la paroisse St-François. Une pépinière de Capucins dont plusieurs iraient en mission en Inde. L'an dernier, à l'Ermitage au Lac-St-Jean, le jeune Capucin qu'on a rencontré était originaire de l'Inde. Il était venu s'occuper des Capucins d'ici, presque tous vieillards.

La liste d'associations paroissiales est étonnante et témoignage de la marmite religieuse dans laquelle nous vivions comme peuple il y a 80 ans : la St-Jean-Baptiste, la Jeunesse ouvrière catholique, la Jeunesse étudiante catholique, les Scouts, la St-Vincent-de-Paul, le Tiers-Ordre, le régiment de Zouaves, la Chorale, les comités d'action catholique, les Enfants de Marie, la Fédération des femmes canadiennes-françaises, l'Association du Rosaire perpétuel, l'Adoration nocturne, l'Oeuvre des Tabernacles, les Patronesses de l'hôpital St-Vincent et j'en passe...

On note enfin que durant l'année 1940, 4350 messes ont été célébrées et 150 000 communions données à l'église St-François d'Assise! Alors qu'aujourd'hui, de nombreuses églises catholiques ne célèbrent qu'une messe le dimanche devant des bancs très souvent vides, l'église St-François d'Assise de 1941 proposait aux paroissiens sept messes le dimanche matin, entre 5 h 30 et 11 heures, dont une grand-messe. Et il y avait cinq messes tous les jours de semaine, entre 5 h 30 et 8 heures. Il y avait aussi une messe à l'autel de St-Antoine tous les mardis.

Pour la Semaine sainte de 1941, on annonce dans Contact qu'il y aura adoration du Très Saint Sacrement en soirée et toute la nuit, le Jeudi Saint. Jusqu'à 10 heures du soir, la «garde du T. S. Sacrement est confiée aux dames et aux demoiselles». Après 22 h, jusqu'à 5 heures du matin, la garde est assurée par les «hommes et jeunes gens», qui se relaient d'heure en heure, les résidants d'un bloc de rues assurant une présence pour une heure. Par exemple et je cite: «3 à 4 h du matin: les rues Bullman, Grant, Hinchey, Oxford, Pinehurst»... et ainsi de suite.

Enfin, si les paroissiens se rendent à l'église, les Pères Capucins visitent aussi chaque année toutes les résidences. La fameuse visite paroissiale qui, à lire Contact, avait quelque chose d'intimidant. Voici quelques conseils aux paroissiens qui verront un Capucin frapper à leur porte: «Dans chaque maison, le ménage est fait, les meubles rangés et soigneusement époussetés. Tous les membres de la famille doivent, autant que possible, se faire un devoir d'être présents. Le prêtre est accueilli avec joie. Le Père doit être mis au courant de l'état spirituel de chacun des membres de la famille...»

Connaissant ma mère et son esprit indépendant, cette discipline n'avait rien pour lui plaire. Mais c'était l'époque. On a peine à imaginer que ces choses ont existé. Mais ma maman aurait été la première à dire qu'elles ne doivent pas être oubliées. L'église St-François d'Assise reste un fier monument de ce qui fut et qui n'est plus. La vibrante communauté canadienne-française qui l'entourait il y a 80 ans fait désormais partie de l'histoire. On en revit quelques chapitres dans la petite revue Contact que ma mère n'a jamais mise à la poubelle.

Avis aux chercheurs et historiens de l'Université d'Ottawa: c'est une mine d'or!