dimanche 21 février 2021

Francophone... Un adjectif galvaudé...

Dans l'image ci-dessus, il devrait y avoir un «f» minuscule à francophone...

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J'en ai ras-le-bol d'entendre le mot «francophone» employé à toutes les sauces... surtout quand il s'agit d'en emploi erroné. Voici ce que j'en pense. On me corrigera sûrement si j'ai tort...

Le suffixe «phone» vient du grec phôné qui signifie «son de la voix». L'appareil inventé au 19e siècle pour se parler à distance, on l'a appelé téléphone. D'une personne qui parle français, on dit qu'elle est francophone. Celle qui parle anglais, anglophone, et ainsi de suite. Germanophone, hispanophone, enfin... Mais «phone» est toujours associé à la parole et au son de la voix.

Le recours abusif au mot «francophone» est devenu tellement fréquent qu'on pourrait se croire en pleine pandémie langagière. Pire, personne ne semble vouloir apporter de correctifs. Ce n'est pas parce qu'une erreur est omniprésente qu'elle n'est plus une erreur. Alors, avis à tous et toutes. Selon le dictionnaire Multi, l'adjectif «francophone» qualifie une personne dont la langue maternelle ou d'usage est le français» (un Québécois francophone) ou un lieu où l'on parle le français (un quartier francophone).

Et voilà!

Alors, à chaque fois que vous lirez ou entendrez l'expression «école francophone», «collège francophone» ou «université francophone», sachez qu'il s'agit d'un emploi fautif. Il peut y avoir des francophones en quantité dans ces établissements, mais l'école, le collège ou l'université ne parlent pas. On dira école française, ou école de langue française, ou école franco-ontarienne, mais pas «école francophone»...

Le même principe s'applique à d'autres établissements ou institutions de la francophonie québécoise ou canadienne. Ainsi, ce n'est pas parce qu'on y travaille et qu'on y parle français que l'hôpital Montfort d'Ottawa ou l'hôpital Maisonneuve-Rosement à Montréal sont des «hôpitaux francophones».

Je peux concevoir, à la limite, qu'on puisse dire ou écrire «radio francophone» ou «télé francophone» parce qu'on y entend des humains qui parlent ou qui chantent en français. Mais il n'existe pas de «journal francophone» ou de «quotidien francophone» ou de «presse francophone». Un journal de langue française, un journal acadien, québécois, français, canadien-français? Pas de problème. Francophone? Jamais!

On entend beaucoup parler de «chansons francophones». J'imagine que cet usage finira par être accepté, mais il est fautif. L'artiste qui la chante peut bien être francophone (ou pas) mais la chanson ne l'est pas. On écoute une chanson française, ou, si on veut davantage définir, une chanson québécoise, acadienne, franco-ontarienne et ainsi de suite.

Et que dire de l'expression «livre francophone»! À moins qu'on ne parle spécifiquement de livres audio, l'ajout du suffixe «phone» pour un texte qu'on lit en version imprimée ou sur écran est tout à fait absurde. On achète ou on lit un livre français, en français. S'il faut le définir davantage, on pourra dire livre québécois, livre franco-canadien, etc.

On entend de plus en plus «culture francophone». Mélanie Joly a même utilisé cette expression aux Communes pour présenter son Livre blanc sur les langues officielles. Non seulement s'agit-il d'une faute, mais c'est aussi un échappatoire pour ne pas avoir à mieux qualifier la culture dont on parle. Peut-être un jour y aura-il une culture associée à la francophonie mondiale, mais entre-temps le tronc commun reste la culture française ou ses variantes territoriales (culture québécoise, canadienne-française, etc.).

L'apparition d'«identité francophone» crée sans doute une zone grise. Dans la mesure où l'identité est associée à une culture et qu'il n'y a pas de culture francophone, je voix difficilement comment on pourrait parler d'identité francophone. Cependant, un sondage Léger de 1993 chez les Franco-Ontariens avait révélé que près de 40% des jeunes francophones se voyaient comme «bilingues» sur le plan identitaire. Dans la mesure où un nombre croissant de francophones auront comme premier critère identitaire l'usage d'une ou de deux langues (Mélanie Joly a déjà dit «langue francophone»...), on finira sûrement par s'en reparler...

L'adjectif «francophone» n'est pas à bannir. Mais cessons de le galvauder.

On peut fort bien employer Québec francophone, Canada francophone, Amérique francophone, collectivité francophone, ville francophone, pays francophone, théâtre francophone, spectacle francophone, association francophone (et bien d'autres). 

Si au moins nos médias de langue française pouvaient donner l'exemple...


1 commentaire:

  1. L’usage du terme « francophone » est devenu abusif parce qu’il reflète la peur morbide de notre époque dominée par la rectitude politique. Elle inspire la crainte de ne pas être suffisamment inclusif quant aux autres ethnies. Conséquemment, la « culture francophone » fut accompagnée par le pléonasme vicieux de la ministre Joly : « langue francophone ». Si la tendance se maintient, le terme « français » sera condamné d’abord au Canada… dans le but d’éradiquer le trop fameux racisme systémique.

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