Quand j'étais enfant, à Ottawa, vivant dans un quartier ouvrier franco-ontarien, nous allions en voiture admirer les somptueuses résidences de la promenade Island Park, qui relie l'ouest de la capitale fédérale à la rive québécoise par le pont Champlain. Nous savions que nous n'étions pas chez nous sous les ormes majestueux de ce grand boulevard. Ce magnifique décor, comme tous les quartiers riches d'Ottawa, abritait ceux que nous appelions «les Anglais»...
À la fin du primaire, mes parents se sont endettés pour que je fréquente l'école secondaire privée de l'Université d'Ottawa, une des deux seules écoles secondaires «bilingues» de la capitale. Il n'y avait pas d'écoles secondaires françaises en Ontario à la fin des années 1950. L'école était située au centre-ville. Il fallait s'y rendre en autobus. Demander un billet en français pouvait être intimidant. Des Anglais nous traitaient de «frogs»... On entendait même, à l'occasion, des «Speak white»...
Au fil des ans, un peu au primaire mais surtout au secondaire et à l'université, on m'a enseigné la grande épopée du Canada et des Canadiens français... Les historiens m'ont appris, entre autres:
- que les Anglais avaient déporté dans la violence des milliers d'Acadiens à partir de 1755, une tentative évidente de génocide
- qu'après la conquête de 1760, les nouveaux maîtres britanniques ont condamné nos ancêtres français à un état permanent d'infériorité économique et politique
- que le mépris envers la majorité canadienne(française) au Parlement du Bas-Canada est à l'origine de la rébellion des Patriotes en 1837
- que cet élan démocratique a été réprimé cruellement... des villages brûlés, des femmes violées, des patriotes pendus...
- qu'en 1839, un certain Lord Durham avait signé un rapport dans lequel il nous disait un peuple inculte, sans histoire, et que pour notre bien, mieux vaudrait s'angliciser...
- qu'en 1840 on a uni les deux Canadas pour nous empêcher d'avoir une majorité parlementaire, et qu'on a supprimé l'usage de la langue française...
- qu'en 1867 on a créé un nouveau pays et que le Québec était la seule province avec un statut bilingue, avec des garanties blindées pour la minorité anglaise...
- que dans toutes les autres provinces, à partir de 1871, les Anglais (qui n'avaient pas concédé de protection aux Acadiens et Canadiens français) ont entrepris d'interdire systématiquement l'enseignement du français...
- que les deux rébellions des Métis, principalement francophones, de l'Ouest ont suscité des réactions violentes du Canada anglais et que le chef Louis Riel a été pendu dans un simulacre de procès...
- que les Anglais préféraient donner les terres des Prairies à des immigrants britanniques et européens plutôt que de permettre une expansion des Canadiens français vers l'Ouest
- que les Québécois privés de terres et d'emplois ont émigré par centaines de milliers aux États-Unis vers la fin du 19e et le début du 20e siècle...
- que les Anglais, même à Montréal et à Québec, traitaient les francophones comme les maîtres britanniques traitaient les autres peuples qu'ils avaient colonisés... René Lévesque les appelait «nos Rhodésiens de Westmount»...
- que nous étions «nés pour un petit pain», que nous étions «des porteurs d'eau et des scieurs de bois» dans notre propre pays...
- que les travailleurs francophones avaient trop souvent des patrons anglais...
- que Maurice Richard était un héros parce qu'il osait tenir tête aux grands bonzes anglo-canadiens...
- bref, que notre situation avait fait de nous des colonisés... que le traitement que nous avions subi pendant deux siècles s'apparentait souvent au racisme...
Puis vinrent les années 1960... La révolution tranquille... Un désir collectif de mettre fin à l'infériorité imposée depuis deux siècles, d'affirmer les droits de la langue française et de nous donner enfin, démocratiquement, un État à notre image... Défaire 200 ans de colonialisme pour prendre place avec les autres peuples au concert des nations... Assurer la pérennité de notre culture originale, notre contribution à la diversité culturelle mondiale...
Pour moi, qui suis devenu Québécois, c'était et ça demeure aujourd'hui un mouvement d'émancipation collective.
Alors comment voulez-vous que je réagisse quand, dans les médias anglo-canadiens, on nous traite depuis plus de 30 ans de racistes et de xénophobes parce qu'on a voulu continuer d'exister comme peuple et se donner des institutions conformes aux valeurs culturelles humanistes et démocratiques qui nous définissent?
Je dois vous avouer ma frustration, voire mon exaspération.
Je suis de nature porté à accueillir le débat avec des gens qui proposent des opinions contraires aux miennes. J'aime un bon affrontement verbal ou écrit. Mais devant tant de mépris, de haine, d'intolérance, voire de racisme accumulés à notre endroit depuis des générations, aucune discussion n'est possible.
La réponse doit venir des tripes...
Alors à tous ceux qui persistent, malgré les faits, à voir dans l'affirmation collective des Québécois francophones une manifestation de xénophobie ou de racisme, je n'ai qu'une chose à dire.
«Mangez d'la marde!»
Voilà.
Ça fait du bien...
Les Miliciens du Québec en 1885
RépondreEffacerLes miliciens du Québec avaient reçu des certificats (scripts) pour des terres au Manitoba au Manitoba de l'époque.
La plupart, sinon la majorité ont choisi d'changer leur certificats pour 80$
Il faut savoir aussi que nos soldats miliciens n'ont pas tité une seule balle sur les Métis.
Le décret en lien avec ce moment sombre de l'Histoire Canadienne :
No 160) BILL (1885). Acte autorisant des concessions de terres aux miliciens dernièrement en service actif au Nord-Ouest.
Considérant qu’il est juste de reconnaître les services des membres de la Milice volontaire enrôlée qui ont aidé nativement à la suppression du récent soulèvement des Métis et des Sauvages dans le Nord-Ouest, en donnant à chacun d’eux, en sus de la solde et des allocations auxquelles il a droit aux termes de l'Acte de Milice, une concession de terres, et qu'il est à propos que cette concession soit faite de manière à promouvoir l'établissement réel des terres publiques du Canada: À ces causes, Sa Majesté, par et avec l’ avis et le consentement du Sénat et de la Chambre des Communes du Canada, décrète ce qui suit :
La milice volontaire enrôlée, qui a pris les armes et qui a contribué activement à supprimer le soulèvement des Métis et des sauvages, et qui a fait le service à l'ouest de Port Arthur, [actuellement ThunderBay au nord du Lac Supérieur en Ontario] depuis le vingt-cinquième jour de mars maintenant dernier, en Qualité d'officier, sous-officier ou soldat, une commission d’établissement (homestead) gratuite de deux quarts do section contigus [de la contenance totale de trois cent vingt acres] dans toute section, portant un numéro pair, des terres fédérales non occupées et non réclamées dans le Manitoba et les territoires du Nord-Ouest, (….)
Toute personne ayant droit, d’après les dispositions précédentes, de choisir et de se faire inscrire pour trois cent vingt acres de terre à titre d’établissement, par elle-même ou par son substitut, de la manière et aux termes et conditions ci-dessus prescrits, pourra, si elle le désire, recevoir au lieu de terre, un certificat (scrip) au montant de quatre-vingts piastres, lequel sera accepté en paiement de toutes terres fédérales offertes en vente, (…)
Source ci-dessus : Gazette agricole des Campagnes p. 402
Mais, tout ce que vous avez écrit M. Allard est véridique.
EffacerLe gouvernement canadien a essayé et réussi à submerger les Métis, les autochtones de l'Ouest et les francophones sous une mer d'immigrants.
De plus, il continu de le faire même aujourd'hui, au Québec.
***
" à la fin du 19e siècle, le nombre d'immigrants admis annuellement au Canada a oscillé entre 6 300 et 133 000. Des nombres record d'immigrants ont ensuite été enregistrés au début du 20e siècle au moment où le Canada encourageait fortement la colonisation de l'Ouest canadien. Le nombre le plus élevé d'immigrants au Canada a d'ailleurs été enregistré en 1913, année où plus de 400 000 personnes sont arrivées au pays."
Source : https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-630-x/11-630-x2016006-fra.htm
Aujourd'hui c'est quoi les résultats...rien de bons comme terre platte pour un francophone.
EffacerJ’ai rêvé cette nuit que je criais toute mon exaspération à mes confrères québécois en leur rappelant toutes les raisons pour lesquelles nous devons accéder à l’indépendance et en me levant ce matin...je tombe sur votre texte! Ça résume pas mal mon rêve!
RépondreEffacerJe dois avouer que ce texte fait réfléchir. Songeons à ce qu'aurait pu devenir ce Québec si la peur de la pensée des autres ne rongeait pas nos âmes. Tout au long de notre histoire, ce gouvernement centraliste d'Ottawa a tout fait pour nous mettre des bâtons dans les roues. Dernièrement les révélations conçernant l,Aéroport de Mirabel et sa mise en place imposée par Ottawa confirme tous vos dires. Nous devions être écrasés coûte que coûte. Je suis franco de Mtl ayant fait une grande partie de mes études en anglais mais suis entièrement d'accord avec votre commentaire. Nous sommes ici chez nous et n'avons pas à nous en excuser. L'on tente à tout prix de nous noyer sous le fameux multiculturalisme canadien et ces avantages.....cela ne fonctionne pas ici chez nous. Bravo à vous
RépondreEffacerBonjour. Merci pour ce texte. Je persiste à le dire depuis un certain temps, malgré les médias qui n'insistent que sur le racisme systémique à l'endroit des autochtones, qu'il y a un autre racisme systémique au Canada et c'est celui contre les Canadiens-Français, i.e. contre les Québécois. Personne ne voudra le dire officiellement, mais c'est un fait historique, documenté et appuyé par une série de preuves historiques dont des lois votées par des parlements du Canada anglais. Continuons le combat pour le faire reconnaître!
RépondreEffacerMerci beaucoup pour ce rappel! Essentiel, il se doit d'être diffusé dans le plus de journaux possible et pourquoi pas usque ad mare!!!
RépondreEffacerMerci M. Allard.
RépondreEffacerVous décrivez parfaitement ce que nous ressentons.
Et ça fait du bien.
Croyez-vous qu’il est trop tard pour nous ?
Petite précision à propos des la Déportation des Acadiens: "Quelque 4.8 millions de Québécois ont un ou plusieurs ancêtres acadiens dans leur arbre généalogique (Étude UQAM)".
RépondreEffacerhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Acadiens_au_Qu%C3%A9bec#
Au retour de la belle saison, vous voulez faire "un tour de char" un beau dimanche ensoleillé:
http://acadiensduquebec.org/monuments.php
Depuis la Conquête, la monarchie anglaise, avec la complicité de l’Église catholique, a dévié le sens de l’histoire en faisant des Québécois de bons moutons Pure Laine intégrée au modèle social Sucre blanc. Toutefois, il serait plus approprié d’attribuer aux Québécois le terme Pur Sirop, étant donné la place de l’érable dans leur histoire qui reflète l’esprit de bienveillance hérité des autochtones. Le modèle social Sucre d’érable est plus coopératif, plus équitable, plus en harmonie avec son environnement. Merci de me suivre sur : https://pursirop.net/
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