samedi 10 septembre 2022

Elizabeth Windsor et nous...



Depuis mon adolescence, je suis anti-monarchiste. Au début, je l'étais principalement à cause des injustices perpétrées contre les Canadiens français par la Couronne britannique, ou en son nom, depuis la conquête de 1760... et même avant avec la déportation génocidaire des Acadiens en 1755.

C'est un motif qui se défend bien, mais ce n'est pas le meilleur. Après plus de sept décennies sur cette terre nord-américaine, mes convictions ne se sont pas ramollies. De fait, elles se sont raffermies.

Le socle sur lequel je bâtis toutes mes opinions, toutes mes causes, c'est l'égalité de tous les humains. Hommes et femmes. Blancs, Noirs et toutes les teintes entre les uns et les autres. Jeunes, adultes, vieux. Or, cette égalité est impossible quand on nous fait «sujets» d'un monarque. Je ne suis sujet de personne. Mes relations avec les autres humains sont fondées sur l'égalité absolue. Intraitable.

L'idée même d'un monarque qui règne sur des sujets doit être rejetée au nom de l'égalité entre humains. Les seuls régimes acceptables dans une humanité qui respecte le droit à l'égalité sont ceux où les dirigeants émanent du peuple souverain, de citoyens égaux en droit et en réalité qui choisissent démocratiquement leur gouvernement.

J'ai toujours appelé la reine de Grande-Bretagne Mme Elizabeth Windsor, et son époux Monsieur Phillip Mountbatten. Pas de «votre altesse», de courbettes, de génuflexions et autres paroles et gestes de reconnaissance de l'infériorité des sujets et de la supériorité des monarques. Si je rencontrais Charles III, je saluerais Monsieur Charles Mountbatten-Windsor.

Mais il n'y a pas que l'égalité qui soit piétinée par le concept de monarchie. Il y a aussi la laïcité, la neutralité de l'État. Depuis que j'étudie l'histoire d'ici, des vieux pays et d'ailleurs au monde, l'intrusion des religions dans les affaires des États a toujours été source de violence, d'injustice... parfois même des pires horreurs. Or les monarques, le plus souvent, disent régner de droit divin...

On voudrait nous faire croire que Dieu (s'il existe) n'a pas créé les humains égaux. Qu'il (elle?) a personnellement ou à travers ses Églises accordé à des humains le droit de régner sur d'autres, d'en faire des sujets. Si un Dieu tout-puissant existe, je m'inclinerai volontiers devant lui (elle). Mais pas devant un humain. Jamais.

Or, non seulement les souverains britanniques transmettent-ils la Couronne à leurs descendants, de droit divin, mais ils sont également chefs suprêmes de l'Église anglicane. La Constitution canadienne reconnaît la supériorité de Dieu, ainsi que notre sujétion à la Couronne qui se réclame de Dieu. J'ai beau trouver bien triste la mort de Mme Windsor, elle était au sommet de cette pyramide d'injustice.

Paul Saint-Pierre Plamondon a été critiqué pour avoir affirmé qu'on n'aurait pas dû mettre les drapeaux québécois en berne. Je ne suis pas sûr de partager son point de vue, mais ne comptez pas sur moi pour le critiquer ou le blâmer. Les distinctions entre l'humain et l'institution qu'il (elle) incarne deviennent floues en période de deuil, et l'émotion l'emporte souvent sur les froids raisonnements.

Mais le chef du PQ a tout à fait raison de rappeler la tentative de génocide contre les Acadiens et les violences injustifiables contre les Patriotes, entre autres, pour condamner la monarchie. Et je crois que son point de vue est partagé par bien des gens au Québec. La majorité? On n'a pas vu beaucoup de francophones d'ici, ces derniers jours, pleurer la mort de «leur» reine.

La télé de Radio-Canada a beau habiller ses chefs d'antenne et journalistes en noir ou en sombre et faire semblant que le territoire français de ce pays est en deuil, ça ne passe pas. Les Québécois peuvent ressentir de l'affection, et certainement du respect pour Mme Windsor, ils n'ont pas et n'auront jamais l'attachement des Anglo-Canadiens d'origine britannique aux institutions monarchiques.

Pour ma part, je dois avouer que j'aimais bien Elizabeth Windsor, comme personne, et sa mort m'attriste. Elle occupera une place de choix dans l'histoire du Royaume-Uni. Mais la Couronne qu'elle a portée et que son fils porte maintenant est fondée sur l'inégalité des humains, met la religion au-dessus de l'État et rappelle encore toutes les injustices et persécutions contre les francophones d'ici.

Selon les données les plus récentes que j'ai vues (sondage Léger du 10 septembre 2022 - voir bit.ly/3RDunuW), à peine 15% des Québécois demeurent favorables à la monarchie. Moins que ça chez les seuls francophones. Avez-vous vu ça dans les reportages à la télé et dans les journaux? Pas vraiment...


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