Mardi 12 juillet 2022
Comme dans toutes les régions du Québec, les noms des municipalités témoignent d'un passé où la religion catholique régnait en roi et maître sur nos vies. Plus souvent qu'autrement, il ne reste aujourd'hui que les appellations et les monuments qui attestent d'une existence passée. On n'a pas laïcisé tous les noms des villes et villages, ou transformé toutes les églises en bars laitiers, mais il est clair que le vernis religieux d'antan s'effrite. Vite.
Et en cette seconde journée pluvieuse d'affilée, alors qu'une tournée des Jardins Scullion aurait pu être au menu (on irait quelques jours plus tard), nous avons contourné le Lac Saint-Jean par le nord, passant par Saint-Coeur-de-Marie, L'Ascension-de-Notre-Seigneur (!!), Sainte-Monique et Sainte-Jeanne-d'Arc pour enfin atteindre la célèbre chocolaterie des Pères Trappistes à Dolbeau-Mistassini, exploitée par des moines de l'abbaye cistercienne depuis 1944.
Une visite de l'endroit est plus qu'instructive. Non seulement on apprend tout, ou presque tout, sur la fabrication du chocolat, mais on peut y goûter et, bien sûr, en acheter. Ce qu'on a fait. Ce qu'on ne voit plus, cependant, ce sont des moines trappistes. Alors que jadis, le monastère de l'endroit comptait une soixantaine de prêtres cisterciens, il n'en reste aujourd'hui qu'une dizaine et tous sauf un sont très âgés. D'ailleurs, trois jours après notre retour du Saguenay-La-Saint-Jean, les médias ont annoncé que les Trappistes avaient mis leur propriété de 1400 hectares à vendre (sauf la chocolaterie), signalant la fin officielle d'une époque.
En regardant la très belle abbaye de Notre-Dame-de-Mistassini, à quelques pas de la chocolaterie, et en songeant à son mode de vie en voie d'extinction, je n'ai pu m'empêcher de penser à mon ancienne paroisse d'Ottawa, Saint-François d'Assise, où, durant les années 1950, un monastère capucin adjacent à la grande église comptait plusieurs dizaines de prêtres et novices. Je garde encore en mémoire la vue d'une vingtaine ou d'une trentaine de Capucins en soutane brune, avec tonsure et corde autour de la taille, prenant ensemble leur repas dans le grand réfectoire... Aujourd'hui, il ne reste plus rien. Seulement l'église, le plus souvent vide...
Qu'arrivera-t-il à l'abbaye, à l'église, aux bâtiments? Fera-t-on comme chez nous, à Gatineau, où la cathédrale Saint-Jean-Marie-Vianney et l'ancienne cathédrale de Hull sont devenues des résidences pour personnes âgées? Que fera-t-on de la belle statue de Notre-Dame de Mistassini si le lieu est transformé en exploitation hôtelière? Loin de moi de vouloir revenir aux anciens intégrismes religieux que j'ai connus à l'enfance, mais dans notre hâte d'y mettre fin, nous avons tout largué sans discrimination. Et en ce 12 juillet, j'ai eu, avant qu'il ne soit trop tard, la chance de scruter les portes de cette église, les fenêtres du grand monastère, en essayant de m'imaginer tout ce qui s'y était vécu depuis l'arrivée des Trappistes en 1892. Ne restera que le chocolat.
Dans notre périple sous la pluie, nous sommes malheureusement passés en coup de vent dans la ville fusionnée de Dolbeau-Mistassini, reconnue comme la capitale mondiale du bleuet sauvage. Ce sera, je l'espère, pour une prochaine fois. Sur le chemin du retour, toutefois, la petite municipalité de Sainte-Jeanne-d'Arc avait retenu notre attention pour son pont couvert, remontant à 1936, et son vieux moulin à scie, construit en 1902. Le pont couvert de couleur rouge est certes attrayant mais petit, et après l'avoir vu (et pris une photo), on reprend son chemin jusqu'au centre de la municipalité où se dressent les installations de l'ancien moulin, beaucoup plus intéressantes et offrant une vue saisissante des chutes de la petite rivière Péribonka.
Le moulin était fermé aux visiteurs quand nous y sommes allés, mais il y a suffisamment de quoi à voir pour y passer du temps. Encore une fois, on constate l'importance que les Saguenéens et Jeannois accordent à la conservation du patrimoine. Une affiche rend hommage aux trois propriétaires du moulin, entre 1902 et 1973, date où l'exploitation a cessé ses activités. Des l'année suivante, en 1974, la municipalité a fait l'acquisition des lieux en vue d'en faire une attraction touristique. Le moulin conserve son apparence originale, avec son extérieur en bois et de vieux équipements toujours visibles, à l'extérieur comme en-dedans. Quant aux chutes qui avaient permis l'électrification du village dès le début du 20e siècle, elles sont toujours spectaculaires.
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(parenthèse tardive)
Située au nord de Saint-Coeur-de-Marie, L'Ascension de Notre-Seigneur compte parmi les plus originaux des noms religieux de municipalité au Québec. En ce qui me concerne du moins. Selon ce que j'ai pu trouver, la paroisse a été mise sous le patronage de Notre-Seigneur parce qu’elle a été fondée en l’octave de l’Ascension, le 8 juin 1916. Et le texte ajoute que «l'église est construite sur une élévation qui justifie bien le nom de la paroisse». Quant à Saint-Coeur-de-Marie, c'était le nom de la première église de l'endroit, qu'on a aussi appelé en autochtone Mistook. L'église a donné son nom à la paroisse, puis à la municipalité qui aujourd'hui est annexée à Alma.
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Parlant de Saint-Coeur-de-Marie, nous y sommes arrêtés en revenant vers Dam-en-Terre, attirés par un établissement appelé «La Boustifaille». Un autre de ces endroits où le mélange des genres (casse-croûte, pâtisserie, bar laitier, souvenirs, etc.) crée une identité originale qui met l'eau à la bouche des résidents et aussi, bien sûr, des touristes comme nous. C'est la tourtière qui nous mettait plus en appétit. Pas une tourtière de l'Outaouais (qu'on appellerait au Lac Saint-Jean «pâté à la viande») mais une authentique tourtière (qu'on appellerait en Outaouais tourtière du Lac Saint-Jean). Nous en avons acheté deux et les avons dégustées, jusqu'à la dernière croûte de pâte. Si ce n'était pas à 678 km de distance de chez moi, à Gatineau, j'y retournerais vite!
Enfin, pour une journée maussade, nous avons fait une excellente randonnée!
Demain: en croisière sur le fjord du Saguenay.
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