mardi 6 février 2018

L'effet long terme d'un «CISSSO bashing»...


Quand le journalisme fait partie de votre ADN, certains comportements deviennent des automatismes... par exemple, effectuer une recherche aussi complète que possible, s'assurer de la légitimité des sources d'information, présenter les faits de façon intègre, proposer des opinions réfléchies, respecter ceux qui ne partagent pas le même point de vue, suivre les règles d'éthique, etc.

Alors ce que je m'apprête à écrire me rend mal à l'aise, parce qu'une fouille exhaustive du sujet est presque impossible pour un seul individu, surtout quand la source principale (mon quotidien, Le Droit, en l'occurrence) m'oblige à payer, au-delà de l'abonnement, une somme appréciable pour avoir accès à son outil de recherche sur le site Web du journal...

Alors j'y vais d'impressions que peut conserver un ancien employé et fidèle lecteur du Droit depuis près de 50 ans... J'avoue au départ que je pourrais bien me tromper, en partie du moins, mais parfois, quand la coupe déborde, il faut lancer sur la place publique les questions qui s'imposent...

Allons, le vif du sujet! En ce début de 2018, après les cinq ou six dernières d'une litanie inépuisable de textes et manchettes sur les problèmes et horreurs dans le réseau de santé à Gatineau, et notamment aux multiples établissements régis par le CISSSO (Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Outaouais), je me suis dit que je devais en avoir le coeur net. Commence-t-il à se forger une tradition de «CISSSO bashing» dans la région et Le Droit s'en fait-il involontairement complice?

Bien sûr, l'Outaouais subit des irritants mineurs et majeurs communs à la plupart des régions du Québec - pénurie de personnel, délais de chirurgie, longues attentes et ainsi de suite. Mais en règle générale, les soins dispensés sont excellents et les soignants sont aussi dévoués que compétents. Les nombreux témoignages publiés dans la rubrique de l'opinion des lecteurs et les avis de décès en témoignent abondamment.

Évidemment c'est l'avion qui s'écrase qui fera la une et non les 9999 autres qui arrivent tranquillement à destination, mais tout de même... L'abonné du Droit qui apprend la mort de 200 passagers d'un transporteur aérien sait fort bien qu'il s'agit d'une exception et cela ne l'empêchera pas de croire en la sécurité du vol qu'il prendra vers les tropiques pour échapper à la froidure...

Quand on lit cependant, sur une base régulière, année après année, au sujet de décès suspects aux hôpitaux de Hull et Gatineau, de «crise majeure» au bloc opératoire, d'infections et de grippes mortelles, d'employés épuisés ou insatisfaits des conditions de travail, et bien plus, ne vient-on pas à croire que le système de santé québécois, et particulièrement celui de l'Outaouais, est pourri?

Ajoutez à ce portrait que nous vivons en région frontalière (avec l'Ontario), que Le Droit ne rapporte pas, ou si peu, de situations semblables dans les hôpitaux et institutions de santé de la rive ontarienne, et vous renforcerez cette première conclusion, avec le sous-entendu qu'en Ontario, les choses vont sans doute beaucoup mieux qu'au Québec... Et c'est là que j'ai des réserves - de fortes réserves - envers la couverture du Droit.

Loin de moi de vouloir censurer les nouvelles d'intérêt public émanant d'une recherche de journalistes ou, probablement souvent, de fuites orchestrées de l'intérieur par des employés de toutes catégories. Non, la question c'est plutôt de savoir si tous ces vices de notre régime de soins de santé se manifestent aussi sur la rive ontarienne, soit à l'hôpital Montfort, soit aux trois campus du méga-hôpital d'Ottawa, soit au Centre hospitalier pour enfants de l'Est ontarien...

Peut-être ont-ils effectivement une meilleure moyenne au bâton que les hôpitaux de Hull, Gatineau et Buckingham, peut-être pas... On ne le sait pas, l'attention du Droit étant presque entièrement fixée sur les centres hospitaliers et autres établissements de santé outaouais. Ne pas s'informer, ou très peu s'informer des performances à Ottawa accrédite, à long terme, l'idée trop répandue que l'Ontario offre de meilleurs soins de santé que les nôtres.

Je sais que la salle des nouvelles du Droit manque de personnel, et qu'avec 75% de son lectorat au Québec, les plus gros efforts y seront investis. Mais le quotidien, qui a toujours pignon sur rue à Ottawa, a un riche passé (et présent) franco-ontarien. Encore cette semaine, le PDG du Droit, Pierre-Paul Noreau, se présentait en public comme patron d'un journal «de communauté de langue officielle en situation minoritaire» (c'est-à-dire hors-Québec). Alors...

Je suis convaincu que les hôpitaux d'Ottawa doivent avoir leur bonne part d'histoires d'horreur, sans compter l'angle des services en français, souvent déficients sauf à Montfort... Mais ils ne sont pas suivis, je dirais presque harcelés, comme le CISSSO. Montfort, en particulier, est auréolé d'une sainteté presque constitutionnelle depuis une vingtaine d'années. Quant à l'Hôpital d'Ottawa, n'y aurait-il pas des nouvelles intéressantes résultant de ses 50 000 hospitalisations et des 172 000 visites annuelles à l'urgence? Qu'en est-il des délais d'attente, des retards en chirurgie, des pénuries de personnel?

Si ça va tellement mieux en Ontario,  je veux le savoir, pas juste en avoir l'impression. Cela nous donnera des munitions additionnelles pour attaquer le régime Barrette et soutenir les efforts quasi héroïques du personnel soignant. Mais si Ottawa a sa bonne part de problèmes et d'irritants, je veux aussi le savoir, d'abord pour rendre service aux lecteurs franco-ontariens, mais également pour dissiper la mentalité incrustée du paradis ontarien et du purgatoire québécois...

Voilà... C'est ce que j'avais à dire... Je ne désire nullement blâmer les journalistes, qui méritent (et non «se» méritent) des médailles d'héroïsme tout autant que les infirmières, médecins, préposés et autres employés de nos établissements de santé... Je crois cependant que Le Droit devrait s'interroger sur l'effet long terme d'un «bashing» trop fréquent des soins de santé dans une seule région, l'Outaouais, qui souffre déjà d'un complexe d'infériorité (le terme le plus poli que j'ai pu trouver)...

Sans rancune...




1 commentaire:

  1. Bonjour,

    Je n'ai aucune expérience en journalisme, mais par contre, ayant été enquêteur aux fraudes durant près de 10 ans et ayant eu une très bonne performance au niveau des résultats à la cours ou à la Commission des Affaires Sociales, je crois être en mesure de dire que mon travail pouvait s'apparenter, dans une certaine mesure, à du journalisme d'enquête.

    Les membres de ma famille franco-ontarienne, vivants dans les petits villages près d'Ottawa, et par le fait même, étaient des clients de l'Hôpital Montfort puisqu'ils ne parlaient que le français.

    J'ai été témoin, en visitant ma famille au Nursing Home de Bourget, que la très grande majorité du personnel était unilingue anglais et que ma famille était unilingue français, ce qui rendait les relations TRÈS difficiles pour des gens en fin de vie.

    Aujourd'hui, ce pourrait très être intéressant de comparer la qualité des soins en Ontario vs au Québec et même, de la qualité des soins donnés à des anglophones vs des francophones. Les résultats pourraient être surprenants.

    Je me pose également beaucoup de questions face à la concentration des médias écrits et télévisuels. Sur la liberté de presse des journalistes d'aujourd'hui. Entre autres, Chantal Hébert et Patrick Lagacé.

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