lundi 5 novembre 2018

2,7 millions de francophones hors Québec, près de 4 millions d'anglophones au Québec? Ben voyons...

Photo La Presse

«Comment réagiriez-vous si les organismes anglo-québécois, à l'appui de leurs demandes, affirmaient que le Québec comptait près de 4 000 000 d'anglophones sur une population de 8 000 000, soit 49% de la population?» 

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La controverse entourant les propos de Denise Bombardier sur la soi-disant agonie de la francophonie hors Québec a donné lieu à des guerres de chiffres fantaisistes qu'aucun journaliste ne semble avoir pris le temps de scruter et de démêler en s'appuyant sur les données incontestables du recensement fédéral de 2016.

Pour fouiller les recensements en ligne correctement, il faut passer d'un tableau à l'autre, plume ou ordi à la main, puis retranscrire les colonnes de chiffres sur les langues officielles, sur la langue maternelle, ainsi que la langue d'usage (langue la plus souvent parlée à la maison). On fait des additions, des soustractions, des divisions, des pourcentages et voilà! on a devant soi un portrait plus clair d'une forêt auparavant obscurcie par un excès d'arbres...

Ce qui me chicote le plus dans toute cette affaire, c'est ce chiffre de 2,7 millions de francophones hors Québec que brandissent des organismes et des personnes qui devraient savoir mieux ou qui devraient avoir été mieux informés, y compris la Fédération des communautés francophones et acadienne, Dany Turcotte de Tout le monde en parle et ces journalistes qui retransmettent ce total sans se donner la peine d'en faire connaître la portée.

Alors mettons les points sur les «i» et cessons d'affirmer des faussetés dans un débat qui, plus que bien d'autres, mérite qu'on dépeigne les collectivités en cause avec une précision chirurgicale. Commençons par le commencement: il n'y a pas 2,7 millions de francophones hors Québec! Il n'y en a jamais eu, et il n'y en aura jamais si, comme dirait Bernard Derome, la tendance continue...

Si l'on avait lancé que 2,7 millions de Canadiens hors Québec ont une connaissance adéquate de la langue française, ce serait déjà mieux. Ce 2,7 millions est formé de deux catégories de répondants dans la rubrique «connaissance des langues officielles» du recensement: ceux qui connaissent le français seulement (112 045) et ceux qui disent connaître l'anglais et le français (2 629 655). Cela donne un total de 2 741 700 personnes pouvant s'exprimer en français dans les neuf provinces et trois territoires où les francophones sont minoritaires.

Le hic, c'est que ces 2,7 millions ne sont pas tous francophones. Loin, loin de là. L'immense majorité sont des anglophones qui ont appris le français, mais qui restent tout de même des anglophones. L'anglais est leur langue maternelle, leur principale langue d'usage. Leur utilisation du français, pour la plupart, est probablement marginale. Compter ces gens-là comme francophones n'a aucun sens. Pour un journaliste professionnel, c'est même une faute grave.

Le mot «francophone» doit avoir un sens. Ce peut être la langue maternelle, la langue à laquelle on s'identifie, la langue qu'on utilise le plus souvent dans la vie. Et le recensement 2016 nous renseigne là-dessus. Il y a, hors Québec, 947 045 personnes ayant coché la case «français» comme langue maternelle, ou encore 568 145 qui affirment parler le français le plus souvent à la maison. C'est ça, essentiellement, la francophonie hors Québec: près d'un million d'habitants ayant le français comme langue maternelle, ou moins de 600 000 avec le français comme langue d'usage.

Ce déficit entre la langue maternelle (947 045) et la langue d'usage (568 145) constitue un bon indicateur du taux d'anglicisation des minorités canadiennes-françaises et acadiennes au Canada. Un peu moins de 60% des personnes de langue maternelle française utilisent principalement le français au foyer... C'est plus de 40% des effectifs francophones en voie d'assimilation, un 40% dont l'essentiel de la prochaine génération comptera un nombre fortement accru d'unilingues anglais.

Comment réagiriez-vous si les organismes anglo-québécois, à l'appui de leurs demandes, affirmaient que le Québec comptait près de 4 000 000 d'anglophones sur une population de 8 000 000, soit 49% de la population? Pourtant on arrive à ce total en utilisant la méthode utilisée ci-haut pour gonfler les effectifs de la francophonie hors Québec à 2,7 millions. Il y a au Québec, dans la rubrique langues officielles du recensement 2016, 372 445 unilingues anglophones et 3 586 855 personnes connaissant l'anglais et le français. Évidemment une majorité appréciable du 3 millions et demie de bilingues sont des francophones qui connaissent aussi l'anglais. Va-t-on pour autant les compter comme des anglophones? Bien sûr que non!

Ce n'est pourtant pas difficile à comprendre, non? En tout cas, les politiciens, les journalistes, les dirigeants d'organismes francophones et anglophones, ainsi que les chercheurs qui alimentent les animateurs d'émissions comme TLMEP, n'ont pas d'excuses. S'ils peuvent commettre une aussi grosse faute sans cligner de l'oeil, je m'inquiète...



2 commentaires:

  1. Les mercenaires sont devenus des manipulateurs de chiffres pour mieux endormir l'ennemi à abattre......... NOUS.

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  2. Le seul véritable indicateur est disponible à l'ARC; Combien de rapports d'impôts produits en français?
    Disons que lorsque j'ai posé la question il y a plus de 25 ans, les réponses étaient merveilleuses et se résumait à: Pas disponible

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