mardi 26 août 2025

Un prix Robertine-Barry?



Suis-je fier de ma profession? Oui, quand je vois tous les jours des journalistes risquer leur vie pour faire leur boulot ou croupir dans des prisons par centaines, victimes de répression d'un bout à l'autre de la planète. Non, quand j'assiste au triste spectacle de pantouflards dormant au gaz depuis des décennies pendant que la presse québécoise dépérit et, désormais, agonise sous nos yeux.

Au cours des dix dernières années, le Québec a perdu pas moins de sept quotidiens imprimés (sur un total de 10). Six de leurs successeurs numériques ont rendu l'âme. Ne reste qu'un quotidien tout-numérique, La Presse et, côté papier, les deux Québécor ainsi que Le Devoir qui semble s'acharner à saboter son édition imprimée depuis quelques années au profit du contenu numérique, plus complet.

Cette catastrophe médiatique a-t-elle au moins suscité quelques débats d'urgence au sein d'instances syndicales ou aux divers congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec? Non! Aucune levée de boucliers pour défendre des acquis durement arrachés, à peine quelques mentions, peu de regrets. Demandez à des bonzes de la profession s'ils savent à quelle date précise les six journaux coopératifs de CN2i (ex-Gesca, ex-Capitales Médias) ont cessé de publier leur édition quotidienne numérique. La plupart l'ignorent sans doute...

Si je garroche ici mes frustrations devant le sort de notre presse écrite et la trop grande indifférence de ma profession, c'est que je viens de lire le Tome 1 du livre Elles ont fait l'Amérique de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque. Le dernier chapitre porte sur Robertine Barry, la première femme journaliste de l'histoire du Québec. Elle avait enfreint toutes les règles religieuses et sociétales de l'époque (1891) pour exercer avec brio un métier jusque là réservé aux hommes et qui, par surcroit, était plutôt mal vu au sein de la population. 

Embauché au journal La Patrie, elle signa pendant plus de dix ans une chronique à la une sous le pseudonyme Françoise. Mme Barry y fit la promotion des droits des femmes, réclama des refuges pour filles-mères, dénonça les enfants en haillons obligés de travailler à l'usine, se soucia de la piètre qualité de l'eau propagatrice de maladies, protesta contre l'état chaotique des rues de Montréal et s'attaqua à toutes formes d'injustices. 

En 1902, elle fonda Le journal de Françoise sous la maxime Dire vrai et faire bien. Cette revue «devint aussitôt le haut lieu des esprits modernes et progressistes du temps», écrivent Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque. Au grand dam des autorités religieuses, sa renommée a largement franchi les frontières du Québec et de l'Amérique. Battante jusqu'au bout, elle plaida en faveur de l'éducation laique au Québec dans une ultime conférence devant la Fédération nationale Saint-Jean Baptiste. Elle devait mourir quelques mois plus tard, au début de 1910, d'un AVC.

Mais la célébrité dans la vie n'est pas garante d'une place dans l'histoire ou même au sein de sa profession. Robertine Barry fut vite oubliée, et au moment de la publication du livre de M. Bouchard et Mme Lévesque en 2011, sa tombe au cimetière Côte-des-Neiges, à Montréal, est couverte de mauvaises herbes, sans monument, sans inscription. Mon ex-quotidien, Le Droit, a subi le même sort, comme les cinq autres ex-membres de la coopérative CN2i (Le Soleil, La Tribune, Le Nouvelliste, Le Quotidien du Saguenay, La Voix de l'Est)... Morts dans l'indifférence, sans pierre tombale, sur le chemin de l'oubli, réduits à de grands babillards dans la jungle de l'Internet.

En 2021, enfin, le gouvernement québécois a reconnu en Mme Barry un «personnage historique». Ne serait-il pas temps de ressusciter pour de bon la mémoire de cette pionnière, d'une battante comme Robertine Barry, en créant un prix portant son nom, dont le mandat serait à définir mais qui aurait pour but d'encourager des projets ou des études visant à chauffer les braises d'un véritable combat pour sauver le journalisme et les médias d'information au Québec? Une étincelle opportune dans cette nuit sans fin de mauvaises nouvelles...


jeudi 7 août 2025

Je suis déçu...



Deux jours après l'élection québécoise du 3 octobre 2022, je voyais l'avenir avec un certain optimisme même si le PQ n'avait raflé que trois sièges. J'écrivais entre autres ce qui suit:

«Le Parti québécois a enfin un chef qui a su rallier les troupes autour de l'objectif clé: un Québec français et indépendant. Au début de la campagne électorale, les sondages donnaient moins de 10% des intentions au vaisseau amiral de la souveraineté. Sous l'habile direction de Paul St-Pierre Plamondon, la cote du PQ a grimpé à près de 15% le soir des élections. Les images de cercueils péquistes dans les caricatures médiatiques ont été rangées, mais on ne prendra pas le pouvoir à 15%, ni même à 20 ou 25%.

«D'ici le scrutin de 2026, il, faudra tripler les résultats de 2022. et cela ne se fera pas en quelques mois de campagne électorale. Ceux qui diront que je rêve en couleurs auront parfaitement raison. Mais comme le disait Pierre Falardeau, on va toujours trop loin pour ceux qui ne vont nulle part. Un vote à la fois. Un jour à la fois. Tous les jours, à compter de maintenant. Nous n'avons pas le choix. Si nous n'avons rien fait d'ici 4 ans, notre aventure de 400 ans prendra fin.»

Depuis lors, le Parti québécois s'est hissé en première place des intentions de vote. La formation de Paul St-Pierre Plamondon a remporté haut-la-main deux partielles, dans Jean-Talon (Québec) et Terrebonne. Les sondages démontrent un regain de l'appui à l'indépendance chez les jeunes. Si une élection générale avait lieu aujourd'hui, il y a fort à parier qu'un gouvernement majoritaire péquiste succéderait à la CAQ.

Nous voici donc à quelques jours de la partielle d'Arthabaska-L'érable, un maillon essentiel dans cet ultime cheminement vers la souveraineté. La nation québécoise de langue française titube au bord de l'abime. La majorité francophone de notre seule métropole est menacée. Le temps joue contre nous dans un contexte de croissance accélérée du nombre d'anglophones et d'anglicisés dans plusieurs régions. Il n'y a plus de détours possibles. Ou nous filons droit au but sans trébucher, ou c'est la «louisianisation» à moyen terme...

Or, en lisant un texte d'un journal de Victoriaville (La Nouvelle Union), j'apprends de la bouche même du candidat du PQ, Alex Boissonneault, que la souveraineté n'est «pas l'enjeu de la présente élection partielle». Voyez la capture d'écran, tirée d'un article du journaliste Claude Thibodeau dans l'édition du 7 août 2025: 

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Je n'en reviens pas! Après une remontée spectaculaire d'un PQ résolument indépendantiste depuis 2022, on met le pays sur une tablette dans l'espoir de grignoter quelques votes à une élection partielle? Je resterai péquiste jusqu'à mon dernier souffle, peu importe les désaccords qui peuvent survenir de temps à autre. Mais qu'on me permette de dire tout haut: je suis déçu!