Passons pour le moment sur les délais d'attente, constamment parmi les pires du Québec, pour parler de ces deux grands écrans qui ne présentent en boucle que des vidéos de pitreries insignifiantes (répétées ad nauseam), quelques actualités en bref et des hommages (répétés ad nauseam) aux plus importants donateurs à la Fondation de l'hôpital...
Cette miteuse mixture visuelle (il n'y a pas de bande sonore) ne fait qu'ajouter à la souffrance des personnes malades ou amochées qui, une fois passées par l'étape du triage, doivent essayer de trouver la position la moins inconfortable possible en attendant... attendant... attendant qu'une voix parfois à peine compréhensible annonce qu'un médecin les verra... enfin!
photo archives Radio-Canada
J'ai passé une nuit (de minuit 30 à 4 h) et une soirée (de 20 h à 23 h 30), en accompagnement d'un proche qui avait grandement besoin de soins. Pendant ces deux périodes, la voix à peine compréhensible n'a appelé personne - absolument personne - pour l'inviter à une salle de soins. Quand j'ai quitté, les personnes présentes à mon arrivée étaient toujours là...
D'aucuns se plaignaient, d'autre vomissaient, quelques-uns essayaient de dormir en s'étendant sur une largeur de trois fauteuils... Il faisait froid dans la salle, et certains sont allés quêter des couvertures pour se réchauffer un peu... J'ai tenté d'obtenir un oreiller et le préposé m'a répondu sur un ton qui n'invitait pas la réplique qu'aucun oreiller n'était disponible pour la salle d'attente... qu'il n'y en avait même pas suffisamment pour les lits à l'urgence...
Notre attente pour le triage à la seconde visite fut de plus de 30 minutes... assez longtemps pour vous savez quoi si la situation est critique... Car il faut savoir que le personnel de soins oeuvre derrière des portes closes, à l'abri du spectacle de la salle voisine où la plèbe fait le pied de grue... Le seul kiosque accessible est celui de l'inscription et le responsable vous fait savoir clairement qu'on ne peut espérer obtenir d'information là... Adressez-vous au triage...
Une personne qui entre seule et qui s'effondre sans avoir le temps de prendre son numéro restera là... par terre... sans que les infirmières au triage, les urgentologues ou le préposé à l'inscription puissent la voir... J'espère qu'un jour, celui ou celle qui a conçu cette horreur aura à s'y rendre et qu'il ou elle aura à goûter à la médecine du peuple...
J'ai la plus grande admiration pour le personnel qui travaille dans cette zone de combat quotidienne. Infirmières, préposés, et médecins y font un boulot exceptionnel. Les soins dispensés sont de très haute qualité. Le problème, c'est d'y parvenir dans des délais raisonnables. Les urgences les plus urgentes passent immédiatement ou très rapidement après le triage... On ne dandine pas avec une possibilité de crise cardiaque...
Quant aux autres, ces cas qui ont tout à fait raison de s'adresser à l'urgence mais qui n'auront pas besoin de l'extrême-onction, ils risquent de poireauter longtemps. Trop longtemps. Parce que leurs souffrances sont moindres, ils feront des plaies de fauteuil en attendant l'heureux moment où la voix à peine compréhensible les dirigera vers une salle de soins...
Pourquoi doivent-ils subir des retards de six, huit, dix heures ou pire? Parce qu'il n'y a pas suffisamment de médecins. Ça m'apparaît aussi simple que cela... Quand on admet un patient en milieu de soirée, qu'on fait un diagnostic préliminaire, qu'on analyse les prélèvements (sang, urine), un médecin (eut-il, eut-elle été disponible) aurait pu entamer les traitements assez rapidement. Mais quand il faut un autre sept ou huit heures avant qu'un précieux «docteur» puisse le voir...
Une urgence, c'est une urgence. Il y arrive aussi des ambulances et des situations critiques. Si elles arrivent en rafale et qu'il n'y a que deux médecins, ceux et celles qui patientent devant les pitreries insignifiantes des deux écrans de la salle d'attente regardent l'heure de plus en plus impatiemment, sans même pouvoir utiliser leurs tablettes (qui pourraient divertir) en l'absence de wi-fi public...
Un ou deux médecins ne suffisent pas... Il en faudrait quatre, cinq, six... enfin un nombre suffisant pour assurer même à ceux qui ont des souffrances moins urgentes un traitement dans un délai maximal de quelques heures. Le budget de l'hôpital le permet-il? Les médecins refusent-ils? Est-ce une question d'argent ou de disponibilité? Je m'en fiche républicainement...
À quoi cela sert-il de construire une urgence à la fine pointe quand on manque de médecins pour assurer le service à ceux et celles qui en ont besoin? Il n'y a pas assez d'argent au budget? Trouvez-en. On a déjà trop coupé. Des médecins ne veulent pas? Forcez les récalcitrants... Leurs collègues en devoir sont débordés et ont besoin de leur aide! De plus, on les paie avec l'argent du trésor public...
Et tant qu'à y être, organisons-nous pour présenter des images et vidéos intelligentes aux deux grands écrans. Ajoutons quelques chaises longues pour ceux qui doivent s'étendre, avec un stock de couvertures et d'oreillers. Et pourquoi pas, en plus d'un réseau wi-fi accessible à tous et toutes, un petit écran avec écouteurs à chaque fauteuil avec une sélection de chaînes de télé et de musique?
On a dépensé des millions et des millions en fonds publics pour construire cette urgence? Quelques millions de plus pour accélérer les soins et rendre le séjour des patients plus confortable dans la salle d'attente, est-ce trop demander???