mercredi 5 décembre 2018

Sommes-nous prêts pour la résistance?


Sur le plan des symboles, le plus grand mérite de la mobilisation franco-ontarienne des dernières semaines aura été de propulser à l'avant-plan le mot «résistance». Voilà le mot de combat qui manquait à la lutte plus que bicentenaire que mènent aujourd'hui les francophones au Québec, en Acadie, en Franco-Ontarie, dans les vastes contrées de l'Ouest canadien et ailleurs en Franco-Amérique.

Jusqu'aux années soixante, collectivement, nous avions surtout parlé de «survivance», mais dans le sillage de la révolution tranquille, d'autres mots et expressions se sont imposés en cascade dans un climat socio-politique québécois plus qu'effervescent: autodétermination, séparation, lutte, indépendance, souveraineté, libération, combat, revendication, francisation et j'en passe. Pas «résistance» cependant, du moins pas dans la mouture d'action militante qu'on lui confère de nos jours... sauf peut-être à l'époque de la crise d'octobre 1970, dont avait jailli les célèbres albums «Poèmes et chants de la résistance».

Poèmes et chants de la résistance 1971-72

Comme pour bien d'autres de ma génération d'après-guerre (je suis né en 1946), «Résistance» évoquait d'abord et surtout le maquis français ou toute autre organisation clandestine en lutte contre l'occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale.  Le terme s'est par la suite généralisé, depuis le milieu du 20e siècle, pour désigner d'autres combats contre un envahisseur, ou encore contre un pouvoir estimé illégitime ou dictatorial. Pour mes parents et grands-parents, s'ils évoquaient résistance autrement, c'était au sens passif, comme synonyme de survivance.

Il me semble un peu ironique que l'obtus Doug Ford, premier ministre trumpien de l'Ontario, et son gouvernement en soient devenus le catalyseur. Immédiatement après l'annonce de la suppression du Commissariat aux services en français et du projet de campus universitaire de langue française à Toronto (mal appelé Université de l'Ontario français), ce jeudi noir 15 novembre, l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario (AFO) a créé la page Facebook «La résistance» et lancé cet appel qui a mobilisé des dizaines de milliers de Franco-Ontariens depuis: «Êtes-vous prêt.e.s pour la résistance? Joignez-vous à nous!»

Un organisme comme l'AFO, qui aspire à être reconnu comme porte-parole de l'ensemble des francophones de l'Ontario, sera toujours porté à un certain conservatisme de parole et d'action, pour rallier le plus grand nombre de citoyens et d'organismes sous son très, très vaste parapluie... En d'autres circonstances, son premier réflexe aurait sans doute été d'émettre une protestation de principe et d'annoncer une consultation des forces vives de l'Ontario français pour dégager un consensus avant d'adopter une stratégie d'action. Pas cette fois.

Dans un de ces rares moments historiques où les barricades vont presque de soi, les élites franco-ontariennes ont hissé le pavillon vert-blanc et appelé les citoyens francophones et francophiles à crier leur désaccord, à écrire des lettres, à confronter leur député et surtout, à descendre dans la rue, partout en Ontario, pour manifester contre l'attaque du gouvernement Ford. Et elles ont baptisé cette mobilisation: la résistance!

Le terme est plus fort que l'on pourrait croire. Il identifie clairement l'adversaire, Doug Ford, et ceux et celles qui ne le dénoncent pas sont qualifiés d'ennemis. Amanda Simard, la seule députée franco-ontarienne conservatrice, l'a très bien compris. Avoir tergiversé comme Caroline Mulroney et demeuré au sein d'une équipe jugée anti-francophone, elle se serait sentie «collabo» et les Franco-Ontariens engagés l'auraient vue comme tel. Elle a opté pour la résistance. L'humeur de combat est d'ailleurs perceptible dans les réseaux sociaux, Facebook en particulier, et le rare francophone qui oserait se ranger derrière Doug Ford serait enseveli sous un déluge de reproches venimeux. Pour le moment, donc, il n'y a plus de clôture. On choisit un camp... ou l'autre. Et à juger par l'ampleur des manifs du 1er décembre, dans une quarantaine de localités ontariennes, les collectivités franco-ontariennes ont massivement basculé dans le camp de la résistance.

Cette mobilisation d'une minorité francophone victime d'une attaque identitaire a vite franchi les frontières de l'Ontario. Des témoignages d'appui sont venus du Québec, des Acadiens, et des minorités canadiennes-françaises de l'Ouest et du Nord. La «résistance» des Franco-Ontariens a touché la fibre de toutes les collectivités francophones du pays, qui ont - sans exception - eu maille à partir avec des gouvernements francophobes ou, dans le cas du Québec, anglophiles à l'excès. La langue française étant menacée partout, y compris au Québec, on se reconnaît dans ce combat, on se sent interpellé par cette prolifération du mot «résistance» dans un contexte qui a été, qui pourrait être ou qui pourrait devenir un jour celui de tous et toutes. Et on se demandera peut-être si le moment n'est pas venu de lancer un peu partout, même au Québec, des mouvements de résistance au lieu de constamment quémander des droits qu'on nous refuse, qu'on nous cède au compte-gouttes ou qui sont éventuellement soumis aux humeurs de juges nommés par le premier ministre fédéral.

Quel lien, me dira-t-on, avec le Québec, où les parlant français forment une écrasante majorité et où le droit à l'autodétermination de l'État québécois est reconnu depuis les deux référendums de 1980 et de 1995? C'est fort simple. Peu importe ce que feront les Québécois francophones sur le plan linguistique, tant qu'ils feront partie de la fédération ils resteront minoritaires dans l'ensemble du Canada (plus encore en Amérique du Nord) et devront s'acharner à contourner sans cesse les obstacles semés par un gouvernement centralisateur à Ottawa et une constitution blindée qu'ils n'ont pas signée et qu'ils ne peuvent changer. Les forces indépendantistes qui pourraient nous en extirper sont divisées et auront besoin de temps pour retrouver leur élan. La «résistance» semble bien préférable à l'attente et aux palabres incessants et stériles. La «résistance» a aussi le mérite de replacer les perspectives en fonction de la réalité: au lieu d'être vus erronément comme une majorité xénophobe voire raciste, nous présentons notre vrai visage, celui d'une majorité minoritaire dans le contexte canadien et nord-américain qui utilise les outils légaux et légitimes disponibles pour protéger et promouvoir une langue et une culture clairement menacées.

Il aura fallu la décapitation du Commissariat des services en français et l'avortement de l'embryon d'Université de l'Ontario français pour que les Franco-Ontariens forment «la résistance». Que faudra-t-il chez nous, au Québec? L'obligation pour des étudiants universitaires de l'Outaouais d'étudier en anglais? L'infiltration de programmes de langue anglaise dans nos collèges et universités? La violation généralisée de ce qui nous reste de la Loi 101 en matière d'affichage? L'obligation illégale de travailler en anglais? Un régime où les arbitres des conflits constitutionnels Québec-Ottawa sont tous nommés par Ottawa? Nous y sommes.

L'heure de «la résistance» n'a-t-elle pas sonné chez nous, au Québec? Jetez un coup d'oeil à mes anciens compatriotes franco-ontariens. Ils luttent pour assurer l'avenir d'une identité individuelle et collective fondée sur la langue et la culture françaises. Pourquoi une «résistance» similaire chez nous serait-elle suspecte?
















2 commentaires:

  1. Bonjour Patriotes,

    Ils cherchent à nous noyer sous une avalanche de migrants, ils cherchent à détourner notre attention avec les signes religieux et les multiples demandes déraisonnables, ils cherchent à nous départir de nos joyaux québécois pour affaiblir notre économie. Bref, ils sont prêts à TOUT pour nous empêcher d'accéder à notre souveraineté, à notre indépendance, à notre LIBERTÉ.

    MAIS UN VENT DE RÉSISTANCE VIENT DE SE LEVER !!!

    Allons cher(e)s PATRIOTES, ne nous laissons pas endormir par ces valets mercenaires machiavéliques. RÉSISTONS JUSQU'À LA VICTOIRE FINALE !!!

    Gilles Sauvageau

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