Notre chef d'État, chef aussi de l'Église anglicane
Si
le Québec veut vraiment se donner un État laïc, il faudra s'attaquer aux
fondements mêmes de l'État canadien et de sa Loi constitutionnelle de 1982.
Si on pouvait, l'espace d'un moment, taire les sottes invectives trempées de racisme et de xénophobie qui enveniment ce débat depuis plus d'une décennie, on pourrait peut-être observer de plus près quelques faits indisputables.
D'abord le Canada n'est pas un pays laïc et ne l'a jamais été. On y pratique la discrimination religieuse aux plus hautes instances. Prenons comme exemple le chef de l'État fédéral et de tous les États provinciaux, Élizabeth II Windsor.
De par la loi britannique, elle est Gouverneure suprême de l'Église anglicane et, à ce titre, la couronne se voit interdite à toute personne athée ou de confession autre qu'anglicane.
Ainsi, un catholique, pour prendre un exemple qui nous ressemble, ne pourrait accéder au poste de chef d'État du Canada ou du Québec, même si du sang royal coulait dans ses veines.
Tant que nous demeurerons sujets de Sa Majesté Élisabeth-Chef-des-Anglicans (et à peine 5% de la population canadienne est anglicane), l'État québécois - car Elizabeth est reine du Québec aussi - ne pourra aspirer à une pleine laïcité et neutralité religieuse.
De fait, notre monarque EST un symbole religieux ostentatoire!!!
Il faudra transformer les règles de succession de la monarchie, ou mieux, l'abolir et opter pour un mode de gouvernement républicain, où l'autorité des législateurs s'appuie sur l'autorité du peuple, et non sur une permission (même symbolique) d'un roi ou d'une reine.
Mais ce n'est pas tout. Voici la toute première ligne de la Loi constitutionnelle de 1982, qu'on nous a imposée après la nuit des longs couteaux de 1981: «Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit»...
Ainsi le pays est fondé sur la reconnaissance de la suprématie de Dieu, un être auquel plus de 20% de la population canadienne ne croit pas et dont aucun juriste (en parlant du droit) ne pourrait prouver l'existence...
Le «suprématie de Dieu», affirmée dans la Constitution, exclut par définition la laïcité ou la neutralité religieuse de l'État canadien... et de l'État québécois si l'on considère que cette loi constitutionnelle théiste, adoptée sans notre signature, continue de nous régir...
Nous avons donc affaire à un pays (le Canada comme le Québec) soumis à la suprématie de Dieu, avec un chef d'État étranger qui occupe de façon héréditaire le poste de Gouverneur suprême de l'Église anglicane... Mais c'est une théocratie, ça...
Alors si on veut réellement parler de laïcité et de neutralité religieuse de l'État, commençons par dénoncer le libellé de la Constitution canadienne, qui s'oppose au principe fondamental de séparation entre la religion, les Églises et l'État.
Puis déclarons le Québec une république laïque, fondée sur l'autorité du peuple, en abolissant du même coup le poste de lieutenant-gouverneur et le cordon ombilical qui nous relie toujours au palais de Buckingham.
On n'a même pas besoin de quitter le régime fédéral pour tenter ce coup. Daniel Johnson avait proposé en 1968 de faire du Québec une province républicaine au sein du Canada...
Si la Cour suprême nommée par le premier ministre fédéral nous dit que ce sont là des gestes inconstitutionnels, le gouvernement québécois n'aura qu'à invoquer la clause «nonobstant» et passer outre.
Après un tel coup de balai, on serait bien mieux outillé pour procéder à l'interdiction des signes religieux (ou antireligieux) ostentatoires pour tous les employés et représentants de l'État et de ses divers organismes, ainsi que dans tous les édifices et locaux occupés par l'État (y compris les murs de l'Assemblée nationale).
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En passant, pour ceux et celles qui seraient tentés de me croire athée ou anti-religieux, je me considère comme un catholique, et sur le plan de la foi, je suis plus espérant que croyant.
En passant, pour ceux et celles qui seraient tentés de me croire athée ou anti-religieux, je me considère comme un catholique, et sur le plan de la foi, je suis plus espérant que croyant.