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Ce 19 juin 2024, j'ai lu un reportage sur la difficulté de trouver des camps d'été en français dans la capitale fédérale, Ottawa. Pour les Ottaviens de langue française, ainsi que pour leurs voisins d'en face, à Gatineau, il s'agit d'une nouvelle d'intérêt régional opportune à la fin de l'année scolaire.
Ce qui étonne, cependant, c'est que j'aie lu cet article dans les pages de l'édition papier du quotidien montréalais Le Devoir, qui a aussi publié au cours des derniers mois des textes sur la situation du français dans les villes ontariennes de Cornwall et Timmins. Normalement, pour ce genre d'information, j'aurais jadis consulté mon ancien quotidien-devenu-site-Web, Le Droit.
Mais ça ne va pas, au Droit. Comme dans les cinq autres ex-quotidiens québécois des Coops de l'information (autrefois de Groupe Capitales Médias, successeur de Power-Gesca), désormais fusionnés sous un seul parapluie coopératif ayant siège à Québec. Leurs éditions papier amaigries sont mortes le 24 mars 2020. Les éditions quotidiennes numériques ont rendu l'âme le 18 avril 2023. Chacun n'a désormais qu'un site Web, mis à jour en temps réel par des effectifs depuis longtemps insuffisants.
Les journalistes de la région Gatineau-Ottawa, de Québec, Saguenay, Trois-Rivières, Sherbrooke et Granby qui ont survécu au carnage de la dernière décennie se défoncent au travail dans un milieu où l'heure de tombée est devenue pour toujours le moment présent, ou presque. Le concept même d'un journal quotidien y est disparu, remplacé par l'urgence immédiate et permanente. Bien sûr le contenu en souffre.
Si on retourne aux années 1980, la dernière décennie avant l'apparition de l'Internet, avec une salle de rédaction bien pourvue on pouvait facilement lire une vingtaine de textes ou plus d'actualité locale ou régionale dans chaque édition quotidienne du Droit, et je n'inclus pas les articles des journalistes aux arts ou aux sports. Ces jours-ci, en juin 2024, j'en compte le plus souvent moins de dix par jour sur la page Web du Droit... J'ai peine à croire que la même évolution n'ait pas été constatée dans les autres ex-quotidiens des Coops de l'information.
Ce qui me frustre le plus, c'est le déni dans lequel vivent les regroupements de journalistes et les bonzes qui en sont les porte-paroles. Je ne reçois plus mon Droit papier à la porte depuis quatre ans. L'édition quotidienne tout numérique s'est volatilisée. L'entreprise coopérative locale n'existe plus. Je dois naviguer un babillard Web peu convivial et lire dans Le Devoir des articles financés par le gouvernement fédéral (avec un petit drapeau du Canada à la fin) sur des sujets qui étaient jadis le pain quotidien du Droit. Or ce drame, qui ne touche pas que ma région, n'a pas ou peu d'échos au sein du journalisme québécois.
Le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), Éric-Pierre Champagne, a comparu devant le comité fédéral du Patrimoine canadien en février 2024 sans évoquer une seule fois la disparition de six des dix quotidiens du Québec en 2023! Tout au plus se limite-t-il a mentionner une baisse de 23% des effectifs journalistiques au Canada entre 2010 et 2020 (baisse qui s'accentue depuis 2020) et les lamentations sur le sempiternel «modèle d'affaires» des médias, qu'on dit brisé par les géants du Web. C'est un peu, beaucoup, excessivement, simple!
Récemment, au début de mai 2024, le directeur général du Festival international de journalisme de Carleton-sur-mer, Bertin Leblanc, chantait dans Le Devoir* les louanges d'un journalisme québécois «plus vivant que jamais», d'une industrie qui s'était organisée «pour sauver ses quotidiens» (???), soulignant au passage «l'agilité des Coops de l'information». Non mais dans quel monde vivent ces gens? Comment peut-on, dans le même texte, insister sur la fermeture de 130 journaux aux États-Unis en 2022 et oublier la suppression de six des dix quotidiens québécois l'année suivante?
J'exprime publiquement mon appréhension face à l'évolution des journaux quotidiens du Québec depuis plus de 40 ans. Au cours des dix dernières années, mes pires craintes se sont réalisées. La situation actuelle avoisine la catastrophe. Où sont les barricades?
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* Lien au texte du Devoir - https://www.ledevoir.com/opinion/idees/811952/idees-vigueur-singuliere-journalisme-quebecois
Vous avez bien raison de vous étonner. L'Internet a eu un effet immense sur la société contemporaine, probablement analogue à celui de l'imprimerie à une autre époque. Rien ne sera plus jamais pareil. Les grands journaux généralistes traditionnels résistent relativement bien (The New York Times, Le Monde, Le Figaro, etc.), mais ils sont maintenant complétés par toutes sortes d'autres publications, souvent spécialisés dans des domaines pointus (automobile, actualité internationale, exploration spatiale, sciences, etc.). Pour ce qui est de l'actualité locale, concernant la vie régionale, la vie municipale, la vie de quartier, il y a de moins en plus de journaux généralistes qui en font part, quotidiennement ou hebdomairement, et il faut chercher ailleurs pour s'informer. Je m'étais abonné à un nouveau hebdo régional qui faisait partie d'une chaîne s'étendant sur les Laurentides et l'Outaouais et qui couvrait exclusivement la vallée de la Gatineau, mais il s'est éteint il y a quelques mois, je ne sais pas trop pourquoi: pas assez d'annonceurs, pas assez de lecteurs?
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