dimanche 5 mai 2019

Graham Fraser avait-il tout compris?

Pour combien de temps?

La bilinguisation à vitesse grand V du Québec ne tuera pas seulement le rêve d'une nation française et indépendante en Amérique du Nord. Cette bilinguisation sonnera tout autant le glas du Canada bilingue dont nos fédéralistes font la promotion depuis plus d'un demi-siècle.

L'ancien Commissaire aux langues officielles du Canada, Graham Fraser, l'avait parfaitement compris. Dans son dernier rapport annuel, celui de 2016, il avait conclu en laissant une «lettre à la personne qui me succédera». Il y écrivait notamment:

«Le Canada est réellement formé de deux communautés principalement unilingues qui vivent côte à côte. Quelque 90 % des Canadiens anglophones ne parlent pas français et environ 60 % des Canadiens francophones ne parlent pas anglais.»

Le jour où la majorité ou la totalité des 4 millions d'unilingues français au Québec apprendront l'anglais, le jour où n'existera plus ce «60% de Canadiens francophones qui ne parlent pas anglais», le «besoin pratique» de deux langues officielles et du bilinguisme institutionnel fédéral disparaîtra. À toutes fins utiles, le Canada sera alors unilingue anglais, pour de bon.

L'unilinguisme français du Québec devient ainsi la condition sine qua non de la réussite des souverainistes comme de celle des fédéralistes francophones. Or, entre la tiédeur des indépendantistes / autonomistes et l'ignorance linguistique des sympathisants fédéraux, la situation se dégrade... vite.

L'érosion du français comme langue de travail et de communication s'accélère dans la région montréalaise et en Outaouais. Plus de 60% des élèves de 6e année de Québec et Lévis (!!!) sont inscrits à l'anglais intensif. La Loi 101, ou ce qui en reste, est piétinée en toute liberté et dans l'indifférence générale. Les «bonjour-hi», quand ce ne sont pas les «hi-bonjour», en disent long sur ce qui se passe...

De recensement en recensement, des chiffres implacables démontrent les «progrès» du bilinguisme au Québec et la stagnation ou le recul de l'apprentissage du français dans le reste du Canada. Pire, ici au Québec, le fait de ne pas trop connaître l'anglais ne garantit pas la qualité du français parlé et écrit. Loin de là. Écoutez le langage corrodé de nos politiciens, artistes, sportifs à la télé, à la radio, sur le Web. Et n'oublions surtout pas que près de la moitié des nôtres restent analphabètes fonctionnels.

Ceux et celles qui luttent pour la défense et la promotion de la langue et de la culture française au Québec deviennent vite suspects. On les soupçonne d'être porteurs de virus identitaires comme la xénophobie et le racisme, de manquer d'ouverture envers des langues et des cultures autres que la leur. Quelle imbécilité! Au fond ils sont à plaindre, ces gens qui persistent à nier que l'avenir du français soit en péril au Québec et ailleurs au pays: sans le savoir ils trahissent leur propre cause.

Alors, chers concitoyens franco-ontariens, acadiens, franco-manitobains et autres, sachez que vos efforts parfois héroïques pour conserver les quelques bastions et avant-postes de cette francophonie nord-américaine paraissent voués à l'échec. Le coeur de cette grande collectivité de langue française, le Québec, ce qui reste de quatre siècles de luttes et de survie, ce territoire où l'on pouvait encore espérer vivre en français seulement, cessera de battre dans quatre ou cinq générations au rythme actuel d'anglicisation.

Il est encore temps de redresser la situation. Mais encore faut-il reconnaître la réalité, les «vraies affaires», sans lunettes roses, pour se donner la volonté d'imposer les correctifs requis. Pour refranciser Montréal. Redonner des dents à la Loi 101. Améliorer la qualité du français parlé et écrit. Faire du Québec un territoire où le français est la langue commune, partout. Permettre à ce «60% des Canadiens francophones qui ne parlent pas anglais» de continuer à vivre normalement dans leur langue comme le font ces 90% de Canadiens anglophones unilingues.

Cela est possible tout en conservant le régime fédéral. En Suisse, il n'y a qu'un canton italien sur 22 (le Tessin) et les germanophones qui l'entourent forment 70% de la population du pays. Pour assurer la pérennité de la Suisse italophone, on impose l'unilinguisme italien dans ce canton. Les enfants de langue allemande, qui forment une minorité appréciable du canton, doivent fréquenter l'école italienne... C'est la méthode suisse, qui ne sera jamais la nôtre.

Le problème, ici, c'est qu'historiquement, l'occupant britannique et la majorité anglo-canadienne qui a pris la relève ont toujours tenté - souvent ouvertement, parfois sournoisement - d'imposer une hégémonie anglophone et de nous assimiler. Seule notre résistance collective nous a protégés et cette résistance s'effrite. D'ici une génération ou deux, elle risque de s'effondrer. Et quand la nation québécoise sera à l'agonie, il se trouvera encore des Couillard, des Chrétien et des Trudeau pour dire que tout va bien et que les ultimes résistants ne sont que des prophètes de malheur.

Pour le moment, nous existons toujours et nous possédons un pouvoir collectif d'intervention considérable. Il suffit de s'en servir. Ou plutôt de vouloir s'en servir. Alors on fait quoi?

















4 commentaires:

  1. Le problème : C’est le « Canada » et le mensonge du Canada bilingue de Trudeau Père!

    Les libéraux ont eux aussi leur part de responsabilité.
    « Ils ont été au pouvoir pendant 15 ans et auraient pu faire avancer le dossier davantage pour que ça ne devienne pas un enjeu de campagne électorale susceptible d’être revu en cas de changement de gouvernement. »


    Pour mes amis francophones hors-Québec, qui se sentent abandonnés par les Québécois… Voici une bonne analyse qui remonte à la source… l’abandon du bilinguisme canadien par Trudeau en 1971 !

    8 octobre 1971 - Abandon par le fédéral du biculturalisme et introduction du multiculturalisme

    https://www.facebook.com/autre150e/videos/1512160125517760/?hc_ref=ARRS75bo97iKtZnqtjtRoIYL1R_cYaUSWdWDk5UZy0akOsPs2lHQHTNHaTpnClw98rc&pnref=story

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    1. « We are in Canada, everybody should speak english ». –gérante du restaurant McDonald's du Marché central, à Montréal, Elle a raison… réveillons-nous !


      « La carte du bilinguisme au Canada. Maintenant, dites-moi qui apprend la langue de l'Autre ? » - Gilles Laporte

      Dans le Nord de l'Ontario et au NB : le bilinguisme est attribuable à ceux d'origine francophone. On appelle aussi cela l’assimilation ou le génocide culturel ! La brisure entre Ottawa et Gatineau est éloquente !

      https://www.facebook.com/laurent.desbois2/posts/10157273212573140

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  2. Plus que ça change… plus que c’est pareil !

    Une évidence que les Québécois sont fermés à l'autre langue...
    L'autre là, t'sais celle du Canada.


    Taux de bilinguisme français-anglais par province, Stat. Can. 2016

    https://www.facebook.com/laurent.desbois2/posts/10158835813063140

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