samedi 25 mai 2019

Du «grand soir» de l'indépendance au petit pas de la laïcité...

image TVA nouvelles

Depuis plus de 50 ans, de nombreux indépendantistes vivent dans l'attente du «grand soir», de ce moment mythique où le Québec s'évaderait des carcans de la fédération canadienne, où notre fleurdelisé serait enfin hissé au mat des Nations Unies, aux lendemains d'un ultime combat référendaire victorieux opposant la majorité québécoise à tout ce qui bouge au Canada anglais...

Personne n'aurait pu s'imaginer qu'une mobilisation générale puisse être décrétée pour un enjeu - la laïcité de l'État - qui ne change absolument rien au statut constitutionnel du Québec. On pourrait même affirmer que le contentieux actuel tourne autour d'une modeste demi-laïcité, le projet de loi 21 du gouvernement Legault constituant une pâle version de la Charte des valeurs proposée en 2013 par Bernard Drainville au nom de l'éphémère administration péquiste de Pauline Marois.

Si François Legault s'attendait à recevoir quelque considération pour sa «modération», il a dû vite déchanter. On a, sans hésitation, traité le projet de loi de raciste, xénophobe, discriminatoire... et bien plus. Certains ont brandi la menace de la désobéissance civile, du recours immédiat aux tribunaux. Même l'ONU rôde dans les parages... À l'exception d'une poignée de chroniqueurs, les bonzes des pages d'opinion des grands médias tirent à boulets rouges sur le projet législatif. Et les autorités fédérales guettent du coin de l'oeil (année électorale oblige), prêtes à bondir s'il le faut.

On dirait qu'aux yeux des adversaires du projet de loi 21, le Québec s'apprête à déclarer son indépendance... Et comme pour la souveraineté, le clivage apparaît nettement linguistique. Selon un sondage de l'Association d'études canadiennes, la grande majorité des anglophones et allophones (fortement anglicisés) s'opposent à l'interdiction des signes religieux, alors que plus des deux tiers des francophones y sont favorables. Pourquoi la ligne de fracture serait-elle linguistique, ici, quand la question de la laïcité se pose dans une multitude de pays et de langues à travers le monde?

Peut-être parce qu'au fond, les anglophones et allophones ont vu dans le projet de loi 21 une affirmation identitaire de la majorité francophone du Québec. Que cela s'avère ou non, l'important reste la perception. Ainsi, ce que nombre d'anglophones et d'allophones condamneraient, ce n'est pas tant le projet de loi 21 que la volonté de la majorité francophone, via le gouvernement de la CAQ, de se «séparer» de la théologie multiculturaliste anglo-canadienne. Une séparation sociologique du Québec, qu'il faudrait bloquer tout autant que la souveraineté politique..

Pas question, cette fois-ci, d'organiser des «love-in» à Montréal pour tenter d'amadouer les Québécois de langue française. En 1995, ces manifs pouvaient influencer l'issue du vote référendaire. En 2019, la CAQ gouverne avec une majorité et peut, si M. Legault le veut, adopter le projet de loi 21 sans tenir compte des récriminations des opposants. Cela explique sans doute leur amertume et l'extrémisme de leurs réactions.

Il y a peu de choses pire, pour nos anciens Rhodésiens et les allophones qu'ils ont assimilés, que plier devant la majorité francophone. Leurs élites nous ont historiquement méprisés, ont tout fait pour nous angliciser depuis deux siècles. Qu'il s'agisse d'un référendum sur l'indépendance ou d'un petit projet de loi sur une demi-laïcité, l'affront reste le même. Se faire dicter une ligne de conduite par la majorité francophone demeure inacceptable, particulièrement en matière identitaire.

Alors voilà. Faute d'un «grand soir», que les plus vieux indépendantistes ne verront jamais, les tranchées se creusent autour du projet de loi 21. Un État provincial à demi laïc, c'est bien, bien loin d'un pays vraiment laïc, mais c'est un pas dans la bonne direction. Un pas que que nos ennemis de toujours, et leurs alliés parmi les nôtres, voudront nous empêcher de prendre... Parce pour eux, un pas, même tout petit, c'est un pas de trop...

Qu'en est-il pour nous? A-t-on subi suffisamment de défaites pour qu'une victoire même modeste devienne essentielle à la poursuite du combat que notre peuple mène depuis si longtemps? Les anglos et allos anglicisés craignent-ils qu'un petit revers en matière de laïcité déclenche un processus menant à d'autres concessions, jusqu'à - sait-on jamais - la mise en place d'un véritable pays à l'image de la majorité de langue française? À les voir grenouiller, on dirait que oui...

Le «grand soir» semble être devenu un combat de tous les jours...







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