jeudi 9 mai 2019

Laïcité... Déconfiture de notre presse écrite...

Pendant que les sondages continuent de démontrer un appui très majoritaire (64%, et sans doute davantage les francophones) au projet de loi 21 sur la laïcité de l'État, la couverture médiatique semble brosser un tableau tout autre en portant le plus souvent à l'avant-plan les adversaires du projet du gouvernement Legault.

C'est dans un dossier comme celui de la laïcité de l'État que les médias révèlent leurs forces et, surtout, hélas, leurs faiblesses. Dans les salles de rédaction amaigries d'une presse écrite (ou jadis écrite) qui lutte désormais pour sa survie, la planification d'une couverture équilibrée d'un débat de fond (ou d'une élection générale) semble de plus en plus un concept à l'abandon, ou soumis à des impératifs autres.

Face à une consultation comme celle du projet d loi 21, où une diversité d'individus et d'organismes paraderont pour défendre leurs points de vue, une direction de journal devrait normalement prévoir un espace suffisant, des effectifs suffisants, une variété de textes et une présentation équilibrée, dans le but de renseigner le public lecteur le mieux possible.

Le défi paraît un peu plus complexe dans le débat sur la laïcité de l'État parce que la plupart des interventions, les plus virulentes en tout cas, proviennent des opposants au projet de loi 21, qui occupent ainsi une proportion démesurée des pages et des ondes alors qu'une forte majorité de la population, les francophones en particulier, appuient en silence la position gouvernementale. Raison de plus pour rétablir l'équilibre par la couverture des consultations, où de nombreux sympathisants du projet de loi 21 viendront témoigner.


Après deux jours d'audiences à Québec, personne n'a été à la hauteur, même pas Le Devoir qui, par son statut de journal national, est généralement tenu à plus de rigueur professionnelle. Après avoir giflé publiquement son propre éditorialiste, Robert Dutrisac, trop sympathique au projet de loi 21, la direction du Devoir y est allée d'un avant-papier (le mardi 7 mai, journée d'ouverture de la consultation) axé sur Gérard Bouchard et Charles Taylor, opposés à la laïcité version CAQ.

Le texte à la une du lendemain 8 mai, portant sur la première journée en commission parlementaire, proposait un titre plus équitable mais encore une fois, les premiers paragraphes (les plus importants d'un article journalistique) servaient à égratigner le projet de loi du gouvernement Legault. Les deux tiers du texte du Devoir étaient consacrés aux prises de position contradictoires de juristes, et la moitié du reste à Charles Taylor (avec photo!). Pour les deux premiers groupes à témoigner en matinée, représentés par des femmes dont Mme Djemila Benhabib, favorables au projet de loi sur la laïcité de l'État, trois petits paragraphes à la fin de l'article précédés d'une mention perfide de la présence d'une soixantaine de membres de La Meute à l'extérieur de l'Assemblée nationale...


Mais la photo en page une était bien pire... Une pasteure de L'Église unie du Canada en col romain serrant la main d'une femme musulmane voilée sous le titre Front commun interreligieux... qui renvoie à un texte éhontément titré «Les exclus dénoncent une mascarade». Ce titre comporte deux fautes journalistiques graves: l'emploi du «les» alors qu'il ne s'agit évidemment pas de tous les exclus, et le mot mascarade non attribué, sans guillemets, que Le Devoir fait ainsi sien. On consacre un tiers de page à l'article issu d'une conférence de presse, contre quelques lignes en bas de page pour trois groupes tout aussi représentatifs ayant comparu en commission parlementaire.

Sur le site Web du Devoir, on titre Loi sur la laïcité: les groupes religieux dénoncent une consultation de «façade». Encore le «les» comme si les porte-parole représentaient tous les groupes religieux, alors qu'ils n'étaient que sept ou huit. C'est l'abc du journalisme qu'on piétine, en plus de laisser l'impression que la ligne dure éditoriale de Brian Myles suinte jusque dans la couverture journalistique. Dans sa une du mercredi 9 mai, le journal met cette fois en évidence Gérard Bouchard dans un texte de nouveau axé sur l'opposition du projet de loi...

Le titre du Droit, plus précis que celui du Devoir...

Dans mon quotidien, Le Droit, présence outaouaise du Groupe Capitales Médias, après un éditorial maison opposant le projet de loi (6 mai) et un avant-papier équilibré (7 mai), aucun texte n'a été publié sur les deux premières journées de consultation en commission parlementaire !!! Rien. Le Droit a cependant offert à son lectorat un article sur la conférence de presse d'opposition des groupes religieux... On pourra répliquer que Jean-Marc Salvet (du Soleil) a signé deux chroniques sur les audiences, mais justement il s'agissait de chroniques personnelles, et non d'une couverture journalistique de l'évènement. La consultation et le sujet (laïcité de l'État) étaient jugés importants par la direction du journal puisqu'elle leur a consacré un éditorial et un avant-papier. Ne pas avoir couvert par la suite est impardonnable!

Reste le Journal de Montréal, le seul autre quotidien papier de langue française disponible en Outaouais depuis la disparition de La Presse. Ce qu'on y gagne en équilibre, on le perd en quantité. Dans un journal qui a les moyens et l'espace pour décortiquer un événement qui fait la joie de ses propres chroniqueurs et blogueurs depuis des semaines, on aurait pu faire bien mieux que huit nouvelles brèves émaillées de photos en page 11, les mercredi 8 mai et jeudi 9 mai. Rien à la une. Zéro!

Je n'ai pas autant épluché les sites Web de La Presse et des réseaux de télé. J'espère qu'ils ont fait mieux que la presse imprimée... Une chose est sûre. Dans un débat comme celui de la laïcité de l'État, le rôle de la presse est fondamental. Bien informer le public, c'est le coeur de la mission journalistique, et le socle sur lequel repose la démocratie. Or, cette fois, dans une couverture qui laisse nettement à désirer, l'information sur l'opinion partagée par plus des deux tiers des francophones québécois peine à se faire entendre dans nos salles de rédaction. Que faut-il conclure?



---------------------
NB Surtout ne pas se désabonner du Devoir (ou des autres). C'est notre seul quotidien national, et un jour, la direction changera. Ne pas s'abstenir de le critiquer, cependant...









11 commentaires:

  1. Je n'ai pu résister au réflexe de me désabonner du Devoir...pour ensuite m'y réabonner pour cause de sevrage difficile.

    RépondreEffacer
  2. Je suis outré en effet du traitement de la presse concernant le projet de loi 21. Ceux qui sont contre ont eu infiniment plus d'espace que ceux qui sont pour la laïcité de l'état. Je suis extrêmement déçu du Devoir et je pense sérieusement à me désabonner, moi qui suis membre depuis des années. Je m'attendais à plus d'objectivité de la part de ce journal que je situais dans une classe à part. Je me rend bien compte, avec déception, qu'ils sont du coté du pouvoir établi et du politiquement correct avec une bonne dose de multiculturalisme et de fédéralisme à la Trudeau. Très très déçu. Ils ne méritent pas ma fidélité ni ma fierté d'être québécois.

    RépondreEffacer
  3. Le journal Le Devoir a, il y a quelques mois, fait un colloque conjoint avec le journal Le Monde, considéré comme un adhérent au courant post-identitaire. Jean-François Nadeau a publié de très nombreuses chroniques contre ledit roman national auquel il oppose l'histoire globale, essentiellement une histoire récrite comme s'il y avait deux ressorts historiques à l'oeuvre: l'anticolonialisme blanc et l'anticapitalisme. Francine Pelletier a analysé l'exhibitionnisme religieux et la confusion de la sphère privé avec la sphère publique comme une simple question de spiritualité individuelles. Il y a longtemps que Le Devoir dont le vestiaire était coupé en deux avec les Michel David, les Corneillier et les Christian Rioux d'un bord et la mouvance décolonialiste sans-frontiériste de l'autre a décidé de basculer en faveur de seconde moitié. Au plan de l'analyse, le Journal de Montréal compte des chroniqueurs plus intéressants que ceux du Devoir. Il est surréaliste de se faire prêcher le métissage, les méfaits de l'hérédité du sang comme si la couleur peau était ce qui fondait le gros préjugé de son lectorat.

    RépondreEffacer
  4. Espérons que, malgré tout, le gouvernement Legault, avec l'appui du Parti Québécois, tiendra bon et adoptera le projet de loi 21, qui est un minimum en matière de laïcité de l'État.

    RépondreEffacer
  5. Le Devoir surtout avec Louis Cornellier est clairement un journal pro religion, le voile de madame Pelletier dépasse et monsieur Nadeau est anti québécois, sa 1e page donne la place prépondérante aux pro religieux, ...

    RépondreEffacer
  6. Je suis d'accord avec l'analyse de M. Allard, sauf avec son « N. B. » au sujet du Devoir. Je crois au contraire qu'il ne faut plus soutenir ces journaux anti-nationaux avec notre argent, que ce soit sous forme d'abonnement ou d'achat en kiosque. Il est loin d'être évident que, sans une diminution significative de ses revenus d'abonnement, Le Devoir, qui n'est plus un quotidien national mais multiculturaliste, changerait sa ligne éditoriale malhonnête et québécophobe.
    Donc je ne l'achète plus depuis des années déjà, et ça ne manque absolument pas à mon information. Que ce journal sèche s'il tient tellement à insulter l'intelligence des gens avec ses manipulations et biais tendencieux.

    RépondreEffacer
  7. Je ne suis pas abonné au journal Le Devoir et n'entend pas l'être. Je lui souhaite une plongée radicale vers son extinction, lui qui par sa ligne anti-québécoise et multiculturaliste mérite d'être ignoré.

    RépondreEffacer
  8. Dommage de voir un aussi grand journal déppérir.

    RépondreEffacer
  9. Le Devoir est depuis au moins 2006 (date de mon retour au Québec après plusieurs années passées à l'étranger) gangréné par une vision du monde gauchisante, frisant le ridicule. Hier, dans un café (je me suis désabonné après un abonnement d'un mois...) j'ai fait l'essai suivant : lire le cahier de fin de semaine en diagonale et noter les références à la gauche et à la théorie du genre. En trente secondes, j'ai vu un appel complaisant à la révolution (revue du film Tout ce qu’il me reste de la révolution ), un clin d'œil aux queer avec Asako I et II, à l'antiracisme avec Jusqu'ici tout va bien et une référence aux problèmes des trans dans une revue d'un album de musique. Ce journal est une parodie du Monde. Je m'en suis désabonné avec joie et j'invite tout le monde à faire de même. Il a beau être notre "dernier quotidien national", il reste qu'il crache sur tout ce que la "nation" pourrait représenter. Il faut donc s'en débarrasser. Je suis certain qu'il sera remplacé avec bonheur.

    RépondreEffacer