dimanche 14 juillet 2019

Le mythe de la minorité anglo-québécoise...

La controverse déclenchée par l'entente récente entre l'Association de la francophonie de l'Ontario (AFO), la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) et la Québec Community Groups Nwtwork (QCGN) a ramené à l'avant-scène une des plus grandes mystifications du bilinguisme-à-la-fédérale depuis 1969: faire croire à l'existence d'une minorité anglo-québécoise similaire aux collectivités francophones dans les provinces à majorité anglaise.

C'est, il va sans dire, de la pure fiction. Recensement après recensement fédéral en fournissent la preuve. Mais comme à peu près personne ne se donne vraiment la peine d'éplucher ces interminables colonnes de chiffres quinquennales, un public tenu largement ignorant continue d'avaler la couleuvre de l'«égalité» des deux langues officielles.

Pour vraiment comprendre la dynamique linguistique canadienne et québécoise, il faudrait faire abstraction des frontières provinciales et dessiner une carte de prédominance de l'anglais et du français, d'un océan à l'autre. On verrait alors, essentiellement, un grand territoire (anglophone ou s'anglicisant) couvrant l'ouest, le centre et l'extrémité est du pays avec une zone plus petite (francophone ou se francisant) rayonnant à partir du bassin du fleuve Saint-Laurent jusque dans le Nord-Ouest québécois et une partie de l'Acadie.

À n'en pas douter, une certaine hégémonie française se fait sentir dans quelques coins du Nord et de l'Est ontarien, ainsi que dans le Madawaska et la péninsule acadienne. Par contre, les tentacules du Canada anglais s'agrippent fermement au Québec dans la région montréalaise et en Outaouais. Ce que les recensements nous font comprendre, c'est que ces avancées de l'anglais en territoire québécois font effectivement partie du tout anglo-canadien majoritaire, et non d'une soi-disant minorité anglophone isolée entourée de francophones qui menaceraient son existence...

Si la situation des Anglo-Québécois était comparable à celle des francophones hors Québec, on pourrait croire que dans les régions - disons ontariennes - où les anglophones sont majoritaires, une certaine assimilation des francophones soit prévisible mais selon la même dynamique, dans les régions du Québec où les francophones sont majoritaires, on pourrait s'attendre à un taux perceptible d'assimilation des anglophones. Mais ce n'est pas le cas. C'est rarement le cas...

Prenons comme exemples les villes de Sudbury, en Ontario (population 161 000), et Laval, au Québec (population 423 000). Je les ai choisies parce que je crois qu'elles illustrent bien le phénomène dont je veux parler. En comparant la langue maternelle à la langue d'usage (la langue la plus souvent parlée à la maison), le taux d'anglicisation des francophones oscille près de 50% à Sudbury. C'est un taux très élevé, trop élevé même, mais en présence d'une majorité anglophone (près des deux tiers) dans une province à très forte majorité anglaise, on peut comprendre.

Alors à quoi doit-on s'attendre à Laval, une ville à majorité française dans un territoire (le Québec) à 80% francophone? Normalement, si la situation des Anglo-Québécois était similaire à celle des Franco-Ontariens, les recensements fédéraux devraient révéler un certain degré de francisation des anglophones. L'inverse de Sudbury. Or, c'est le contraire! Dans la ville de Laval, la minorité de langue anglaise fait constamment des gains aux dépens de la majorité de langue française! Et ce n'est pas un cas unique. Loin de là. C'est plutôt la règle.

De fait, en scrutant les données, on en vient à la conclusion que des similitudes, s'il en existe, sont plutôt entre la minorité franco-ontarienne de Sudbury et la majorité franco-québécoise de Laval... La proportion d'unilingues français (chiffres de langue officielle) a chuté de 3,4% à 0,8% à Sudbury entre 1971 et 2016. Elle est passée de 53,1% à 34,6% à Laval. La tendance à la baisse pour le français langue d'usage est la même: de 21,5% à 13,0% à Sudbury (1971 à 2016), de 80,9% à 61,5% à Laval. Dans une ville comme dans l'autre, en Ontario comme au Québec, la dynamique linguistique continue de favoriser l'anglais.

Dans à peu près toutes les régions du Québec où les anglophones forment plus de 15 à 20% de la population, la francophonie régresse. Cela inclut l'île de Montréal, une partie de la couronne de Montréal, plusieurs coins de l'Outaouais et des îlots ça et là (y compris New Carlisle). Le caractère français du Québec est menacé à court et moyen terme. Les minorités canadiennes-françaises et acadiennes le sont bien davantage, dans l'immédiat. Aussi, voir ces dernières s'allier aux forces anglicisantes du Québec, contre leurs propres intérêts, a quelque chose de désolant...

.................
Pour votre info...

SUDBURY, ONTARIO
Pop. totale
161 531



Langues officielles
Français seulement
Anglais seulement
Français et anglais






2006
1,6%
59,2%
38,9%

2011
1,0%
59,8%
38,9%

2016
0,8%
60,2%
38,7%






Langue maternelle
Français
Anglais







2006
27,5%
63,5%


2011
27,0%
64,5%


2016
25,6%
65,9%







Langue d’usage
Français
Anglais







2006
16,3%
80,0%


2011
14,8%
80,8%


2016
13,0%
82,3%















LAVAL,
QUÉBEC
Pop. totale
422 993



Langues officielles
Français seulement
Anglais seulement
Français et anglais






2006
39,5%
4,4%
54,6%

2011
36,6%
5,0%
56,5%

2016
34,6%
5,1%
58,2%






Langue maternelle
Français
Anglais







2006
66,4%
6,9%


2011
60,7%
7,0%


2016
56,8%
7,2%







Langue d’usage
Français
Anglais







2006
70,6%
12,6%


2011
65,2%
12,9%


2016
61,5%
13,2%





















2 commentaires:

  1. Monsieur Allard,

    Je vous remercie, ce texte confirme ce que j'observe depuis des lustres.

    Jean-Pierre Pelletier
    Montréalais de père en fils, lavallois depuis plus de vingt ans.

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  2. Une caricature vaut milles mots !!!!!

    Franco ON vs QC Anglo!
    “Les temps sont difficiles? Je te comprends!” MDR

    “Having a rough time?! I know the feeling.”
    https://www.facebook.com/pierre.allard.5/posts/1937023206381084

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