C'est, il va sans dire, de la pure fiction. Recensement après recensement fédéral en fournissent la preuve. Mais comme à peu près personne ne se donne vraiment la peine d'éplucher ces interminables colonnes de chiffres quinquennales, un public tenu largement ignorant continue d'avaler la couleuvre de l'«égalité» des deux langues officielles.
Pour vraiment comprendre la dynamique linguistique canadienne et québécoise, il faudrait faire abstraction des frontières provinciales et dessiner une carte de prédominance de l'anglais et du français, d'un océan à l'autre. On verrait alors, essentiellement, un grand territoire (anglophone ou s'anglicisant) couvrant l'ouest, le centre et l'extrémité est du pays avec une zone plus petite (francophone ou se francisant) rayonnant à partir du bassin du fleuve Saint-Laurent jusque dans le Nord-Ouest québécois et une partie de l'Acadie.
À n'en pas douter, une certaine hégémonie française se fait sentir dans quelques coins du Nord et de l'Est ontarien, ainsi que dans le Madawaska et la péninsule acadienne. Par contre, les tentacules du Canada anglais s'agrippent fermement au Québec dans la région montréalaise et en Outaouais. Ce que les recensements nous font comprendre, c'est que ces avancées de l'anglais en territoire québécois font effectivement partie du tout anglo-canadien majoritaire, et non d'une soi-disant minorité anglophone isolée entourée de francophones qui menaceraient son existence...
Si la situation des Anglo-Québécois était comparable à celle des francophones hors Québec, on pourrait croire que dans les régions - disons ontariennes - où les anglophones sont majoritaires, une certaine assimilation des francophones soit prévisible mais selon la même dynamique, dans les régions du Québec où les francophones sont majoritaires, on pourrait s'attendre à un taux perceptible d'assimilation des anglophones. Mais ce n'est pas le cas. C'est rarement le cas...
Prenons comme exemples les villes de Sudbury, en Ontario (population 161 000), et Laval, au Québec (population 423 000). Je les ai choisies parce que je crois qu'elles illustrent bien le phénomène dont je veux parler. En comparant la langue maternelle à la langue d'usage (la langue la plus souvent parlée à la maison), le taux d'anglicisation des francophones oscille près de 50% à Sudbury. C'est un taux très élevé, trop élevé même, mais en présence d'une majorité anglophone (près des deux tiers) dans une province à très forte majorité anglaise, on peut comprendre.
Alors à quoi doit-on s'attendre à Laval, une ville à majorité française dans un territoire (le Québec) à 80% francophone? Normalement, si la situation des Anglo-Québécois était similaire à celle des Franco-Ontariens, les recensements fédéraux devraient révéler un certain degré de francisation des anglophones. L'inverse de Sudbury. Or, c'est le contraire! Dans la ville de Laval, la minorité de langue anglaise fait constamment des gains aux dépens de la majorité de langue française! Et ce n'est pas un cas unique. Loin de là. C'est plutôt la règle.
De fait, en scrutant les données, on en vient à la conclusion que des similitudes, s'il en existe, sont plutôt entre la minorité franco-ontarienne de Sudbury et la majorité franco-québécoise de Laval... La proportion d'unilingues français (chiffres de langue officielle) a chuté de 3,4% à 0,8% à Sudbury entre 1971 et 2016. Elle est passée de 53,1% à 34,6% à Laval. La tendance à la baisse pour le français langue d'usage est la même: de 21,5% à 13,0% à Sudbury (1971 à 2016), de 80,9% à 61,5% à Laval. Dans une ville comme dans l'autre, en Ontario comme au Québec, la dynamique linguistique continue de favoriser l'anglais.
Dans à peu près toutes les régions du Québec où les anglophones forment plus de 15 à 20% de la population, la francophonie régresse. Cela inclut l'île de Montréal, une partie de la couronne de Montréal, plusieurs coins de l'Outaouais et des îlots ça et là (y compris New Carlisle). Le caractère français du Québec est menacé à court et moyen terme. Les minorités canadiennes-françaises et acadiennes le sont bien davantage, dans l'immédiat. Aussi, voir ces dernières s'allier aux forces anglicisantes du Québec, contre leurs propres intérêts, a quelque chose de désolant...
.................
Pour votre info...
SUDBURY, ONTARIO
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Pop. totale
161 531
|
|||
Langues officielles
|
Français seulement
|
Anglais seulement
|
Français et anglais
|
|
2006
|
1,6%
|
59,2%
|
38,9%
|
|
2011
|
1,0%
|
59,8%
|
38,9%
|
|
2016
|
0,8%
|
60,2%
|
38,7%
|
|
Langue maternelle
|
Français
|
Anglais
|
||
2006
|
27,5%
|
63,5%
|
||
2011
|
27,0%
|
64,5%
|
||
2016
|
25,6%
|
65,9%
|
||
Langue d’usage
|
Français
|
Anglais
|
||
2006
|
16,3%
|
80,0%
|
||
2011
|
14,8%
|
80,8%
|
||
2016
|
13,0%
|
82,3%
|
||
LAVAL,
QUÉBEC
|
Pop. totale
422 993
|
|||
Langues officielles
|
Français seulement
|
Anglais seulement
|
Français et anglais
|
|
2006
|
39,5%
|
4,4%
|
54,6%
|
|
2011
|
36,6%
|
5,0%
|
56,5%
|
|
2016
|
34,6%
|
5,1%
|
58,2%
|
|
Langue maternelle
|
Français
|
Anglais
|
||
2006
|
66,4%
|
6,9%
|
||
2011
|
60,7%
|
7,0%
|
||
2016
|
56,8%
|
7,2%
|
||
Langue d’usage
|
Français
|
Anglais
|
||
2006
|
70,6%
|
12,6%
|
||
2011
|
65,2%
|
12,9%
|
||
2016
|
61,5%
|
13,2%
|
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Monsieur Allard,
RépondreEffacerJe vous remercie, ce texte confirme ce que j'observe depuis des lustres.
Jean-Pierre Pelletier
Montréalais de père en fils, lavallois depuis plus de vingt ans.
Une caricature vaut milles mots !!!!!
RépondreEffacerFranco ON vs QC Anglo!
“Les temps sont difficiles? Je te comprends!” MDR
“Having a rough time?! I know the feeling.”
https://www.facebook.com/pierre.allard.5/posts/1937023206381084