dimanche 29 décembre 2019

Les jeunes et le bilinguisme. Les carottes sont cuites.



«Les carottes sont cuites.» Voilà l'avertissement codé transmis à la population québécoise et franco-canadienne par Martin Turcotte, chercheur principal au Centre de la statistique ethnoculturelle, langue et immigration de Statistique Canada, dans son étude récente (publiée en octobre 2019) intitulée «Résultats du Recensement de 2016: le bilinguisme français-anglais chez les enfants et les jeunes au Canada» (bit.ly/2Zy1fuI).

Un peu comme ces messages cryptés du second conflit mondial, permettant à la résistance française de communiquer des renseignements sans être compris de l'ennemi, des chercheurs francophones de l'agence fédérale Statistique Canada lancent parfois des appels urgents de détresse sous le couvert de rapports rédigés dans le langage officiel et peu inspirant de la bureaucrate canadienne.

Le font-ils sciemment ou intuitivement? Je n'en sais rien. Ce dont j'ai toujours été convaincu, cependant, c'est qu'au fond de chaque Québécois, chaque Canadien français, chaque Acadien - même les plus dociles - sommeillent les braises encore chaudes de la résistance.

Sous prétexte de brosser un tableau global de l'évolution du «bilinguisme français-anglais» chez les jeunes au Canada tout entier, le statisticien fédéral présente en détails précis et dramatiques la progression fulgurante de l'anglais au Québec, ainsi que la stagnation ou le déclin du français dans les autres provinces canadiennes. À moins d'agir promptement, d'ici une vingtaine ou une trentaine d'années, les Québecois francophones seront majoritairement bilingues et le reste du Canada (sauf l'Acadie du Nouveau-Brunswick et quelques pochettes franco-ontariennes), essentiellement unilingue anglais.

Le langage employé par Martin Turcotte n'éveillera aucun soupçon chez les Anglo-Canadiens, même chez ceux qu'il côtoie à Statistique Canada. Ils y verront probablement une étude de plus sur le bilinguisme français-anglais par un statisticien de langue française qui s'amuse à jongler savamment avec des colonnes et des colonnes de chiffres extirpées des recensements canadiens... Une étude qu'à peu près personne ne lira (surtout pas la faune médiatique) et qui occupera une des nombreuses tablettes empoussiérées dans les méandres des archives de StatCan... Mais pour ceux et celles qui, chez nous, se donneront la peine de décortiquer ce document de 17 pages, il y a beaucoup, beaucoup plus.

Ce qu'il faut surtout comprendre, c'est que l'un des nôtres, bien terré au sein de l'appareil fédéral anglo-canadien, vient de lancer une bouteille à la mer en espérant sans doute que son SOS tombe entre bonnes mains. Sinon, si on continue de voir nos jeunes générations s'angliciser dans la plus totale indifférence, il ne nous restera plus beaucoup de temps comme nation. Les chiffres sont on ne peut plus clairs. Dans 15 ans, 20 ans, il sera trop tard. «Les carottes seront cuites!»

Voici quelques chiffres contenus dans cette étude:

* Au recensement de 2006, 28,3% des jeunes Québécois de 5 à 17 ans étaient bilingues (français-anglais). Au recensement de 2016, cette cohorte de jeunes (maintenant âgée de 15 à 27 ans) est bilingue à 66% ! Ça en dit long sur l'importance de l'anglais, langue de travail, même au Québec.

* Au Québec, 55% des jeunes de 5 à 17 ans qui étaient unilingues en 2006 faisaient partie des bilingues en 2016. C'était à peine 7% dans les autres provinces. Vous voyez la tendance?

* Dans le reste du Canada, les jeunes sont les plus bilingues - un peu plus de 15% - à l'âge scolaire (10 à 19 ans) et le français acquis commence à se perdre dès que cette génération intègre le marché du travail. En passant, ces chiffres incluent les Canadiens français et les Acadiens...

* Au Canada hors-Québec, 35% des jeunes qui étaient bilingues en 2006 ne l'étaient plus en 2016 (et croyez moi, ce n'est pas l'anglais qu'ils ont perdu), tandis qu'au Québec 94% des jeunes bilingues de 2006 l'étaient toujours dix ans plus tard... Au Québec, quand on acquiert l'anglais, c'est pour de bon...

* L'étude donne peu de détails sur les francophones hors Québec mais mentionne que le taux de persévérance du bilinguisme, au Canada sans le Québec, est le plus faible chez les 14 à 17 ans, ainsi que chez ceux ayant l'anglais ou une autre langue que le français ou l'anglais comme langue maternelle. On ne traite pas du tout de la question de l'assimilation des francophones.

* Le taux de bilinguisme global au Québec est passé de 25,5% en 1961 à 44,5% en 2016 et dépassera les 50% d'ici une dizaine d'années. Le Québec est de loin le territoire le plus «bilingue» du pays. Ailleurs au Canada, la proportion de bilingues a augmenté de 6,9% en 161 à 9,8% en 2016 et on est désormais dans une ère de stagnation, voire de recul...

* Projection pour 2036? «Un écart croissant entre le taux de bilinguisme au Québec et le taux de bilinguisme hors Québec». On ne fait pas de projection pour la proportion de francophones dans l'ensemble du Canada, mais elle aura sans doute chuté sous la barre des 20%... L'accélération du début de la fin, et ça va être laid...

Merci M. Turcotte, je crois avoir décrypté votre message, mais je crains que la majorité de mes compatriotes ne réagissent avec la plus grande indifférence. Quand j'écoute les gens autour de moi, dans la rue, à la radio, à la télé ou sur Internet, je constate la dégradation rapide du français parlé. Quand je regarde les médias sociaux, la médiocrité du français écrit crève les yeux. Je vois et j'entends dans la vraie vie ce que vous décrivez avec vos savantes colonnes de chiffres...

Dans quelques générations, sur le plan linguistique et culturel, le modèle «Team Canada» (bit.ly/2Sxe07o) viendra achever ce qui reste...

Où en sont les braises de la résistance?









2 commentaires:

  1. « Un gouvernement libéral fera de la promotion du français une priorité. » -Justin Trudeau


    https://www.facebook.com/?ref=tn_tnmn#!/photo.php?fbid=10153550867058140&set=a.232916908139.169388.652793139&type=1&theater

    Voir…
    • Le mensonge de Trudeau ! Le Génocide culturel des francophones au Canada
    Synthèse du déclin du français au Canada par Pierre-Luc Bégin
    PDF : www.vigile.net/IMG/pdf/24-Genocide.pdf

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