jeudi 9 janvier 2020

Le Droit, 18 juillet 1938

J'ai redécouvert dans mes paperasses un exemplaire du quotidien Le Droit du lundi 18 juillet 1938. Quelle merveilleuse trouvaille! Un journal d'une époque fébrile, tant sur le plan national que mondial, rempli de nouvelles (bien plus que les quotidiens de 2020...). La manchette de la une? «La guerre d'Espagne entre dans sa troisième année».

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L'éditorial signé Camille L'Heureux décortique un livre récent sur le statut du Québec et des Canadiens français au sein de la Confédération, intitulé Notre problème politique, rédigé par le journaliste Léopold Richer, un ancien du Droit devenu correspondant parlementaire du Devoir. Ce «problème», évidemment, tient au fait que les Anglo-Canadiens veulent centraliser plus de pouvoirs à Ottawa et que les francophones veulent plus d'autonomie pour le Québec. Air connu...

Ce conflit «entre centralistes et autonomistes», écrit Camille L'Heureux, «n'est autre chose que la lutte, tantôt ouverte, tantôt sourde, vieille de plus de trois siècles entre la race anglaise et la race française sur le sol canadien»... «Dans l'esprit des Canadiens français, la Confédération devait établir, dans le Québec, une province française... La mise en vigueur de la Confédération n'a pas donné les résultats que les nôtres attendaient.»

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Pour ceux et celles qui ont eu l'occasion de lire le livre récent Un reporter au coeur de la libération, des plages du débarquement au bureau d'Hitler, du journaliste français Jean-Baptiste Pattier, portant sur les lettres écrites durant la guerre à son épouse par Marcel Ouimet, correspondant de guerre de Radio-Canada, une nouvelle en page 5 sera d'intérêt.

On y annonce que Marcel Ouimet réintègre son poste de journaliste au Droit après un stage de neuf mois à l'Université de Paris où il a eu la chance de visiter toutes les régions de France et d'Afrique du Nord. À un collègue qui l'interroge sur les possibilités d'une guerre en Europe, il répond: «Aussi longtemps que l'alliance franco-britannique vivra, les dangers de guerre resteront bien éloignés. Les liens qui unissent les deux grands pays démocratiques de l'Europe sont bien plus forts que toutes les poussées nationalistes bouleversées par des doctrines racistes ou communistes.» Une année plus tard, Hitler envahissait la Pologne et la guerre était déclarée...

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On rapporte ce 18 juillet un incident entre les États-Unis et le Canada, près de la municipalité québécoise d'Escourt, où la rivière St-François longe la frontière de l'État américain du Maine. Il semble que les autorités américaines aient saisi un troupeau de vaches appartenant au maire d'Escourt, M. Ludger Richard, parce qu'elles broutaient du foin du mauvais côté de la frontière...

À la Chambre des communes, le député de Témiscouata, François Pouliot, a réclamé l'annexion au Canada de la bande de terre controversée où les vaches québécoises s'étaient aventurées... Pour le moment, à moins de payer une amende de 250$, le troupeau serait abattu par les Américains... L'article n'en dit pas plus...

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En page 10, le journal fait état de «nombreuses» professions de foi chez les Soeurs grises de La Croix du diocèse d'Ottawa, qui chevauchait alors le Québec et l'Ontario. De toute évidence, les communautés religieuses catholiques canadiennes-françaises avaient alors le vent dans les voiles. Entre celles qui entraient au noviciat (cérémonie de vêture de l'habit religieux) ou prononçaient des voeux annuels ou perpétuels, on dénombre plus d'une soixantaine de noms, pour 1938 seulement, pour ce diocèse seulement, pour les Soeurs grises seulement... Elles étaient originaires de villes et de villages d'un peu partout en Outaouais, de l'Est et du Nord ontarien et même de la Nouvelle-Angleterre (de Lowell, Massachusetts, particulièrement).

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Le Droit annonce, pour le 27 juillet, au Théâtre Cartier de Hull, la présentation de la plus récente pièce de Jean Despréz, Le dernier miracle du Frère André (le Frère André était décédé l'année précédente, le 6 janvier 1937). Jean Despréz, de son vrai nom Laurette Larocque, était originaire de Hull et la salle actuelle du conseil municipal de Gatineau porte son nom. Elle a été journaliste, comédienne, auteure et rédactrice de feuilletons radiophoniques et de téléromans jusqu'à sa mort subite en 1965.

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Les nouvelles sportives, en 1938, sont décrites avec un langage souvent plus coloré que celui du 21e siècle. Ainsi, pour coiffer un texte sur une double victoire des Yankees de New York sur les Tigers de Détroit, au baseball, on titre : «Les Tigres sont battus; les Yankees leur tordent la queue samedi et dimanche»... Dans le texte on ajoute que «dans la défaite, les Bengales se sont fait talocher pour onze coups par les champions»...

Dans la Ligue internationale de baseball, les Royaux de Montréal ont aussi enregistré une double victoire contre les Orioles de Baltimore et grimpé au 5e rang. On titre: «Le Royal au 5e crochet»...

Le journal offre aussi des comptes rendus complets des matches des ligues de sacs de sable et des ligues de fers...

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Enfin, à la une, on peut lire que la Cour de l'Échiquier du Canada a donné gain de cause à Coca-Cola dans sa cause intentée contre son concurrent Pepsi-Cola... Coke alléguait que Pepsi l'avait lésée en imitant de trop près sa marque déposée «Coca-Cola»...

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Dans la seule page une, on pouvait lire 23 nouvelles... En 2020, combien de textes de nouvelles pouvez-vous lire à la une? Le plus souvent, dans la presse de langue française, le chiffre est zéro...




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