Numérisation des pp. 2 et 3 de l'édition Été 2024 de «Missionnaires ensemble» |
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À sa mort en juillet 2023, ma mère m'a laissé sa collection de 12 années (1941-1953) du petit bulletin Contact, publié par les pères Capucins de la paroisse Saint-François d'Assise, à Ottawa. Au-delà des sermons religieux, le fascicule périodique de 4 à 8 pages constitue un trésor d'information sur une époque révolue où, dans mon petit coin franco-ontarien comme un peu partout au Québec, le catholicisme était omniprésent.
À côté de la majestueuse église à deux clochers située sur la «grand-rue» de la capitale fédérale, les Capucins avaient érigé un collège séraphique où étudiaient une centaine de candidats à la prêtrise, la plupart québécois. À cause du nombre élevé de vocations, plusieurs religieux étaient disponibles pour les campagnes d'évangélisation auprès des «païens» et «infidèles» vivant dans des terres lointaines. Aussi d'année en année, dans les années 40 et 50, Contact annonçait le départ de prêtres d'ici pour les missions catholiques en Inde.
Le sort aura voulu qu'en 2022, lors d'une tournée du Saguenay et du Lac Saint-Jean, je m'arrête à L'ermitage de Lac-Bouchette, une oasis spirituelle des Capucins devenue attraction touristique. Nous n'y avons vu qu'un seul père Capucin, originaire du sud de... l'Inde. La plupart des prêtres d'ici qui restent (et ils se sont rares) sont vieux, parfois malades, et les nouvelles vocations arrivent des missions que les générations précédentes de religieux avaient fondées et entretenues ailleurs dans le monde, notamment en Inde.
Dans le magazine Missionnaires ensemble, en 2024, un frère capucin de l'Inde, Sibin Balu, devenu «missionnaire» au Québec (tout un revirement depuis 1950), a livré un témoignage révélateur sur son expérience québécoise: «J'avais beaucoup d'attentes par rapport à la vie chrétienne dans un pays catholique, écrit-il. Mais les premiers mois de ma vie ici m'ont appris que l'attribut "catholique" faisait référence à une réalité du passé et de l'histoire.
«Pour quelqu'un comme moi qui venait d'un environnement où les églises étaient presque remplies même dans les jours ordinaires, il était littéralement choquant de célébrer la messe sans chorale, parfois même sans servants de messe, en outre de voir les églises avec beaucoup de sièges vides le dimanche.»
Ce prêtre de l'Inde avait compris en quelques mois ce que, sur nos perchoirs idéologiques, les «savants» débats au sujet de la «catho-laïcité» peinent à décortiquer. Que l'influence du catholicisme sur la société québécoise est désormais marginale, et que toute autre perception repose essentiellement sur la présence d'églises et de monuments et objets religieux, ainsi que des quelque cinq cents villes et villages portant le nom de saints de la religion catholique.
Les églises paroissiales agonisent, les curés qui prennent la relève viennent d'Afrique ou de Haïti, à peu près personne ne récite des prières quotidiennement, les communiants se font rares, les monastères et couvents qui ont survécu sont devenus des CHSLD pour personnes âgées, etc. Le paysage catholique québécois témoigne de ce que nous fûmes jadis. De notre histoire comme peuple. C'est un héritage à chérir, ayant désormais peu à voir avec la foi ou la pratique religieuse.
On a beau apercevoir 100 clochers catholiques (ou plus) dans la métropole, on cherchera comme une aiguille dans une botte de foin les Montréalais issus de l'ancienne culture catholique qui arborent toujours un signe religieux ostentatoire. Les mosquées, synagogues et lieux de culte sikhs sont bien plus rares mais il arrive régulièrement de croiser une femme musulmane voilée, un Juif hassidique en tenue traditionnelle ou un Sikh portant turban. Voilà toute la différence!
Et ce prêtre capucin venu de l'Inde l'a compris en quelques mois. Alors fichez-nous la paix avec votre catho-laïcité sauce québécoise. Ce que nous faisons s'appelle laïcité tout court. Et nous n'avons par besoin de changer le nom du village L'Ascension de Notre-Seigneur ou du Lac Saint-Jean pour le prouver. Nous n'effacerons pas notre passé et notre identité pour calmer les saintes nitouches du multiculturalisme...
De la revue Contact, 1951 |
De la revue Contact, 1950 |
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