La publicité Bye Bye de Coca-Cola, hommage au Petit Roi de Jean-Pierre Ferland |
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Mardi soir, 31 décembre 2024, vers 22 h... Mon épouse et moi quittons le domicile de mon frère à Gatineau pour rentrer à la maison, à cinq minutes en voiture, où nous poursuivrons l'écoute des émissions de fin d'année de Radio-Canada... En sortant de la ruelle d'accès à son bloc d'appartements, on arrive au boulevard Saint-René, une artère habituellement achalandée... Avant d'avancer, mieux vaut toujours jeter un coup d'oeil prudent à gauche et à droite... Mais surprise (ou pas?), aucune voiture en vue, aussi loin qu'on puisse voir!
Quand, le surlendemain, j'ai pris connaissance des cotes d'écoute préliminaires d'En direct du Jour de l'An, d'Infoman et du Bye Bye 2024, j'ai eu la confirmation de la justesse de mon pressentiment. Près de la moitié des Québécois (des francophones du moins) étaient agglutinés devant un téléviseur, branchés sur Radio-Canada pour assister à nos messes annuelles de la Veille du Jour de l'An.
Pensez-y! Au Québec, plus de trois millions de personnes ont vu en direct le Bye Bye... qui captait ainsi 91% de l'auditoire disponible! Des chiffres qui seront bonifiés avec les reprises télé et les visionnements Internet dans les jours suivants... Ce phénomène télévisuel assez unique doit faire baver les bonzes de la CBC, qui n'offre rien de tel au public anglo-canadien à la veille du Nouvel An et dont les cotes d'écoute laissent nettement à désirer.
Les commerçants, eux, ont fort bien saisi la portée de ces émissions spéciales de Radio-Canada. Les espaces publicitaires à 500 000 $ la demi-minute se sont envolés en quelques heures et plusieurs des annonceurs mijotent des pubs spéciales (clairement destinées au public québécois), au point où le contenu publicitaire est attendu presque autant que les émissions dans lesquelles il est diffusé. Le concours annuel des meilleurs publicités du Bye Bye attire un large public...
La publicité d'Air Canada, inspirée de La guerre des tuques |
Même les entreprises pan-canadiennes, voire internationales, qui profitent de ces cotes d'écoute exceptionnelles mettent en ondes des messages publicitaires créés par et pour les Québécois. Songez à Air Canada, souvent critiquée pour ses services en français déficients, avec sa pub inspirée de La guerre des tuques, y compris la chanson tirée du film mythique, montrant un avion avec le titre Un air de chez nous... Ou Tim Hortons inventant un pipi-gate québécois parce que sa porte-parole Sarah-Anne Labrosse est arrêtée aux toilettes d'un Tim sans faire d'achat... Et que dire de Coca-Cola qui a rassemblé une brochette de vedettes québécoises de la chanson pour rendre un hommage émouvant au Petit Roi de Jean-Pierre Ferland...
Quant aux messages publicitaires en provenance du Québec, leur originalité et leur humour ciblent invariablement des environnements humains et physiques d'ici. Le petit chef-d'oeuvre de Mondou montrant un chien gagnant une course à obstacles parce qu'il a appris à manoeuvrer autour des cônes orange et clôtures des rues en réparation... Dans celle des Érables du Québec, un type suggère d'attendre que toute la tubulure d'une érablière pète avant de la réparer, citant ses 20 années d'expérience au service d'aqueduc municipal... Sans oublier les sympathiques offrandes des producteurs de lait et de Metro, se déroulant autour de tablées typiques du temps des Fêtes...
La pub de Mondou, un clin d'oeil aux travaux routiers urbains... |
Le contenu des émissions était lui-même enraciné dans le vécu québécois. L'En direct de France Beaudoin mettait en scène avec brio quatre personnalités artistiques et médiatiques du Québec, avec une présence surprise de plusieurs de leurs proches et amis, et en dépit de la présence irritante de musique anglaise, respirait le terroir du bassin du Saint-Laurent. Les émissions Infoman et Bye Bye, tout en ratissant beaucoup plus large, étaient aussi ancrées en terre québécoise. La valeur d'y participer n'échappe pas aux politiciens fédéraux qui savent se débrouiller en français. Le chef conservateur Pierre Poilievre, si prompt à dénoncer CBC, était tout sourire en déclarant que pour tout premier ministre canadien, une visite à Infoman restait incontournable.
La francophonie hors Québec, absente des heures de forte écoute la Veille du Jour de l'An, avait cependant sa propre offrande, Improtéine expose 2024, présentée à l'ouest du Québec (et en Outaouais) à 18 h, le 31 décembre, puis vers 1 h 30 pour le réseau complet dans la nuit du Jour de l'An après Les coulisses du Bye Bye. Faite avec peu de ressources, passée sous silence dans les textes médiatiques, l'émission de la troupe franco-ontarienne Improtéine propose un voyage pan-canadien un peu superficiel - faute de moyens j'imagine - mais réussit tout de même à traiter avec humour l'épisode «plein de marde» à Ottawa. Le périple se termine cependant au Québec, à Montréal, où l'équipe découvre que leur projet de fin d'année a été saboté par des membres de la CAHQAQ (Coalition des artistes hors Québec au Québec) qui veulent empêcher que d'autres francophones hors Québec viennent les concurrencer à la télé québécoise...
Le temps d'un soir, Radio-Canada était devenu un Radio-Québec rassembleur et personne - ni le public (au Québec et ailleurs), ni les commanditaires, ni les politiciens fédéraux - ne semblait s'en plaindre. Plusieurs ont critiqué les émissions, bien d'autres ont adoré, mais la nation québécoise était au rendez-vous. Nos rues désertes de la Veille du Jour de l'An en témoignent.
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