lundi 6 mars 2017

Il y a 70 ans... Des problèmes qu'on n'a jamais réglés...


Quand j'ai eu 50 ans (en 1996...), j'ai reçu en cadeau la page une, laminée et encadrée, de l'édition du quotidien Le Droit du 30 juillet 1946 - le jour où je suis né à l'hôpital de l'Armée du Salut, dans le quartier Saint-François d'Assise à Ottawa. Cette «une» décore le mur de mon bureau à la maison depuis 21 ans et même si je l'ai souvent scrutée, je n'ai jamais vraiment lu les textes...

Je l'ai fait ce matin... Croyez-le ou non, il y avait pas moins de 25 nouvelles et une photo dans cette «une» de journal, chose absolument impensable dans notre ère de quotidiens formats réduits, et en particulier dans les tabloïds... À l'époque, Le Droit publiait un journal grand format (8 colonnes à la une) et était livré à domicile l'après-midi, avant le souper... Sa dernière édition de fin de journée devait rouler sur les presses 40 ans plus tard, le 15 mai 1987...

Quoiqu'il en soit, le contenu de cette page frontispice complexe du «seul quotidien français de l'Ontario et de l'Ouest du Québec» m'a frappé par la similitude de nombreux enjeux qui ponctuent toujours les unes des médias de 2017, et quelques différences de langage employées par les journalistes.

Des problèmes d'immigration aux budgets d'infrastructures, des relations entre Juifs et Arabes en Palestine aux affrontements entre Moscou et Washington, de la corruption à la police de Montréal à l'omniprésence de symboles catholiques au Québec, on a parfois l'impression de se retrouver en terrain (presque) connu.

Par contre, quand quatre fusiliers marins américains sont tués par les rebelles communistes de Mao en Chine, Le Droit titre: «Quatre Yankis tués par des Rouges chinois»... Des Yankis? Des Rouges? Et quand neuf bûcherons se noient dans l'État du Mississippi, aux États-Unis, on note dans le journal: «Huit sont des nègres, et le neuvième est un blanc.» On sait quel mot on ne reverrait pas aujourd'hui...

Voici ce qu'on découvre, entre autres, dans mon journal du 30 juillet 1946:

Moscou-Washington

1. C'est le début de la Guerre froide, et une année après la fin des hostilités en Europe, la conférence de paix voit déjà les premiers affrontements entre les Soviétiques et les Américains. Sous le titre Moscou se plaint de la place donnée aux États-Unis, la délégation soviétique peste contre le fait que les Américains ont reçu les meilleurs places dans les premières rangées... Le rideau de fer allait couper l'Europe en deux au cours des deux ou trois années suivantes... L'animosité demeure, même en 2017...

Juifs - Palestiniens

2. Des attaques terroristes à Jérusalem en 1946... mais elles ne sont pas l'oeuvre des Palestiniens. Ce sont des groupes terroristes juifs qui font sauter l'hôtel du Roi-David à Jérusalem, alors que le pays est toujours sous mandat britannique. La seule ville juive, Tel-Aviv, est mise sous couvre-feu et plus de 16 000 soldats britanniques, dont le corps de parachutistes Les diables rouges, pourchassent les auteurs de l'attentat qui avait fait 91 morts. Israël devait naître deux ans plus tard. Et le conflit est loin d'être fini...

Chine - Taïwan - États-Unis

3. Des troupes américaines interviennent aux côtés de Tchang Kaï-Chek, contre les troupes rebelles de Mao. Les hostilités, interrompues durant le second conflit mondial, avaient repris en 1946. Quand Mao sera enfin victorieux en 1949, Tchang se retirera à Taïwan, toujours soutenu par les États-Unis. Le statut de Taïwan restera une pomme de discorde entre Pékin et Washington jusqu'en 2017...

CCF (NPD) talonne les libéraux...

4. L'ancêtre du NPD, le CCF (Cooperative Commonwealth Federation), réclame du gouvernement libéral de l'époque de vastes programmes d'infrastructure pour tenter de régler la crise du logement. Il en ressortira une nouvelle organisation fédérale, la Société centrale d'hypothèques et de logement (SCHL) fondée en 1946. Les rôles sont les mêmes qu'aujourd'hui. Seule différence. Dans le texte, au sujet du CCF, on parle des «députés socialistes»...

Démission forcée à la police de Montréal

5. Le directeur de la police des moeurs de Montréal, le capitaine Arthur Taché, démissionne après avoir reçu l'ordre de le faire du chef de police, Fernand Davidson. Le capitane Taché avait été nommé en novembre 1945 pour «balayer de Montréal le jeu et le vice organisé»... On s'attendait à ce que plusieurs chefs d'accusation suivent... Décidément...

Immigration...

6. L'Europe fait pression pour que le Canada accepte un certain nombre d'immigrants juifs persécutés durant la Seconde Guerre mondiale. Le Canada n'avait pas un dossier reluisant en la matière avant 1939, quand des centaines de milliers de Juifs auraient pu être sauvés des griffes d'Hitler. Leur seul crime, dit-on, c'était d'avoir été juifs dans des pays sous domination nazie... Parle-t-on toujours d'immigration en 2017?

La morale de tout ça? En lisant les journaux de cette époque, on peut suivre l'histoire locale, régionale, nationale et mondiale au jour le jour. Même les processions du Saint-Sacrement à Ste-Anne de Beaupré. Quand je compare aux journaux d'aujourd'hui, les quotidiens des années 1940 (du moins Le Droit) sont une mine d'information détaillée... La presse écrite de 2017, du moins celle du Québec (exception faite du Devoir), laissera aux chercheurs du futur d'immenses chapitres vides ou dégarnis...

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