lundi 29 octobre 2018

L'indépendance devant un mur de briques...

Photo La Presse

En avril 2016, j'avais participé à une assemblée des «OUI Québec» au café-bar de l'Université du Québec en Outaouais (UQO), à Gatineau. Les quelque 70 personnes présentes avaient chaudement applaudi les discours de deux dirigeants de OUI Québec, Claudette Carbonneau et Pierre Curzi... mais comment aurait-il pu en être autrement? C'étaient tous, toutes, des militants. Des convaincus prêchant à des convaincus...

Je me souviens m'être demandé comment Mme Carbonneau et M. Curzi se seraient débrouillés avec des inconnus dans la rue ou dans l'autobus que j'avais pris pour me rendre à l'UQO. Bonjour, Monsieur, Madame, j'aimerais vous parler de l'indépendance du Québec? Non, pas vraiment... Et pourtant, ce sont justement ces inconnus qu'il faudra rallier pour qu'un bon jour, le Québec puisse devenir un pays avec l'appui d'une majorité des citoyens. 

Que diraient le duo Carbonneau-Curzi à ces inconnus si ces derniers baragouinent un français truffé d'anglicismes, s'ils veulent précipiter leurs enfants en apprentissage intensif de l'anglais, s'ils n'ont jamais entendu parler des Patriotes, de Louis Riel, du Règlement 17 ou de la crise d'octobre, s'ils ne suivent pas l'actualité politique québécoise ou canadienne, si leur univers gravite autour de Facebook, Instagram, Twitter ou quelque autre truc du genre, ou encore s'ils sont surtout préoccupés à arrondir les fins de mois pour assurer le nécessaire au foyer? Ils frapperont un mur de briques...

La langue française

Pour l'indépendance comme pour un casse-tête, les pièces clés doivent être placées pour que l'ensemble du projet apparaisse clairement. Avec un taux d'analphabétisme fonctionnel frisant les 50% chez les francophones et l'anglicisation croissante de notre seule métropole, comment pouvons-nous espérer bâtir un État dont la langue et la culture françaises sont le principal ciment identitaire? L'excellence du français parlé et écrit, à l'école, au travail, partout au Québec, constitue un préalable au débat ultime sur l'indépendance. Nous n'en sommes pas là.

La connaissance de l'histoire

L'apprentissage de l'histoire compte aussi parmi les pièces maîtresses du projet souverainiste. Sans connaissance solide de notre passé, comment pouvons-nous intelligemment décortiquer le présent et en tirer des choix d'avenir informés? Les adversaires d'un Québec souverain craignent l'enseignement de l'histoire, avec raison. Une simple énumération chronologique des principaux évènements, sans commentaire aucun, suffirait pour éveiller la conscience nationale des francophones du Québec... et d'ailleurs au Canada. Si on se laisse convaincre qu'il s'agit là seulement de «vieilles chicanes» sans intérêt, notre «petit village encerclé» du bassin du Saint-Laurent sombrera dans l'oubli après un combat inutile de plus de deux siècles...

Les médias

Par ailleurs, en 45 ans de journalisme, j'ai appris qu'en démocratie, un public bien informé est plus susceptible de prendre de bonnes décisions. Or, dans le bourbier médiatique actuel, avec la surmultiplication de sources d'information plus ou moins fiables, avec les coupes incessantes dans les salles des nouvelles (quand ce n'est pas carrément une fermeture), avec la puissance des machines de propagande privées et publiques, s'informer peut devenir tout un défi. Depuis un demi-siècle, les indépendantistes savent à quel point le prisme médiatique les a déformés. Et le problème semble s'aggraver en ce début de 21e siècle.

Je vous parle d'un temps...

À l'époque où ma génération s'agitait contre la guerre du Vietnam, manifestait pour l'indépendance du Québec, rangeait pour de bon les épouvantails religieux, virait les campus universitaires sens dessus dessous, les gens s'écrivaient, se parlaient, se rassemblaient, lisaient des livres et des journaux imprimés, allaient s'informer à la bibliothèque. Aujourd'hui, et peut-être pour de bon, toutes ces activités peuvent être concentrées dans un petit ordinateur ou téléphone que l'on transporte toujours avec soi.

La culture des écrans

La culture des écrans a fondamentalement modifié l'expression d'opinion et l'acquisition de connaissances au cours des 20 dernières années. À mon plus récent trajet en autobus, à peu près personne ne se parlait. Tout le monde pitonnait... En file à l'épicerie, l'autre jour, la femme devant moi avait un oeil sur la caissière et l'autre sur le texto qu'elle tapait d'une main à l'écran de son cellulaire... Quant à mon expérience de sept ans avec Facebook et Twitter, je peux difficilement dire que je l'ai trouvée édifiante sur le plan du dialogue et des communications. À l'écran, il me semble, le soi l'emporte beaucoup trop souvent sur le nous. Pour un projet collectif comme la souveraineté, c'est là un obstacle de taille... On ne verra guère de milléniaux aux assemblée de OUI Québec...

Bien sûr, tête grise que je suis, je continuerai dans la mesure de mes faibles moyens, pour le temps qui me reste, à défendre le caractère essentiel du projet indépendantiste. Mais je suis sans illusions. Si nous devenons un peuple de quelques millions de zombies d'écran parlant un franglais approximatif, ignorant presque tout de son passé... nos oeuvres musicales et littéraires, nos faits et gestes (glorieux ou pas), nos combats inégaux, nos quatre siècles d'existence finiront aux archives et sur les tablettes des musées.

Awignahan!


1 commentaire:

  1. Bonjour patriote,

    Vous reflétez ici une triste réalité, que je réalise également, avec tristesse. Les prochains 4 ans vont être déterminant pour la suite ou non du rêve québécois. Ou bien il s'accentue ou bien nous disparaissons lentement mais inexorablement.

    Vivons d'espérance !!!

    Gilles Sauvageau
    L'Assomption
    Québec

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