samedi 13 octobre 2018

Les 50 ans du PQ. «Ce parti est à ses membres aussi sûrement que le Québec est aux Québécois.» - René Lévesque, 14 octobre 1968


Le Parti québécois a 50 ans. Un vieux parti à l'agonie, disent de nombreux fossoyeurs. Un parti fondé à une époque révolue, taillé sur mesure pour cette époque révolue. Un parti qui a gouverné et perdu deux référendums. La société a changé, le monde a changé. Le temps est venu de chercher ailleurs, de passer à autre chose.

Voilà à peu près ce que j'entends ces jours-ci. Et si tout cela n'était un astucieux mélange de factuel et d'opinion dont on a fait une mixture toxique de conclusions perçues, jusque dans les médias, comme des évidences? S'il me faut retenir un seul enseignement ans de mes 40 et plus années de journalisme, c'est qu'il n'existe rien d'évident. Tout, absolument tout, doit être vérifié, critiqué, évalué et revérifié. 

Alors je pose la question. Le PQ est-il démodé? Le Québec des années 60 et 70 conserve-t-il sa pertinence pour l'analyse des conjonctures actuelles et futures? Les préoccupations de notre petit peuple d'Amérique ont-elles évolué à ce point? Le monde d'aujourd'hui est-il différent au point de reléguer en permanence aux livres d'histoire les enjeux qui ont façonné le PQ d'octobre 1968?

Les indépendantistes étaient alors divisés, même après la fondation du Parti québécois. Le Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN) campait solidement à sa gauche, et les rapports entre les chefs des deux formations était tendus. Le taux de natalité des Québécois francophones était en chute libre et l'immigration constituait déjà un facteur inquiétant d'anglicisation. Le statut du français au travail et en éducation suscitaient de vifs débats. Le Québec tout entier était en processus accéléré de laïcisation. Un sinistre président (Richard Nixon), qui serait par la suite évincé, trônait à Washington et un Trudeau arrogant régnait en adversaire très hostile à Ottawa. 

Vous voyez au moins quelques similitudes? Moi si! En tous cas, suffisamment pour retourner à certaines déclarations de l'époque et se demander si leurs auteurs pourraient toujours les prononcer en 2018. Je vous en laisse juges...

René Lévesque, cité dans Le Devoir du 15 octobre 1968:

«C'est un très beau nom (Parti québécois) que nous venons de choisir. C'est le plus beau nom pour un parti politique. Il nous impose une écrasante responsabilité additionnelle. Il ne faut pas jouer avec le nom du pays. Il y a des gens sincères qui ne sont pas souverainistes et qu'il ne faut pas heurter ou repousser. Il faut porter le nom de notre parti avec dignité, sans commercialisme, avec intégrité, jusqu'à ce qu'il ait joué son rôle et qu'il ne soit plus nécessaire, c'est-à-dire jusqu'au jour de l'indépendance, alors que nous serons tous devenus des Québécois.»

Pierre Bourgault, au moment de saborder le RIN pour faire l'unité indépendantiste au sein du PQ, cité dans Le Devoir du 28 octobre 1968:

«Nous n'avons pas le droit d'aller au Parti québécois pour y semer des difficultés. Le PQ sera et devra être notre parti autant que le RIN le fut pendant huit ans. Nous avons une seule arme: la générosité; nous affrontons un seul danger: la peur, la peur de nous-mêmes, la peur de l'inconnu qui nous attend, la peur de nos faiblesses.»

René Lévesque, dans la série de volumes L'humanité en marche, début années 1970:

«Aux alentours de 1980, la dernière grande vague de natalité d'après-guerre aura atteint l'âge adulte et la société québécoise, pendant un nombre d'années dont on ne voit pas encore la fin, plafonnera numériquement. Dans un pays fédéral dont la politique d'immigration tend naturellement à renforcer la majorité anglophone, elle aurait alors toutes les chances de décliner et de commencer à subir cette assimilation par la noyade, vieux rêve du conquérant que seule notre ancestrale "revanche des berceaux" empêcha jadis de se concrétiser.»

«La société québécoise ressemble un peu au homard en saison de mue, sa vieille carapace émiettée est, jusqu'à la repousse, extrêmement vulnérable.

«Charriée par tous les courants torrentueux de notre époque, la société québécoise a donc le besoin pressant d'un nouvel encadrement, de ce minimum vital de "consensus", faisceau toujours mystérieux des liens et des modèles qu'on accepte, sans quoi elle serait, plus que toute autre peut-être, en danger de désintégration irrémédiable.

«Or, ce consensus nouveau, ce cadre vital, on n'en voit nulle part la perspective solide si ce n'est dans l'indépendance.»

Voilà ce qu'on semble avoir perdu de vue ces dernières années: l'indépendance comme meilleure (seule?) solution aux problèmes pressants qui mettent en péril l'avenir, l'existence même, de la nation québécoise. Dans cette lutte qui n'en finit plus entre factions souverainistes pour savoir qui occupera la meilleure branche du meilleur arbre, on a trop souvent oublié la forêt - l'objectif d'un pays bien à nous.

Brian Myles écrivait cette belle conclusion dans son éditorial d'avant-scrutin, il y a quelques semaines:

«Pour l’heure, l’indépendance du Québec est l’équivalent d’une semence remise en terre. Elle se réalisera le jour où le peuple sera persuadé qu’il s’agit de la meilleure option pour assurer la pérennité de l’expérience historique singulière du Québec, cette terre d’expression, d’institutions et de culture francophones en Amérique.» 

Mais le peuple ne se persuadera pas tout seul, dans un brillant éclat de spontanéité. C'est pour cette raison qu'un parti souverainiste portant le nom de son peuple a été créé en 1968. René Lévesque déclarait d'ailleurs au congrès de fondation: «Ce parti est à ses membres aussi sûrement que le Québec est aux Québécois.»

Le défi de 1968 ressemble très-beaucoup à celui de 2018. Les enjeux aussi. Bien sûr le monde a changé, mais pas autant qu'on le prétend. Avant de reléguer aux oubliettes les stratégies et combats d'il y a 50 ans, peut-être y aurait-il lieu d'y chercher des enseignements...

Comme l'écrit si bien Alexandre Belliard dans sa chanson Papineau (chantée par Paul Piché en 2014) sur l'album Légendes d'un peuple - Le Collectif,

«Si l'indépendance n'est pas faite, c'est qu'elle sera toujours à faire»...
















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