vendredi 24 septembre 2021

LA question... Ignorance, hostilité, mépris...

Capture d'écran du Journal de Montréal

Si l'élan vers l'indépendance du Québec ne retrouve pas un peu de sa vigueur après la campagne électorale fédérale de 2021, nous sommes cuits. Jamais les enjeux n'ont-ils été aussi clairs. «LA» question d'ouverture de l'animatrice Schachi Kurl au débat anglais des chefs de parti a étalé au grand jour, une fois pour toutes, l'ignorance, l'hostilité et le mépris de la majorité anglo-canadienne à l'endroit de la nation québécoise.

Cette fameuse question (voir photo ci-haut) m'a fait sursauter quand je l'ai entendue le soir du débat, le 9 septembre. J'ai d'abord cru avoir mal compris. Puis je me suis dit que l'animatrice s'était laissée emporter par ses propres préjugés. Mais non... Dès le lendemain, on a su que les questions avaient été préparées par un consortium médiatique et la société de sondages Angus Reid, dont Mme Kurl est la présidente. Elle avait lu un texte vénéneux sur lequel tous s'étaient mis d'accord!

Et les auteurs de cette question n'étaient pas des deux de pique... Le consortium du débat en anglais était formé de représentants des réseaux CBC, CTV, Global et APTN, en collaboration avec la direction d'Angus Reid. Que ces gens aient rédigé eux-mêmes ou pas le libellé des questions, ils en étaient directement responsables. Ils ne se sont d'ailleurs jamais excusés... Ils ne semblent même pas comprendre pourquoi les Québécois pourraient être offusqués...

Alors voici, pour ces bonzes médiatiques et savants sondeurs d'opinion publique, un cours 101 de décorticage de mensonges. D'abord l'intro à la question: «Vous niez que le Québec a des problèmes avec le racisme», dit Mme Kurl à Yves-François Blanchet. Première fausseté: M. Blanchet a reconnu (comme tout le monde) qu'il existe des problèmes de racisme au Québec. Racisme «systémique»? Ça, c'est autre chose. Mais toujours est-il que l'animatrice établit des le départ qu'on parle de racisme dans sa question.

Poursuivons. Mme Kurl dit: «mais vous défendez des lois comme les lois 96 et 21 qui marginalisent les minorités religieuses, les anglophones et les allophones». L'animatrice n'a pas dit ces lois «racistes». Elle n'avait pas besoin de le faire, ayant déclaré au départ que le thème de la question était le racisme. Les lois 96 (défense du français) et 21 (laïcité) étaient donc nécessairement des manifestations de ce «problème de racisme» au Québec... Et elle le savait...

Provenant de personnalités médiatiques pan-canadiennes et d'une maison de sondage nationale, ces affirmations témoignent d'une ignorance crasse de la réalité québécoise et reflètent sans doute les préjugés (pour ne pas dire le racisme) que véhicule la presse anglo-canadienne à l'endroit du Québec depuis plus de deux siècles. Sinon ces gens auraient su que la langue française, étant menacée même au Québec, a besoin de protection et de promotion, et que la laïcité de l'État, loin d'être discriminatoire, favorise l'égalité de tous les humains et constitue un rempart contre l'intrusion abusive des religions. Et qu'à cet égard, les lois 96 et 21 sont fort modérées, pour ne pas dire faibles.

Quoiqu'il en soit, le consortium ne dit pas dans sa question que ces lois sont vues par plusieurs Anglo-Canadiens comme des instruments de marginalisation des minorités religieuses, anglophones et allophones, mais bien qu'elles SONT des instruments de marginalisation des minorités religieuses, des anglophones et des allophones. Cela contrevient à tous les principes journalistiques que j'ai appris et démontre que même chez les journalistes, à force de dire des mensonges on finit par les croire et les énoncer comme des évidences.

Finalement, la question se termine par une proposition aussi venimeuse dans sa formulation que fausse dans sa conclusion. D'abord ce ton condescendant: aidez-nous, s'il vous plaît, à expliquer aux Anglo-Canadiens pourquoi vous êtes comme vous êtes. À notre altitude morale, nous sommes incapables de voir ce qui se passe si bas, dans vos ruelles tribales. Puis le coup de massue: pourquoi votre parti (le Bloc québécois) soutient-il ces lois discriminatoires? Pas des lois vues comme étant discriminatoires par le public anglo-canadien, mais bien des lois qui SONT, de toute évidence, discriminatoires. De la part d'un consortium médiatique qui se veut sérieux et professionnel, ce type d'agression est impardonnable!

Bon! Voilà pour le décorticage... On aurait pu espérer, à la suite du tollé de protestations en provenance du Québec et même, sur le tard, des autres chefs de parti fédéraux, un examen de conscience de l'animatrice et des membres du consortium médiatique. Mais non! On persiste et on signe. Dès le lendemain, Mme Kurl joue presque à la victime: «Je voulais que M. Blanchet puisse informer (les Canadiens à l'extérieur du Québec) sur le "pourquoi" derrière l'appui à ces lois. Il s'est froissé: ainsi soit-il.» L'opportunité de s'expliquer, d'informer? Je connais la différence entre une attaque et un dialogue, et quiconque lit la question originale sait qu'il ne s'agissait pas ici d'une amicale ouverture à l'information. Si Mme Kurl ne voit pas cette différence, elle ne la verra jamais...

Le Groupe de diffusion des débats en a rajouté! (voir bit.ly/3yWrr2l) «La question de Mme Kurl concernant la Loi 21 et le projet de loi 96 du Québec a été posée à M. Blanchet pour lui donner l'occasion d'expliquer le point de vue de son parti sur ces lois. La question portait explicitement sur ces lois. La question n'affirmait pas que les Québécois sont racistes.» C'est vrai. Ce  n'est pas dit ainsi. Mais le sens est là. La question porte sur le racisme. On affirme le caractère discriminatoire des lois qui marginalisent les minorités religieuses, les anglophones et les allophones. Et après, on demande à M. Blanchet d'expliquer pourquoi il appuie des lois que l'animatrice a déjà taxées de discriminatoires (par extension, racistes) et qui, tout le monde le sait, sont soutenues par une forte majorité de francophones au Québec. Un plus un égalent deux...

Enfin, la cerise sur le gâteau... Six jours après le débat, la firme Léger publie un sondage transcanadien (voir bit.ly/3o3IVYx) sur la célèbre question de Mme Kurl et on découvre que l'attitude injurieuse du consortium des débats anglais à l'endroit du Québec est partagée par plus de deux tiers de la population anglo-canadienne. En effet, quelque 69% des Canadiens hors Québec ont trouvé la question «appropriée», alors que 65% des Québécois sont en désaccord. Les deux nations se contredisent aussi quant à l'effet des lois 21 et 96. Et enfin, 73% des Canadiens hors Québec croient que la langue française n'est pas menacée «au Canada»!!! 73% des Québécois estiment qu'elle l'est. Les recensements successifs de Statistique Canada donnent raison aux Québécois. Mais comme les médias anglo-canadiens n'en parlent à peu  près jamais...

Alors voilà! La question empoisonnée n'était pas une erreur ou un moment de folie. Elle était murie, réfléchie, voulue. Ils nous regardent de très haut depuis des générations. Ils se voient supérieurs, et n'hésitent pas à nous le faire savoir. Hors Québec, ils ont persécuté la langue française pour notre bien... Pour nous élever, comme aurait dit Durham, au même niveau que les anglophones... S'ils le pouvaient, ils mettraient la hache dans toutes ces lois 101, 21, 96 et autres. Et peut-être le peuvent-ils. Ils ont historiquement eu Ottawa et ses tribunaux comme alliés. Ils sont la majorité. Nous sommes la minorité. Une minorité décroissante, en plus. Dans ce pays, nous perdrons toujours. Et maintenant nous savons ce qu'ils pensent de certaines de nos lois à caractère identitaire. Nos valeurs d'égalité, de laïcité, de protection et promotion du français frapperont toujours un mur avec notre demi-État le plus souvent à genoux.

Et, comme disait Angus Reid lui-même, cette semaine (voir bit.ly/2XVEqoq), «tant pis pour l'hystérie entourant la question de la discrimination dans le débat anglais!» Vous avez bien lu: hystérie! Pas d'acte de contrition, pas d'excuses, pas de remise en question. En plus d'être racistes, nous voilà hystériques...

Sans un pays à notre image, nous savons ce qui nous attend. Le débat anglais n'était pas très subtil à cet égard. Le Québec-bashing se porte et se portera très, très bien...


2 commentaires:

  1. Excellent tecte, M. Allard. Il passera probablement inaperçu dans le grand débat national, mais vous avez quand même raison...

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  2. Je l'ai envoyé à bien du monde, pour qu'ils puissent en prendre connaissance...

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