dimanche 11 août 2024

«Emmenez-moi au bout de la terre...»

L'aéroport des Îles, en arrière-plan l'avion bleu et blanc Saab du transporteur Pascan

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Le souvenir me fait frissonner... Des gens de l'Outaouais, de l'Estrie, des Laurentides, de Portneuf, de la Côte-Nord et d'ailleurs, à table pour le souper dans la salle à manger de l'auberge La Salicorne, aux Îles de la Madeleine, entonnant en choeur avec le chansonnier Philippe Poirier les paroles d'Aznavour: «Emmenez-moi au bout de la terre, emmenez-moi au pays des merveilles»... 

Un regard à l'extérieur sur les milliers d'épilobes en fleur, sur les sapins et épinettes dressés devant le golfe Saint-Laurent aurait suffi pour me convaincre que nous étions arrivés au pays des merveilles et, cinq kilomètres plus loin où la route 199 s'arrête brusquement au port de Grande-Entrée, la mer devant, à gauche et à droite, que nous avions aussi atteint «le bout de la terre»...

Depuis mon premier (et seul) voyage aux Îles de la Madeleine en 2002, cet archipel isolé et ses habitants exercent sur moi une attraction quasi mythique. Je craignais de ne jamais revenir. C'est à la fois la plus acadienne et la plus québécoise des régions de notre merveilleux demi-pays. Venus comme touristes en quête d'inconnu, envoûtés par l'accueil et le paysage, on s'y retrouve entre nous, on redécouvre les nôtres sur ces îles et les dunes qui les ficellent.

En cet après-midi du 25 juillet 2024, à bord du petit avion Saab à hélices du transporteur Pascan, les Îles de la Madeleine se profilent à l'horizon, languette de terre perdue dans ce golfe immense, bien plus exiguë que ma ville, Gatineau, avec 25 fois moins d'habitants.  La piste d'atterrissage, qui débute à quelques mètres de la mer, s'étend sur plus de la moitié de la largeur de l'île de Havre-aux-Maisons (prononcer Hâve-aux Maisons, on expliquera plus tard). Du haut des airs, on pourrait se demander pourquoi un si petit territoire attire tant de visiteurs, la plupart à la découverte, d'autres en pèlerinage.

Une fois au sol, bien sûr, la perspective change. Entassés à cinq avec nos bagages dans un Honda CRV de location, le GPS du cellulaire annonce un parcours de 40 minutes avant d'arriver à notre destination, l'auberge La Salicorne, au village de Grande-Entrée. Après avoir quitté le chemin de l'Aéroport, c'est la 199 à perte de vue roulant sur l'étroite Dune du Nord entre Havre-aux-Maisons et Grosse-Île en passant par Pointe-aux-Loups, dune grugée sans répit par une mer envahissante. Une vingtaine de km de verdure et de sable, où les adeptes du kite surf vont garer leurs véhicules avant de profiter du vent sur la lagune...

La route 199, traversant le village de Pointe-aux-Loups

Aux environs de la mine de sel Windsor toujours active, la route 199, arrivée à sa pointe nord, prend un virage vers l'est près du village anglophone de Grosse-Île (environ 500 habitants) puis plonge au sud sur l'île de la Grande-Entrée vers le village qui porte le même nom, désigné en 1994 capitale québécoise du homard. Après ce périple émaillé de maisons jaunes, rouges, mauves, bleues, une petite église blanche (elles sont toutes blanches) au bord de la mer marque notre arrivée aux bâtiments verts de La Salicorne, presque en face, sur une colline de l'autre côté de la 199.

Clairement nous ne sommes pas ici dans l'achalandage touristique du chef-lieu, Cap-aux-Meules, ou de la Grave à Havre-Aubert. Mais la crainte de se retrouver pour une semaine à un endroit hors des circuits les plus fréquentés, ne connaissant de la qualité de l'établissement que ce que nous avons pu glaner sur Internet,  ne durera qu'un moment. Les premières impressions sont les plus souvent justes et les nôtres nous font croire au gros lot. Avec l'accueil du personnel, le confort des chambres, la vue panoramique, le charmant bistro, la qualité du menu et un attrayant programme d'activités, les sourires seront de mise.

Notez la photo et bio de Frank Boudreau entre les deux lits

Notre chambre, la 28 à l'étage, confirme nos espoirs. Fenêtres au nord et à l'est pour une splendide vue. Deux lits en bois fabriqués par un ébéniste madelinot. Un bain sur pied, salle de bain avec douche, espace de rangement, table et chaises, tout y est! J'oubliais: la chambre 28 s'appelle aussi «Frank à Jean» en l'honneur de Frank Boudreau, un pionnier du coopératisme aux Îles, mort en 1994 à l'âge vénérable de 101 ans. Sa photo trône sur le mur, entre les deux lits, avec une courte biographie rédigée par son petit-fils Marcel Boudreau. Chaque chambre est ainsi baptisée. Celle de ma fille et de mon gendre, de l'autre côté du couloir, s'appelle «Augustin à Samuel»...

Le Resto Madelinot de l'auberge sera notre seconde découverte. Notre forfait inclut le petit déjeuner et le repas table d'hôte quatre services du soir. Après une excellente salade aux épinards et petits fruits suivie de la crème du jour (je ne me souviens pas laquelle), on nous offre le choix entre un sauté de boeuf et brocolis sur vermicelles, un poke bowl avec homard, ou avec tofu. Nous étions cinq à table et les trois plats ont été goûtés. Sans oublier une bonne carte des vins, une variété de bières madeliniennes et des desserts sucrés à souhait. Les avis sont unanimes. Nous ne raterons pas un seul souper ici!

La vue devant l'auberge La Salicorne. On voit l'école et l'église de l'autre côté de la 199.

Un peu d'air frais après le repas sous un jour déclinant (il fait chaud ces temps-ci aux Îles) pour faire le plein de la mer, apercevoir la petite église Sacré-Coeur et son cimetière, des maisons de pêcheurs et le long ruban de la 199, et nous sommes prêts pour la première nuitée d'un séjour qui, de toute évidence, sera bien trop court... 

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Salut Frank Boudreau, notre «Frank à Jean»

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