mercredi 2 octobre 2024

Recruter des Franco-Ontariens pour la médaille de Charles III?

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L'Assemblée de la francophonie de l'Ontario (AFO) est-elle tombée sur la tête? Après tous les crimes commis au nom de la monarchie britannique contre les francophones du Québec, de l'Acadie et de l'ensemble du Canada (de la déportation de 1755 à la pendaison de Louis Riel au Règlement 17 en Ontario, et bien plus), voilà que l'organisme parapluie des Franco-Ontariens collabore au recrutement de candidats et candidates dans le cadre de la remise de la «Médaille du Couronnement du Roi Charles III». Non mais...

Près de deux ans après que l'Assemblée nationale du Québec ait mis fin au serment d'allégeance obligatoire au monarque, quelques mois à peine après que des députés franco-ontariens aient appuyé un projet de loi acadien au Parlement fédéral pour être dispensés d'un serment de loyauté à Charles III, et au moment même où les employés de TFO (télé franco-ontarienne) sont sommés de prêter serment au roi, sous peine de perdre leur emploi, l'AFO a le culot de s'associer à ce programme de médailles déjà dénoncé pour honorer le couronnement de celui qu'elle appelle «Sa Majesté le roi Charles III».

J'espère au moins que les rédacteurs du communiqué de l'AFO (voir ci-haut) ont avalé quelques Gravol avant de le publier sur Internet ce mercredi 2 octobre 2024, car ils oeuvrent désormais aux côtés d'une foule d'organisations surtout anglophones, y compris la Ligue monarchiste du Canada, dans cet effort a mari jusque ad mare pour rendre hommage à la Couronne britannique. Et s'ils se sont donné la peine de lire les critères d'admissibilité, ils verront que ce n'est pas destiné aux défenseurs les plus militants de la francophonie, acculés au fil des ans à lutter contre des injustices créées ou tolérées par les gouvernements de l'Ontario et du Canada. On les offrira aux collabos.

En avril 2024, quand la Chambre des communes a rejeté le projet de loi (du député acadien René Arseneault) permettant aux députés de ne pas jurer sa loyauté au roi Charles III pour avoir le droit de siéger au Parlement, et que de nombreux députés conservateurs anglophones s'étaient mis à chanter le God Save the King en signe de mépris, le député franco-ontarien Marc Serré, outré, s'était publiquement demandé «quel francophone» pourrait bien vouloir conserver l'obligation de prêter un tel serment... L'AFO pourrait se montrer solidaire, tout au moins en n'encourageant pas les Franco-Ontariens à vouloir une «médaille» du couronnement de Charles...

À bien y penser, peut-être ne devrait-on pas se surprendre de cette génuflexion collective devant la monarchie. Quand le député Francis Drouin, de l'Est ontarien, avait traité un témoin de «plein de marde» pour avoir établi un lien entre les études en anglais et l'anglicisation, l'AFO, par la voix de son président, s'était couverte de honte en se portant à sa défense... contredisant 110 ans d'une lutte fondée sur les constats d'un lien direct entre l'éducation en anglais et l'assimilation. 

Au prochain incident, car il y en aura d'autres, le président de l'AFO pourra se présenter devant la presse en portant sa petite médaille du couronnement de Charles III. Il l'aura bien méritée.

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Lien au communiqué de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario - https://mailchi.mp/aa462a983151/sondage-pour-les-priorits-budgtaires-provinciales-5436821?e=523eaa6be6

Lien au texte du J de Mtl - «Des millions en médailles pour honorer Charles III» - https://www.journaldemontreal.com/2024/06/13/des-millions-en-medailles-pour-honorer-charles-iii

Critères d'admissibilité à la Médaille du couronnement - https://api.monassemblee.ca/wp-content/uploads/2024/10/LGO-Guide-de-nomination-la-médaille-du-couronnement-du-roi-Charles-III.pdf


mardi 1 octobre 2024

Du temps perdu à la recherche…

La mémoire, c'est bien connu, est cette faculté qui trop souvent oublie... ayant la fâcheuse habitude d'effacer ce dont on voudrait se souvenir, mais conservant pour l'éternité une foule de petits riens qu'on aurait autrement relégués aux oubliettes... Pour le journaliste que je suis, la mémoire peut être à la fois alliée précieuse et ennemi mortel...

Ce problème avait une solution à l'âge d'or des quotidiens papier. Avec ciseaux et stylo, on pouvait éplucher et annoter le journal, accumulant au fil des ans les coupures de presse, conservées par thème dans des chemises et rangées en classeur. Aujourd'hui, avec la disparition rapide de l'imprimé et l'accélération du passage au tout-numérique, il faut se débrouiller avec le fouillis de l'Internet en espérant que l'immense toile ait attrapé dans ses filets les repères essentiels qu'on cherche, et qu'elle les régurgite sur un plateau convivial...

J'offre un exemple, valable autant que d'autres. L'Université McGill avait annoncé en 2014 la création à Gatineau d'une faculté satellite de médecine où la totalité de l'enseignement magistral serait dispensé en anglais! Je vous fais grâce des idioties qui se sont dites dans le sillage de cette nouvelle mais pendant six ans, le débat sur cet enjeu s'est poursuivi jusqu'à son aboutissement en 2020. J'ai dans une chemise environ 70 coupures de presse (principalement du Droit) et divers documents qui permettent, en une heure ou deux, de reconstituer le déroulement de l'affaire, du début à la fin.

Sans un dossier semblable, il est devenu quasi impossible de retrouver toutes les pièces du casse-tête avec une recherche Web. Les journaux imprimés et leurs archives papier n'existent plus dans la plupart des régions du Québec y compris l'Outaouais. De plus, certains de ces textes ont disparu de l'Internet ou ont été modifiés. Par ailleurs, le choix et la séquence des mots clés choisis pour orienter la recherche sur Google ou quelque autre plate-forme donneront des résultats variables et fort incomplets. Du temps perdu à la recherche d'un temps perdu. À moins d'être prêt à utiliser de multiples combinaisons de mots clés et d'ouvrir des milliers de fichiers, ce que la plupart des rédacteurs actuels n'ont pas le temps de faire, les trous de mémoire proliféreront. 

Dans son édition du 10 février 2020 (un mois et demi avant qu'on mette fin au quotidien papier), Le Droit titrait à la une en majuscules REMÈDE POUR LE FRANÇAIS, annonçant la fin du litige et la décision d'enseigner la médecine en français à Gatineau, de l'année préparatoire au diplôme. Le dernier texte conservé dans ma chemise sur McGill à Gatineau remonte au 16 mai 2022, un article de Radio-Canada sur l'inauguration officielle du campus satellite de McGill en Outaouais. Le texte, sans doute rédigé par des reporters qui n'avaient pas suivi les six années de débats sur la langue d'enseignement, n'y font aucune allusion! Comme si la chose n'avait jamais eu lieu!

En quelques années seulement, le souvenir de six ans de débats linguistiques était disparu de plusieurs radars régionaux et à moins d'imprimer tous les jours des textes de nouvelles sur Internet, il en sera de même à l'avenir pour l'ensemble des dossiers d'actualité, faute de preuves papier conservées en bon ordre dans des classeurs. Seuls les écrits imprimés restent. L'Internet est essentiel mais on ne peut s'y fier. La mémoire collective se troue et se corrompt. Cela augure très mal pour l'avenir du journalisme et pour notre petite nation privée de sources d'information fiables. Cette glissade vers l'ignorance n'aura pas de fond.