jeudi 21 mai 2020

Le report du retour en classe fera mal aux Franco-Ontariens...

La pandémie égratignait déjà les Franco-Ontariens, avec un gouvernement qui peine à communiquer dans leur langue et des tas d'organismes francophones privés d'un financement essentiel aux services qu'ils rendent à la collectivité. Mais rien n'aura fait plus mal à l'Ontario français que le report à septembre du retour en classe dans les écoles de la province...

Pourquoi? Les observateurs peu informés de la situation doivent comprendre que les collectivités francophones de l'Ontario vivent pour la plupart dans des milieux où elles sont encerclées par des majorités de langue anglaise, sauf dans des municipalités plus petites ou des régions rurales de l'Est et du Nord ontariens. Dans toutes les grandes villes, les Franco-Ontariens sont noyés dans des environnements où l'unilinguisme anglais s'impose.

Les jeunes francophones, plus souvent qu'autrement, sont surexposés aux médias de langue anglaise, s'amusent avec des copains anglophones (en anglais), s'habituent à parler la langue de la majorité dans les commerces et les services publics, communiquent massivement en anglais dans les médias sociaux. Même à la maison, pour une forte proportion des jeunes Franco-Ontariens (40%? plus?), l'anglais sera la langue la plus utilisée. Alors que reste-t-il comme milieu où leur langue et leur culture peuvent être valorisées quotidiennement? L'école française.

Les réseaux scolaires franco-ontariens en sont fort conscients et doivent faire face à un nombre croissant d'enfants qui maîtrisent peu ou pas la langue française. Les écoles ont développé au fil des décennies des programmes de «construction identitaire» destinés à façonner et renforcer une identité francophone chez les élèves. C'est un combat de tous les instants, mené avec acharnement contre des environnements anglo-dominants. L'école ne peut à elle seule sauver ces enfants de l'assimilation, mais sans l'école, le combat sera le plus souvent perdu... et vite.

Alors de voir ces enfants à Ottawa, Sudbury, Cornwall, Welland, et que dire de Toronto ou Windsor, privés pendant trois mois de leur principal apport culturel francophone constitue une situation tout à fait dramatique. Bien sûr, la santé publique doit rester prioritaire et les enseignants mettront toute leur expertise à compenser en ligne une absence physique de l'école française. Mais entre l'encadrement (tout l'avant-midi et tout l'après-midi) par un enseignant professionnel dans une école de langue française et la surveillance parentale à la maison, où papas et/ou mamans doivent fréquemment jongler enfants et emplois à temps plein, on ne peut espérer les mêmes résultats.

À la fin de l'été, quand les classes reprendront, les autorités scolaires seront en mesure d'évaluer les dégâts... Dans une province où plus du tiers des francophones sont anglicisés et où le taux d'assimilation est le plus élevé chez les jeunes, une interruption scolaire de cet ordre aura de sérieuses répercussions linguistiques et culturelles. Personne n'en parle, du moins ouvertement, mais il y a fort à parier que de nombreux intervenants franco-ontariens dans les milieux de l'éducation en ont pris conscience. Que feront-ils? J'ai bien hâte de voir...



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