Si, samedi soir, la chaîne CBC avait diffusé pour la fête des mères un équivalent d'En direct de l'univers, nous n'aurions probablement entendu que des chansons anglaises. Et tout le monde aurait trouvé ça bien normal. À celui ou à celle qui se serait interrogé sur l'absence (relative ou totale) de chansons françaises, on aurait répondu. Ben quoi, c'est le réseau anglais... En effet...
Or, quand j'ai remarqué sur Twitter et Facebook, samedi soir, que six des sept premières chansons de l'émission étaient anglaises (et que j'en avait assez), j'ai eu l'impression d'avoir pilé sur un nid de guêpes. Dans le méli-mélo doux-amer de réactions favorables et d'injures qui ont suivi en soirée et le lendemain, j'ai vite compris que pour plusieurs, il apparaissait impensable de considérer comme étant «normal» pour Radio-Canada, notre chaîne francophone, de présenter seulement des chansons françaises à son excellente émission En direct de l'univers.
Le débat sur mon gazouillis a été particulièrement venimeux sur Twitter. On m'a traité de «grincheux», de «vieux chialeux», d'«idiot», de «stif» (pas sûr du sens), d'«aigri», de «vieux d'esprit»... D'autres m'ont dit de ne pas «pisser dans la soupe», que j'avais fait «preuve de mépris», que j'avais «scrapé» un beau moment de télé, qu'il y en a «toujours un pour critiquer le party», et que j'étais «de mauvaise foi». «Mon dieu que vous devez être malheureux dans la vie», m'a lancé un certain Marc. «T'a qu'à retourner te coucher», a conclu un autre abonné Twitter...
Ces opinions n'étaient pas certes majoritaires. Mon gazouillis a attiré pas mal plus de réactions d'appui que de condamnations, mais le ton orageux qu'a pris ce débat virtuel me laisse croire qu'il a touché une corde sensible et que le temps est venu de l'aborder de front. Une réplique fréquente à ma critique du nombre excessif de chansons anglaises à En direct de l'univers insistait sur le fait qu'il s'agissait de choix émanant du public. Soit.
Une fois qu'on laisse à l'auditoire le droit de sélectionner des chansons, on doit vivre avec le résultat. Mais n'y a-t-il pas, quelque part, dans la mission de Radio-Canada, le devoir de promouvoir la langue française, une langue française de qualité, dans notre petit réduit nord-américain où la dominance de l'anglais gruge à tous les ans une partie de nos effectifs? Radio-Canada doit-il devenir le miroir de notre anglicisation? Existe-t-il une règle qui empêche notre société d'État d'inviter le public à sélectionner des chansons françaises pour une émission en français sur la chaîne francophone? Ce qui serait «normal» pour les anglophones ne le serait pas pour nous?
Passe encore si le réservoir de chansons en français d'ici et d'ailleurs était pauvre ou à sec, mais nos artistes, nos auteurs, compositeurs et interprètes ont créé un riche répertoire musical qui rayonne à travers la francophonie, voire autour du monde. Les chansons anglaises, on peut les entendre partout à la radio (même francophone), à la télé, sur le Web... Est-ce trop demander qu'il puisse rester quelques espaces à notre image? Diffuser nos créations musicales ne constitue pas un rejet de celles des autres. Et Radio-Canada, ainsi que les diffuseurs privés, ont ici un rôle primordial. Peut-être est-il temps qu'on parle de ces choses, avant que d'ici quelques générations, En direct de l'univers ne devienne Live from the universe...
Je laisse le mot de la fin à l'un de mes critiques d'hier soir, un prophète de malheur. «Nous vivons dans une nation (Québec) bilingue et multilingues (sic) alors mon cher Monsieur arrivez en 2020». J'espère qu'il ne soit pas trop tard...
Excellente réflexion!
RépondreEffacerJe comprends et respecte ce point de vue. Je peux peut-être en offrir un autre, à titre de simple mélomane. Aimer la musique, c'est un peu comme être une éponge : nous retenons des paroles et des mélodies qui nous font vibrer, que ce soit l'Afro Beat, le latino, la chanson française classique à la Brel, Piaf, Montand, Aznavour, Bécaud, Les Compagnons de la chanson ou autres... mais ça implique aussi -- pour moi, du moins -- mes chers Beatles, Simon and Garfunkel, du vieux Neil Young, Blue Rodeo, un peu de vieux Pink Floyd et bien d'autres. Comme je vis sur le continent nord-américain, "c'est dans ma nature" d'avoir absorbé et retenu cette production anglo parce que, elle aussi, me fait vibrer pour toutes sortes de raisons. Toutes ces personnes qui ont soumis des choix de chansons ont aussi retenu beaucoup de répertoire anglophone pour des raisons qui leur appartiennent. À mon sens, l'émission spéciale "Fête des mères" n'est qu'un miroir de notre réalité nord-américaine.
RépondreEffacerIl est toutefois important de mettre de l'avant et de façon majoritaire des chansons en français dans ce type d'émission, ... produite par une chaîne de télévision francophone! Respectons-nous!
RépondreEffacerOUI CHAÎNE FRANCOPHONE... ÇA SE PASSE EN FRANÇAIS... ÉVIDEMMENT !!
RépondreEffacerLa question que je poserais au dernier interlocuteur, c'est que si nous vivons dans une société multilingue, pourquoi la langue française, officiellement la langue partagée par les Québécois, n'a-t-elle presque jamais son tour à rayonner et que, parce que presque tout le monde est individuellement au moins bilingue - français-anglais - on choisit quasi systématiquement l'anglais? On se fond dans la masse, il ne reste donc plus personne, dans cette société, à avoir envie de se démarquer, d'un peu d'originalité?
RépondreEffacerM.Allard, vous avez mon appuie à 100%, la langue française semble tellement secondaire pour certain… Misère...
RépondreEffacerLe vous comprends. Moi aussi, j'étais scandalisée par la quantité de chansons anglaises. Inadmissible de Radio-Can d'avoir organisé un spectable de chansons en anglais.Le français aurait dû être obligagoire. C'est ça le Québec !
RépondreEffacer