mardi 22 juin 2021

Arpenteurs-géomètres: méfiez-vous...



Saviez-vous qu'un arpenteur-géomètre, ou un technicien à son emploi, peut circuler sur votre terrain sans demander la permission, peut y creuser des trous sans votre permission, sans s'identifier, sans révéler pour quel motif et pour quelle(s) personne(s) il viole votre propriété?

Comme j'ai pu le constater, le citoyen québécois est littéralement impuissant face à une loi (la Loi sur les arpenteurs-géomètres) qui n'a aucun bon sens et l'ordre professionnel des arpenteurs-géomètres, qui semble avoir oublié sa tâche première de protéger le public...

Cette semaine, deux techniciens se disant employés d'un arpenteur-géomètre ont commencé à déambuler avec leur équipement sur les terrains de ma rue. Non seulement voulaient-ils se rendre dans ma cour arrière, mais ils voulaient creuser au moins un trou dans mon gazon flambant neuf (qui m'a coûté cher) pour trouver un quelconque repère.

J'ai accepté de les laisser circuler sur le terrain (je n'aurais pas dû) mais j'ai refusé de les laisser planter leur pelle dans ma pelouse. Ne portant aucune identification et refusant de donner leurs noms ainsi que celui de l'arpenteur-géomètre qui les employait, ils m'ont répondu que je n'avais pas le droit d'entraver l'exécution de leur mandat.

Les deux aides-arpenteurs ont quitté ma propriété pour se rendre chez le voisin où la discussion a repris de plus belle. Ce dernier a réussi à leur soutirer le nom de l'arpenteur-géomètre, qu'il a aussitôt appelé au téléphone, laissant un message. Ils ont cependant refusé net de nous révéler qui avait commandé ces travaux à cet arpenteur-géomètre, tel renseignement relevant apparemment du secret professionnel...

Ils ont dû rebrousser chemin sans avoir complété leur travail, en promettant cependant de revenir puisqu'ils se disaient dans leur droit. Entre-temps, j'ai vérifié avec la ville de Gatineau qui m'a informé que ces gens n'avaient pas le droit d'envahir ma propriété sans ma permission et d'appeler la police s'ils insistaient. Avec un tel conseil, je les attendrais de pied ferme à leur retour...

Le lendemain, les voilà revenus, en train de poursuivre leur inventaire de notre rue. La veille, ils avaient même poursuivi leurs démarches sur la rue voisine. Combien de terrains avaient-ils le mandat de mesurer? Cinq? Dix? Vingt? Et surtout, pourquoi? A-t-on besoin d'arpenter une dizaine ou une vingtaine de terrains pour réaliser un seul certificat de localisation? Le voisinage commençait à devenir méfiant...

Du même coup, l'arpenteur-géomètre a lui-même téléphoné pour réitérer son droit d'exécuter ces travaux sans notre consentement et que son ordre professionnel s'en portait garant. Nouveau refus de dire à quoi et pour qui serviront les arpentages...

Pour en avoir le coeur net, je loge un appel à l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec, auquel tous les arpenteurs-géomètres doivent adhérer et dont le mandat est de protéger le public. C'est là que j'obtiens l'heure juste et que je découvre que la situation est encore pire que je ne le pensais...

Le porte-parole de l'ordre professionnel me renvoie d'abord à l'article 48 de la Loi sur les arpenteurs-géomètres du Québec, qui se lit comme suit:

Puis il y a le menaçant article 47:

Si je comprends bien, n'importe quel citoyen qui tente d'interdire l'accès à son terrain à un inconnu sans identification oeuvrant pour un arpenteur-géomètre anonyme au service d'un autre inconnu risque une amende d'au moins 2 500 $... C'est ce que dit l'article 188 du Code des professions... De la folie furieuse...

Et c'est là que l'ordre professionnel semble particulièrement négligent, notamment au regard de l'article 49:

La loi qui rend le citoyen impuissant face à l'arpenteur-géomètre permet aussi au conseil d'administration de l'ordre professionnel (l'organe de protection du citoyen) d'édicter des normes de pratique pour encadrer l'exercice des pouvoirs.

Voici, au-delà des recommandations actuelles de civisme, quelques normes que je proposerais et qui pourraient servir au citoyen confronté à des inconnus au service d'inconnu(s) au service d'autres inconnus qui veulent envahir sa propriété:

1. Les techniciens ou aides de l'arpenteur-géomètre devraient porter une identification bien visible, avec leur nom, leur fonction et le nom de l'arpenteur-géomètre qui les emploie.

2. Ces techniciens ou aides devraient aussi présenter au citoyen un document expliquant la nature du mandat à exécuter et ce à quoi l'arpentage va servir.

3. Les normes de pratique devraient permettre à un citoyen insatisfait des explications, ou du manque d'explications, de refuser l'accès au terrain et de faire appel à une instance régionale de l'ordre professionnel.

4. Enfin, j'aimerais bien qu'on m'explique pourquoi le nom de la personne qui commande l'arpentage doit rester secret, surtout si sa demande oblige de piétiner toutes les propriétés de la rue ou du quartier.

L'État québécois devrait s'en mêler et assurer sans délai aux citoyens une véritable protection contre les pratiques d'inconnus agissant sous le parapluie d'ordres professionnels vétustes...


1 commentaire:

  1. L'État a un droit d'expropriation vis-à-vis les propriétés privées, même si nous vivons dans une société où les individus ont parfois l'impression d'avoir tous les droits possibles et imaginables. Cela signifie que le collectif et le public prime sur l'individuel et le privé. Je ne connais pas le fond de l'affaire, mais l'étendue des travaux à effectuer me semble indiquer autre chose qu'un donneur d'ordre corporatif, genre développement immobilier. Y aurait-il un projet public d'envergure municipale, provinciale ou fédérale en gestation ou en préparation dans votre quartier (dont j'ignore la localisation exacte)? C'est ce que cela semble sous-entendre, il me semble. À votre place, j'essaierais de m'informer auprès de la Ville, l'instance la plus probable. Pour terminer, M. Allard, en toute honnêteté, il me semble que le dernier mot de votre chronique, 'vétustes', n'est pas approprié. Les ordres professionnels, à ce que j'en sais, que ce soit la Fédération professionnelle des journalistes ou l'Association québécoise des cadres scolaires (les seules que je connaisse un peu), jouent un rôle incontournable, bien que peu connu.

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