jeudi 21 octobre 2021

Sommes-nous des «allochtones»???


Cela devient exaspérant, à la longue, de se faire définir parce qu'on n'est pas... Ces jours-ci, j'entends, de gauche à droite, qu'«on» n'est pas autochtones mais allochtones, qu'«on» n'est pas chez soi (territoires «non cédés»), qu'«on» n'est pas vraiment une nation (peut-être une société un peu distincte?). À la limite, qu'«on» n'a même pas le droit de dire «nous»...

Ainsi, simplement affirmer notre existence comme peuple devient, dans plusieurs milieux, une irritation... Pour moi tout ça, c'est de la bouillie pour les chats, mais à force d'écouter dans les grands médias ces soi-disant «progressistes», chantres d'un multiculturalisme obsessif qui voit partout les vices de la civilisation occidentale, le racisme des Blancs, l'oppression des mâles, l'obscurantisme des religions chrétiennes et quoi encore, on finit par réécrire les livres d'histoire. Et les Québécois de langue française, peuple accueillant, ouvert et métissé depuis des siècles, deviennent tout à coup une collectivité raciste et xénophobe pour ces thuriféraires d'une anglicisation massive portant habits de «diversité».

Je ne connaissais pas le mot «allochtone», du moins pas dans le sens qu'on lui donne maintenant. C'est sans doute impardonnable pour un vieux journaliste, mais je l'ai entendu pour la première fois comme synonyme de non-autochtone dans un reportage récent de Radio-Canada. Ainsi, d'un océan à l'autre, il y aurait des «autochtones» (mot qu'on ne définit jamais) et des «allochtones» (les autres 35 millions d'habitants, toutes cultures, races et langues confondues). Cette gigantesque marmite d'allochtones orne bien une page de dictionnaire, mais sur le plan sociopolitique, elle n'a aucun sens. Elle n'existe pas. 

Commençons par le terme «autochtone». Au Québec et au Canada, il n'a pas le même sens qu'ailleurs sur la planète. La Loi constitutionnelle de 1982 (Charte canadienne des droits et libertés), qu'on nous a imposée sans notre consentement, précise que les «autochtones» sont les Indiens, les Métis et les Inuit du Canada. Oui oui, on les appelle toujours «Indiens» dans la constitution fédérale. Pour les fins du recensement fédéral, qui sert à les dénombrer de façon officielle, c'est un peu différent. Statistique Canada indique que l'identité «autochtone» désigne les personnes «s'identifiant aux peuples autochtones du Canada». Un autochtone qui s'identifie à la société non-autochtone est-il compté comme autochtone? Et un non-autochtone qui s'identifie aux peuples autochtones, comment est-il compté? Je ne sais pas.

Pourquoi c'est important? Parce qu'on définit «allochtone» comme ceux et celles qui restent après avoir identifié et dénombré les autochtones. «On» s'y trouve... Selon le recensement de 2016, il y aurait au Canada 1 673 000 personnes s'identifiant comme autochtones. De ce nombre près de 600 000 se disent Métis. Déjà la frontière se brouille. Par définition, le Métis a le choix: il peut se présenter comme Autochtone ou, s'il préfère, non-autochtone. Au Québec, il se pourrait que plus de 50% de la population francophone aient un ou plusieurs ancêtres amérindiens. Cela ne fait pas d'eux des Métis au sens de la loi, mais doit-on pour autant les inclure automatiquement dans la marmite des allochtones?

Arrivés il y a plus de 400 ans, les Français transplantés en Amérique du Nord ont cohabité jusqu'à la fin du 19e siècle avec les Amérindiens comme alliés et amis (pas comme conquérants) et cette cohabitation a donné naissance à la nation métisse, reconnue autochtone par la Constitution. Des centaines de milliers de Métis ont comme ancêtres des Amérindiens et des Canadiens français. Cette co-paternité devrait suffire à nous épargner l'appellation allochtone sans nuances. Ajoutant le fait qu'étant enracinés sur cette terre, devenue ancestrale pour nous aussi, conquise en 1760 par des anglos dont le racisme s'étendait à nous presqu'autant qu'aux autochtones, les liens ont été coupés avec la vieille mère-patrie européenne. Le seul chez-nous que nos parents, grands-parents et arrière-grands-parents aient connu, c'est ici. Et ce chez-nous, pas plus que les chez-soi autochtones, n'a pas été «cédé» par qui que ce soit d'ici... 

En 150 ans de régime français, moins de 15 000 colons et soldats de France avaient émigré au Canada/Québec alors qu'en 1760, les colonies britanniques de la côte américaine comptaient plus de 1,6 million d'habitants. Les Anglo-Américains occupaient et peuplaient, chassaient les Amérindiens de leurs territoires et les exterminaient au besoin. Des Canadiens français vivaient côte-à-côte avec les Amérindiens à travers le continent, en alliés, adoptant souvent leurs us et coutumes. Cette association a laissé, outre une descendance métisse abondante, une empreinte profonde sur la culture québécoise et canadienne-française, même contemporaine. Dans la mesure où les Britanniques et leurs héritiers nord-américains ont voulu dominer les peuples autochtones, au point de les tasser dans des réserves, ils sont demeurés profondément allochtones. Dans la mesure où nous avons cohabité le continent avec les Amérindiens, chaque peuple laissant son empreinte sur l'autre, nous ne sommes pas devenus autochtones, mais sommes-nous pour autant restés «allochtones»? Je ne crois pas.

Autochtone et allochtone, c'est blanc et noir... La réalité, du moins la nôtre, a toujours été en teintes de gris...


2 commentaires:

  1. Une toute légère précision, sans méchanceté. Le peuple métisse, vivant dans l'Ouest canadien, est un mélange de plusieurs nations autochtones, de Canadiens français et, dans une moindre mesure, de Canadiens anglais. En fait, pour expliquer et présenter le peuplement du nord de ce continent, il peut être pratique de le faire en quatre grandes tranches, soit, successivement: les Pré-Canadiens (autochtones de diverses provenances), les Franco-Canadiens, les Anglo-Canadiens et les Néo-Canadiens (les plus récents, de toutes provenances également). Notons aussi la mise en place, non officiellement mais en pratique, de deux systèmes de melting pot, un qui fonctionne très bien, au Canada anglais, et un qui fonctionne moins bien, au Canada français, la différence entre les deux étant due au prestige moindre du français dans les yeux du plus grand nombre.

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  2. Je suis de la 10ième génération de Sauvageau !!! Mon ancêtre Claude est né à Marcé-sur-Esves en Touraine, France !!! Je me sens chez moi au Québec !!!

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