lundi 29 novembre 2021

Le journalisme remonte-t-il la pente???

                   Les dernières éditions imprimées des quotidiens La Presse et Le Droit...

«Le journalisme remonte la pente», annonçait en gros caractères Le Devoir, ce lundi 29 novembre 2021. Voici le lien: bit.ly/3rlNv68. Avant de poursuivre, prenez le temps de lire ce texte qui, par certains aspects, je dirais plutôt par certaines omissions, semble sortir tout droit du pays des merveilles.

Si j'ai bien compris, les journaux étaient en difficulté à cause de la chute des revenus publicitaires des deux dernières décennies. La faute de l'Internet et de ses réseaux sociaux, dit-on. Là, l'embauche reprendrait parce que l'apport des pubs s'est stabilisé et que les gouvernements ont pompé des millions de dollars dans la presse écrite. Et elle reprendrait encore plus vite sans cette satanée pénurie de main-d'oeuvre, à laquelle s'ajoutent les mauvaises conditions de travail et l'impression que le journalisme est une profession sans avenir.

Y'a du vrai dans tout ça mais la réalité - la vraie - dépasse largement les couloirs étroits de cette analyse. Dans la presse écrite (je connais peu les médias électroniques), on a souvent la mémoire courte et on passe à côté de sujets plus délicats, pour ne pas dire tabous. Quand on verse ces enjeux dans la marmite, le mélange est bien plus toxique. Le problème, c'est qu'on ne les verse jamais dans la marmite...

Revenons d'abord sur cette demi-fiction d'une régression de la presse écrite remontant à l'invasion de l'Internet et de ses dérivés. Disons à partir de l'an 2000. Il faudrait enlever ces oeillères et remonter bien plus loin qu'une vingtaine d'années. Dans plusieurs journaux, les avancées technologiques et la mainmise croissante des barons de presse sur des entreprises jadis indépendantes avaient enclenché un mouvement de coupes dans les effectifs, et dans l'espace rédactionnel, depuis les années 1970.

Dans mon journal, Le Droit, auparavant propriété des Oblats, l'arrivée de Conrad Black et de ses sbires dans le décor a entraîné en 1988 - bien avant l'Internet - des coupes de près de 40% du personnel de la salle de rédaction. L'érosion de la qualité et de la quantité d'information se répercutait déjà sur le moral des journalistes et sur le nombre de lecteurs. Le cercle vicieux était amorcé bien avant la fin du 20e siècle: on coupe, la qualité diminue, le lectorat s'effrite, ce qui mène à de nouvelles coupes, à une autre baisse de qualité, et à une perte accrue de lecteurs. Etc.

Les empires de presse, comme toutes les entreprises capitalistes, n'ont qu'un dieu: le profit. Ils ont pressé le citron à l'excès et nos bons vieux journaux étaient déjà amochés pour la plupart quand l'univers numérique est passé à l'attaque. Et au lieu de défendre 500 ans de civilisation imprimée, d'ébaucher des stratégies pour améliorer la qualité et convaincre les auditoires en misant sur la valeur du produit, ils ont baissé les bras, pris le chemin de la facilité et se sont laissé séduire par le côté sombre de la force...

Rendus au début des années 2010, le cheval de Troie avait pénétré les murs des rédactions et une proportion croissante de journalistes croyait dur comme fer que les jours de l'imprimé étaient comptés. Que nos belles bibliothèques seraient remplacées par des clés USB et que le public préférerait de loin puiser ses nouvelles au fond d'un écran, même très petit. La discussion était terminée ou presque et ceux qui se levaient pour endiguer tant soit peu la vague numérique commençaient à passer pour des dinosaures.

Attribuer à l'Internet l'implosion de la presse écrite, sans tenir compte de la concentration de la propriété, de l'appétit vorace de profits, du mépris des barons pour l'information, de l'affaissement moral d'une trop grande proportion des scribes, c'est manquer le bateau. C'est bien plus simple de privilégier la thèse du maraudage des revenus publicitaires par les ogres numériques...

Pénurie de main-d'oeuvre?

Passons maintenant aux mythes entourant la pénurie de main-d'oeuvre. C'est vrai que les conditions de travail et les salaires des journalistes ne sont pas attrayantes. Ils ne l'étaient pas non plus il y a plus de 50 ans quand j'ai mis les pieds pour la première fois dans une salle des nouvelles, mais cela n'empêchait pas les jeunes de se bousculer pour obtenir les postes qui se libéraient. Le texte du Devoir mentionne l'impression laissée d'une profession sans avenir en 2021... Cette piste est bien meilleure et mérite d'être scrutée. En gardant toujours en tête le mot clé qu'on oublie trop fréquemment: pourquoi? 

La réponse réside dans le produit lui-même: les journaux quotidiens imprimés. Leur existence physique était la raison-d'être de notre engagement, de notre militantisme, de nos solidarités. Le journal était structuré. Ce n'était pas simplement des nouvelles lancées n'importe comment, une à la suite de l'autre. Il y avait partout un effort individuel et collectif de jugement: à la cueillette de l'information, à la rédaction, à la correction, au choix de la page, du caractère et de la grosseur du titre, au positionnement dans la page par rapport à d'autres textes ou photos, au graphisme. Et le résultat, c'était les pages chaudes sortant des presses, ces pages qui saliraient nos mains et aboutiraient dans des centaines de kiosques et des dizaines de milliers de foyers de la région.

On le touchait, on le sentait, on l'entendait, on l'apportait. Le journaliste est un artisan: il doit pouvoir tenir dans ses mains l'oeuvre à laquelle il a participé. Et les abonnés n'avaient pas à chercher une application et cliquer je ne sais combien de fois pour arriver à tourner les pages et monter ou descendre le texte. Le journal, cet assemblage de nouvelles, de reportages, de commentaires et de pubs était imprimé pour de bon, sans possibilité de changement, et il était acheminé aux lecteurs. Il était livré à la porte, se retrouvait sur la table de cuisine, dans le salon, toujours ouvert... On le voyait dans les kiosques, dans les restos... Tous pouvaient le visualiser. Ces journaux régionaux (ou nationaux) faisaient corps avec leur public cible, faisaient partie de l'âme des collectivités desservies. 

Notre salle des nouvelles, comme d'autres sans doute, était un lieu de travail, d'échanges, de dialogues, de chicanes, de débats, de bonheur. Nous avions des salaires modestes, des patrons parfois détestables, mais nous avions hâte de nous rendre au boulot. Nous arrêtions même au journal le soir et les fins de semaine, pour jaser avec des collègues. C'était presque un second chez-soi. Et le fil conducteur, c'étaient ces pages de papier où l'on contribuait à écrire l'histoire de l'humanité, du moins de notre petit coin, au quotidien. La clé, c'était le journal imprimé. Et on a jeté la clé à la poubelle. 

Si le journalisme est perçu au Québec comme une profession sans avenir par plusieurs, c'est parce qu'il n'y presque plus de journaux en papier. Le Journal de Montréal (et de Québec), Le Devoir. Le Journal de Montréal (et de Québec), Le Devoir. Je cherche... Rien d'autre... Un écran, ce n'est pas un journal et ce ne le sera jamais, mais ça va prendre du temps avant de s'en apercevoir. La perception est le plus souvent une chose bien simple. Rien qu'à voir on voit bien, dit le vieux dicton. Eh bien justement, on ne voit plus de journaux, ou presque. Dans les kiosques, dans les résidences, dans les salles de rédaction, on voit le vide, l'absence. Une profession sans avenir.

Pour ce qui est des autres motifs d'une pénurie de personnel journalistique, permettez-moi de rappeler une vérité que trop de gens oublient: la moitié de la population francophone est fonctionnellement analphabète. Cela réduit à la fois le public des journaux et le bassin de journalistes potentiels. On bombarde les jeunes d'anglais (intensif à l'école, à l'écran) au lieu de bien apprendre et de respecter la langue française qu'on s'acharne à conserver depuis des siècles. Ce n'est pas compliqué: trop de jeunes qui pourraient faire d'excellents journalistes ne savent pas écrire simplement et correctement. Ça, c'est un gros morceau du problème.

La question se pose depuis longtemps dans les journaux de langue française hors Québec. Il y a une vingtaine d'années, j'avais rencontré la rédactrice en chef d'un journal de l'Ouest canadien et elle nous disait que les lecteurs se plaignaient que les rédacteurs étaient trop souvent des Québécois ou des Européens qui ne connaissaient pas le milieu. Et elle avait avoué qu'elle n'avait pas le choix: elle ne trouvait pas dans ces minorités des candidats capables d'écrire convenablement en français. Cette situation se répand de plus en plus aujourd'hui, même au Québec. Je serais curieux de savoir combien de journalistes du Droit sont franco-ontariens. Et pourquoi on entend de plus en plus d'accents européens dans les bulletins télé de Radio-Canada. Ce qu'on trouverait à coups de pourquoi risquerait d'être fort déplaisant.

Alors moi je dirais à ces savants décortiqueurs de la situation du journalisme d'explorer à fond deux avenues: l'effet de l'absence des journaux imprimés et la dégradation de la langue française dans les générations montantes. Ne pas le faire, c'est comme jeter à la poubelle des morceaux clés du casse-tête...


dimanche 21 novembre 2021

Jouer à l'autruche...



«un jour, prédit le dernier des franco-ontariens,                                                                                                      il y aura peut-être le dernier des québécois»

(Pierre Albert, poète, Le Dernier des Franco-Ontariens, Éditions Prise de parole, Sudbury, 1992)

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Quand je vois le gouvernement de François Legault proposer des demi-mesures dont l'effet sera, tout au mieux, de ralentir le rythme d'une anglicisation qui sonnera inévitablement notre glas comme nation, j'ai la malheureuse impression de revivre ma jeunesse franco-ontarienne...

Il y a 50 ans, l'érosion du français était là, devant nos yeux, s'accélérant d'une génération à l'autre. C'était clair comme de l'eau de roche. Des mesures urgentes et draconiennes s'imposaient pour endiguer ou, sait-on jamais, renverser tant soit peu le processus d'assimilation. Et qu'ont font les chefs de file de l'Ontario français? Ils ont joué à l'autruche...

À la fin d'octobre et au début de novembre 1973, j'étais journaliste au quotidien Le Droit, affecté à la couverture ontarienne. Armé de récentes données du recensement de 1971 où apparaissait pour la première fois la question sur la langue d'usage (langue la plus souvent parlée à la maison), j'avais préparé une série de quatre analyses détaillant, région par région, les chiffres de l'anglicisation des Franco-Ontariens.

Ces statistiques percutantes, présentées avec tableaux pour les comtés et villes du Nord, de l'Est et du Sud de l'Ontario, étaient indéniables et sombres. Leur publication a-t-elle eu l'effet escompté? A-t-elle provoqué une prise de conscience du besoin d'actions urgentes en faveur du français? Bien sûr que non! Au lieu de regarder la réalité en face, on a sorti les lunettes roses...

La réaction la plus invraisemblable est venue de Laurent Isabelle, alors président du Collège Algonquin d'Ottawa (bilingue) et seul membre francophone de la Commission d'enquête ontarienne sur l'éducation post-secondaire (y compris en langue française), qui avait soumis son rapport en 1972. Homme respecté et intègre, M. Isabelle était un incorrigible optimiste et son opinion était sans doute un fidèle reflet d'une partie des élites franco-ontariennes.

Dans l'édition du Droit du 2 novembre 1973, le jour même où était publiée la 3e des quatre analyses, Laurent Isabelle a abordé le sujet lors d'une conférence à un Club Richelieu de la région d'Ottawa. Sans nier l'exactitude des données du recensement, il a annoncé à ses auditeurs que l'assimilation des Franco-Ontariens avait été endiguée mais qu'on ne pourrait pas en avoir la preuve avant le recensement de 1981!

Sur quoi se fondait cette affirmation? Aucune étude, aucune preuve, seulement sa conviction personnelle que les écoles primaires et secondaires françaises acquises depuis 1968 en Ontario allaient former de nouvelles générations pleinement francisées, et que preuve de telle francisation ne serait pas disponible avant le dépouillement des données du recensement de 1981... M. Isabelle a même avancé que l'on verrait en 1981 «augmenter les pourcentages de francophones qui conservent leur langue»...

N'importe quel sociologue aurait pu démontrer l'absurdité d'un telle prédiction, l'assimilation étant le résultat de nombreux facteurs dont le milieu scolaire ne constitue qu'un des éléments (important, soit). N'étant pas à une illusion près, M. Isabelle avait pris position contre la création de collèges et universités de langue française en Ontario, ne croyant pas qu'il y avait pas un bassin suffisant de francophones. Il était donc partisan d'établissements post-secondaires bilingues...

Mais la réalité a toujours le dessus. Non seulement les écoles primaires et secondaires françaises n'ont-elles pas enrayé l'assimilation, mais les recensements subséquents ont démontré une accélération du phénomène d'anglicisation. Et on a fini par créer deux collèges de langue française, notamment en scindant le collège Algonquin dont il était le président. Quant au projet d'université de langue française, il piétine toujours en 2021, l'immense majorité des étudiants franco-ontariens fréquentant encore des universités bilingues ou anglaises...

Évidemment, MM. Legault, Mme Anglade et autres d'avis semblables, confrontés aux premiers symptômes graves de transferts linguistiques et identitaires au Québec, ont peu de points de repère. Chacun, chacune y va de son diagnostic et imagine l'efficacité de sa solution sans avoir de preuve concrète à l'appui. Ils ont pourtant à leur disposition bien plus d'études et d'expertises que les Franco-Ontariens des années 1970 et 1980. Elles expriment toute l'urgence de la situation face à l'érosion du français, notamment dans la région montréalaise, et brossent des projections catastrophiques pour les 25 prochaines années.

Dans un tel contexte, poursuivre les programmes d'anglais intensif dans le primaire francophone et ouvrir (même partiellement) les cégeps anglais aux francophones (et allophones) relèvent du suicide culturel. Mais comme pour les Franco-Ontariens d'il y a un demi-siècle, les dirigeants québécois semblent incapables de tirer les conclusions et surtout, de prendre les décisions qui s'imposent. Le gouvernement de François Legault, face à l'évidence d'appliquer la Loi 101 aux cégeps, par exemple, n'osera jamais le faire, même pour sauver la nation. En haut lieu on a peur de mobiliser contre nous les Anglo-Québécois et le reste du Canada. 

Dans une cinquantaine d'années, la nation québécoise sera en pleine décomposition et on pourra écrire, comme Omer Latour (Une bande de caves, Les Éditions de l'Université d'Ottawa, 1981):

«Dieu merci, le combat est presque fini                                                                                                            L'assimilation totale apporte enfin le repos»...


mercredi 17 novembre 2021

L'avenir est à ceux qui luttent? Vraiment?

Capture d'écran, Le Droit, 16 novembre 2021

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La devise de mon ancien quotidien, Le Droit, est magnifique et inspirante: «L'avenir est à ceux qui luttent». Mais s'en souvient-on encore dans les vapeurs de l'Internet où Le Droit, comme la plupart des autres ex-journaux-imprimés du Québec, tente tant bien que mal de survivre?

J'ai parfois des doutes, notamment après avoir indigéré la chronique intitulée «L'affaire Moca Loca: où ça, la haine du français» (voir bit.ly/3oCBqq7), parue dans l'édition numérique du mardi 16 novembre. J'étais déçu sur le plan journalistique, mais aussi comme Québécois francophone et ex-Franco-Ontarien, et surtout, je pense, comme ancien membre de la grande famille du Droit.

La veille (15 novembre), Radio-Canada avait diffusé une nouvelle au sujet d'une prise de bec dans un café Moca Loca de Gatineau, où un client demandant qu'on lui adresse la parole en français avait été insulté et expulsé (voir bit.ly/3HveTUO). Son affirmation était corroborée par un témoin. Évidemment, le scribe de Radio-Canada était allé chercher la réaction de Jean-Paul Perreault, président d'Impératif français, presque toujours le seul en Outaouais à lever le poing sur la place publique quand la langue française est bafouée.



Le matin du 16, j'ai épluché l'édition numérique du Droit pour voir le compte rendu de mon ancien quotidien. Mais il n'y en avait pas. Du moins je n'en ai pas trouvé. Il n'y avait aucun texte de nouvelles sur cet incident, aucune couverture maison. Il n'y avait que cette chronique, clairement un amalgame chronique-texte-de-nouvelles, signé à la fois par le chroniqueur et une journaliste de la salle de rédaction, où l'on dénigre M. Perreault en plus de donner, sur un ton sympathique, la parole à celui qui s'était adressé au client en anglais et l'avait expulsé.

Normalement, une telle chronique ou un éditorial servent de complément à une nouvelle jugée d'importance. Ce genre de texte ne précède pas une nouvelle et ne la remplace pas. Je comprends que Radio-Canada avait diffusé son reportage sur l'incident au bulletin télévisé de 18 heures, et mis en ligne un texte vers 20 h 30. Si Le Droit n'était pas au courant auparavant, cela laissait peu de temps pour un suivi et une collecte de réactions. Et pourtant, on a trouvé le moyen de publier un long commentaire et d'y inclure (ce que Radio-Canada n'avait pas) la version du copropriétaire de ce Moca Loca, celui-là même qui avait eu l'altercation avec le client.

Si je comprends bien le sens du texte, Le Droit a pu obtenir une entrevue avec le copropriétaire parce que le chroniqueur, pour lequel j'ai beaucoup d'estime, fréquente cet établissement et avait plusieurs fois «piqué un brin de jasette» avec lui. Cela aurait fait un excellent suivi à un texte maison sur l'incident. Mais il n'y a pas eu de texte maison. Pas d'interview avec la personne qui demandait qu'on lui parle en français, pas de réaction de M. Perreault, pas de réaction du ministre Mathieu Lacombe, rien. Seulement cette chronique douteuse. De la part d'un journal centenaire au passé illustre, c'est plus qu'inacceptable.

Passons maintenant au contenu. L'entrée en matière laisse à désirer. «Un client francophone se plaint d'avoir été expulsé en anglais seulement d'un café de Gatineau, et nous voilà tous à en faire une crise linguistique.» Tous? Qui ça, tous? Le plaignant? M. Perreault? Le ministre Lacombe? Radio-Canada? Le mot «tous» ratisse large. Peu de gens, même à Impératif français, transformeraient un seul incident en «crise linguistique». Ils pourraient cependant y voir, avec raison, une manifestation locale d'une crise linguistique qui existe à l'échelle du Québec, voire du Canada. Le Droit, qui couvre le combat linguistique des francophones depuis 1913, devrait savoir ça.

Et que dire du simili-procès fait à Jean-Paul Perreault, «trop content d'enfourcher son cheval de bataille favori». «Notre Jean-Paul national s'époumonait sur toutes les tribunes lundi». Notez le choix du verbe s'époumoner. Et il n'était pas sur toutes les tribunes: pas celle du Droit en tout cas... «Le verbe rageur, l'étendard de la francophonie québécoise porté bien haut, le président d'impératif français n'en pouvait plus d'être insulté.» Venant d'un journal qui a publié des milliers  de nouvelles sur les injustices subies par les francophones, s'adressant à l'homme de l'Outaouais qui s'est le plus souvent tenu debout devant telles injustices depuis des décennies, ce commentaire est indigne.

La chronique voit en M. Perreault une personne qui «s'emporte», qui est «trop heureux» de dénoncer «une "vision canadienne" qui alimente la "haine" du français et des Québécois...» Si je comprends bien, on décrit un personnage qui se contrôle mal et qui prend plaisir à dénoncer... C'est carrément une attaque personnelle... Quant on passe des dizaines d'années à défendre le français et à combattre la francophobie et la haine du Québec qui existent vraiment (on n'a qu'à lire les commentaires du public dans le Globe and Mail, le Toronto Sun, ou sur les sites Web de CBC), hausser le ton à l'occasion est pleinement justifié et raisonnable. 

Enfin, qu'on me permette de souligner un aspect de cette «affaire» que les médias n'ont pas vraiment développé. Nous avons été habitués, depuis toujours, à voir des Canadiens français de souche se faire rabrouer par des Anglo-Canadiens de souche. Cette fois, l'altercation a eu lieu entre deux personnes «issues de la diversité» comme on aime dire à Radio-Canada, l'une utilisant le français, l'autre répondant en anglais. Il est remarquable que les vieux antagonismes existant depuis deux siècles au Canada et au Québec se transmettent ainsi aux nouveaux arrivants.

Un autre élément qui ressort de cette histoire, et c'est quelque chose que je note depuis plus de 50 ans, est la différence d'attitude que les médias (et l'opinion publique) adoptent selon que l'incident linguistique se déroule au Québec ou, dans le cas du Droit, en Ontario. Si ça s'était produit à un Moca Loca à Orléans, du côté ontarien, je parie que les professionnels de la résistance franco-ontarienne auraient été encensés par Le Droit. Mais quand cela arrive à Gatineau, les défenseurs du français deviennent souvent suspects. Probablement des méchants séparatistes... 

La réaction du président de la Chambre de commerce de Gatineau, rapportée par Radio-Canada, est je crois assez typique de ce qu'on entendrait dans les milieux politiques et économiques régionaux. «Ce n'est pas acceptable, a-t-il dit, qu'on ne soit pas en mesure de servir un consommateur dans la langue de son choix.» C'est ahurissant. Il n'ose même pas se porter à la défense du français. Il réclame du même coup le droit pour un client de se faire servir en anglais au Québec. «Dans la langue de son choix»...

Parfois, parfois, je m'ennuie de mes années de militantisme franco-ontarien, dans les années 1960... Au moins, dans les pages du Droit, nous avions bonne presse...

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Enfin, toute cette histoire me fait penser à cette citation de Pierre Falardeau: «On va toujours trop loin pour ceux qui ne vont nulle part».



mardi 16 novembre 2021

L'assimilation... De Michel Rousseau à Michael Rousseau en quelques générations...

       La maison de mon enfance, à Ottawa... Elle n'a pas tellement changé...
Nous étions quatre familles à l'habiter... L'étage du balcon, c'était chez moi...


Je m'adresse ici à mes compatriotes québécois de langue française, et particulièrement à ceux et celles (et ils sont très, très nombreux!) qui voient d'un oeil favorable l'apprentissage intensif de l'anglais à l'école primaire ou encore l'accès libre pour les francophones et allophones aux cégeps de langue anglaise.

Je m'excuse, mais je crois que vous ne comprenez absolument rien au phénomène de l'assimilation, ou de l'anglicisation si vous préférez. Alors si vous avez un peu de patience et voulez vraiment savoir ce qui nous attend ici au Québec au rythme où vont les choses, je vous invite à suivre un peu mon parcours d'enfance et d'adolescence en milieu franco-ontarien. Après, vous tirerez vos propres conclusions.

Si j'avais grandi à Lévis, Rimouski, Saint-Hyacinthe, ou même à Laval ou Montréal-à-l'est-de-Saint-Laurent, je ne me serais jamais posé de questions. À la maison, dans la rue, en jouant ou en sortant avec des amis, en allant au dépanneur ou à l'épicerie, ou à l'école, en prenant l'autobus, j'aurais parlé français sans même y penser. J'aurais travaillé, regardé la télé, écouté la radio, lu des journaux en français. Sur le plan linguistique, culturel, identitaire, il n'y aurait eu aucune confusion.

Ottawa, années 1950...

Recul rapide aux années 1950 en Ontario, à Ottawa plus précisément, où vivait la plus forte concentration de Franco-Ontariens (près de 25% de la population de la capitale fédérale à l'époque). À plusieurs égards, dans mon petit quartier à forte majorité francophone, on aurait pu se croire au Québec. À la maison, dans la rue, à l'épicerie, à l'église, le français était largement la langue commune. Un français peu raffiné, truffé d'anglicismes, mais confortable, sans accent anglais...

L'anglais nous arrivait souvent par la bande. Ma mère écoutait la station de radio CKCH de Hull (affiliée à Radio-Canada) mais le poste était parfois branché sur la station anglaise de rock-n-roll d'Ottawa (que j'aimais beaucoup). La station télé de Radio-Canada était bilingue jusqu'à 1956. Nous recevions Le Droit tous les jours mais aussi l'Ottawa Journal (que j'ai livré de 1956 à 1959). Et dès que nous arrivions ou dépassions la grand-rue (la rue Wellington, la main d'Ottawa), l'anglais devenait dominant.

À l'école primaire bilingue (séquelles du Règlement 17 obligent), nous devions, en plus de nos cours en français, suivre le même apprentissage de l'anglais que tous les autres petits Anglo-Ontariens (notre anglais intensif...). Et c'est toujours le cas en 2021. Au secondaire, à moins de pouvoir fréquenter les deux écoles secondaires privées bilingues, les jeunes francophones se retrouvaient au high school anglais. Quant au marché de l'emploi, il était rare de pouvoir travailler en français à Ottawa. Le seul moment où j'entendais un peu d'anglais à la maison, c'était quand mon père racontait sa journée de travail à l'hôtel de ville d'Ottawa, à l'heure du souper...

À la fin du primaire, mes parents se sont endettés pour m'inscrire à l'école secondaire privée de l'Université d'Ottawa, où la grande majorité des élèves étaient francophones et la moitié des cours donnés en français. Un milieu assez catastrophique sur le plan culturel où la minorité anglaise s'imposait et où les conversations se déroulaient en anglais dès qu'un anglo était présent... de fait, même entre francos. Rendu en 11e année (équivalent du secondaire 4 québécois), je parlais aussi souvent l'anglais que le français et je n'écoutais que des stations de radio américaines. L'année suivante, m'être fait traiter de frog par un des anglais aura été un choc salutaire et à l'automne 1963, j'entrais à l'Association de la jeunesse franco-ontarienne (AJFO) ainsi qu'à la faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa où 90% des étudiants étaient québécois et la majorité, séparatistes. J'étais sauvé.

Et ça, n'oubliez pas, c'était la situation dans les années 50 et au début des années 60. Dans les quartiers à majorité francophone de la capitale - St-François d'Assise, la Basse-Ville et la ville enclavée de Vanier - l'attraction du français restait forte sur le plan communautaire, religieux, familial et scolaire. On aurait dit parfois des villages de langue française dans une ville anglaise. Les mariages exogames restaient l'exception. La pression du scolaire (à partir du secondaire), des médias, des milieux de travail et de l'envahissement culturel anglo-américain entraînaient une anglicisaton appréciable dans nos quartiers, mais quand même limitée. C'était bien pire dans les régions et villes où les francophones, même nombreux, étaient géographiquement éparpillés, comme nous allions le découvrir dans le demi-siècle suivant.

Ottawa, années 2000-2021...

Avance rapide aux deux premières décennies de notre nouveau millénaire, dans les anciens territoires de la «franco-ontarie» à Ottawa. Les francophones y sont maintenant fortement minoritaires. La langue de la rue, c'est désormais l'anglais. La disparition des communautés francophones a nécessairement eu pour conséquence une forte hausse du nombre d'unions exogames (française-anglaise). Aujourd'hui, deux tiers des Franco-Ontariens vivront en couple avec un(e) anglophone, les trois quarts de leurs enfants auront l'anglais comme langue première... et ils vivront dans un quartier anglophone. Ceux et celles qui apprendront le français auront, pour la plupart, un accent anglais très perceptible et presqu'aucune trace d'accent français dans leur anglais.

Alors qu'aurais-je vécu si j'étais né après l'an 2000 dans la même maison  du même quartier d'Ottawa? Mon père ou ma mère aurait probablement été anglophone mais supposons, pour les besoins de l'argument, que je grandisse dans un foyer francophone. Le problème c'est que même dans la majorité des foyers francophones, la consommation culturelle (journaux, télévision, Internet et dérivés, etc.) se fait massivement en anglais. Les études conduites en 2010 par Statistique Canada (et qui seront répétées l'an prochain) ne laissent aucun doute à ce sujet.

Et dès que je sors de la maison, la langue de la rue sera l'anglais. La plupart des voisins ou amis seront anglophones. Au dépanneur, à l'épicerie, dans les autres commerces, dans les autobus, j'aurai affaire à des unilingues anglais. L'anglais sera donc la langue d'intégration sociale et économique. L'identité franco-ontarienne qui se serait forgée dans une famille francophone vivant dans un quartier francophone des années 1950 sera compromise. Une double identité émergera. Les gens se diront de plus en plus «bilingues», plutôt que francophones, comme l'a constaté un sondage Léger et Léger à Ottawa en 1993.

Je fréquenterai une école primaire et une école secondaire françaises (et non bilingues comme autrefois), mais l'apprentissage de l'anglais y sera encore calqué sur le curriculum des écoles anglo-ontariennes. Le réseau scolaire de langue française tente désespérément de faire ce qu'on appelle de la «construction identitaire» franco-ontarienne, mais concurrence difficilement le milieu social anglicisant tout autour. Les chances sont que même à l'école, une majorité de francophones s'exprimeront en anglais dans les couloirs, à la cafétéria et dans la cour d'école. Dans un tel contexte, il faut s'attendre qu'une très forte proportion des diplômés du secondaire puissent poursuivre leurs études au collège et à l'université en anglais, d'autant plus qu'il n'existe pas d'université de langue française digne de ce nom dans la province...

Comme les générations des années 50 et 60, je devrai, plus souvent qu'autrement, travailler en anglais ou avec des unilingues anglophones mais il y a une grande différence. En 1960, je serais arrivé en milieu de travail avec un meilleur blindage social et culturel de langue française. En 2010, sauf exception, j'arriverais avec une identité fracturée, bilingue tout au plus, avec un réflexe naturel de passer à l'anglais par défaut. De savants théoriciens ont inventé le concept d'«insécurité linguistique» pour expliquer cette tendance mais tout le monde sait qu'il s'agit d'une conséquence naturelle de l'intégration sociale à la majorité anglaise, d'une étape normale du processus d'assimilation. Les enfants de cette génération apprendront peut-être encore le français mais ne s'en serviront pas ou peu. La génération suivante sera largement unilingue anglaise. Des milliers et des milliers de Michael Rousseau... 

La disparition des quartiers francophones

Ce qui est arrivé à Ottawa - la disparition des quartiers francophones - s'est produit dans toutes les collectivités urbaines de l'Ontario français, à l'exception de Hawkesbury. Ce phénomème est probablement constaté dans des régions urbaines hors-Québec comme Saint-Boniface (au Manitoba) et à un moindre degré Moncton (au nouveau-Brunswick). À part Edmundston (N.-B.) et Hawkesbury (Ont.), seules de petites localités de l'Acadie et de l'Est et du Nord ontariens offrent toujours en 2021 des territoires où la langue commune, la langue d'intégration, demeure le français. Et l'étau se resserre constamment autour d'elles.

Même dans les territoires hors-Québec où les francophones restent solidement majoritaires, l'érosion s'accélère. Au recensement de 1951, la moitié des francophones des comtés ontariens de Prescott et Russell (entre Ottawa et la frontière québécoise à l'est) étaient unilingues français. Au dernier recensement, celui de 2016, la proportion était inférieure à 20%... La «bilinguisation collective» des Franco-Ontariens, dépassant les 90% dans les régions urbaines, constitue un repère sûr de transferts linguistiques croissants vers l'anglais (comme partout au Canada, y compris au Québec). Cela s'accompagne invariablement d'une consommation accrue d'outils culturels et médiatiques de langue anglaise, au détriment du français. Ce phénomène est déjà en marche dans la grande région montréalaise, surtout dans les localités avec une proportion appréciable d'anglos, ainsi qu'en Outaouais (Pontiac, vallée de la Gatineau, ville de Gatineau).

L'assimilation, un processus...

L'assimilation à l'anglais est un processus, parfois lent, parfois rapide, foudroyant à l'occasion en milieu minoritaire. Les francophones, au Québec et ailleurs, vivent dans une superposition d'environnements: la famille, le quartier, l'école, les rapports socio-économiques, le travail, les loisirs, les médias et bien plus. Il apparaît clair que la famille et l'école ne suffisent pas pour garantir une identité francophone. Contre l'anglicisation d'un quartier, d'un territoire, des milieux de travail et des outils médiatiques, la famille et l'école ne font pas le poids. Et si en plus, on retire l'école de l'équation (libre accès des francophones au cégep anglais, p. ex.), les carottes sont cuites.

Vous n'avez pas besoin de savantes analyses de chercheurs universitaires ou de reportages à la télé et dans les journaux pour constater le phénomème de l'assimilation. Regardez autour de vous. Écoutez. On entend plein de chansons anglaises à la radio francophone (et même dans certaines émissions de télé à Radio-Canada). Comptez le nombre de mots et expressions anglais ou d'anglicismes dans les bulletins de nouvelles et interviews à la télévision de langue française. Écoutez les gens parler autour de vous. Vous comprendrez vite que c'est le français intensif qu'il faut à l'école primaire, pas l'anglais intensif... À Montréal c'est pire qu'ailleurs au Québec. Entre l'exigence de plus en plus répandue de l'anglais au travail et dans les commerces, et une consommation médiatique (Internet surtout) où la présence de l'anglais explose, le français de la métropole est devenu chez plusieurs une espèce de «chiac» montréalais annonciateur de jours plus sombres. Quant à Gatineau, 4e ville du Québec au cas où vous ne sauriez pas, le français sera à l'agonie d'ici quelques générations dans l'indifférence générale.

Bien sûr, il y a de la résistance. Mais la résistance résulte toujours d'une décision individuelle, alors que l'assimilation constitue un processus sociologique d'intégration à la langue et à la culture dominantes. La résistance, c'est l'exception, pas la règle.

Les résistants de la francophonie hors-Québec, et ils sont nombreux (pas assez mais quand même), sont autant d'étoiles qui brillent dans la nuit. Mais pour perdurer et progresser, un peuple, une collectivité, une nation, doit vivre à la clarté du jour.

«Soleil, soleil, aime-nous» (bit.ly/3wRIh2G)... (Jacques Michel)


samedi 13 novembre 2021

Effaçons le français... ça ne dérange personne...

L'ancien contenant à droite, le nouveau à gauche


Le PDG d'Air Canada a causé tout un flafla récemment en affirmant ce qu'à peu près tout le monde savait... qu'on peut vivre à Montréal sans jamais connaître le français... Le message était clair: l'anglais est essentiel dans la métropole... le français, un peu moins...

Mais cette érosion du français ne se limite pas aux postes de direction de grands sociétés ayant pignon sur rue au Québec. Elle se manifeste jusque dans les plus petits recoins de ma salle de bain... Un bien grand saut, direz-vous, mais l'autre jour en prenant ma douche je me suis aperçu que la partie française du nom bilingue de mon gel nettoyant avait été rayée...

Auparavant, sur ce produit Dove Men+Care, je pouvais lire Deep Clean et son équivalent français, Propreté intense... Maintenant il ne reste que Deep Clean... Notez la différence sur le photo ci-dessus... Et à l'endos du contenant, la liste d'ingrédients figure aussi uniquement en anglais (à l'exception du mot «eau» entre parenthèses)...

J'ai effectué une recherche sommaire sur Internet sur ce produit bien connu, importé au Canada par la société Unilever de Toronto. Je n'ai absolument rien trouvé, aucun commentaire ou dénonciation de cet abandon du français dans le nom du gel de douche... Faut croire, comme le disait Michael Rousseau, que le français n'est pas vraiment essentiel... qu'on peut amputer des mots ici et là, même dans des marques de commerce, sans que personne ne s'en aperçoive...

Intrigué par cette anglicisation du nom de mon gel nettoyant, j'ai jeté un rapide coup d'oeil aux autres produits de toilette et j'en ai trouvé un second dont un mot français avait été effacé...

L'ancien contenant à droite, le nouveau à gauche


Mon désodorisant Right Guard sport qui avait jusque là une face en français avec le mot «Frais» en lettres majuscules, et un côté anglais avec le mot «Fresh»... Le nouveau produit, distribué par la société Henkel de Mississauga (Ontario), a abandonné la façade française et le produit s'appelle maintenant Right Guard Sport auquel on a ajouté le seul mot «Fresh»...

Encore une fois, une recherche Internet n'a rien donné... Et pourtant, ces décisions sans doute anodines pour plusieurs ont dû être prises par des humains quelque part dans la région de Toronto. On a certainement dû en parler à des réunions, quelqu'un en avait fait la recommandation (sûrement pas un francophone, mais sait-on jamais?), des patrons ont dû apposer leur sceau d'approbation sur cette décision d'éliminer le français dans le nom de leur produit... Ce n'est pas le fruit du hasard...

Coudonc, suis-le le seul à me poser ces questions, ou même à remarquer des détails semblables? Suis-je le seul à m'en inquiéter? Défendre le français sur les grandes bannières commerciales avec des Lois 101 ou semblables, c'est essentiel... Mais les petits contenants qu'on utilise tous les jours sont aussi des lieux où notre langue doit assurer sa présence...

Enfin... Regardez autour de vous... Ce ne sont peut-être pas les seuls exemples... La constatation que le français n'est pas essentiel, même à Montréal, se répand déjà ailleurs devant notre indifférence et, surtout, notre inaction...




jeudi 4 novembre 2021

Michael Rousseau... Une claque en pleine face que nous méritons...

capture d'écran, La Presse, 4 novembre 2021


Hé les partisans de l'anglais intensif obligatoire à l'école primaire française! Hé tous ceux et celles qui nous répètent à coeur de jour que la connaissance de l'anglais est essentielle au Québec! Avez-vous entendu le grand patron d'air Canada, Michael Rousseau, hier? Il vous a donné raison! Vous devriez être fiers et fières...

Pendant 14 ans, a-t-il dit, «j'ai été capable de vivre à Montréal sans parler français». Et de toute évidence, apprendre cette langue ne compte pas parmi ses priorités. Surtout qu'il n'en a pas besoin dans la métropole québécoise...

Avec toute l'arrogance et le mépris de nos Rhodésiens de jadis, il nous a remis à notre place, nous et notre langue! Et pourtant, pendant qu'un concert d'indignation balaie les médias et les réseaux sociaux, prenons le temps de penser une minute... N'est-il pas simplement le «pile» de notre «face», l'envers d'une médaille bien de chez nous?

Les Jean Charest, Philippe Couillard et semblables qui ont enfoncé l'anglais intensif à l'école française depuis 2011 ne véhiculent-ils pas le même message? Que l'anglais est important au point d'interrompre l'enseignement en français à l'école primaire, en plein apprentissage de notre seule langue officielle, pour acquérir ce qu'ils perçoivent comme la véritable langue de la réussite?

Michael Rousseau en a rajouté une coche, hier, mais au fond, son message fait partie du sous-texte de nos anglomanes francophones... Le PDG d'Air Canada, confirmant le caractère primordial de l'anglais (pas juste en affaires, partout à Montréal), nous a fait savoir que le français, lui, n'est PAS essentiel, même au Québec.

N'est-ce pas ce que sous-entendent les mordus de l'anglais intensif à l'école en réclamant, au Saguenay, à Québec, à Lévis et ailleurs une «bilinguisation» précoce de leurs enfants qui, dans quelques générations, nous laisseront plein de petit «Michael Rousseau»?

Quand Philippe Couillard proposait que tous les francophones du Québec apprennent l'anglais et que Michael Rousseau affirme ne pas avoir eu besoin du français à Montréal, ne sont-ils pas du même avis? Qu'au sommet de la pyramide socio-économique, l'anglais est essentiel, mais pas le français? Et que dans une société où la majorité, sinon la totalité de la collectivité de langue française a appris l'anglais, les anglophones n'ont pas vraiment besoin du français?

L'intervention du PDG d'Air Canada est une claque en pleine face dont nous avions besoin. Il a tout à fait raison. Il n'avait pas besoin du français à Montréal. Et au train où vont les choses, il en aura de moins en moins besoin. Et chaque nouvelle classe d'anglais intensif dans nos écoles lui donne raison. Au lieu de rendre le français essentiel partout au Québec, y compris Montréal, nous prenons acte d'un déclin qui risque de devenir irréversible.

Alors on fait quoi? Si on s'insurge contre les propos méprisants de Michael Rousseau et qu'en même temps, on continue d'angliciser les enfants francophones, même à l'école, on se tire encore une fois dans le pied. Pensez-y un peu...