mercredi 13 avril 2022

Quand on dit «diversité», de qui parle-t-on?

capture d'écran de Radio-Canada

Dans les médias et les milieux politiques, le mot «diversité» est galvaudé au point d'avoir perdu toute utilité! L'autre jour, au bulletin télévisé de Radio-Canada, un reporter parlait de «personnes issues de la diversité» et je me suis demandé de qui on parlait, au juste. Dans le contexte de cette nouvelle, c'était probablement de gens de race noire. Mais le sens du mot «diversité» est beaucoup plus vaste.

La définition suivante, employée par l'Université Laval, servira d'ancrage à cette discussion que j'amorce. Diversité, écrit-on, «se rapporte aux conditions, aux modes d'expression et aux expériences de différents groupes définis par l'âge, l'orientation sexuelle, le statut Autochtone (sic), la religion, la situation de handicap, la langue, la "race" (sic), le lieu d'origine, l'origine ethnique, la culture, la situation socioéconomique et d'autres attributs (sic)». Alouette...

Or, ce matin, dans mon quotidien régional, Le Droit, je lis ce reportage (voir bit.ly/3KIapeR), sensiblement le même que j'ai entendu la veille à Radio-Canada. Le journaliste y écrit: «La Ville de Gatineau a encore bien du chemin à faire avant d'accueillir naturellement la diversité en son sein et la conseillère Olive Kamanyana l'a vivement rappelé à ses collègues, mardi, en caucus préparatoire au conseil municipal».

Et le reporter de poursuivre: «C'est la nomination de membres citoyens à deux commissions municipales qui a remis en lumière la faible représentation de communautés culturelles dans les instances municipales». À la conclusion du paragraphe on lit: «Plusieurs élus ont par la suite abondé dans le même sens». Alors si je comprends bien, pour ces gens, «diversité» et «communautés culturelles» (ça veut dire quoi?) seraient plus ou moins synonymes...

Aurait-on parlé de «diversité» si les candidatures rejetées de ces deux citoyens (oui, il s'agit bien de deux...) avaient été celles de personnes handicapées ou provenant de milieux défavorisés, ou encore appartenant à l'une ou l'autre des catégories LBGTQ2? Je ne crois pas, du moins pas cette fois, et pourtant la définition de «diversité» les englobe...

Faudrait-il donc se rabattre sur l'expression tout aussi ambiguë de «communautés culturelles»,  à laquelle on a clairement donné ici des dimensions raciales qui ne correspondent pas du tout à la définition du gouvernement québécois de communauté culturelle: «groupes sociaux étendus, issus de diverses nationalités (italienne, vietnamienne, etc.) d'immigration et des nations autochtones, et constituant des volets de la diversité culturelle irriguant les circuits de diffusion et d'échange dans la société québécoise».

L'impression laissée par l'article, et par le reportage télé, c'est que les candidatures écartées provenaient de personnes de race noire, comme la conseillère Kamanyana. Elle disait d'ailleurs les connaître. Mais les médias que j'ai vus n'ont rien précisé à cet égard. Les nouvelles là-dessus sont d'ailleurs pleines d'imprécisions. Si c'est bien un enjeu racial, on parle effectivement d'un des nombreux éléments de la «diversité». Mais certainement pas de communauté culturelle...

La culture, par définition, n'est pas raciale. On parle de langue, de coutumes, de religion, d'histoire, etc. mais pas de la couleur de la peau. Dany Laferrière ne siège pas à l'Académie française parce qu'il est Noir mais à cause de ses talents littéraires. Et Mme Kamanyana n'est pas une «représentante» d'une quelconque communauté culturelle ou des Noirs quand elle siège au conseil municipal de Gatineau: elle représente tous les citoyens, peu importe leur appartenance culturelle ou raciale. Et ce qui me concerne, Normand Brathwaite et Boucar Diouf font partie de ma communauté culturelle, si telle chose existe.

Sur le plan mondial, la culture québécoise de langue française fait partie de la diversité culturelle planétaire. Au Canada anglais, la langue française et ses locuteurs sont un élément de diversité. On les appelle «communautés» linguistiques minoritaires, mais pas «communautés» culturelles. Allez comprendre... Et c'est sans compter l'emploi de l'anglicisme «communauté», calque de «community» qui devrait se traduire en français par collectivité. Une bouillie indigeste...

Le journalisme de 2022 a peur des mots devenus tabous, craint de déroger à ses perceptions de la rectitude politique. Si ce sont deux Noirs dont la ville de Gatineau a rejeté les candidatures, dites-le donc au lieu de parler du brouillard de la diversité, ou du labyrinthe des soi-disant communautés culturelles. S'il s'agit de musulmans, dites musulmans. S'il s'agit d'Asiatiques, dites Asiatiques. S'il s'agit de gais, de lesbiennes ou de transgenres, dites-le.

Parce que ce que font les médias présentement, en privilégiant le fourre-tout diversité, c'est présenter tout l'amalgame non-québécois de souche comme des victimes, exclues de la vie sociale et politique par une majorité blanche et francophone intolérante, xénophobe et à la limite, raciste. Et cela ne correspond pas au vécu québécois, qui est celui d'une minorité nationale ayant subi et subissant toujours les séquelles de préjugés racistes charriés par la majorité anglophone historique ainsi que par les autres minorités (ethniques, religieuses, linguistiques) qui se sont assimilées ou s'assimilent aux anglophones dominants. Voilà un terrain sur lequel nos médias timides n'osent pas s'aventurer...


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