mardi 18 avril 2023

La folie de Poilièvre...


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Pierre Poilièvre joue à l'apprenti sorcier. Pire, il s'amuse avec des allumettes dans une poudrière. Les effets de son appel à Twitter, demandant que le réseau d'Elon Musk identifie CBC comme un média financé par le gouvernement (government-funded media), contribueront à précipiter sa chute... et celle du Parti conservateur du Canada.

Son intention est on ne peut plus claire. Il veut détruire la CBC (Canadian Broadcasting Corporation), vue comme outil de propagande du gouvernement libéral de Justin Trudeau. Et il cherche des alliés. Twitter, ayant déjà collé ses «traumavertissements» sur les pages de réseaux publics comme la BBC et NPR, a dû lui sembler un partenaire idéal. Elon Musk a exaucé son voeu.

Depuis samedi, sur le compte Twitter de CBC (mais pas celui de Radio-Canada), on indique qu'il s'agit d'un government-funded media. Cet avis a été modifié le lendemain à 70% government-funded media, puis à 69% government-funded media. Twitter n'a pas consulté CBC et des demandes d'explication au réseau Musk ont eu comme seule réponse un émoticône de caca.

Pas besoin d'avoir inventé le bouton à quatre trous pour comprendre le sens de cet avertissement. Twitter laisse entendre, sans le dire de façon explicite, qu'un financement «gouvernemental» signifie une influence politique indue qui risque de saper l'indépendance des médias publics. La question est légitime, mais cette manière de l'exprimer est simpliste et, à la limite, malhonnête.

Le plus énorme mensonge véhiculé par l'avertissement de Twitter, c'est de laisser croire que les médias qui ne sont pas financés par les fonds publics ont davantage d'autonomie ou d'indépendance en matière de reportages, d'analyses ou d'éditoriaux. N'importe quel journaliste (je parle pour mon métier) apprend vite que TOUS les médias subissent TOUS les jours des influences de partout, internes et externes.

Les médias, privés ou publics, savent très bien qu'on ne mord pas impunément la main qui nous nourrit. Les journaux quotidiens qui dépendent en grande partie des revenus publicitaires piétineront avec beaucoup de prudence les plates-bandes des principaux annonceurs et feront preuve d'hésitation avant de heurter de front les préférences du lectorat payant. Il en va de même pour la télé et la radio publiques.

Dans le secteur privé autant que dans le domaine public, les médias qui font partie de chaînes ou de réseaux doivent composer avec les orientations décidées d'en haut. Et elles déteignent. Radio-Canada baigne à l'excès dans les directives d'EDI (Égalité, diversité, inclusion) jusque dans ses émissions d'information. Mais les journaux de chaînes comme Postmedia au Canada anglais ou des stations de télé affiliées à Fox News aux États-Unis sont aussi tenues de respecter des lignes directrices indigestes, même dans les salles des nouvelles.

Personne ne niera que les gouvernements peuvent avoir la main lourde. Mais cela dépend des régimes et des gouvernements. Je n'ai pas d'atomes crochus avec Justin Trudeau, mais il n'a rien en commun avec le quasi-dictateur Poutine, en Russie. Ou Xi Jinping, en Chine. Il faut faire la part des choses. En démocratie, les constitutions, lois et conventions collectives (quand il y a des syndicats) garantissent une bonne marge d'autonomie à des réseaux comme CBC/Radio-Canada, du moins en matière d'information. Twitter n'en tient pas compte dans ses mises en garde enfantines.

C'est vrai que même ici, parfois, les gouvernements se servent de leur poids politique et financier pour influencer les médias, jusque dans le secteur privé. J'étais journaliste parlementaire à Ottawa durant la crise d'octobre 1970 et durant les mesures de guerre, les menaces de censure  du gouvernement Trudeau étaient bien réelles. Il en est résulté beaucoup d'autocensure. Et que dire d'aujourd'hui, alors que des journaux privés comptent sur l'aide financière des gouvernements pour éviter la faillite? Faudrait-il coller de petits avertissements sur leurs comptes Twitter?

Revenons à Pierre Poilièvre et à ce qui le coulera dans cette affaire. À l'instar de la droite américaine et du grand capital qu'elle défend, il présente le «gouvernement» comme une puissance extérieure au peuple, une puissance qui opprime le peuple et qu'il faut, par tous les moyens possibles, réduire à sa taille minimale. S'en libérer. Privatiser, définancer. Alors que la réalité est contraire. Le grand capital et le régime économique qu'il soutient tirent les plus gosses ficelles. Il n'y a qu'une seule institution où le public détient un certain pouvoir, dans la mesure où il veut l'exercer bien sûr, et c'est l'État. En démocratie, les gouvernements et législatures représentent l'ensemble des citoyens (ou ont le potentiel de le faire), et non les milliards de puissants intérêts privés ayant comme seul objectif de remplir leurs poches. 

M. Poilièvre et les conservateurs qui l'appuient dans sa croisade anti-CBC découvriront, durant la prochaine campagne électorale, que la population anglo-canadienne sait parfois faire la part des choses, et qu'elle reste sans doute profondément attachée à cette institution qui lui appartient depuis les années 1930 et qui constitue le plus important rempart contre sa totale américanisation. Le problème pour CBC, c'est que l'un de ses principaux défenseurs soit le gouvernement de Justin Trudeau, qui n'a guère plus de crédibilité en la matière que les hordes d'extrême-droite.

Quant à l'avertissement affiché par Twitter, on pourrait tout au moins exiger (à moins que le mépris d'Elon Musk ne l'aveugle) qu'on supprime «government-funded» et qu'on le remplace par «publicly-funded», pour au moins reconnaître que le financement est adopté par le Parlement, et ce, en vertu de lois auxquelles ont été soumises les gouvernements tant libéraux que conservateurs. Et qu'on ajoute, pour tous les médias privés, une indication de la principale provenance de leur financement. Le fait que Twitter réponde à des interrogations par un émoticône de caca reflète bien la valeur de son avertissement: c'est de la marde !


2 commentaires:

  1. Poilièvre a quand-même un peu raison. CBC-Radio-Canada a toujours été très proche des libéraux que des conservateurs ou du PQ au Québec. Souvenons-nous d'André Pratte congédié au début des années 1990, par les Desmarais, réhabilité ensuite pour devenir le plus grans propagandiste de la cause fédéraliste. Souvenons-nous de Radio-Gesca et des batailles épiques d'Yves Michaud pour avoir accès aux livres (revenus et dépenses) de Gesca.
    En passant , voici que le journal LE Devoir parle de votre congédiment.

    Gesca et la bouche cousue
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    Stéphane Baillargeon
    Stéphane Baillargeon
    2 juin 2014
    CHRONIQUE
    Chroniques
    Le silence en dit beaucoup. Le silence est parfois une vertu, parfois un aveu. Le silence peut-être le refuge de la prudence, mais aussi le paravent d’une faiblesse et la première preuve d’une trahison.

    Le dernier billet de Pierre Allard s’intitulait « Le silence assourdissant des salles de rédaction ». Il a été publié sur son blogue personnel le 19 mai. Il lui a coûté sa place d’éditorialiste invité du journal Le Droit.

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  2. Quelques questions concernant les coupures de Poilièvre à CBC:

    -Est-ce Jean Chrétien qui a coupé le budget de Radio-Canada avec son Plan B, suite au Référendum Volé ?
    - Est-ce PET TRUDEAU qui voulait chasser les Séparatistes de Radio-Canada ?
    -Dans le ROC, est-ce qu'on écoute CBC ou les chaînes américaines ?
    -Est-ce que le financement d'Ottawa pour Radio-Canada est pour le Québec ou pour compenser l'absence de commanditaires français dans le ROC?
    - Considérant l'assimilation galopante des francophones dans le ROC, qu'elle est la côte d'écoute dans chacun des postes francophones dans le ROC depuis leur fondation ?

    https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=10161033135718140&id=652793139&mibextid=Nif5oz

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