mardi 29 août 2023

Un glaçon dans l'eau bouillante


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En 1999,  quand Lucie Couvrette, inspectrice de l'Office québécois de la langue française, avait tenté de faire respecter la Loi 101 à Shawville (Pontiac), des commerçants et des citoyens, le maire en tête, l'avaient littéralement pourchassée et expulsée du village! (voir lien en bas de page) L'incident a fait le tour du pays avec les dénonciations habituelles de la très xénophobe «police linguistique» québécoise dans la presse de langue anglaise...

La réaction de ces anglophones, que j'estime exemplaire malgré mon désaccord profond, contraste singulièrement avec celle de l'immense majorité des francophones du Pontiac et de la région de Gatineau qui n'ont jamais, mais au grand jamais, pourchassé et expulsé ceux et celles qui continuent de mépriser presque quotidiennement la langue française. Dans la métropole de l'Outaouais, l'anglais fait la pluie et le beau temps. Vous voulez un exemple?

J'en propose un, survenu récemment, et il illustre parfaitement ce qui se passe depuis toujours ici. Le propriétaire anglophone d'un resto dans le secteur Aylmer de Gatineau a expulsé le président d'Impératif français, Jean-Paul Perreault, parce qu'il avait demandé qu'on le serve dans sa langue. Cela s'est produit devant des clients francophones attablés autour de lui, demeurés silencieux en baissant sans doute les yeux... de honte. Y a-t-il eu un ressac populaire contre ce restaurateur? Un élan populaire pour défendre M. Perreault? Bien sûr que non...

Les francophones de Gatineau, contrairement aux anglos du Pontiac, vivent à genoux depuis plus d'un siècle... 

Alors quand le gouvernement québécois annonce une subvention de quelques centaines de milliers de dollars pour aider à convaincre des petites entreprise de l'Outaouais à franciser leur milieu de travail, on peut se demander quel effet aura ce petit glaçon dans notre marmite d'eau bouillante. La seul côté positif de cette faire, c'est qu'enfin, quelque part dans les officines de Québec et Montréal, on semble s'être aperçu - peut-être - de la gravité du problème.

On mentionne dans le texte de Radio-Canada (voir lien en bas de page) que l'Office québécois de la langue française a noté un recul du français comme langue de travail en étudiant les données du recensement de 2021. S'ils vivaient ici, les bureaucrates verraient que c'est bien pire que ça. À mon IGA situé dans un quartier très francophone de Gatineau, les panneaux de recrutement invitent les anglophones à postuler, laissant ainsi entendre qu'ils pourront travailler dans leur langue. On y entend même, à l'occasion, des employés francophones (des jeunes surtout) se parler en anglais. Quand on leur demande pourquoi, la réponse est toujours la même: ben voyons, le Québec est bilingue!

Il est grand temps que l'OQLF brosse un tableau exhaustif de la situation dramatique du français à Gatineau où des milliers de résidents travaillent en anglais dans la fonction publique fédérale, où le conseil municipal se fait complice d'entrepreneurs qui attirent dans leurs projets d'habitation riverains des milliers d'Ontariens, pour la plupart anglophones, où le nombre d'unilingues anglais a doublé en 15 ans et la proportion d'unilingues français a chuté de 40 à 25%, où deux tiers des immigrants ont appris l'anglais... Et ne comptez pas sur les élus municipaux pour s'intéresser à la dynamique linguistique: le sujet est tabou. Il ne faut surtout pas faire de vagues, on pourrait nuire à cette «bonne entente» qui nous a toujours anglicisés.

Dans l'article du Droit, le ministre de l'Outaouais, Mathieu Lacombe, a noté que la place plus importante accordée ici à l'anglais l'avait frappé à son arrivée dans la région en 2010 (voir lien en bas de page). Il ne semble pas avoir poursuivi sa réflexion, ou s'il l'a fait, n'en dit rien quand il affirme par la suite qu'il n'a pas vu depuis ce temps, dans la vie de tous les jours un recul du français en Outaouais. Notre ministre devrait plus souvent passer quelques jours au centre-ville de Gatineau. Son discours changerait. Les anglos s'affirment comme toujours - une attitude que j'admire. Pendant ce temps la majorité des francophones se comportent en colonisés, presque toujours prêts à passer à l'anglais au lieu d'affirmer leur langue, la langue majoritaire, commune, officielle du Québec.

Au rythme où vont les choses, tout sera réglé d'ici une génération ou deux. Les francophones ne seront plus majoritaires, Gatineau sera bilingue en attendant de devenir anglaise. Et les ultimes résistants jetteront un regard vers les années 2020 et se demanderont: comment en étions-nous arrivés là?

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Liens

Texte de Radio-Canada: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2006408/francisation-gatineau-recul-outaouais

Texte du Droit: https://www.ledroit.com/affaires/affaires-locales/2023/08/28/pres-de-900-000-pour-contrer-le-declin-du-francais-dans-les-affaires-en-outaouais-en-estrie-et-en-monteregie-RLVVSGEP5ZH4XEVQ2RV7TSZMSM/

Texte sur l'incident de Shawville en 1999: https://imperatif-francais.org/articles-imperatif-francais/articles-2000-et-moins/lolf-shawville-quec/

Lien à l'incident du resto en 2022: https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/11/commander-en-francais-sortez.html

1 commentaire:

  1. Ëtes-vous optimiste pour l'avenir du français au Québec à moyen et à long terme ???

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