lundi 24 février 2020

Une résolution qui donne froid dans le dos...


La résolution (bit.ly/37SWtKH) contre la Loi 21 (laïcité de l'État québécois) adoptée jeudi dernier à Ottawa par l'assemblée annuelle de l'Association du Barreau canadien (ABC) donne froid dans le dos, tant par son libellé que par la façon dont elle a été présentée aux délégués. Quand, de plus, on considère que l'immense majorité des juges fédéraux sont issus des cohortes de l'ABC, on peut vite écarter tout espoir de neutralité des tribunaux supérieurs du Québec et du Canada.

Mais revenons à cette résolution condamnant «la discrimination religieuse» (sic) engendrée par la Loi 21 (voir bit.ly/2TasuZF). A-t-on assisté à un débat équilibré sur la question, avec présentations équitables des points de vue pro et anti laïcité? Si on se fie au communiqué officiel de l'Association, publié le 20 février, la réponse est non. Soulignons d'abord que la résolution n'était pas présentée par un membre quelconque sur le plancher du congrès... Elle émanait de la prestigieuse Section du droit constitutionnel et des droits de la personne de l'ABC.

Un juriste québécois favorable à la laïcité de l'État a-t-il été invité à s'adresser à l'assemblée? Le document de l'ABC n'en dit mot... Ce que le communiqué affirme, cependant, c'est que Nour Farhat, une jeune avocate québécoise musulmane voilée, bien connue pour son opposition à l'interdiction des signes religieux pour les employés de l'État, a prononcé un «émouvant témoignage personnel» sur les conséquences «dévastatrices» de cette «atteinte aux droits de la personne».

Et que Sameha Omer, directrice des Affaires juridiques au Conseil national des musulmans canadiens, a qualifié la Loi 21 d'«une des atteintes aux libertés civiles les plus importantes de l'histoire canadienne»... Quels propos insignifiants! On croirait que cette personne ne connaît pas grand chose à l'histoire du Canada, ou qu'elle l'a apprise tout croche... En octobre 1970, le gouvernement canadien a suspendu les libertés civiles du pays tout entier pour mettre en prison près de 500 innocents à cause de leurs opinions politiques. Ça c'est du sérieux.

S'il avait existé le moindre souci d'équité à ce congrès de l'ABC, on aurait donné la parole à une juriste pro-laïcité comme Julie Latour, qui a milité pendant plusieurs années au sein de l'Association et de sa division québécoise. Elle aurait répété aux délégués que la Loi 21 est «sobre, modérée et efficace», et qu'«avec l'avènement de sociétés pluralistes, la laïcité est le socle qui permet à toutes les convictions religieuses de s'exprimer».

L'Association du Barreau canadien aurait aussi pu offrir le micro à quelques-unes des nombreuses femmes musulmanes favorables à la laïcité, et qui dénoncent en plus le port du voile comme un symbole d'asservissement de la femme et une atteinte au principe de l'égalité des sexes. Mais c'aurait été sans doute trop demander à une organisation qui semble donner raison aux intégristes religieux... comme si leur argument de «discrimination» relevait de l'évidence.

Et comme si ce n'était pas suffisant, l'assemblée annuelle de l'ABC a adopté une résolution additionnelle exhortant les gouvernements à établir des lignes directrices pour limiter le recours à la clause dérogatoire. Non seulement on veut continuer de nous imposer une charte que le Québec n'a jamais signée, on veut aussi s'assurer que toute tentative de s'en dissocier par la clause «nonobstant» devienne inopérante... surtout en matière de laïcité de l'État.

Le quotidien Globe and Mail de Toronto a dévoilé, il y a quelques jours, l'existence d'un réseau très large de partisans et de dirigeants libéraux pour attribuer les postes de juges des cours supérieures du pays. La grande majorité de ces juges portant le sceau d'approbation des libéraux, avec tout ce que cela entraîne, proviendront des rangs de l'Association du Barreau canadien. Et c'est le premier ministre fédéral qui peut décider, tout seul, de ces nominations...

Justin Trudeau n'a pas besoin de légiférer pour saboter la laïcité québécoise. Il n'a qu'à s'assurer la loyauté des tribunaux et de la profession juridique. Il n'aura pas de problème au sein de l'Association du Barreau canadien...

Ça va être laid, Monsieur Legault...

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Texte paru dans Le Droit sur la résolution de l'ABC - bit.ly/2T5hXi4



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