samedi 16 mai 2020

Et si... Bonne fête des Patriotes !


En cette fin de semaine de la fête des Patriotes, les regards jetés sur les événements de 1837 s'accompagnent souvent d'un «et si...»... Et si les Patriotes avaient gagné... Que serions-nous devenus comme peuple, comme nation? Cette forme d'histoire-fiction, sans doute typique des éternels vaincus, nous la pratiquons depuis trop longtemps...

Et si la France n'avait pas perdu la bataille des Plaines d'Abraham, aurions-nous de vastes territoires francophones en Amérique du Nord?

Et si les Métis de Louis Riel avaient eu la main haute au Manitoba et en Saskatchewan, aurait-on vu s'instaurer un unilinguisme anglais implacable et vengeur dans les Prairies canadiennes?

Et si nous n'avions pas été asservis pendant plus d'un siècle par un haut-clergé obscurantiste et collabo, les braises de la rébellion qui ont toujours sommeillé dans notre substrat collectif ne se seraient-elles pas enflammées à un moment propice?

Et si les vieux partis, nous ayant proposé des slogans comme «Maîtres chez nous», «Égalité ou indépendance» et «souveraineté culturelle», avaient mené leurs réflexions jusqu'à la conclusion logique, la révolution tranquille l'aurait-elle été un peu moins?

Et si nous ne nous étions pas laissés intimider par les stratégies de la peur et le coup médiatisé de la Brinks, à quelques jours des élections de 1970, la crise d'octobre telle que nous l'avons connue serait-elle survenue?

Et si le Parti québécois ne s'était pas embourbé dans le cul-de-sac de l'étapisme avant le scrutin de 1976, le gouvernement Lévesque (s'il avait gagné malgré tout) aurait-il entrepris immédiatement des démarches vers l'indépendance au lieu d'enclencher un référendum suicidaire?

Et si, après la nuit des longs couteaux orchestrée par Jean Chrétien en 1981, suivie du rapatriement unilatéral de la Constitution canadienne et de la mise en oeuvre d'une Charte clairement dirigée contre le Québec, nous avions refusé une fois pour toutes de participer à ces conférences fédérales-provinciales où nous ne sommes toujours qu'un sur onze?

Et si, après l'échec de Meech en 1990 et le ressac anti-québécois qui l'avait fortifié, nous avions enfin compris que le Canada anglais et ses collaborateurs chez nous ne reculent devant rien, ne respectent aucune règle pour mettre le Québec au pas, aurions-nous naïvement plongé dans une nouvelle aventure référendaire en 1995?

N'en avons-nous pas soupé des «et si?» depuis deux siècles et demie? Le legs de nos grands héros - les Chénier, Papineau, Riel, Lévesque, Bourgault et autres - est parsemé de valeureux et honorables combats finissant dans la défaite.

En dépit de tous les revers et toutes les répressions, le peuple qui leur a servi de terreau est resté fidèle, de génération en génération, à la langue française et aux solidarités ancestrales, en attendant l'appel au combat décisif, celui où les échecs antérieurs se transformeraient en victoire finale.

S'il existe un au-delà à l'image ce qu'on nous a enseigné jadis, les ancêtres québécois doivent regarder avec anxiété cette fin de troisième période où les vétérans apparaissent fatigués et les jeunes semblent disposés à lancer la serviette.

À voir l'effritement de la langue et de la culture française et le vieillissement rapide de la dernière grande génération de combattants, nous jouons présentement le tout pour le tout. L'affrontement actuel, un peu comme celui des Plaines d'Abraham, déterminera peut-être l'issue de cette guerre devenue interminable.

En songeant aux Patriotes de 1837, cette fin de semaine, je continue d'espérer que l'ultime sacrifice de Jean-Olivier Chénier, l'éloquence du tribun Louis-Joseph Papineau et le courage de milliers de leurs concitoyens n'aient pas servi qu'à prolonger une agonie historique... Je continue d'espérer que leurs luttes demeurent une source d'inspiration et sonnent un rappel salutaire.

Alors voilà. Il nous reste peu de temps, nous sommes - de plus en plus - en désavantage numérique et malgré tout, la victoire reste à notre portée. Un dernier effort, pour qu'on se débarrasse à jamais des «et si?»... Bonne Journée nationale des Patriotes.



2 commentaires:

  1. Tu écris que les jeunes semblent disposés à lancer la serviette. Je crois qu'ils ont choisi de vivre dans un monde où le "pour soi" prime sur le "pour nous". Ils n'ont que faire de solidarité, ils de briller dans un univers plus large, mondial, peu importe qu'il soit anglophone.

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  2. C'est malheureusement le cas. Mais, comme il est si bien dit dans le texte, il y a encore de l'espoir, et il faut qu'il y ait encore de l'espoir. Il faut éduquer et politiser nos jeunes en leur donnant le goût de l'histoire, et nous en avons une, une belle et bonne histoire à raconter. Elle est loin d'être ringarde.

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