jeudi 14 mai 2020

«Le masque»... Trop, c'est trop...

La chronique intitulée «Le masque» dans Le Devoir du 13 mai 2020 (bit.ly/3dzCMLo) figurera quelque part au palmarès des textes fallacieux. Ce pamphlet recèle des énormités telles qu'on a peine à imaginer notre quotidien national les publiant sans avoir imposé à l'auteure des bémols. Le Devoir a pourtant démontré par le passé qu'il pouvait utiliser la méthode forte pour «discipliner» ses chroniqueurs. À preuve, Lise Payette, qu'on a mise à la porte sans cérémonie...

Revenons au port du masque en temps de pandémie, débat transformé par Mme Pelletier en diatribe contre la Loi 21 sur la laïcité de l'État québécois. «Le masque, écrit-elle, n'est pas sans soulever d'énormes contradictions vis-à-vis du port de signes religieux que le gouvernement Legault s'est fait un devoir d'interdire.» Pas des petites contradiction, d'énormes contradictions! Difficile à comprendre cette affirmation quand il n'existe aucun lien entre la santé publique et la laïcité de l'État, mais écoutons l'argument.

«On nous demande aujourd'hui, écrit la chroniqueuse, de porter un masque pour des raisons de santé publique, de respect des autres, du légendaire "vivre ensemble, alors qu'on exige de nombreux employés de l'État de ne justement rien porter sur la tête ou le visage pour les mêmes raisons. Comment peut-on concilier ces deux mots d'ordre? Comment le port de signes religieux, pourtant moins laids et souvent moins ostentatoires, enverrait-il un mauvais signal, le refus d'intégration dans la communauté d'accueil, et celui du port du masque, le signal contraire, le souci de cette même communauté?»

Ouf... Par où commencer? D'abord une fausseté évidente: le port du masque durant la pandémie de COVID-19 est exigé uniquement pour des motifs de santé publique. Le «respect des autres» en découle, aussi pour des motifs de santé publique, soit dans le but de freiner la propagation du virus. L'interdiction de signes religieux dans la Loi 21 n'a rien à voir avec la santé publique. Même le jugement récent de la Cour suprême sur l'interdiction du turban sikh au port de Montréal, confirmant une décision de 2016 (avant la Loi 21), était fondé sur l'ordre public et le bien-être général. Alors, prétendre qu'on interdit «pour les mêmes raisons» le masque en temps de pandémie et les signes religieux dans le contexte de la laïcité de l'État constitue un argument fallacieux.

Il n'en faut d'ailleurs pas plus pour que s'effondre le coeur de l'argumentaire de la chronique. Mais il y a plus. La chronique met aussi dans le même sac les signes religieux et les masques, comme s'ils étaient comparables. D'abord certains signes religieux (turban, kippa, croix, kirpan, etc.) ne cachent aucune partie du visage. D'autres (les différents voiles musulmans, à l'exception de la burqa et du niqab qu'on attaque surtout pour des motifs de sécurité publique) frôlent le visage sans plus. Or le masque couvre le nez, la bouche, le menton et les joues, pour des motifs évidents de santé. Ne pas voir qu'on compare ici des pommes et des oranges, cela m'échappe.

Quant au signal de «refus d'intégration dans la communauté d'accueil» qu'enverrait le signe religieux, jouxté au masque qui deviendrait son contraire, on se retrouve à nouveau dans le champ gauche. La Loi 21 n'interdit nullement le port des signes religieux dans la société; seulement pour certaines catégories d'employés du secteur public, et ce, dans le cadre de leur travail. Ailleurs, ces signes, ostentatoires ou pas, sont permis et le fait qu'ils indiquent ou non une volonté d'intégration est sans rapport. Par ailleurs, expliquez-moi, quelqu'un, comment on peut relier le port ou non du couvre-visage durant la crise de la COVID-19 à l'intégration dans une «communauté d'accueil»...

Semblant oublier ses comparaisons entre masques et signes religieux, l'auteure de la chronique se lance par la suite à fond de train contre la laïcité, à la mode de France (interdiction du hijab dans les écoles, et du duo niqab/burqa dans les espaces publics): «Comment une société "libre et démocratique" peut-elle dicter le comportement vestimentaire de simples citoyennes, qui n'ont ici aucune fonction étatique, sans, du même coup, violer les droits les plus fondamentaux? Ceux du libre arbitre, de la conscience et de la religion.» Les droits les plus fondamentaux? Il n'y aurait pas aussi l'égalité de la femme là-dedans, quelque part? L'égalité de tous les humains, n'est-ce pas le socle, la base, la fondation des sociétés démocratiques occidentales?

Partie d'une fausse prémisse, la chronique ne pouvait que finir tout croche. «La contradiction, y lit-on, saute aux yeux. Une pratique perçue comme néfaste au bien commun encore hier ne peut pas soudainement devenir bénéfique sans révéler une certaine discrimination sous-jacente.» Quelle pratique? Porter un masque ou un couvre-visage? La Loi 21, au sujet des services à visage découvert, stipule que l'interdiction de se couvrir le visage «ne s'applique pas à une personne dont le visage est couvert en raison d'un motif de santé»... Les pratiques perçues comme néfastes hier le demeurent, sauf quand la santé publique est en cause... Il n'y a pas de contradiction.

La conclusion confirme l'égarement: «Une poignée de femmes voilées dans les écoles représenterait une menace, mais une cohue de travailleurs masqués dans le métro tard le soir, pas de problème? Quand la pratique est celle d'une minorité religieuse, ça nous inquiète, mais quand il s'agit d'un comportement majoritaire, tout va bien?» Encore ici, par où commencer? D'abord on tend à réduire le dossier de la laïcité, de façon simpliste, à la répression d'une «poignée de femmes voilées» alors que d'autres signes religieux (kippa, turban) touchent des hommes, accréditant la thèse répandue au Canada anglais que la loi québécoise sur la laïcité de l'État vise essentiellement les femmes musulmanes voilées.

Et que dire de l'usage tendancieux du terme «menace»... Quant à la «cohue de travailleurs (au masculin) masqués dans le métro», oubliant de nouveau qu'il s'agit d'une situation de pandémie, on passe sous silence que telle «cohue» non masquée aurait constitué une bien plus grande «menace» pour la propagation d'un coronavirus mortel... Par ailleurs, si la «pratique d'une minorité religieuse» inquiète, telle pratique devient encore plus inquiétante - et non acceptable - quand elle est observée par la majorité. Tout ne va pas bien. Mais le comportement majoritaire auquel la chronique renvoie, c'est le port du masque en temps de pandémie, qui n'a rien à voir avec la pratique - inquiétante ou pas - d'une minorité religieuse. L'argument du texte s'auto-détruit...

C'est à se demander si Le Devoir porte sur certaines de ses chroniques un jugement qui dépasse l'orthographe et le style... Le fond de l'argumentaire, ici, est corrompu. On compare des non-comparables. On met dans le même panier religion, laïcité et pandémie. Avoir été chef de la rédaction au Devoir, je n'aurais pas - dans la mesure où le quotidien fait siens les propos de ses principaux chroniqueurs - autorisé la publication de ce texte sans modifications substantielles.



5 commentaires:

  1. Excellent texte, M. Allard. Il faut espérer que Bryan Miles va le comprendre. Le manque total de jugement de Francine Pelletier et sa haine profonde du Québec la rendent incapable de comprendre quoi que ce soit.

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  2. Excellent texte. Bravo et merci pour votre dévouement. Mme Pelletier est un puits sans fond de propos indigents qui épuisent ceux pour qui des propos intelligents dans LeDevoir devraient être la norme.

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  3. Excellent texte qui remet les pendules à l'heure. Merci!

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  4. Si je serais un diplomate Iranien, je traduirais la chronique de Francine Pelletier en farsi, langue parlée en Iran. Je l'enverrais en Iran pour être distribuée à toute les femmes Iranienne emprisonnée pour refus de porter le voile (hijab, tchador, niqab). Faut-il rappeler que Nasrin Sotoudeh a été condamné à 38 ans de prisons et 148 coups de fouet pour avoir défendu le droit des femmes Iraniennes à na pas porter le voile.

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