mardi 16 juin 2020

Écoles françaises en C.-B.: un vol, légalisé par la Cour suprême


S'il existe un combat judiciaire qui illustre parfaitement l'asymétrie entre le traitement des Anglo-Québécois et des minorités francophones ailleurs au Canada, c'est bien l'épopée héroïque des Franco-Colombiens... qui luttent depuis une dizaine d'années pour obtenir de leur gouvernement provincial la réparation et/ou la construction de plus d'une douzaine d'écoles françaises auxquelles ils ont droit en vertu de l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Alors que le Québec continue de grassement financer son réseau scolaire anglais du primaire à l'universitaire, et se prépare même à agrandir Dawson College à Montréal, au point de mettre en péril l'avenir du secteur collégial français dans la région métropolitaine, la Colombie-Britannique dit ne pas avoir assez d'argent pour réparer ou construire suffisamment d'écoles pour sa minorité de langue française... Au Québec on gave les anglos, à l'ouest des Rocheuses on affame les francos...

La saga de l'école Rose-des-Vents à Vancouver a noirci des centaines de pages judiciaires depuis 2010. L’école est surpeuplée, les salles de classe sont plus petites que celles des écoles anglaises, certaines salles de classe sont dépourvues de fenêtres, la bibliothèque est minuscule et les toilettes inadéquates... Les parents francophones ont poursuivi la province, exigeant leur droit à la même qualité d'établissements scolaires que les anglophones.

La cause s'est rendue en Cour suprême, qui a donné finalement raison aux parents en 2015... Cinq ans d'attente... Mais ce n'était pas terminé. Une décision du plus haut tribunal du pays ne suffit pas pour assurer la construction d'une école neuve. «Cinq ans plus tard, en 2020, les enfants fréquentent toujours la même petite école Rose-des-Vents à laquelle s'est jointe une série de portatives», explique Rémi Léger, politicologue à l'Université Simon Fraser de Vancouver.

Entre-temps, la liste d'attente d'écoles à rénover ou à construire du conseil scolaire de langue française déborde de plus en plus avec un gouvernement pour qui le respect de l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982 semble être le moindre des soucis. Nouveau recours aux tribunaux et après des échecs en cour d'instance et en cour d'appel, les démarches judiciaires du Conseil scolaire francophone (amorcées en 2010) viennent d'aboutir en Cour suprême avec une victoire quasi-totale... du moins sur le plan des principes.

Dans sa décision, le juge en chef québécois Richard Wagner établit clairement que l'article 23 de la Charte canadienne «a un objet réparateur, qui vise à favoriser l’épanouissement des minorités linguistiques officielles et à modifier le statu quo». Ce qu'il dit, c'est que les provinces anglaises ne doivent pas seulement scrupuleusement respecter les droits scolaires de leur minorité de langue française, mais qu'elles doivent garantir aux francophones un milieu éducatif qui favorisera leur «épanouissement» linguistique et culturel. Clairement, cette opinion ne vise que les francophones hors Québec. Le statut quo scolaire actuel au Québec favorise nettement les anglophones. 

Modifier le statu quo en Colombie-Britannique signifie créer une situation dans laquelle le milieu scolaire doit tout faire pour ralentir ou neutraliser le taux d'assimilation dramatique de la minorité francophone. Des 57 000 Britanno-Colombiens de langue maternelle française, à peine 17 000 conservent le français comme langue d'usage à la maison. La Cour suprême, jugeant que les francophones de plusieurs régions sont actuellement traités de façon inférieure aux anglophones, vient d'ordonner l'octroi d'une douzaine de nouvelles écoles homogènes françaises en C.-B.

Ce que le plus haut tribunal du pays ne dit pas, cependant, c'est à quel moment la province sera tenue de remettre ces écoles à la minorité franco-colombienne. Pire, la Cour suprême permet à la C.-B. d'exiger que le Conseil scolaire francophone «priorise les projets d'immobilisation» avant que des décisions finales soient prises. Le sens de cette concession est limpide... La Cour accepte que certaines écoles soient construites beaucoup plus rapidement que d'autres, laissant encore une fois à la province toute latitude d'invoquer des motifs budgétaires pour faire obstacle aux droits des francophones. «La réparation (des droits) doit néanmoins être apportée dans un délai utile», précise le juge Wagner au nom de la majorité de la Cour. Délai utile? Un an? Cinq ans? Dix ans? Ou une autre décennie de contestations judiciaires pour définir ce qu'est un délai utile?

En refusant depuis longtemps aux Franco-Colombiens des droits que leur garantit la Constitution, la Colombie-Britannique a non seulement privé les francophones d'une éducation française de qualité égale mais elle a littéralement volé et dépensé ailleurs les fonds qui auraient dû servir aux écoles de langue française. La Cour aurait dû ordonner au gouvernement de la C.-B. de rembourser, tout de suite, les sommes volées par la majorité anglophone. Permettre à la province de retarder encore la construction de certaines écoles, c'est lui permettre de continuer à violer la Constitution et de refuser à la minorité franco-colombienne des fonds publics qui leur appartiennent de droit.

Réserver un tel sort à des Anglo-Québécois deviendrait une cause majeure dans l'ensemble du Canada anglais, avec des torrents de colère haineuse, des accusations de racisme et un appel à l'intervention du gouvernement canadien ou de l'ONU... Mais quand il s'agit des droits des francophones hors-Québec, c'est au mieux du menu fretin pour la presse et les autorités anglo-canadiennes. Le jour du jugement de la Cour suprême, le gouvernement de la Colombie-Britannique a émis un communiqué «bilingue» sur la pandémie (en anglais, avec traduction chinoise!) mais n'a pas fait d'annonce officielle au sujet de sa défaite devant le plus haut tribunal du pays, qui la condamnait pour discrimination envers sa minorité de langue française...

La Colombie-Britannique n'a que faire des droits des francophones... Elle n'a qu'à continuer à retarder, retarder et retarder, de tribunal en tribunal, de décennie en décennie, jusqu'à ce que le nombre de Franco-Colombiens ne justifie plus la présence d'écoles françaises... N'oubliez pas, l'article 23 garantit l'école française aux minorités «là où le nombre le justifie»...

Moi, j'appelle ça un génocide culturel et ce qui se passe à l'ouest des Rocheuses devrait inquiéter l'ensemble de la francophonie canadienne et québécoise. L'Alberta, la Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince Édouard, Terre-Neuve et les Territoires du Nord-Ouest ont appuyé la Colombie-Britannique dans cette cause. La Cour suprême vient de fournir à ces derniers un mode d'emploi. Cette histoire est loin d'être terminée...

Un dernier mot pour nous, Québécois. Pensons-y en deux fois avant de permettre aux francophones et aux allophones d'aller grossir les rangs des anglophones au niveau collégial... de financer notre propre anglicisation... Un jour, à moins de se donner un véritable pays de langue française, une future génération de juges de la Cour suprême finira par mettre le dernier clou à notre cercueil...





2 commentaires:

  1. « We are in Canada, everybody should speak english ». –gérante du restaurant McDonald's du Marché central, à Montréal, 2018 Elle a raison… réveillons-nous !

    Mon grand-père avait raison : les Trudeau sont menteurs de père en fils !


    Le Canada bilingue de Trudeau ????

    Le rêve de Trudeau père relève aujourd’hui d’un fantasme irréaliste : le Canada est de moins en moins bilingue ?

    Je dirais plutôt un génocide culturel prémédité !

    « Un gouvernement libéral fera de la promotion du français une priorité. » -Justin Trudeau

    https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10153550867058140&set=a.232916908139&type=1&theater

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  2. Les Anglo-Québécois seraient confrontés à une année difficile en matière de respect de leurs droits linguistiques :
    Trois écoles à moitié pleines? Tous ces petits bouts de choux, majoritairement italiens de souches dans l’est de Montréal ont été regroupés dans une école et vous courez à leur secours. C'est quoi votre affaire ???
    Dans le ROC, pouvez-vous me donner un seul exemple où trois écoles à quelques kilomètres l’une de l’autres sont la moitié vides?
    Des réunions au moins une fois par mois pour parler de l’actualité de chaque province… voir le Québec :
    « We are in Canada, everybody should speak english ». –gérante du restaurant McDonald's du Marché central, à Montréal, 2018 Elle a raison… réveillons-nous !

    TRANSFERT D’ÉCOLES DE LA COMMISSION SCOLAIRE ENGLISH-MONTRÉAL
    LA COLÈRE GRONDE CHEZ LES PARENTS D’ÉLÈVES
    3 juillet 2019

    https://www.facebook.com/peterpierreschneider/posts/2639131149438551


    plus.lapresse.ca/screens/26ee3362-8a0d-473f-bfee-4a04694111fe__7C___0.html?utm_medium=Facebook&utm_campaign=Internal+Share&utm_content=Screen&fbclid=IwAR2A_NJM7kXlX0GvM1WGRIFaMEaxIb5jq9ZuZZfEhsaXnWuX3h84JUOivJ4
    « Nous devons combattre la loi 101 et permettre aux élèves québécois de choisir [leur langue d’enseignement]. » — Steven Assaf
    « Il faut laisser le choix aux immigrants », a dit la femme, répétant qu’il fallait « révoquer la loi 101 ».
    Loi 101? Plutôt la suite des écoles de St-Léonard!
    http://ici.radio-canada.ca/emissions/tout_le_monde_en_parlait/2009/Reportage.asp?idDoc=82221&fbclid=IwAR29gp4oKEt2M6SprlEQ5qI3SoNDjZ87HsThe8u8FB4J5hshGIq0nLK5XCI

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