Pour les vrais amateurs de hot dogs, hamburgers et frites, le village franco-ontarien d'Alfred comptait - du moins jusqu'à tout récemment - parmi les destinations incontournables. Dans un concours de capitale mondiale pour ce genre de bouffe, cette localité d'un millier d'habitants sur la vieille 17 entre Ottawa et Montréal aurait probablement remporté la palme... Or, je viens d'apprendre par Radio-Canada (bit.ly/2Crjcn4) que trois des quatre derniers casse-croûtes d'Alfred ont fermé leurs portes, y compris mon préféré, le Resto Miss Alfred...
En allant à Montréal ou en revenant vers Gatineau, j'ai toujours préféré l'ancienne route 17 à la demi-autoroute 50 du côté québécois et à la 417 en Ontario. Entre le trajet terne et endormant de l'autoroute ontarienne et l'inquiétude constante d'éviter les collisions frontales sur la 50 à deux voies, pourquoi ne pas suivre la route qui frôle ou traverse les villes et villages de l'Est ontarien...
Au coeur de l'itinéraire, entre Hawkesbury et Plantagenet, se dresse le clocher de St-Victor d'Alfred, que l'on peut apercevoir à des kilomètres de distance quand on roule en direction d'Ottawa. La route 17 étant aussi la rue principale (rue St-Philippe) et la limite de vitesse étant sévèrement contrôlée à 50 km-h, on a le temps d'apprécier l'allure authentique de village qui caractérise Alfred.
Il n'y a pas de doute qu'on se trouve ici en territoire franco-ontarien. La plupart des affiches sont bilingues mais plusieurs noms et descriptifs de commerce sont présentés en français seulement. On remarquera la maison funéraire, qui s'appelle Lamarre... Mais surtout, du moins jusque'à l'an dernier, on guettait les célèbres casse-croûtes qui ont fait la renommée du village...
Je ne sais pas si beaucoup de gens agissaient comme nous, mais mon épouse et moi faisions un peu exprès d'arriver dans le secteur d'Alfred vers l'heure du lunch pour s'arrêter à notre casse-croûte préféré, le Resto Miss Alfred, dernier du village en roulant vers la métropole, premier en sens inverse. Avec ses gros barils aménagés en table et le grand auvent bordé de rouge, on pouvait difficilement le manquer.
On plaçait les commandes à l'intérieur dans un mini-espace resto, et je dois avouer que nous commandions toujours le même repas - un hot dog moutarde sucrée maison et une frite, avec une boisson gazeuse. Si ce n'avait été que de l'accueil souriant en français (pas de bonjour-hi...) et de la saveur de la bouffe, c'aurait déjà été suffisant. Mais il y avait plus...
En attendant de recevoir notre commande, la propriétaire Suzanne Villeneuve avait toujours quelque mets à offrir gratuitement aux clients. La dernière fois que nous y sommes allés, elle nous avait servi des casseaux remplis de soupe au pâté chinois, une invention maison. C'était délicieux. Et elle avait ajouté un morceau de gâteau maison comme dessert, sans frais additionnels. Pas étonnant qu'on retournait à chaque occasion (ce qui n'était pas souvent, malheureusement).
Cette année, avec la pandémie, nos déplacements vers Montréal (où demeure l'une de nos filles) ont été annulés et là, je viens d'apprendre que Miss Alfred, qui aurait célébré bientôt ses 50 ans, n'y sera plus. Décidément, tout ne sera plus jamais comme avant. Jadis, en empruntant la route 148 du côté québécois, il y avait un excellent casse-croûte à Fassett. Faudra peut-être renouer, faute de Miss Alfred.
On n'a pas à chercher longtemps ce qui a tué les casse-croûtes d'Alfred. Le premier coup a été asséné avec l'ouverture de l'autoroute 417 durant les années 1970. Elle a entraîné loin vers le sud une grande partie des automobilistes qui prenaient la 17... Puis vlan, le demi-autoroute 50, qui a sans doute rapatrié au Québec une partie de ceux et celles qui empruntaient une route ontarienne entre Montréal et l'Outaouais urbain. Et enfin, le dernier mais non le moindre, un Tim Hortons a ouvert ses portes à quelques pas du Miss Alfred il y a quelques années... C'était probablement le clou dans le cercueil...
Je n'ai rien contre les Tim Hortons, ou les McDo, ou les A&W et autres du même genre, mais aucun d'eux n'arrivait à la cheville de Miss Alfred, tant pour la saveur que pour le prix que pour le service. J'aimerais bien que Mme Villeneuve reconsidère sa décision de fermer, ou qu'elle trouve un successeur capable de poursuivre la tradition...
Une pétition, peut-être???
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